Afleveringen

  • Julien Durand est un passionné de sport. Il a fondé, avec deux de ses amis d’enfance Vincent André et Jérémy Rochette, Picture, une marque de vêtements techniques pour les activités de plein air. Ils incarnent une nouvelle génération d'entrepreneurs qui allie passion et conscience sociale. Grâce à Picture, Julien Durand veut contribuer à changer la manière dont les vêtements techniques sont conçus, produits et consommés.

    Selon Julien Durand, l'aventure en plein air peut aller de pair avec une responsabilité éthique, tout en inspirant des générations futures à s'engager pour un monde plus durable : « Ce qui continue de nous inspirer, c'est de continuer d'être passionnés des produits que nous développons. C'est notre "lifestyle". Cela nous donne aussi plein d'idées pendant que nous pratiquons ensemble. C'est ce côté communautaire qui continue d'alimenter la créativité, parce que nous sommes ensemble, parce que nous voyons que l'arrière de la veste ne tombe pas parfaitement et qu'il faut retravailler la coupe. »

    « Le mot Picture (Image en français) était intéressant puisqu'il est anglicisé, avec deux syllabes facilement mémorisables, explique le co-fondateur de la marque. Il veut dire quelque chose dans plusieurs langues. Il est reconnu par les Allemands, les Anglais évidemment, les Français. C'est presque un nom commun. Ce mot nous a plu parce qu'il y avait toute la dimension de la photographie artistique derrière l'image sur laquelle nous pouvions jouer et donc, travailler autour de la marque autour d'univers créatifs. »

    Julien Durand est né et a grandi à Clermont-Ferrand, dans le centre de la France. Après avoir obtenu son diplôme en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS), il réalise que sa voie n'est pas celle de l'enseignement du sport traditionnel. Avec sa passion pour la montagne, le ski, le snowboard, le skate ou encore le rugby, il s'oriente vers le management sportif. Après avoir travaillé pour de grandes entreprises, il ressent le besoin de donner du sens à son travail :

    « Oui, nous gagnions très bien notre vie. Les équipes étaient géniales, il y avait une atmosphère sympathique et c'était plaisant de travailler. Par contre, moi, j'avais peu de sens dans mon travail. Depuis notre plus tendre enfance, avec Vincent, nous avions toujours fait du skate, du snowboard ensemble, nous avions monté nos petits t-shirts qui étaient finalement le reflet de notre communauté des petits athlètes que nous étions. Un soir, j'appelle Jérémy, je lui dis : "Est-ce que cela te dirait de monter cette marque à laquelle nous avons souvent pensé ?" Il me dit : ''Si je suis architecte, c'est parce que tout le monde est architecte dans la famille. Par contre, s'il y a un truc qui me tient à cœur, c'est que tout ce que nous ferons si nous faisons cette marque, doit être en bio, recyclé, éthique et écologique. Et si ce n'est pas fait de cette manière pour l'intégralité de nos actions, nous ne le faisons pas.'' »

    « Nous sommes partis avec ce positionnement très radical par rapport à l'engagement et une patte graphique et architecturale, que Jeremy était capable d'amener avec son background d'architecte et pas de fashion designer, qui était en rupture avec les codes classiques du moment. Avec beaucoup de couleurs, avec des inspirations de l'architecture du post modernisme, avec des ''color block fort'' et nous avons cassé les codes en nous lançant sur le marché. »

    Avec ses amis d'enfance, Jérémy Rochette et Vincent André, ils lancent en 2008 une marque qui reflète leurs valeurs communes : l'engagement éthique et l'amour pour les sports de glisse. Leur approche casse les codes de l'industrie textile traditionnelle et met aussi l'accent sur un design innovant :

    « Chez Picture, nous avons toujours su casser les codes, ne pas copier et ne pas faire comme tout le monde. Sur des produits qui peuvent paraître standardisés, nous avons toujours réussi à amener une petite touche design différente qui peut être liée soit à la couleur en dehors des tendances, mais qui reste originale. C'est un petit détail que nous allons mettre sur une veste, une petite tirette très spécifique qui fait que, dans le rayon, même s'il y a trois vestes noires étanches, type Gore-Tex, la nôtre aura une petite touche attractive et originale. Après, cela plaît ou pas, mais le design ne laisse pas indifférent. »

    « Mais par contre, en termes d'éthique de marque, de message, de marque novateur, nos "haters" ne dénigrent pas la marque, et demain, seront peut-être des "lovers". La marque s'est aussi assagie à travers les âges. En 2010, nous étions connus pour des couleurs extrêmement tranchées : bleue, jaune, vert. Aujourd'hui, c'est différent, parce que nous avons aussi vieilli et que nous avons toujours fait des vêtements qui nous correspondent. C'est pour cela que nous avons recruté des équipes de designers plus jeunes, afin de redynamiser la marque et qu'elle ne vieillisse pas avec nous. Cela fait partie des choses importantes de la création : donner de l'espace à nos jeunes designers qui ont entre 20 et 30 ans, et que la marque continue de se moderniser. »

