Afleveringen

  • La Tunisie revient en force sur le marché du textile professionnel, pourtant dominé par les pays asiatiques. En déroute depuis quelques années, le secteur tunisien est de nouveau en croissance grâce à une montée en gamme et à sa proximité géographique avec l’Europe.

    En présentant ses différentes collections, Amor Mlika, directeur de quatre usines de production de vêtements de travail et de protection vers Nabeul, sur la côte est du pays, est conquérant : « Ce que vous avez devant vos yeux, c’est un uniforme pour la police anglaise. Un autre pour la garde nationale espagnole. Nous fournissons la police en Allemagne. J’espère qu’on aura l’occasion d’attaquer le marché français ».

    Réactivité et proximité

    La concurrence chinoise, plus compétitive au niveau des prix, a longtemps sapé les exportations tunisiennes. Mais la proximité géographique de la Tunisie avec l'Union européenne a permis de renverser la tendance. Les clients veulent désormais un approvisionnement proche et efficace.

    « Pas mal de fournisseurs asiatiques, principalement pour les tenues de lutte contre le feu, ramènent chez eux des tissus européens, font les confections et exportent à nouveau vers l’Europe, explique Amor Mlika, alors que chez nous, il y a moins de stocks, moins de pression sur la liquidité, plus de réactivité et une proximité pour l'assistance technique et l'accompagnement. Donc, tout ça, c'est des atouts qu'on a su mettre en valeur et nous nous sommes adaptés au contexte actuel. »

    Les certifications environnementales sont désormais une condition sine qua non pour exporter en Europe. Les professionnels tunisiens se sont mis au niveau et sont montés en gamme.

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    Des champs pétroliers libyens aux mines camerounaises

    La conquête de nouveaux marchés a débuté suite à la pandémie de Covid-19 après une refonte importante du secteur. « On a décidé d’aller vers le premium, vers une qualité textile technique. Donc, ce n'est plus le basique pantalon quatre poches que personne maintenant n'ose porter. Là, on se rapproche plutôt du fashion, de tout ce qui est stylé et ça devient plutôt du prêt-à-porter pour le travail. Ce n'est plus du vêtement de travail simple », explique Tarek Ben Haj Ali, PDG du groupe Workman et vice-président de la Fédération tunisienne du textile et de l'habillement.

    « Nous avons par exemple cette innovation : ce jean est un jean 100% imprimé, donc c'est un jean qui consomme 98% moins d'eau qu'un jean classique », montre Tarek Ben Haj Ali.

    Le « prêt-à-porter au travail » tunisien séduit aussi en Afrique. Les contrats affluent, assure le PDG du groupe Workman : « On vient de signer avec le gouvernement libyen pour habiller les dix entreprises pétrolières étatiques libyennes par exemple. Elles totalisent à peu près 80 000 personnes. On travaille aussi au Cameroun, avec les mines de diamants. Il y a pas mal de confrères qui travaillent et qui viennent de certifier des combinaisons pour le nucléaire, par exemple ».

    Un secteur en croissance qui lorgne également vers la Russie. Même si la Chine et le Bangladesh restent les premiers fournisseurs de l'Union européenne.

  • Au Nigeria, le gouvernement a approuvé la commercialisation de variétés OGM de maïs, niébé, coton et soja en janvier dernier, mais leur culture démarre timidement. La technologie transgénique est concédée sous licence libre de droits par Bayer (détenteur de Monsanto) à l’Institut de recherche agricole de l'Université de Zaria. Celle-ci vend des semences de maïs, conçues pour résister à la fois à la sécheresse et aux infestations d'insectes. Exemple sur la première récolte de maïs OGM d'un agriculteur à Suleja, dans le centre du Nigeria.

    De notre envoyé spécial à Suleja,

    Baba Yola observe ses ouvriers agricoles. C'est la récolte du maïs transgénique, semée en juin dernier par cet agriculteur. C'est la première fois que Baba Yola cultive des OGM. Il scrute chaque geste pour éviter les pertes. Car investir dans le transgénique coûte cher. « J'ai acheté 20 kg de maïs Tela pour 86 000 nairas, explique-t-il. Vingt kilos de semences traditionnelles, cela doit valoir entre 28 000 et 30 000 nairas. Je ne sais pas comment ils peuvent rendre abordable le maïs OGM pour que tous les agriculteurs puissent y avoir accès. Le maïs Tela est en vente même s’il est difficile à trouver. Si vous ne le commandez pas, vous ne l'obtiendrez pas à temps. »

    Pas de stratégie commerciale définie

    Baba Yola a acheté ses semences auprès de l'Institut de recherche agricole (IRA) de l'Université de Zaria, dans le centre nord du Nigeria. Créé en 1922, cet institut a notamment pour mandat l'amélioration génétique du maïs, du niébé, du sorgho ou encore du coton.

    « Cette année, nous commençons avec trois tonnes de maïs TELA, précise son directeur, le professeur Ado Yusuf, qui supervise en personne la distribution du maïs transgénique. D’autres semenciers privés enregistrés en reçoivent également et les vendent. Mais pour l'instant, de notre côté, il n'y a pas de stratégie commerciale définie. Les semences sont disponibles ici. Vous frappez à la porte de notre institut de recherche, nous vous distribuons les graines. Nous n'avons pas l'intention d'avoir de succursales dans tout le pays. »

    « Avec les OGM, les agriculteurs deviennent dépendants des distributeurs »

    Le Nigeria est l'un des sept pays africains impliqués dans le projet TELA Maize. Un partenariat public-privé, où la multinationale Bayer Cropscience (anciennement Monsanto) permet l'utilisation gratuite de sa technologie transgénique.

    Mais des voix s'inquiètent de la commercialisation des OGM au Nigeria. « Avec les OGM, les agriculteurs deviennent dépendants des distributeurs, des fabricants de semences ou des sociétés de biotechnologie, année après année, pour obtenir des semences, s’inquiète Joyce Brown, d'une Fondation intitulée Health of Mother Earth Foundation (HOMEF). Parce que la plupart de ces semences transgéniques sont conçues pour ne pas bien produire après la première saison de plantation. L'objectif étant de faire du profit, pas nécessairement de lutter contre la faim ou l'insécurité alimentaire. »

    De son côté, Baba Yola se dit prêt à racheter des semences transgéniques pour l'an prochain. Il a subi moins de pertes que d’habitude, mais la céréale, destinée à l'alimentation humaine, n’a pas tout à fait le même goût, alors il se prononcera en fonction des résultats des ventes de son maïs.

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  • Petronas quitte le Soudan du Sud après près de 30 ans d’exploitation pétrolière, accusant le gouvernement de bloquer la vente de ses actifs. Ce départ de l'entreprise pétrolière malaisienne, sur fond de crise environnementale et de déclin économique, soulève des questions sur l’avenir de l’industrie d'or noir dans le plus jeune pays du monde.

    Seule source de revenus pour l’État sud-soudanais, l’industrie pétrolière est en pleine crise. La production est passée de 300 000 barils par jour lors de l'indépendance en 2011 à moins de 50 000 barils en 2024, en grande partie à cause de la guerre au Soudan.

    Pour Boutros Manani Magaya, président du sous-comité sur le pétrole de l’Assemblée nationale, le départ de Petronas est un coup dur : « Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’investissements supplémentaires dans ce secteur pour augmenter la production ou pour la maintenir au même niveau ? Cela soulève vraiment des questions. Nous savons que le Soudan du Sud a de grandes réserves de pétrole. Pourquoi Petronas et les autres compagnies n’ont-elles pas continué à investir dans l’industrie ? »

    La pollution dénoncée

    Les raisons pourraient se trouver dans les audits financiers et environnementaux à venir, qui pourraient expliquer ce départ précipité.

    Les accusations de pollution liées à l’industrie pétrolière ne cessent de croître. Gizam Moses, représentant de la Coalition de la société civile sur les ressources naturelles (CSCNR), évoque des conséquences graves pour les populations locales : « Nous avons obtenu de nombreux rapports au sujet d’enfants nés avec de graves difformités à cause de l’exposition des femmes enceintes à la pollution pétrolière. Ces récits sont des indications claires que nos lois gouvernant l’exploitation des ressources naturelles ne sont pas respectées par les entreprises qui opèrent dans notre pays. »

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    Les entreprises appelées à rendre des comptes

    Pour Joseph Africano Bartel, sous-secrétaire au ministère de l’Environnement, les entreprises responsables ne pourront pas échapper à leurs obligations, même après leur départ : « Quiconque est venu dans ce pays avant l’indépendance, profitant de l’absence de lois et de contrôle en pensant qu’ils allaient gagner de l’argent tout en négligeant l’environnement, ceux-là devraient bien réfléchir. Car ils ne vont pas disparaître. Petronas ou toute autre compagnie active au Soudan du Sud et ne protégeant pas l’environnement seront tenues responsables. »

    Bartel cite en exemple les 12 milliards de dollars que le pétrolier anglo-néerlandais Shell a dû payer aux victimes de la pollution pétrolière dans le delta du Niger.

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  • Le Soudan du Sud connaît l’un des taux d’inflation les plus élevés au monde : 55 % en un an, selon le Fonds monétaire international (FMI). C’est la conséquence de la crise économique profonde que connaît ce pays ravagé par le changement climatique et l’instabilité, et qui importe presque tout ce qu’il consomme. Sa seule source de devises provient des exportations de pétrole, mais depuis mars cette année, le pipeline est à l'arrêt. Malgré les annonces de reprise prochaine de l'exportation, la situation met en exergue le besoin de diversification de l'économie.

    De notre correspondante à Juba,

    « La nourriture est chère, tout est hors de prix, beaucoup de gens ont faim ! Qu’allons-nous faire ? », s’inquiète Sarah Alphonse. À Souk Libya, l’un des marchés de la capitale sud-soudanaise, cette femme frêle de 37 ans vient d’acheter des feuilles de niébé pour les cuisiner avec de la pâte d’arachide. « C’est super cher ! Il y en a pour 8 000 livres, alors qu’avant, tout ça ne coûtait que 500 livres !, assure la mère de quatre enfants. Tout est cher, la farine est chère, les gens n’en peuvent plus, nous sommes malades, nous n’avons pas d’argent pour nous soigner. Nous nous demandons ce que fait le gouvernement ? »

    La livre sud-soudanaise a perdu quatre fois sa valeur face au dollar. Conséquence : le prix des biens de première nécessité s’envole. Le gouvernement a annoncé en septembre la mise en vente de produits alimentaires à des prix subventionnés, et la Banque centrale a injecté des dollars sur le marché des devises. Mais comme beaucoup, Rose Poni Eluzai, une autre cliente du marché de Souk Libya, n'a pas observé d'amélioration. « Je n’ai pas entendu parler de ces mesures. C’est vrai que le dollar est devenu moins cher. Le taux de change est plus favorable, mais les prix sont restés les mêmes sur le marché. Rien n’a changé, martèle-t-elle. Et ici, nous n’avons reçu aucun produit alimentaire subventionné par le gouvernement pour aider les gens. »

    « La remise en route de l’oléoduc n’est qu’une solution de court terme »

    Plus de 90 % des revenus propres du pays dépendent des exportations du pétrole qui se fait via deux oléoducs qui transportent le brut sud-soudanais vers Port Soudan, sur la mer Rouge. Or, depuis mars cette année, le pipeline transportant 70 % du pétrole est arrêté à cause de la guerre qui fait rage au Soudan.

    Si le ministère du Pétrole a annoncé la reprise prochaine des exportations, le président de la Chambre de commerce de l’État d’Équatoria Central, Robert Pitia observe, lui aussi, les limites des mesures prises pour contrôler l’inflation. Pour lui, d’ailleurs, même la reprise des exportations de pétrole ne suffira pas à sortir le pays de la crise. « La remise en route de l’oléoduc n’est qu’une solution de court terme. Pour faire baisser les prix de l’alimentation, le gouvernement doit développer la production agricole, et créer un environnement propice pour que des investisseurs étrangers développent des projets de production agricole massive », analyse Robert Pitia.

    Une diversification de l’économie d’autant plus souhaitable que l’incertitude entoure la reprise des exportations de pétrole, comme le souligne Daniel Akech Thiong, de l’International Crisis Group (ICG) : « Si les parties en conflit au Soudan ne concluent pas un cessez-le-feu dans les zones situées sur le parcours du pipeline, le scénario qui a conduit à l’arrêt de l’oléoduc risque de se répéter. » La baisse du prix du pétrole et une demande mondiale en berne jouent également en défaveur des finances publiques sud-soudanaise, dépendantes à plus de 90 % de l'or noir.

  • À Nairobi, l’évènement Inspire & Connect, organisé par Bpifrance, la Banque publique d’investissement française, s’est tenu vendredi novembre 2024. La journée a réuni quelques centaines d’investisseurs et décideurs économiques africains et français. Cela dans l’objectif de développer des partenariats entre entrepreneurs des deux pays et encourager les entreprises françaises à s’implanter dans la région.

    De notre correspondante à Nairobi,

    À Nairobi, entre panels de discussions et ateliers thématiques, les participants échangent, se rencontrent. Une délégation de huit entreprises françaises est au Kenya pour l’occasion. Parmi elles, Matières, spécialisée dans la fabrication et la conception de ponts modulaires métalliques. Elle est déjà présente en Afrique de l’Ouest et Centrale. Vincent Lerond son responsable de secteur est venu à Nairobi avec une ambition : « Essayer de décrocher un marché un peu plus conséquent avec ce qu’on appelle un lot de ponts. Plutôt que de livrer un seul pont, c'est monter un projet avec les autorités kényanes avec un ensemble de ponts. Donc, on est intéressés effectivement à se développer sur l’Afrique de l’Est. Et le Kenya est vraiment une bonne porte d’entrée pour des pays comme la Tanzanie, l’Ouganda. »

    En 2020 déjà, le président français Emmanuel Macron appelait les entreprises françaises à s’implanter au Kenya. L’intérêt est croissant, elles sont aujourd’hui 140 dans le pays, contre 35 en 2012. Dans une grande diversité de secteurs : énergie, grande distribution ou encore agriculture.

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    « Des profondeurs de marché exceptionnelles » en Afrique de l'Est

    Pour Yves Battesti, responsable Afrique de l’Est pour Bpifrance, les opportunités dans la région sont encore trop méconnues. « C’est vrai que, lorsque l’on discute avec les entreprises françaises que Bpifrance accompagne, chaque année en France, celles qui sont exportatrices en Afrique ont surtout l’habitude de prospecter les géographies ouest-africaine. Et cela a trait probablement à la facilité d’accès de marché, pour ces entreprises françaises, du fait de la proximité linguistique, de la devise également naturellement et de tout un ensemble de facteurs. Ce qu’on a identifié, il y a plusieurs mois en Afrique de l’Est, c’est qu’il y a des profondeurs de marché qui sont tout aussi exceptionnelles, ajoute Yves Battesti. Quand on regarde les taux de croissance consolidés de l’ensemble des pays d’Afrique de l’Est, il est supérieur au taux de croissance consolidé de l’ensemble de l’Afrique subsaharienne. Cette croissance tire les opportunités de marché pour entreprises kényanes, entreprises françaises. »

    Financer les industries locales

    Des opportunités dans les domaines de la tech, de l’énergie et des transports notamment. James Mwangi, directeur général de la banque kényane Equity Bank, y voit aussi un atout pour les industries locales. « Depuis 60 ans, l’Afrique exporte principalement des matières brutes. Pourquoi est-ce qu’on n’utiliserait pas la technologie, les connaissances et les capitaux français pour ajouter de la valeur aux produits africains ? Que ce soit le thé, le café ou le cacao. »

    Un protocole d’accord vient justement d’être signé entre Bpifrance et Equity Bank pour cofinancer des partenariats entre les entreprises des deux pays.

  • Plus de 85 % des bananes produites en Afrique sont exportées vers l’Europe, mais elles font face à la concurrence des bananes d’Amérique latine, qui dominent le marché. La hausse des coûts et la pression des grandes surfaces aggravent la situation, rendant difficile la rentabilité des producteurs africains. Récemment, à Abidjan, les acteurs de la filière se sont réunis pour trouver des solutions en faveur des travailleurs.