    Selon Julien Durand, les projets ne manquent pas, ce qui favorise l'évolution de Picture et encourage à une consommation plus durable : « L'idée, c'est d'essayer de se réinventer en trouvant des nouveaux modèles économiques. Il y a par exemple des produits pour lesquels les gens n'ont pas besoin de les posséder à l'année. Si vous partez faire une semaine de bikepacking, est-ce que vous avez besoin d'un pantalon étanche, d'une veste étanche dédiée au bikepacking ? Peut-être pas. Aujourd'hui, chez Picture, nous sommes capables de vous louer sur une semaine un équipement que nous louerons à quelqu'un d'autre. Cet équipement peut représenter dix consommations qui ont chacune le même usage pour un voyage assez similaire. Nous essayons d'être ingénieux, créatif et amener de nouveaux modèles de consommation. »

    « Une autre réflexion portait sur la durabilité des produits. Nous offrons la garantie réparabilité à vie maintenant depuis deux ans, parce que le produit le plus écologique, c'est celui que tu ne changes pas. À l'inverse, quand tu as un gros trou dans la veste, ce n'est pas vraiment réparable. Nous avons créé des patchs liés à des voyages, expéditions, logos iconiques de la marque. Personnaliser un vêtement avec un patch pour augmenter sa durée de vie, que ce patch veuille dire quelque chose et que la personne continue d'appartenir à cette communauté. Cela devient un truc cool à avoir ! Cela fait durer le produit sans être obligé d'en acheter un autre. »

    Chaque collection de Pictureest, selon Julien Durand, le fruit d'une émulsion entre créativité et fonctionnalité, avec une attention particulière aux retours d'expériences sur le terrain : « Il y a deux temps. Le temps où chacun de nous va amener ses éléments. Il y a une alchimie qui va venir du terrain, de la tournée, de la route, du ressenti à travers ce que les athlètes, les acheteurs nous communiquent. Les fonds de tendances de société par rapport à la consommation des gens. Cette partie, c'est moi qui la gère et qui nourrit le débat. Et d'un autre côté, Jérémy, qui est complètement en dehors de l'aspect commercial, est hyper inspiré par le design d'espace et le design d'intérieur. Il y a énormément d'inspiration qui viennent de l'architecture et des magazines de déco. »

    « Nous mettons en commun toutes nos inspirations à travers le recueil du terrain. Nous racontons une histoire avec une ligne directrice. Jérémy va s'inspirer d'univers créatifs. Il a besoin de se nourrir à la fois des codes couleurs, tout ce qu'il va voir dans l'art déco, ses inspirations, thématiser et se nourrir de la réalité du terrain et des faits. Et ensuite, nous créons une histoire. Cette histoire est confrontée à la réalité du marketing et du terrain de notre marque pour voir s'il y a une adhésion et pour voir s'il y a des remarques. Nous co-construisons dans la foulée, nous affinons et nous développons. »

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  • Rencontre avec un styliste dont le parcours mêle tradition et modernité : Issa Sorogo, alias Sorobis. Créateur emblématique de mode, il se consacre à la valorisation du textile africain en mettant en lumière les artisans locaux et son héritage culturel. Ses collections sont à la fois élégantes et témoins d'histoire.

    Avec une forte présence à New York, Sorobis s'efforce de porter au plus haut l'authenticité africaine sur la scène internationale, tout en soutenant des projets sociaux et économiques en Afrique de l'Ouest. Sorobis se voit comme un ambassadeur du savoir-faire africain, capable de transformer un simple morceau de tissu en œuvre d’art.

    La création, c'est ma source de vie. Partir de rien et transformer ce rien en quelque chose qui plaît, je ne dirais pas à tout le monde, mais à beaucoup de gens, c'est formidable. C'est un don que Dieu ne donne pas à tout le monde, ce n'est pas palpable. C'est un bonheur abstrait, certes, mais cela m'accomplit.

    Issa Sorogo alias Sorobis, styliste designer de la marque Sorobis.

    « Quand j'ai lancé le nom, tout de suite, je voulais dire Sorogo Bis. Je voulais utiliser un autre mot que Junior. Il y avait Sorogo et Bis. Mais dès que je suis arrivé aux États-Unis, les Américains ont commencé à dire : "C’est trop long, il faut que tu le raccourcisses." Sorogo représente mon nom, et "bis", c'est pour dire junior, parce que je prends la relève du père, et ils ont dit non, Sorobis ! »

    Né en Côte d'Ivoire d'un père ivoirien et burkinabè et d'une mère nigériane, Issa Sorogo alias Sorobis a grandi dans un environnement où la couture était plus qu’un métier, c’était un art de vivre. Son père tailleur habillait déjà des personnalités. Avec ce riche héritage, il s’est naturellement orienté vers le monde de la mode, mais avec une approche bien à lui. Plutôt que de se cantonner à la coupe et à la couture, Sorobis préfère la création et la valorisation du tissu et des motifs qui racontent une histoire, comme son étoffe préférée, le Faso Dan Fani, un tissu emblématique du Burkina Faso.

    « C'est d'ailleurs par le Faso Dan Fani que j'ai commencé dans la mode en tant que mannequin, quand j'ai été pris à Bobo-Dioulasso, quand j'étais au lycée, pour participer à cet événement promotionnel du textile burkinabè. C'est le capitaine Thomas Sankara qui avait organisé le premier grand défilé de mode du Faso Dan Fani à New York. Je pense que c'était en 1986 ou en 1987. Quand il remettait les prix, il a dit : "Je compte sur vous pour cet héritage. Propagez-le à travers le monde entier." Même des créateurs, de grands créateurs, ici en Occident, utilisent, en ce moment, le Faso Dan Fani dans leurs créations. C'est formidable. Un peu comme le Kente. Et ce tissu, il fait des merveilles. »

    Les créations de Sorobis sont souvent en lien avec ses racines culturelles. Pour lui, la création ne se limite pas à un processus de design. Elle se nourrit de rencontres, d'échanges, et d'un profond respect pour son héritage culturel. Chaque collection fait écho à des thèmes de vie, des lieux de son enfance ou au souvenir de sa mère. Lors d’un défilé à Cannes, cette année, il a ainsi dévoilé une collection inspirée par la vie rurale au Burkina Faso.

    « La collection que nous avons présentée à Cannes cette année, je l'ai nommée Saponé. C'est un petit village qui n'est pas loin de Ouagadougou, au Burkina Faso, où la population est à 99 % rurale. Et la particularité de cette population rurale, c'est qu'ils fabriquent des chapeaux. Des chapeaux qui sont vraiment représentatifs du Burkina Faso et ces chapeaux, je crois, ont été déposés à l'Organisation internationale du commerce. Il y a un trademark pour ces chapeaux-là. Comme je sais que nous sommes assez suivis à l'international, j'essaie de mettre une lueur sur tout ce qui se passe au Burkina Faso ou en Côte d'Ivoire, ou même au Nigeria. Ma carrière a commencé à Bobo-Dioulasso en tant que mannequin. Donc, à un moment, il y a une collection que j'ai nommée Diarradougou, qui est l'un des quartiers les plus culturels de Bobo-Dioulasso. Et cette collection, c'était en mémoire de tout ce que Bobo-Dioulasso m'a apporté. J'ai nommé une collection Madeleine pour rendre hommage à ma mère que je venais de perdre. Il y a toujours quelque chose derrière », précise Sorobis.

    Sorobis croit à la nécessité de protéger les textiles africains contre les imitations venues d'Asie. Aujourd'hui basé à New York, il réalise que sa voix résonne encore plus fort sur la scène internationale. « Les Américains noirs, ils adorent, et même les Américains caucasiens adorent. Donc, l'impact est plus fort. Ils adorent, au point où, si nous, originaires d'Afrique, nous ne nous mettons pas plus au travail, ce qui se passe avec la Chine ou l'Inde, où des copies à l'africaine sont reproduites, cela va prendre le dessus sur le textile africain. C'est pour cela qu'il faut des gens comme nous sur place et qui voyons le besoin et qui mettions à la disponibilité de ces gens ce tissu qui est authentique. Il y a une différence entre l'original et la copie, parce que pour ceux qui ne connaissent pas, dès lors où les couleurs sont là, que cela vienne d'Asie ou d'Inde ou d’ailleurs, ils se disent qu'il y a un peu de motifs africains, que c'est bon, alors que non, ce n’est pas la même chose. Et c'est pour cela que tout est protégé par l'Organisation internationale du commerce. Si nous ne le faisons pas, c'est des emplois qui sont perdus ! Être dans une ville comme New York, qui est le carrefour du monde, cela nous permet d'avoir un œil pour savoir ce qui se passe et où mettre l'accent pour bien faire la promotion de ce textile et le mettre à la disposition des gens qui sont vraiment intéressés. Cela crée une certaine limite par rapport aux copies qui viennent de Chine ou d'Inde. »

    Sorobis est aussi engagé socialement à travers la mode. Il travaille avec des artisans locaux, des coopératives de femmes. Il tient à faire appel à ceux qui, comme lui, sont ancrés dans cette tradition textile. « Nous avons la chance en Afrique, il y a beaucoup d'artisans. Moi, quand j'arrive surtout au Burkina ou en Côte d'Ivoire, je fais travailler beaucoup d'artisans. C'est eux que je veux mettre en valeur au-delà de mon travail de créateur. Et il y en a tellement qu’il suffit de regarder juste à côté pour trouver quelqu'un qui puisse faire ressortir vos idées et eux cela leur fait plaisir. Très souvent, ce sont des femmes qui sont veuves, qui n'ont pas d'époux et qui n'ont pas de soutien dans leur famille, c'est tout ce qu'elles font pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Nous sommes motivés déjà par cet esprit de vouloir aider, donc nous ne perdons pas de temps à chercher. C'est des gens qui travaillent avec beaucoup de qualités et nous nous faisons la promotion de ce travail à travers le monde entier. La motivation première, c'est que nous leur donnons une force économique quand nous arrivons. La plupart, ce sont des veuves, des enfants abandonnés. Nous les motivons en travaillant avec eux, en disant : "Voilà la photo de ce que tu as fait. Le monde entier l’a vu". C'est comme cela que cela marche. »     

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  • Aujourd’hui, une artisane designer qui mêle lumière, matière et inspiration littéraire : Marion Mezenge, tourneuse sur métal et fabricante de luminaires. Cette artisane d’art spécialisée dans le tournage, formée à l’école Boulle, à Paris, développe une passion pour la lumière et le travail du métal. Co-fondatrice d’un atelier collaboratif, ses créations s’inspirent de ses lectures et de ses expériences tout en alliant tradition et innovation.