    De notre correspondant à Abidjan,

    La Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Ghana, les trois piliers de la production africaine de bananes, luttent pour renforcer leur présence sur le marché européen. Depuis longtemps, ils se retrouvent face à la concurrence écrasante des géants latino-américains, qui dominent largement ce secteur. « Nous sommes face à des géants qui produisent 15 millions de tonnes, alors que nous, les trois pays ensemble, arrivons à produire 600 000 tonnes, souligne Jean-François Billot, secrétaire général d’Afruibana, une organisation qui réunit des producteurs et exportateurs du continent. Ils sont plus de 25 fois plus gros que nous et pourtant, entre 2015 et 2023, nous, en Côte d'Ivoire, avons réussi à porter notre part de marché de 4,4 à 5,1 dans l’Union européenne », se félicite-t-il.

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    Valeur réelle en chute de 20 %

    Pourtant, les marges restent faibles. Les bananes africaines, conformes aux normes strictes de qualité, sont achetées à bas prix, notamment par rapport à d’autres fruits. « Nous produisons une banane propre et pourtant, c’est le fruit le moins cher sur les étals, déplore Jean-Marie Kakou-Gervais, président de l’Obam-CI (Organisation des producteurs exportateurs de bananes en Côte d’Ivoire). Une pomme produite en Normandie et vendue à Paris coûte deux à trois fois plus cher que notre banane, qui parcourt des milliers de kilomètres dans des conditions de transport techniques contraignantes. »

    Vers un salaire décent en Côte d’Ivoire

    Malgré ces difficultés, la Côte d’Ivoire, premier producteur africain avec 382 000 tonnes de bananes par an, s’engage à améliorer les conditions de vie des 13 000 travailleurs du secteur. En septembre dernier, un accord a été signé pour harmoniser les pratiques salariales et instaurer un salaire décent d’ici à 2026. « Avec l’inflation, le salaire actuel ne nous permet plus de vivre convenablement, juge Koffi Blaise, président de la Fédération des travailleurs de la filière. Nous réclamons un salaire qui nous assure une vie décente. Il est temps que producteurs et travailleurs se mettent à la table des négociations. »

    En huit ans, la valeur réelle du kilo de banane a chuté de 20 %. Pour certains producteurs et exportateurs, l’instauration d’un salaire décent reste conditionnée à une revalorisation du prix d’achat sur le marché européen.

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  • Lors de la COP26, le premier JETP (Partenariat pour une transition énergétique juste) voyait le jour : un partenariat où les pays occidentaux s'engageaient à soutenir financièrement la transition énergétique sud-africaine à hauteur de 8,5 milliards de dollars (8 milliards d’euros). La somme promise atteint désormais près de 13 milliards de dollars, selon la Commission présidentielle pour le climat, avec des engagements additionnels d’autres pays. Mais les défis sont encore nombreux à surmonter.

    De notre correspondante à Johannesburg,

    Depuis le premier JETP, un plan d’investissement a vu le jour, estimant à plus de 90 milliards d’euros les besoins afin de réaliser une transition énergétique d’ici à 2027. Outre que la somme du partenariat initial est donc loin du compte, et qu’elle est constituée principalement de prêts et non de subventions, la distribution des fonds est aux yeux des autorités sud-africaines trop compliquée. « Chaque pays amène de l’argent de façon séparée, déplore Joanne Yawitch, qui gère le financement des projets au sein de la présidence. Ce n’est pas comme si on avait directement accès à une somme globale. Les contributions britanniques sont accordées de telle façon, les contributions américaines à travers un autre mécanisme, et pour d’autres objectifs… On a affaire à un ensemble d’investissements assez complexe, avec chaque pays qui utilise sa méthode habituelle de financement avec l’Afrique du Sud. »

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    Les citoyens ne sont pas consultés

    Du côté de la société civile, on regrette déjà un manque de transparence au niveau de la distribution des subventions, mais aussi lors du choix des trois volets prioritaires — décarbonation de l’électricité, véhicules électriques et hydrogène vert. « Je pense qu’il y a eu beaucoup de scepticisme du fait que les secteurs prioritaires aient été sélectionnés avant d’avoir consulté les citoyens, constate Leanne Govindsamy, du Centre pour les droits environnementaux (CER). Par exemple, pour l’instant, en ce qui concerne les subventions, il y a eu davantage d’argent dépensé pour le secteur de l’hydrogène vert que pour le développement de nouvelles compétences. On peut donc se questionner sur ces choix, et se demander si les pays donateurs viennent avec leurs idées prédéterminées ou s’ils écoutent pour savoir ce qui peut fonctionner le mieux en Afrique du Sud. »

    Un abandon du charbon qui est difficile

    Après de nouvelles consultations, un plan d’action a finalement inclus d’autres volets à financer. Mais depuis, Pretoria a aussi décidé de retarder de six ans la mise hors service d’au moins trois de ses centrales. Il n’est pas évident pour le pays, qui produit près de 80 % de son électricité à base de charbon, d’effectuer une transition rapide. « Nous avons eu des problèmes de pénurie d’énergie en Afrique du Sud, explique Seutame Maimele, de l’institut de recherche TIPS (Trade and industrial policy strategies). Donc, la question de la sécurité énergétique est un sujet-clé. Et on sait aussi qu’il y aura beaucoup de travailleurs de la filière du charbon qui seront touchés, surtout dans la région du Mpumalanga. En tout, on parle de 150 000 à 200 000 emplois qui dépendent de la filière. »

    Juste en amont de la COP29, l’Agence française de développement (AFD) a annoncé un déblocage de 400 millions d’euros, un prêt qui fait partie des promesses de la COP26, et qui devrait servir à soutenir les dimensions « justes » de la transition. Mais l’exemple raté de la transformation du site de la centrale de Komati, projet financé par la Banque mondiale et qui n’a que peu profité aux populations locales depuis 2022, renforce les doutes des communautés sud-africaines vivant du charbon.

    Beaucoup d’autres questions restent en suspens, comme le choix du futur mix énergétique du pays. Mais le plus gros pollueur du continent sera bien obligé de transformer ses moyens de production, s’il veut continuer à exporter vers l’Europe malgré la taxe carbone aux frontières.

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  • Dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), suite aux offensives des rebelles du M23, le prix des denrées alimentaires a grimpé dans la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, qui compte plus d'un million d'habitants. Les aliments les plus consommés, comme les pommes de terre et les haricots, ont vu leur prix doubler sur les marchés de Birere et Kituku, dont dépendent les Gomatraciens.

    De notre correspondant à Goma,

    Au marché des produits vivriers de Birere, les commerçants se plaignent du manque de clientèle. Mais aussi des taxes imposées par les groupes armés, qui ont fait grimper les prix en RDC. « Cette qualité de haricots multicolores se vend à 65$ par sac, le haricot rouge à 70$, un sac de pommes de terre se négocie à 95$ ! », observe l'un d'eux, Bahufite Ntihemuka.