    Lauréate 2024 du Prix de la Jeune Création Métiers d’Art, Marion Mezenge expose pour la première fois ses œuvres au Salon international du Patrimoine culturel qui se termine, ce dimanche 27 octobre, à Paris au Carrousel du Louvre. Nous l’avons rencontré dans son atelier à Pantin, en banlieue parisienne.

    La création m’accompagne et des fois, elle est moins présente.

    Marion Mezenge, artisane designer, tourneuse sur métal et fabricante de luminaires de la marque éponyme.

    « Depuis l’âge de quinze ans, je fais des études dans le secteur de l’art et de l’artisanat, mais je pense qu’elle [la création] m’accompagne. C’est une fidèle amie, elle est là, à côté et il y a des périodes où nous devons prendre un peu de pause entre nous et il y a des périodes où c’est la fusion. »

    Marion Mezenge est née en banlieue parisienne, elle a grandi dans un environnement familial propice à l’imagination. Sa passion pour l’artisanat a démarré dès son plus jeune âge, au contact d’un père bricoleur qui l’a initiée à divers matériaux dans leur atelier familial. Ces expériences, découvertes des matières l’ont naturellement conduit à intégrer l’école Boulle, à Paris, où elle découvre le tournage d’art.

    « Je suis amoureuse de mon métier. J’adore le tournage, cela s’est énormément industrialisé avec le temps. Mais moi, je trouve que tous les mécanismes qui sont cachés dans vos moteurs, qui sont cachés dans les objets du quotidien, c’est ce que j’ai essayé de mettre en avant dans la collection Astérie. »

    « J’ai appris ce métier et il conditionne aussi ma manière de créer. C’est mon ossature, ce qui fait que, pour moi, il est porteur dans le sens que cette technique mécanique me permet après de combiner avec d’autres techniques qui sont plus empreintes du geste ou qui vont être aléatoires ou complètement empiriques, et je vais faire dialoguer ces techniques entre elles. »

    Après cinq années d’apprentissage intense, elle obtient son diplôme des métiers d’art en section tournage. Diplôme en poche, Marion Mezenge effectue des stages dans différents ateliers, apprenant ainsi les rouages du mobilier et des luminaires sur mesure. En parallèle, elle co-fonde l’atelier Edward Tisson, un espace dédié à l’expérimentation et à la création.

    « Mon atelier s’appelle Edward Tisson. C’est une association que j’ai co-fondée. Nous l’avons montée parce que nous nous connaissons depuis l’école et nous voulions avoir un lieu pour expérimenter. Nous avions en commun le fait de travailler le métal. Le travail du métal, comme souvent aussi pour le bois et le verre, nécessite des investissements lourds. Or, nous, voulions avoir un lieu d’expérimentation. Nous avions un même besoin en machines et de lieu. Nous nous sommes réunis et nous avons mutualisé tout cela. Nous avons commencé par acheter la forge. Petit à petit, moi, j'ai eu mon tour, après, j'ai acheté mon deuxième tour, puis la fraiseuse et ainsi de suite. C’est comme cela que l’atelier s’est monté. Cela nous permet aussi de mutualiser en quelque sorte les savoir-faire, parce que nous avons différents profils, donc différents savoir-faire dans la bijouterie, la ciselure et le tournage et aussi en design, nous sommes sur des échelles différentes, mais nous avons un besoin commun. Nous avons besoin souvent d’outils qui sont similaires. Le but, c'est vraiment la mutualisation. »

    « Et puis à l’époque, il y avait l’essor des laboratoires de fabrication, sauf que faire venir une forge dans ces espaces, c’est compliqué. Pour nous, c’est un réel besoin, nous avons besoin de travailler la flamme, d’avoir une structure importante et donc c’est comme cela que nous avons décidé d’être ensemble dans un lieu fixe, parce que nous ne pouvons pas bouger souvent. Par exemple, mon tour fait une tonne et ma fraiseuse une tonne deux. Quand je les déplace, c’est toujours un peu la mission. »

    Marion Mezenge est sensible à la lumière et au métal. Elle ne se contente pas de créer des pièces fonctionnelles, elle exploite la réflexion de la lumière pour provoquer des émotions.

    « Quand nous faisons le tournage d’art à l’école, nous apprenons à tourner le bois, le plastique, etc. Mais j’ai plus de sensibilité envers le métal. À l’école, nous apprenons le métier sur des pièces dites de style, donc sur des bougeoirs Louis XII, sur des lampes, bouillottes, etc. J’ai appris cela sur les bougeoirs, mais j’aimerais m’intéresser à l’objet du bougeoir pour sa réflexion lumineuse. Avant, c’était un élément dont nous avions besoin pour nous éclairer. Or, maintenant, ce n’est plus un besoin primaire. »

    « Est-ce que nous ne pouvons pas exploiter le pouvoir narratif du bougeoir ? Travailler la réflexion de la lumière pour raconter une histoire avec des textures ? Et pour le coup, le métal se prête énormément à cela avec le métal poli, le martelage. Je ne sais pas pourquoi le métal, mais je sais que c’est en partie lié pour moi vraiment à la réflexion de la lumière et le métal qui jouent très bien ensemble. Il y a d’autres médiums qui sont très intéressants, mais le métal, c'est le mien pour l’instant. »

    Passionnée par les récits d’exploration, Marion Mezenge nourrit son imaginaire de ses lectures. Des récits qui résonnent profondément avec son processus créatif.