    En raison de la baisse de la production dans les régions de Masisi, Rutshuru et de la fermeture des routes, les produits vivriers sont de plus en plus rares à Goma. Grossiste en pommes de terre sur ce marché de Birere, Neema Ngarukiye a du mal à écouler sa marchandise, trop chère, et a aussi du mal à se la procurer : « Avant la guerre, je déchargeais dix camions par jour. Aujourd'hui, je ne parviens même pas à vendre un camion. »

    Doublement des prix sur les marchés

    Haricots, légumes, pommes de terre, les aliments les plus consommés à Goma ont vu leur prix doubler. Cette inflation nuit au pouvoir d'achat des familles. Assise sur une pierre volcanique devant son petit commerce d'habits féminins dans le quartier Ndosho, à l'ouest de Goma, Céline Mbuhu affirme qu'aujourd'hui, elle a des difficultés à nourrir ses enfants :

    « Nous vivons difficilement à cause de la guerre du M23. Auparavant, même avec mes sept enfants, je pouvais facilement m'approvisionner pour le repas du soir avec 5 000 francs congolais [1,7$]. Aujourd'hui, c'est quasiment impossible. »

    Bananes et charbon traversent le lac Kivu

    Depuis l'avancée des rebelles du M23 qui ont encerclé la ville de Goma, l'approvisionnement en vivres est devenu un casse-tête. À une dizaine de kilomètres, au bord du lac Kivu, le marché de Kituku est devenu le seul espoir pour la survie de Goma. Les produits alimentaires quittent le territoire de Masisi, Minova et Buzi-Bulenga, dans la province du Sud-Kivu, et ils arrivent en masse chaque lundi et jeudi, jours de marché. Zawadi Emilliane est une commerçante qui traverse le lac Kivu, pour y vendre ses bananes plantains :

    « J'amène au moins dix régimes de bananes et si je gagne beaucoup, j'obtiens 10 000 francs CFA », se félicite-t-elle. Même le charbon, qui venait de Masisi et Rutshuru, provient désormais de Kalehe. « Il y a beaucoup d'activité au marché de Kituku, observe son président Chance Kanane. Les ventes de charbon de bois peuvent dépasser les 5 000 sacs le lundi et le jeudi, jours de marché. »

    En attendant la fin de la guerre et la réouverture de la route Goma-Sake-Minova, la voie maritime sur le lac Kivu est devenue capitale pour approvisionner la population de Goma, grossie par les déplacés des alentours.

  • Le Congo s’apprête à lancer les travaux de construction d’un nouveau barrage, celui de Sounda, dans le sud du pays. Le but est d’augmenter l’offre d’électricité dans un pays qui connaît d’importantes coupures et un faible taux d’industrialisation.

    De notre correspondant à Brazzaville,

    La rivière Sounda abritera ce nouveau barrage, dont le coup d’envoi des travaux de construction sera donné en janvier 2025. Il est situé dans le Kouilou, la région qui abrite Pointe-Noire, la capitale économique du Congo. Les travaux s’étaleront sur cinq ans et seront réalisés par l’entreprise chinoise China Overseas Company Limited. La production attendue est entre 600 et 800 mégawatts. « C’est un barrage, un grand ouvrage de travaux publics et même de grands travaux, commente Thierry Moungalla, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement. Il a un coût élevé qui peut tourner autour de 1 300 milliards de FCFA [plus de 1,9 million d’euros]. Les mécanismes de financement sont huilés avec les grands partenaires que sont nos amis chinois », indique-t-il.

    Préfinancement chinois

    En cette période de restructuration des dettes africaines, le recours au préfinancement chinois a probablement eu la faveur des autorités congolaises, estime l’analyste économique Alphonse Ndongo. « Par ces temps d’assèchement financier au Congo, je ne vois pas où est-ce que le gouvernement peut trouver des fonds pour financer la construction de cet important barrage. C’est un préfinancement chinois et je pense qu’il doit s’asseoir sur le modèle qu’on appelle build-operate-transfer, qui veut simplement dire que vous construisez, vous exploitez et cela vous permet de vous faire rembourser selon une période de concession que l’État va certainement trouver entre lui et l’opérateur chinois ».

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    Attirer les investisseurs

    Officiellement, le Congo produit déjà 720 mégawatts, mais une bonne partie se perd dans le réseau de distribution, mal entretenu, selon les spécialistes. La production de Sounda s’ajoutera à cette puissance. « Cela va doper l’offre de fourniture d’énergie aux ménages, anticipe Alphonse Ndongo. Mais aussi, dans un contexte où l’on parle d’industrialisation, à l’orée de la Zlecaf [Zone de libre échange continentale africaine, Ndlr], c’est-à-dire le marché de libre échange, il faut bien que le Congo ait des propositions en matière d’industrie à faire ».

    « L’électricité est un facteur important, renchérit Mermans Babounga de l’Observatoire des droits des consommateurs. Et, si on veut attirer les investissements directs étrangers, il faut que l’offre d’électricité soit suffisante dans le pays. Donc, nous avons bon espoir qu’avec la construction du barrage de Sounda, le pays va attirer de gros industriels qui viendront investir dans le pays. Et, cela va participer à créer des emplois que les jeunes attendent ».

    Le Congo produit déjà plus d'électricité que ses besoins en consommation locale. Mais il en exporte une partie et son réseau électrique n’est pas suffisamment développé pour desservir l'ensemble de la population.

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  • Au Sénégal, c’est une année noire pour les transformateurs de noix de cajou et cette industrie balbutiante. Alors que plusieurs entreprises agro-industrielles locales ont misé sur le secteur de l’anacarde, espérant reproduire le succès ivoirien, c’est tout l’inverse qui se passe cette année. Entre hausse des prix de la matière première et une mauvaise récolte, quasi l’intégralité des entreprises de transformation de la noie de cajou risque de mettre la clef sous la porte.

    Avec notre envoyée spéciale en Casamance,

    « Ici, on est au département du décorticage ». Iman Drame, directeur d’une usine de transformation de noix de cajou, nous guide dans son entrepôt. À sa gauche, un tapis roulant, une machine à trier, mais depuis le mois de mai dernier, tout est à l’arrêt. « Nous sommes en arrêt de production faute de matière première parce que cette année la matière première a été très chère, il y a eu des spéculations, ce qui fait que nous n’avons pas pu acheter pour pouvoir travailler », explique-t-il.

    Cet entrepreneur de 54 ans, qui a monté son entreprise à Ziguichor en 2004, décrit le cercle vicieux auxquels font face les transformateurs de cajou. Une mauvaise récolte, 50, voire 60% de cajou en moins cette année suite à des vents chauds au moment de la floraison, avec pour résultat des noix de cajou devenues impayables voire inaccessibles. Car elles sont vendues au prix fort à la concurrence étrangère plutôt qu’aux entreprises de transformations sénégalaises. Iman Drame a dû mettre huit employés au chômage technique et interrompre le contrat de 90 journalières.

    « Cela a des conséquences très lourdes »

    Pour Jacques Birham Seck, à la tête d’Ethicajou, un transformateur équitable à 180 km de là, près de Kolda, c’est encore pire. « C’est le licenciement pour motif économique pour les 19 permanents que nous avions, mais également pour la centaine de femmes qui intervenaient comme journalières dans les différentes sections de la transformation. Elles aussi ont été obligées d’être arrêtées », regrette l’entrepreneur. « Donc cela a des conséquences très lourdes d’un point de vue socio-économique, surtout dans une des régions les plus pauvres du Sénégal où il n’y a presque pas d’industrie de transformation qui embauche autant », souligne-t-il encore.

    En cause, l’absence de mesures protectionnistes pour éviter que les producteurs de cajou ne vendent au plus offrant ailleurs, estime Boubacar Konta. « C’est l’État qui a la capacité de faire la régulation, dans tous les pays où le cajou a eu vraiment un succès, c’est avec l’implication de l’État qui a pris des mesures comme des mesures d’agrément pour connaître quels sont les exportateurs, et qui fait quoi », analyse le président de l’Interprofession cajou du Sénégal.

    Un plaidoyer sur le modèle de la Côte d’Ivoire a été transmis aux autorités. Parmi les demandes, celle d’imposer une taxe aux exportateurs pour encourager ces derniers à vendre en priorité aux transformateurs sénégalais. Le gouvernement promet d’appliquer la mesure pour la saison l’année prochaine. D’ici là, les entreprises se serrent la ceinture pour réussir à tenir sans mettre définitivement la clef sous la porte.

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  • Les États de la nouvelle Alliance des États du Sahel (Mali, Burkina, Niger) ont annoncé vouloir quitter la Cédéao en janvier dernier. Une décision qui pourrait donc être effective début 2025. Une décision politique, mais qui aurait nécessairement des implications économiques. Dans la région, les acteurs économiques font leur lobbying pour maintenir les liens avec leurs partenaires de l’AES et leur maintien dans la Cédéao.