    « Au début, je pense que j’avais un procédé très académique. Ma première collection a été ma collection de bougeoirs. C’est après les avoir dessinés que je me suis rendu compte que c’était lié à toutes mes lectures. Je lis énormément de livres et je suis passionnée par les récits d’explorateurs, de primatologues, enfin de toutes ces personnes qui ont un peu quitté un circuit classique pour s’intéresser à autre chose, à des terres inhospitalières. Maintenant, je me rends compte que c’est vraiment ma base. La lecture nourrit mon imaginaire. Les mots me créent des images et petit à petit, quand je dessine des pièces, cela se connecte malgré moi. C’est plutôt très agréable comme sensation. Mais maintenant, je sais que c’est comme cela que cela marche. Je suis toujours en train de lire. J’ai toujours un livre et souvent maintenant, j’ai du mal à trouver des ouvrages qui soient encore édités sur les récits d’exploration. »

    Le choix des matériaux est important pour Marion Mezenge qui s’est tournée vers l’aluminium, une matière que beaucoup considèrent comme ordinaire. Ce dialogue entre matière et émotion donne naissance à des créations sans pareil.

    « Je dis que je suis en train de me constituer une bibliothèque du froid. Je suis passionnée ces derniers temps par la glace, la banquise, les explorations qui se sont faites sur ces terres lointaines. Et, je me suis énormément orienté sur le travail de l’aluminium parce que cette matière, quand elle est polie, travaillée, je trouvais que c’était un sujet qui était intéressant parce que déjà, je trouvais que c’est une matière qui est catégorisée comme pauvre et qui n’est pas du tout dans le secteur de l’artisanat d’art ou très peu. Elle est plus commune aussi. Vous avez l’habitude de l’avoir sur vos canettes ! C’est intéressant d’essayer de trouver un langage plastique avec cette matière qui me permette de la dissocier des codes actuels et de complètement l’anoblir. Il s’est avéré que la technique pour l’applique Léonie, nous plonge tout de suite dans cette ambiance, un peu banquise, c’est la première chose que les gens me disent "Cela fait froid, comme du givre". Je n’ai pas un choix précis de métal que je vais travailler. Mais souvent, tout s’imbrique. C’est un petit pas à la fois sur chaque sujet. »

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  • Bilitis Adama, créatrice togolaise, a trouvé sa voix à travers la mode et l'artisanat avec sa marque d’accessoires Bilitis Fashion. Après un parcours universitaire au Maroc, en rentrant au Togo, cette passionnée d’accessoires lance son modèle phare, la boucle d’oreille « le Tourbillon ». Sa passion pour la mode et son approche humanitaire, notamment à travers des formations et des initiatives pour les orphelins, montrent un véritable engagement social.

    « Je pense que créer, c'est vivre. C'est tous les jours », confie l'artiste Bilitis Adama. Créatrice et fondatrice de Bilitis Fashion, la Togolaise explique :

    « Bilitis, c'est mon prénom, Fashion, c'est le regard de Bilitis sur la mode. Je ne fais pas quelque chose parce que je l'ai vu faire, c'est-à-dire, ''il y a des bracelets, faisons des bracelets, il y a des sacs en pagne tissé, faisons des sacs en pagne tissé'' : Non ! Moi, je vois quelque chose qui n'existe pas encore, au-delà de ce qui se fait déjà. J'aime bien. C'est cela, créer. Le créateur de mode, c'est quelqu'un qui amène de l'oxygène, et nous disons : ''Que c'est beau, quelque chose de nouveau qui n'existe pas.'' »

    Née à Lomé, au Togo, Bilitis Adama obtient une bourse d'excellence afin de poursuivre ses études universitaires au Maroc. Elle est diplômée d'une licence et d'un master en affaires internationales et stratégies, mais sa passion pour la mode se manifeste dès le début de ses études au Maroc, où elle valorise les héritages d'Afrique à travers des événements de mode :

    « Les journées des étudiants, au niveau des ambassades, les défilés... Et finalement, je n'avais plus de nationalité. À l'époque, il y avait beaucoup d'ambassades, mais il n'y avait pas encore l'ambassade du Togo au Maroc. La Côte d'Ivoire me sollicitait, le Congo, le Cameroun... Finalement, j'étais la subsaharienne, styliste commis d'office au Maroc. Mais c'était une passion de mettre en valeur les façons de faire, les héritages de chez nous. Vous savez, chez nous, c'est coloré avec les perles, les étoffes. Je mettais en avant tout cela, et comme les accessoires ne vont pas défiler tout seul, j'ai commencé à créer pour mettre en valeur ces colliers. Je faisais des robes, des boubous pour accueillir les accessoires. L'accessoire devient, alors, le principal. C'est ce que je voulais faire remarquer, pas la tenue. »

    Bilitis Adama aime tester ses idées. En 2017, elle lance sa marque d'accessoires Bilitis Fashion. Pour développer sa marque, cette créatrice autodidacte en accessoires met en avant son expérience dans l'économie et le management, avec les perles comme matière préférée : « Il m'arrive de voyager, et dès que je vais dans une capitale, je dois aller sur leurs marchés, pour voir ce qu'il y a en termes de perles, et je les ramène. Je ne sais pas ce que je vais faire avec, mais je les achète. Quand je vois de l'or, de l'argent, des formes irrégulières, même si cela n'a pas de trou, je me dis ''Mais je peux le percer !'' Cela me donne une idée. Je ne sais pas encore. Je le prends, je le pose sur ma table de création. Je m'assois, j'assemble les formes, les couleurs. Je peux voir du mauve, et puis un vert-citron, je peux dire ''mais j'ai rarement vu ces deux assortiments''. Nous connaissons le rouge, le bleu. »

    « Je veux sortir des chemins battus. Je vois un foulard, comme celui des hôtesses de l'air qui l'attachent sur le côté. Et si c'était un collier ? J'ai essayé de faire un collier sur le côté. C'était très bon, sauf que personne ne me l'achète, parce que les gens vont me dire : ''Mais à quel moment nous allons pouvoir le porter ?'' Et c'est là, je dis vraiment félicitations et merci à Jacques Logoh qui nous a donné le cadre pour porter des choses qui sortent du carré de tous les jours. À une soirée FIMO, tu peux porter ce collier sur le côté, et puis, sous les feux des projecteurs, parce que tous ceux qui y sont, comprennent la mode, comprennent l'art. »

    La créatrice togolaise propose aussi des formations pour favoriser l'émancipation des femmes. Bilitis Adama s'engage à former des femmes et d'autres artisans dans la création d'accessoires. Ces formations créent un impact social en permettant à chacun de s'exprimer à travers l'artisanat : « Vu que j'ai fait les affaires internationales, je ne me vois pas évoluer qu'au Togo. Tout de suite, je me suis lancée dans la sous-région. Nous avons près de 2 500 alumni formés au Niger, au Burkina, au Togo et au Bénin. Toute personne qui sentait en elle l'envie de réaliser quelque chose avec ses dix doigts. J'ai créé des accessoires pour les formations. Ils sont différents des modèles qui sont dans les gammes de mes produits. Le savoir, c'est le seul bien qui ne s'épuise pas quand tu le partages. Au contraire, il se décuple. Plus tu enseignes, plus tu t'améliores parce que ceux que tu formes vont te poser certaines questions, ou bien, en faisant des erreurs, cela va déboucher sur d'autres modèles. En voulant partager ce que je savais, ce que les gens réclamaient beaucoup, je me suis moi-même améliorée. Nous formons à des activités génératrices de revenus, oui ! Quand elles sont finies, les personnes formées savent faire des sacs, boucles d'oreilles, bracelets, serre-têtes, broches à cheveux, chaussures. Tu peux, si tu t'y mets en créant encore et encore, ouvrir ta petite boutique. »

    Bilitis Adama, à travers son modèle phare, « le Tourbillon », voit la mode non seulement comme un moyen d'expression personnelle, mais aussi comme un message de statut et d'appartenance : « Je crois que j'ai quelque chose d'inné avec l'accessoire. Je n'ai pas été formée. Je suis autodidacte en accessoires. Quand j'ai eu l'inspiration pour les boucles d'oreilles ''Tourbillon'', il y a eu un travail de positionnement du produit, même dans sa fabrication. La finition, c'est quelque chose que je veux atteindre au niveau visuel, au niveau du toucher. Je veux que la personne qui ait les boucles d'oreilles ressente quelque chose. C'est le modèle phare. Pourquoi ? Toutes les dames qui venaient l'acheter étaient des cadres de bureau, allaient au travail et m'envoyaient des selfies. Et toujours avec cette chaise rembourrée derrière ou au volant de leur voiture. Cela veut dire qu'elles avaient une situation. C'est de là que le slogan est venu tout naturellement, ''la boucle d'oreilles des femmes d'influence''. Parce qu'elles sont en train de faire un discours et elles les portent. C'est comme le talon aiguille : quand tu le portes, même ta démarche change ! Alors, quand elles portent les boucles d'oreilles ''Tourbillon'', elles ressentent tout cela. Elles me l'ont renvoyé au travers des images. J'ai dit tout simplement "voilà la boucle d'oreilles des femmes d'influence". »

    La mission de Bilitis Adama va au-delà de la mode. Elle s'engage aussi pour les plus démunis : les orphelins. « À travers le Togo, j'ai cinq pouponnières dans les cinq villes jusqu'au Grand Nord. En ce moment, nous avons mobilisé une collecte de dons de vivres pour le Grand Nord, parce qu'il y a beaucoup de besoins là-bas. Chaque année, depuis 2022, je vais chez eux. Ce sont les mêmes enfants, ils me connaissent, je suis un peu comme leur maman. Nous sommes à la recherche de partenaires. Nous n'en avons pas encore. Quand cela a commencé, j'avais le réseau de clients que j'ai tissé autour de moi. Ces clients sont devenus comme une famille. À force d'interférer avec eux tous les jours, ils sont devenus partie prenante de ce que je fais. Quand je leur ai dit ''Écoutez, j'ai ce cœur aussi qui aime beaucoup les enfants'', ils ont dit ''Allons-y''. Je leur dis de ramener des céréales, du lait, des couches pour les bébés, nous allons leur donner. Ils se mobilisent pour moi. Si je peux les appeler des partenaires, alors oui, j'ai des partenaires. »   

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  • Anne Vogt-Bordure est une créatrice de mode française passionnée par l'histoire et l'héritage de Jenny Sacerdote, une couturière pionnière du XXe siècle, dont elle s'inspire pour créer sa propre marque de vêtements pour femmes : La suite Jenny Sacerdote. Anne Vogt-Bordure réinterprète des modèles historiques en utilisant des matériaux recyclés ou écoresponsables.