    6,7 millions de Ouest-Africains vivaient dans un autre pays que le leur au sein même de la Cédéao en 2020, selon l’ONU. Un grand nombre vivent ainsi en dehors de chez eux pour travailler et l’une des premières destinations est la Côte d’Ivoire. La situation est scrutée par le Dr Vaflahi Méité, directeur général de la diplomatie économique au ministère des Affaires étrangères ivoirien. « Pour la Côte d'Ivoire, les pays de l'AES, ce sont nos frères et nos clients naturels. Jusqu'à une époque récente, la plupart des importations des pays de l’AES se faisaient à travers le port d'Abidjan. Et ça, ça ne va pas changer », assure-t-il. Le diplomate se veut optimiste. « Il y a des ressortissants de ces pays qui vivent en Côte d'Ivoire et qui sont très nombreux. Il y a beaucoup de Maliens, beaucoup de Burkinabè, beaucoup de Nigérians qui vivent en Côte d'Ivoire. Donc, au-delà des aspects politiques, les peuples restent, les peuples font toujours des affaires ensemble », souligne-t-il.

    La potentielle sortie des États de l’AES de l’organisation régionale inquiète cependant les transporteurs. La mise en place de la Cédéao a permis la libre circulation et la levée de nombreuses barrières sur le commerce : assurances, droits de douanes et de transits. « C'est un sujet qui nous préoccupe au plus haut point », confie Daouda Bamba, le secrétaire général de l’Union des conducteurs d’Afrique de l’Ouest.

    Si l’organisation est apolitique, elle n’hésite pas à faire du plaidoyer auprès des autorités via des rencontres pour expliquer notamment les réalités de ces professionnels. « Notre organisation, bien sûr, quand il va s'agir de défendre les conducteurs routiers, alors partout, nous faisons passer des messages pour pouvoir faciliter la situation. C'est pour cela que nous prions à l'accalmie. Nous sommes des conducteurs routiers qui ne demandent que la libre circulation », insiste ce représentant des routiers.

    « Il faut amener nos autorités à trouver une solution »

    Le secteur privé regrette également cette situation. Faman Touré est le président de la Chambre de commerce et d'industrie de Côte d’Ivoire. Les dernières semaines ont été très actives, assure-t-il : « Le secteur privé s'est engagé pour parler à nos autorités de telle sorte qu'une solution soit trouvée. Donc, nous faisons des rencontres. Ce n’est peut-être pas sur le plan public, mais en tout cas, en privé, nous faisons des démarches vers nos chefs d'État, vers nos ministres afin que l’on puisse trouver des solutions. Nous ne souhaitons pas que ces trois pays quittent la Cédéao parce que c'est l'espace économique qui va prendre un coup. »

    Un point de vue partagé au sein des différentes chambres de commerce de la région, affirme Faman Touré : « Au niveau des chambres de commerce de la Cédéao, nous avons eu des échanges et nous avons dit qu’il faut nécessairement amener nos autorités à trouver une solution. Et nous n'allons pas en tout cas nous arrêter là, nous continuons. »

    La brouille entre le Niger et le Bénin a conduit à la fermeture de la frontière et empêche la tenue habituelle du commerce transfrontalier. Cette situation présage des difficultés qui pourraient toucher la Cédéao en cas de sortie effective de l’AES de l’organisation régionale.

  • Un accord a été signé entre les autorités nigériennes et le fournisseur d’accès à internet par satellite, propriété du milliardaire américain Elon Musk, Starlink, qui est autorisé après avoir été longtemps interdit. Objectif : couvrir la quasi-totalité du territoire et améliorer la connectivité dans un pays où le taux de couverture internet est encore très faible.

    Que ce soit en 2G, 3G ou 4G la couverture internet ne dépasse pas le tiers du territoire au Niger. Après des années de refus, les autorités ont donc dit oui à Starlink. Avantage principal de l’offre : du haut débit à un tarif abordable avec 200 Mb/s pour environ 25 000 FCFA par mois. Un tournant pour les entreprises nigériennes, selon l’économiste Ibrahim Adamou Louché : « Ce qui va changer avec Starlink, c’est que le déploiement du haut débit sera très important pour le secteur de l’entrepreneuriat. Beaucoup de chefs d’entreprises se plaignent de la mauvaise qualité des offres existantes. Avec Starlink, cette crainte sera levée, les entreprises vont pouvoir développer leur business ».

    Nouvelle stratégie africaine de Starlink

    Longtemps, les autorités nigériennes ont craint l’utilisation de ce réseau par les groupes terroristes, mais le rapport bénéfice-risque semble avoir changé. « Avec un acteur comme Starlink, le problème de la couverture est résolu », assure Antony Adopo, spécialiste du numérique en Afrique.

    Il explique que la stratégie de Starlink sur le continent a également évolué. Le fournisseur d’accès envoie désormais ses équipes négocier pour convaincre un à un les pays africains. « Starlink a contacté plusieurs États afin de rassurer sur les différentes craintes qu’ils peuvent avoir, comme le respect de leurs cadres réglementaires, explique Antony Adopo, il y a eu plusieurs étapes. La première, c’est quand les pays ont constaté que Starlink opérait sur leurs territoires sans y avoir été autorisé, donc il y a eu une levée de boucliers pour dire que c’est contraire à la loi. Ensuite, discussions entre les gouvernements et l’opérateur. Et une fois qu’ils se sont compris, troisième étape : acceptation de ce nouvel acteur ».

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    Quelle souveraineté numérique ?

    Reste le défi de la souveraineté numérique. Comment seront contrôlées les données collectées et les communications qui transiteront par le réseau ? De nombreux pays comme le Cameroun, ou la République démocratique du Congo refusent encore d’autoriser Starlink. « Les pays, en réalité, n’interdisent pas Starlink, mais réfléchissent à comment faire venir cet acteur-là tout en préservant l’écosystème local, assure Antony Adopo, il y a des opérateurs locaux qui investissent depuis longtemps, qui ont besoin de beaucoup de budget pour pouvoir connecter tout le monde. C’est cette équation qui est en réflexion dans la plupart des pays africains ».

    Après le Libéria récemment, le Niger deviendra le 15ᵉ pays africain à autoriser Starlink sur son territoire. Au Kenya, ce lundi 4 novembre, l'opérateur américain a suspendu toute nouvelle souscription invoquant une surcharge de son réseau.

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  • En Côte d’Ivoire, la deuxième édition du Sica, le Salon international du contenu audiovisuel d’Abidjan, s’ouvre ce mardi 5 novembre. Dans le pays, cette industrie représente 3 % du PIB. À travers ce salon, les professionnels veulent continuer de faire évoluer ce secteur qui manque encore de ressources humaines, faute, notamment, de visibilité.

    Dans un salon, deux experts-comptables racontent leur métier. C’est la première séquence d’un podcast vidéo, enregistré par une société de production. Derrière la caméra, Aimé, la trentaine, est un cadreur autodidacte. Il participe à une formation pour enrichir son parcours. « Je voulais essayer de maîtriser le vocabulaire de ce métier, essayer de connaître les différentes étapes. Ça m’a permis au moins d’apprendre la rigueur du métier », confie-t-il.

    Une main-d’œuvre qui vient d’ailleurs

    Cette formation met l’accent sur la postproduction. « Quand je suis dans mon poste de montage, je suis dans mon univers », se réjouit Penda Ndiaye. Elle a quitté une chaîne de télévision privée au Sénégal, pour se former au montage de longs formats. « Avant, je ne faisais pas de montage de film/série, documentaire et autre. Je faisais juste du montage de reportage et d’émissions. On m’a appris comment monter un film, comment on fait un documentaire, les séries, etc. En plus, j’ai appris le métier de script-plateau ». Cette formation est initiée par Créative Lab.

    Créative Lab est une structure créée il y a huit ans, pour accompagner l’industrie audiovisuelle. Ce besoin est à l’origine parti d’un constat : le manque de ressources humaines dans ce domaine. « Pas mal de sociétés de production en Côte d’Ivoire sont obligées de faire venir de la main-d’œuvre de l’extérieur, notamment du Sénégal, du Maroc, du Burkina Faso, ou de la France, relève Charly Kodjo, producteur et co-fondateur de Créative Lab. On manque de scénaristes, de bons réalisateurs, on manque de directeurs photo, on manque de monteurs, on manque d’ingénieurs du son… sur toute la chaîne de valeur, il y a un besoin de renforcer les ressources humaines ».