    Entre histoire, innovation, durabilité, elle fait l’éloge des femmes dans le monde de la mode, tout en rendant hommage à une créatrice au parcours inouï.

    Je suis passionnée d'histoire et pour moi, la création ne peut pas être dissociée de son contexte, de la petite histoire. L'histoire explique la forme. C'est cela qui me plaît aussi, quand nous sortons un modèle, le vêtement, nous expliquons le pourquoi du comment il a été conçu.

    Anne Vogt-Bordure, fondatrice de la marque : La suite Jenny Sacerdote

    « La suite Jenny Sacerdote, pour moi, c'était un hommage à cette femme et je ne me voyais pas relancer une marque alors qu'il y a eu une césure, la marque s'est arrêtée en 1948 après la Seconde Guerre mondiale. Elle est réapparue en 2018. C'était pour expliquer aussi cette césure et dire que maintenant, "c'est la continuité, une nouvelle ère et que nous ne repartions pas de zéro". C'est la manière contemporaine de présenter ce qu'aurait fait Jenny à cette époque. »

    Anne Vogt-Bordure est originaire d’Alsace. Sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale a été expulsée de Metz et ils se sont retrouvés en Dordogne. C’est son histoire familiale, mais aussi son attirance pour le tricot, la couture et sa découverte du parcours exceptionnel de Jenny Sacerdote, une couturière née à Périgueux, qui l’ont conduite à lancer sa marque en 2018. L’héritage de cette pionnière qui a imaginé des vêtements sublimant les femmes sans les contraindre est repris par Anne Vogt-Bordure. Avec la volonté de redonner vie et de la notoriété à Jenny Sacerdote, la fondatrice de La suite Jenny Sacerdote met en avant l’importance de la mémoire collective et l’éloge de créatrices souvent oubliées.

    « Ses contemporains sont plus connus et elle manque encore de visibilité, donc, je milite vraiment dans ce sens pour développer sa notoriété auprès des musées français, mais aussi internationaux. Imaginez-vous, il y a des pièces de Jenny Sacerdote partout dans le monde : au Metropolitan, à New York, au Victoria Museum, à Londres, au Kyoto Institute, au Japon. Vous avez des pièces partout dans le monde parce qu'effectivement, elle habillait les personnalités du monde entier. »

    Pour recréer, à partir des patrons historiques de Jenny Sacerdote, ses créations et sa marque, Anne Vogt-Bordure se forme au modélisme.

    « Je me suis formée sur des logiciels en 2D et en 3D pour apprendre à faire du patronage, ce qui ressemble plus à des mathématiques, mais qui est tout aussi passionnant de voir un visuel porté et de l'imaginer à plat. C'est le travail inverse que font les designers aujourd'hui puisqu'ils dessinent déjà à plat un dessin en 2D pour après, faire un patron à plat. Là, j'avais donc la photo portée, donc un modèle déjà en 3D, qu'il a fallu que je repasse en 2D. »

    Soie, coton, lin, Anne Vogt-Bordure a une connexion personnelle et émotionnelle avec la matière. Sa marque utilise des matières recyclées pour une création de vêtements qui respecte l’environnement.

    « Au départ, c'était la soie. Aujourd'hui ce serait plutôt le coton biologique et le lin, matières plus naturelles. J'ai également essayé de travailler avec de l'ortie qui ressemble à s'y méprendre à la soie. Une matière très douce et beaucoup plus facile à manipuler que la soie, qui glisse beaucoup moins, qui ressemble plus au coton dans la main. La recherche de l'ortie faisait partie des questionnements que je m'étais posés au départ. " Qu'est-ce qu'elle aurait fait Jenny ?" Elle aurait été de toute façon dans l’écoresponsabilité, elle a travaillé avec des matériaux qui respectent le plus possible l'environnement et l'ortie répond à ces critères. Mais ma production, malheureusement, n'était pas suffisante pour travailler toutes les pièces. C'est pour cela que je me suis tournée après vers l'upcycling. J’ai récupéré des rouleaux de tissus des stocks dormants, toujours sur des matériaux sourcés, écoresponsables et fabriqués en France déjà existants. »

    L’inspiration, la recherche des matières et l’étude historique des pièces permettent à Anne Vogt-Bordure de proposer un vestiaire moderne et confortable avec des modèles aux multiples variantes.