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    L’intérêt du secteur privé

    Son associée dans ce projet, Cynthia Nassardine, est actrice et productrice. Selon elle, ce secteur est en pleine expansion. « C’est vrai qu’on vit beaucoup de subventions étatiques, mais petit à petit, le secteur privé commence aussi à s’intéresser à notre industrie. Ce qui crée beaucoup plus de facilité d’expansion, donc aujourd’hui, on peut en vivre », explique-t-elle.

    Au-delà des productions pour des entreprises privées, les débouchés concernent également la réalisation de séries pour les chaînes de télévision. À cela s’ajoute, un réseau de salles de cinéma, qui progressivement s’étend dans la capitale économique ivoirienne.

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  • Routes, lignes électriques, écoles ou centres de santé, l’Afrique a besoin d’investissements privés. En 2023, les investissements directs étrangers étaient stables sur le continent – tandis qu’ils dégringolaient dans d’autres régions du monde – atteignant environ 48 milliards de dollars selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Si les statistiques ne sont donc pas encore au rendez-vous des besoins, des signaux semblent pourtant au vert. Un regain d’intérêt des investisseurs vers le continent paraît se confirmer.

    L'agence de notation Standard & Poor's a récemment relevé la note de la Côte d'Ivoire à BB. Un signal pour Stanislas Zézé, à la tête de l'agence de notation africaine Bloomfield, que l'évaluation du risque sur le continent est en train d’évoluer. « La raison pour laquelle les gens avaient du mal à venir ou étaient un peu sceptiques, c'était à cause de comment ils évaluaient le risque, pas le risque réel, mais la perception des risques qu'ils avaient. Et cette perception évolue de façon significative », analyse ce spécialiste de la finance.

    Pour lui, d’autres facteurs interviennent. « Il y a un potentiel extraordinaire parce qu’il y a tout à faire ici. Donc, évidemment, le développement est de plus en plus rapide, les taux de croissance sont parmi les plus élevés au monde et le risque est mieux maîtrisé aujourd'hui parce que mieux compris. En termes même de remboursement, les Africains ne sont pas les moins crédibles. C'est tout ça qui crée une vraie dynamique d'investissements sur le continent », ajoute-t-il.

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    Donner de bons signaux aux investisseurs

    Autre événement, la levée de fonds d'Ecobank sur le London Stock Exchange. Ce n'était pas arrivé pour une banque africaine depuis 2021. Les marchés ont ainsi investi 400 millions de dollars. Proparco, filiale de l'Agence française de développement, s'était positionnée comme référent sur cette opération. « Comme ces marchés financiers étaient attentistes et un peu fermés, il a été convenu qu’il faudrait que des investisseurs anchor, c'est-à-dire des investisseurs de référence qui travaillent depuis très longtemps avec elle — donc qui connaissent bien la banque, qui apprécie son impact et sa solidité —, que ses investisseurs puissent envoyer un peu un signal aux marchés en avance pour dire : nous, on a confiance dans cette banque », explique Emmanuel Haye, responsable du département institutions financières.

    Ce qu’a donc fait Proparco et d’autres partenaires. « Très vite, on a pu annoncer qu'on allait investir 20 millions de dollars aux côtés d'autres investisseurs anchor, et donc ça, ça a permis certainement que les investisseurs trouvent cette opération intéressante et qu’ils y souscrivent », ajoute encore Emmanuel Haye.

    Pour Stanislas Zézé, il ne fait aucun doute, investir en Afrique est rentable. « Si vous regardez les 400 millions de dollars qui ont été empruntés par Ecobank, c'est à 10%. Je ne sais pas où en Europe vous ferez de l'investissement avec un retour à 10%, insiste-t-il. Ça m’étonnerait. Donc évidemment, le continent devient de plus en plus attractif. »

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    Installation prochaine de J.P. Morgan

    Des investisseurs étrangers, dont l'une des têtes de pont, J.P. Morgan, vient d'annoncer vouloir s'installer prochainement en Côte d'Ivoire et au Kenya. « Ce qu'on voit aujourd'hui, c'est en effet avec la baisse des taux, le retour des États souverains sur les marchés internationaux, et c'est ça que vient cibler J.P. Morgan, qui va arranger la levée de ressources pour ces États souverains ou les très grandes entreprises », confirme Emmanuelle Haye.

    Parmi les opérations remarquées cette année et qui semblent confirmer le regain d'intérêt des investisseurs pour le continent, le retour de la Côte d'Ivoire et du Bénin sur les marchés internationaux.

  • La Côte d'Ivoire veut miser sur son tourisme. Grâce à sa feuille de route « Sublime Côte d’Ivoire », elle espère attirer cinq millions de touristes par an. Pour sa promotion, elle sillonne les grands événements comme le salon du tourisme Top Resa à Paris. Le ministre du Tourisme ivoirien se fait volontiers l'ambassadeur de son pays pour en faire le hub régional de l'Afrique de l’Ouest.

    « Oublier la Côte d'Ivoire, ce n'est plus possible. Il faut faire avec », annonce en souriant le ministre du Tourisme, Siandou Fofana. Il égrène les avantages de la destination Côte d'Ivoire : sa géographie, sa stabilité politique et son climat de paix. En plus de cela, il met en avant les efforts réalisés par les autorités sur la question des infrastructures pour ambitionner de devenir un hub régional.

    « C'est se doter d'infrastructures modernes, d'abord des infrastructures de transport aérien. La Côte d'Ivoire, c'est un aéroport international qui est en pleine mutation », détaille-t-il. La première phase de travaux doit permettre l'accueil de cinq millions de passagers, et dans une deuxième phase, atteindre les 10 millions.

    Autre stratégie des autorités ivoiriennes : se doter d'une compagnie aérienne solide, Air Côte d'Ivoire, qui « s'étoffe avec l'acquisition d'une flotte qui est de la génération la plus récente ». Puis, « tout un maillage des infrastructures routières modernes et réhabilitées avec la construction de routes neuves », poursuit Siandou Fofana.

    La Côte d'Ivoire propose des offres touristiques balnéaires classiques, mais elle met également en avant ses nouveaux circuits culturels. Aujourd'hui, le pays attire de manière importante le tourisme d'affaires. Cela passe par l'implantation des sièges et bureaux régionaux de grandes entités et d'institutions internationales comme la Banque africaine de développement, du FMI ou de la Banque mondiale.

    « Toute chose qui nous confère une position géostratégique et qui fait que tous les acteurs qui négocient leurs dossiers sont obligés de passer par Abidjan », insiste le ministre. Abidjan accueille par ailleurs la bourse régionale des valeurs, ce qui en fait « une place boursière de premier ordre de la région ». Pour tenter de répondre aux besoins, le gouvernement s'est ainsi doté d'un parc d'exposition et a augmenter la capacité hôtelière.

    L'innovation pour promouvoir la destination

    Mais la destination souffre encore de l'impact des crises sécuritaires vécues. Les autorités, afin d'attirer plus de visiteurs, ont lancé une nouvelle offensive communicationnelle, avec l'ouverture de 15 bureaux du tourisme dans le monde. « L'objectif pour nous, c'est de susciter l'envie des gens de venir en Côte d'Ivoire », explique Fatime Camara, la directrice du bureau implanté en France. Et pour cela, l'innovation et les technologies sont mises à contribution. « Nous travaillons beaucoup sur l'intelligence artificielle (IA) pour faire la promotion de la Côte d'Ivoire. Nous avons des cartes de réalité virtuelle qui permet d'aller faire des visites en immersion de la basilique, de la cathédrale, des plages d'Abidjan. À Top Resa, on avait la possibilité d'aller visiter un village artisanal par exemple », met-elle en avant.

    La Côte d'Ivoire mise également sur les retombées à long terme de l'organisation de la CAN, grâce à la visibilité que l'événement lui a donnée et aux 1 500 milliards de francs CFA investis à cette occasion. En 2022, le tourisme contribuait à hauteur de 6% au PIB. Les autorités espèrent un bond à 8% cette année.

  • En Afrique du Sud, les producteurs de platinoïdes sont dans une très mauvaise passe. Les cours du palladium et du rhodium, des métaux moins demandés avec le passage des véhicules à l'électrique, ont vu leur cours plonger, après avoir atteint des sommets. La bulle éclate et se retourne contre les groupes miniers producteurs de ces métaux précieux, qui emploient plus d’un tiers des salariés du secteur minier en Afrique du Sud, premier producteur mondial de platinoïdes.

    La chute des prix des platinoïdes a forcé plusieurs grands groupes miniers à se restructurer depuis deux ans en Afrique du Sud. Fermetures de puits, pertes d'emploi... L'entreprise Sibanye Stillwater a dû se séparer de 12 000 de ses 80 000 salariés. « À partir de 2023, nous avons assisté à une baisse des prix de ces matières premières, les principaux platinoïdes que sont le platine, le palladium et le rhodium, explique Charl Keyter, directeur financier du groupe. Et je pense que cela s'explique en grande partie par l'opinion largement répandue selon laquelle tout le monde va se tourner vers les véhicules électriques. »

    Platinoïdes victimes du succès de la voiture électrique

    Ces platinoïdes sont en effet principalement utilisés dans l'industrie automobile, pour confectionner les pots catalytiques des voitures thermiques. La pandémie de Covid-19, puis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, second producteur de ces métaux, avaient poussé de nombreux constructeurs à faire des réserves auprès des mines sud-africaines, faisant exploser les prix.

    « Pendant le Covid, nous avons vu le prix des métaux du groupe du platine grimper à des niveaux jamais imaginés. Jusqu'à trois fois supérieurs à leur précédent record historique, rappelle Peter Major, analyste du secteur. Maintenant que ces prix ont baissé et sont revenus à des niveaux plus normaux, cela met l'industrie sous forte pression, car il y avait eu de grosses augmentations de salaires, de grands projets d'investissement, et des acquisitions très coûteuses à l'étranger. »

    Espoirs dans la voiture à hydrogène

    Les prix semblent s'être à présent stabilisés, et ces entreprises minières sont soulagées d'y voir un regain d'intérêt pour les voitures hybrides. Mais elles continuent d'espérer que la transition écologique jouera davantage en la faveur des véhicules à hydrogène, qui nécessitent des platinoïdes.

    « Nous pensons vraiment que l'hydrogène est une source d'énergie intéressante et qu'elle se développera au cours de la prochaine décennie, juge Craig Miller, PDG d'Anglo American Platinum, premier producteur mondial de platine. Le rôle que les platinoïdes peuvent jouer, c'est d'abord dans la production d'hydrogène, et à plus long terme – pas pour le moment –, dans les voitures à pile à combustible. »

    Un optimisme que ne partage pas un certain nombre d'analystes, face à la lenteur de la progression, depuis 30 ans, des technologies utilisant l'hydrogène.

  • Raffiner son or localement est un rêve que de nombreux pays producteurs souhaitent atteindre. C'est le cas du Ghana. En août dernier, le premier extracteur d'or du continent africain a inauguré une toute nouvelle raffinerie. Une infrastructure qui, selon le gouvernement, permettrait au pays de reprendre pleinement la main sur la valeur de son minerai. Mais les obstacles avant d'atteindre cet objectif restent nombreux.

    Avec notre correspondant à Accra,

    Une raffinerie dernier cri, capable de traiter 400 kilos d'or par jour, pour un taux de pureté de 24 carats : la Royal Ghana Gold Refinery a été inaugurée en août à Accra par le vice-président Mahamudu Bawumia. « Aujourd'hui, nous ne célébrons pas seulement une nouvelle installation, mais un témoignage de l'engagement de notre gouvernement pour la valorisation de nos ressources naturelles », a-t-il déclaré à cette occasion.

    En 2023, l'or représentait déjà à lui seul près de la moitié des exportations du pays. Raffiner cette matière chez soi, c'est donc l'assurance d'une stabilité économique renforcée, selon le gouverneur de la banque centrale du Ghana. « Ajouter de la valeur aux ressources aurifères du Ghana nous permettra d'augmenter nos stocks de devises étrangères, d'améliorer notre balance de paiements, ce qui, à terme, nous protégera des chocs et des vulnérabilités extérieures », avance Ernest Addison.

    Pour vendre son or sur les principales places financières mondiales, encore faut-il que la raffinerie soit certifiée par la London Bullion Market Association (LBMA). Une tâche loin d'être aisée. L'institution attend qu'une raffinerie puisse opérer à un certain volume pendant trois années consécutives. « La raison de cette règle, c'est que maintenir la qualité de raffinage à petite échelle ne signifie pas forcément qu'on est capable de le faire à grande échelle », détaille Bright Simons, économiste et vice-président du think tank ghanéen Imani.

    Comment intégrer la production artisanale ?

    La Royal Ghana Gold Refinery est loin d'être la première à tenter l'aventure au Ghana. Toutes sont confrontées au même problème selon l'économiste : le manque de capitaux. « Il y a une douzaine de raffineries d'or au Ghana, certaines plus grosses encore que celle qui vient d'être inaugurée, met encore en avant Bright Simons. Et aucune n'a réussi à atteindre la certification. C'est notamment parce que le raffinage d'or a une faible rentabilité. »

    Y a-t-il seulement assez d'or au Ghana pour satisfaire la demande ? Le pays a beau être le plus gros producteur du continent, ses principales mines exportent déjà vers des raffineries étrangères, détentrices de certification LBMA. Reste alors les dizaines de milliers de mines de petites tailles. Or, il n'y a aucune garantie. « Si la raffinerie attend des petits mineurs qu'ils lui apportent eux-mêmes leur or, elle n'aura pas les quantités souhaitées. Il faut donner aux mineurs des avantages fiscaux, installer des bureaux près des mines. C'est à ces conditions qu'ils ne vendront leur or à personne d'autre », selon Godwin Armah, l'un des principaux représentants du secteur. Les autorités devront également résoudre le problème de la traçabilité. Un enjeu de taille dans un pays ravagé par l'orpaillage illégal.

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  • Industrialiser le Sénégal est au cœur de la stratégie de développement dévoilée le 14 octobre dernier par le président Bassirou Diomaye Faye. Dans ce but, les nouvelles autorités sénégalaises multiplient les zones économiques spéciales pour attirer les investisseurs. Deux de ces investisseurs installent ainsi la première usine sénégalaise d’outils agricoles dans la région de Thiès.

    Le projet des autorités de Dakar est de porter le nombre de zones économiques spéciales de 5 à 45. De quoi faciliter l’accès des entreprises au foncier, obstacle majeur à l’industrialisation du Sénégal. Et permettre à l’investissement de se réorienter vers d’autres secteurs que les services, espère Bakary Séga Bathily, le directeur général de l’Agence nationale chargée de la promotion de l’investissement et des grands travaux au Sénégal. « On a une structuration de notre économie basée sur les services à plus de 50 %, l’industrie qui arrive deuxième à 25 % et le secteur primaire à 17 %, alors que le secteur primaire aujourd’hui mobilise plus de 60 % de la population… », explique-t-il.

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    500 000 outils made in Sénégal

    Répondre aux besoins du secteur primaire, c’est la stratégie de l’entreprise Senoutil, qui vient de s’installer à Sandiara, à une centaine de kilomètres au sud-est de Dakar. L’usine sera la première à fabriquer râteaux, serpettes, houes et binettes sur le sol sénégalais. 500 000 outils d'ici à cinq ans, espère son directeur général, Ibrahima Gallo Ndao, dans une région porteuse, juge-t-il, celle de Thiès. « C’est une zone bien connue dans le domaine du maraîchage, qui exporte un peu partout. Donc, faire des outils qui permettent d’alimenter cette chaîne de valeur est important. Mais c’est aussi une zone très dynamique en termes de carrières. Et c’est pourquoi, dans cette gamme, on a tout l’outillage pour la construction. »

    Il faut exporter au moins 50 % de sa production quand on s’installe dans une zone économique spéciale sénégalaise. La contrainte ne fait pas peur à Ibrahima Gallo Ndao, mais il espère que de nouvelles lignes ferroviaires l’aideront à réaliser cet objectif. « L’idéal aujourd’hui, c’est d’avoir la ligne jusqu’à la frontière avec le Mali et une autre ligne jusqu’à la frontière avec la Mauritanie. Non seulement ça ouvre des brèches, parce que qui dit industriel dit exportation, mais ça permet aussi de faciliter la connexion entre les terroirs. »

    Doper la formation professionnelle

    Dans un premier temps, les pièces métalliques des outils seront fabriquées en France par son partenaire, Saintex, dirigé par le Franco-Sénégalais Cheikh Sow. Ce dernier attend d’autres réformes, indispensables selon lui à la réussite de projets industriels comme le sien. « Ce n’est pas tant la réforme du contrat de travail, c’est surtout la réforme de la formation professionnelle, c’est là où on attend des réformes importantes, confie-t-il. L’accessibilité, la rapidité du traitement des dossiers, une politique plus orientée vers la formation professionnelle que vers les formations universitaires. »

    L’objectif des zones économiques spéciales est de créer 3 millions d’emplois pour la jeunesse sénégalaise.

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  • Le marché de l’art contemporain a traversé une année difficile, mais celui de l’art africain a bien résisté, selon les études. Considéré comme émergent il y a encore quelques années, il a su dépasser les craintes de l’intérêt ponctuel et de l’effet de mode. Et parmi les tendances, la présence de plus en plus marquée de collectionneurs africains. Un phénomène constaté à la foire d’art contemporain AKAA qui s’est imposée comme le grand rendez-vous dans le domaine en France et qui se tenait fin octobre à Paris.

    Parmi les œuvres de Reggie Khumalo, des toiles représentant des femmes aux cheveux colorés, vêtues de pagnes. Du tissu sort de la toile et s’étale au sol à la manière d’une traîne. Pour l’artiste sud-africain, l’intérêt des collectionneurs du continent pour les œuvres de chez eux s’explique pour plusieurs raisons. « Je pense qu’ils peuvent tout simplement sentir l’authenticité de l’artiste. Ils peuvent sentir la vérité et le travail spirituel qui est à l’action à l’intérieur de l’artiste et de son œuvre », soutient-il.

    Un intérêt des collectionneurs indispensable pour Victoria Mann, directrice du salon AKAA. « Le marché ne pouvait pas se développer sans ça. Il fallait qu’il y ait une prise de conscience locale », assure-t-elle. Désormais, le continent multiplie les galeries, les centres, et les « art advisors » « qui ont vraiment dédié leur carrière à développer et à ouvrir ce marché-là », témoigne la directrice du salon. Un effet d’entraînement également souligné par Linda Pyke à la tête de la galerie THK au Cap.

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    « S’y intéresser semble plus légitime »

    « Le continent vient de se doter de ses premiers musées d’art contemporain. Le Zeitz MOCAA a ouvert en 2017. Ensuite, le MACAAL a ouvert ainsi que de nombreuses institutions et fondations », égraine la galeriste. La multiplication de ces structures « a pour conséquence d’établir un marché. Si vous avez des institutions qui encouragent également les gens à collectionner, s’y intéresser semble plus légitime », met-elle en avant. Au plus près du marché, « il y a vraiment eu un intérêt croissant et un énorme développement de la base de collectionneurs en Afrique », témoigne Linda Pyke.

    44 exposants et 36 galeries étaient présents à l’occasion de cette manifestation de trois jours à Paris. Et question gros sous, pour Victoria Mann, directrice du salon, les artistes africains sont aussi bien cotés que leurs homologues d’autres continents. « Aujourd’hui, une œuvre d’El Anatsui, une œuvre de Gideon Appah, de Amoako Boafo peut monter haut. Dans des sphères qui sont très importantes et qui sont inatteignables pour des jeunes collectionneurs ou des acheteurs coup de cœur », met-elle en avant.

    Des fourchettes de prix plus élevées

    Si une nouvelle génération d’artistes est plus abordable, cependant, sur la foire AKAA, la spécialiste a constaté « une vraie évolution de la fourchette du prix moyen ». Aux débuts d’AKAA, elle se situait entre 2 000 et 8 000 €, mais aujourd’hui s’est rehaussée entre 10 000 et 30 000 euros. « Ça ne veut pas dire qu’il n’y a plus d’œuvres qui sont peu chères, il y en a toujours, mais aujourd’hui, un artiste sur la foire vendu à 25 000-30 000 € se vend sans aucun problème », assure Victoria Mann.

    Marie-Cécile Zinsou, Kamel Lazaar à Tunis, Janine Kacou Diagou ou encore Hassanein Hiridjee sont parmi les grands collectionneurs du continent. Ils soutiennent les artistes africains, notamment à travers leurs fondations et leurs expositions.

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  • Le Brésil est devenu le premier exportateur de coton au monde, devant les États-Unis. Les volumes exportés par le géant d'Amérique latine ne cessent de croître et pourraient demain menacer les parts de marché du coton africain, que certains qualifient de plus beau coton du monde. Où en est la prise de conscience sur le continent et quelles sont les pistes d'adaptation ?

    De notre envoyée spéciale au Forum de l'Association français cotonnière, qui s'est tenu au début du mois d'octobre dans la ville du Havre,

    « On a la pression du Brésil, on ne peut pas le nier », reconnaît le président de l'Association professionnelle des sociétés cotonnières en Côte d'Ivoire. « Les signaux sont là, ajoute Jean-François Touré, il faut en prendre conscience et mener les réflexions nécessaires pour contrecarrer la situation ».

    L'expansion de la culture du coton au Brésil a déjoué toutes les prévisions : elle est même vue par certains experts comme le fait marquant de ce 21ᵉ siècle pour le secteur. Depuis l'année dernière, le Brésil est devenu le premier exportateur mondial, de quoi pousser un peu plus les producteurs d'Afrique de l'Ouest à réfléchir à leur avenir.

    Sur le marché international, l'Afrique reste toujours le premier fournisseur du Bangladesh, grâce à la beauté de son coton ramassé à la main, mais cela pourrait vite changer. D'où les efforts actuellement menés au sein de l'Association cotonnière africaine pour maintenir et améliorer la qualité de l'or blanc, assure Papa Fata Ndiaye, directeur général de la Sodefitex au Sénégal. « Cela passe par une récolte plus soignée, explique-t-il, une lutte acharnée contre la contamination du coton par les polypropylènes et une meilleure homogénéité des lots pour répondre avec plus d'efficacité aux exigences de la filature. »

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    Dix producteurs pour 50 % de la production

    Au Brésil, une petite ferme s'étend sur 50 000 hectares, contre 2 hectares en Afrique. Dix producteurs concentrent pas moins de 50 % de la production brésilienne. On parle donc d'exploitations hors normes, aux rendements impressionnants, entre trois et cinq fois plus élevés que ceux du continent africain, qui permettent de réduire les coûts de production par hectare. Même s'il n'y a pas de comparaison possible entre un coton cueilli à la main et celui récolté à la machine, une marge de progression en termes de pratiques agricoles et de rendement existe en Afrique de l'Ouest.

    « On continue toujours avec la même formulation d'engrais, il y a donc un certain nombre de réformes et de réflexions à mener », selon Jean-François Touré, qui estime que les pays producteurs du continent peuvent atteindre un rendement de 1,5 t tonne par hectare, voire même de 2t/ha.

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    Un Brésil encore plus présent demain

    Personne n'a de doute, le géant d'Amérique latine produira encore plus dans les prochaines années dans la région du Mato Grosso - qui occupe une surface une fois et demie plus grande que celle de la France.

    La menace est réelle, mais pas que pour l'Afrique, explique Laurent Peyre, président de l'Association française cotonnière et directeur exécutif de la société StoneX CDI. « Si les volumes deviennent très importants, le Brésil fera de l'ombre à tout le monde, à l'Afrique de l'Ouest, mais surtout au coton américain et australien qui sont deux cotons mécanisés également ».

    Parmi les débouchés alternatifs pour l'Afrique, hors Asie, la transformation locale a de plus en plus le vent en poupe. Elle passe par la construction de filatures et d'usines de tissage, à l'image de ce que le Bénin est en train d'expérimenter, le principal frein restant, dans la plupart des pays, la disponibilité d'une énergie durable et accessible.