    « J'ai mes favoris. Ils racontent tous une histoire, par exemple la robe qui a gagné le Grand Prix de l'élégance de 1928, le chemisier qui est fait en hommage aux marraines de guerre, la chemise de nuit de 1916, le premier manteau cape, etc. Ensuite, je travaille le patron. Mais ce que j'avais envie de faire, c'était de ne pas me m'imposer des collections, un cycle de production pour rester dans la durabilité. C'est-à-dire que quand je choisis par exemple la robe qui a gagné le Grand Prix de l'élégance de 1928, je vais la décliner saison après saison, mais avec des matériaux différents. Sur l'été, du coton biologique. Sur l'hiver, un velours de soie. Sur l'automne, plutôt un satin. Nous allons y ajouter des manches. J'avais envie de rester davantage dans la durée et d'ailleurs, c'est ce qu'elle (Jenny Sacerdote) faisait quand un modèle plaisait. Elle disait : "Mais à quoi bon en changer puisqu'il plaît ?" Il convient parfaitement à la physionomie de la femme et des femmes. Elle (Jenny Sacerdote) déjà fonctionnait comme cela, avec des bestsellers et en les gardant sur quelques années. »

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  • En clôture de la Fashion week de Paris, un défilé de mode de créateurs francophones a marqué l’envoi du Festival de la Francophonie dont RFI est partenaire, ce mardi 1ᵉʳ octobre. La créatrice de mode Anissa Meddeb et sa marque Anisa Aïda y participent. Ses collections à l’esthétique japonaise sont riches des savoir-faire et de l’artisanat tunisien. Modernes et fonctionnelles, elles s’inscrivent aussi dans le mouvement de la Slow Fashion.

    La rencontre entre la culture nord-africaine et l'esthétique orientale offre des créations épurées et sophistiquées, avec une touche de modernité pour des vêtements traditionnels typiques comme le kimono et le caftan.

    Pour une de mes collections récentes, le point de départ, c'était le motif ailes d'hirondelle. C'est un motif que nous trouvons beaucoup dans les céramiques du XIXe siècle, dans la médina par exemple. C'est un motif très graphique, géométrique, comme des triangles et des losanges. J'ai voulu le faire dialoguer avec les traditions japonaises d'origami, de pliages et de kirigami, de découpes. J'ai beaucoup travaillé les découpes laser sur les vêtements et aussi les pliages.

    Anissa Meddeb, créatrice franco-tunisienne et fondatrice de la marque Anissa Aida :

    « Anissa, c'est éponyme, c'est mon prénom. Aïda, c'est un hommage à ma grande sœur qui nous a quittés en 2010. Plus jeune, j’adorais dessiner, faire des croquis. Elle me disait souvent : "J'aimerais bien que tu dessines une robe comme ci, un chemisier comme cela, une saharienne..." Nous allions voir des couturières ensemble et nous créions les vêtements. Nous avions le projet de lancer la marque ensemble. Comme elle nous a quittés trop jeune, j'ai décidé de lancer la marque pour elle. »

    Née à Paris, de parents tunisiens, Anissa Meddeb grandit entre Tunis et Paris. Passionnée de mode depuis son enfance, elle fait des études en design de mode entre New York et Londres. En 2016, elle visite Tokyo et tombe amoureuse du Japon. Inspirée par l’esthétique du pays du Soleil-Levant et la Tunisie, la créatrice franco-tunisienne lance sa marque Anissa Aida en 2016. Une marque présente aussi bien à Tunis qu’à Tokyo.

    « Le public japonais est très exigeant, donc je pense que pour eux, que je m'inspire aussi de leur patrimoine, cela a été un clin d'œil intéressant. Le public japonais, intrigué, était intéressé par mes produits. Mais les acheteurs japonais sont très exigeants par rapport à la qualité, aux finitions. Il faut que la qualité soit toujours constante. Bien sûr, c'est un challenge, parce que, avant tout, ma marque est une marque de slow fashion, donc je produis en petite quantité. Je travaille avec des petits ateliers, des couturiers, des couturières, des artisans, pour exiger cette perfection, il faut vraiment beaucoup de contrôle qualité, beaucoup de suivi. C'est évidemment un challenge. »

    Anissa Meddeb aime mettre au goût du jour le patrimoine tunisien avec ses pièces signatures. Celles-ci rendent hommage à ses racines familiales et revisitent le patrimoine textile en s’appuyant sur les savoir-faire de l’artisanat tunisien.

    « Il y a un côté social et aussi celui de vouloir pérenniser ces savoir-faire. Par exemple, le tissage artisanal de la soie était surtout utilisé pour des vêtements traditionnels, comme des jebbas pour hommes, des jebbas d'été, parce que la soie, c'est très léger. Finalement, il y a très peu de gens qui portent encore ces vêtements pour les cérémonies, donc les savoir-faire se perdent. Et ma mission, serait de contribuer à pérenniser ces savoir-faire, que cela soit remis au goût du jour et mis à l'honneur sur des vêtements qui peuvent être portés au quotidien aussi bien à Paris, à Tokyo qu'à New York. »

    Le vestiaire de la marque d’Anissa Meddeb est produit en petite quantité afin d’éviter la surconsommation. Elle souhaite que ses créations s’inscrivent dans une continuité tout en apportant une touche personnelle à chaque collection.

    « Il y a certains créateurs qui racontent une histoire totalement nouvelle au fil de chaque création. Moi, non, je recherche plutôt la continuité. Raconter la même histoire, mais au travers de différentes anecdotes, inspirations. Mais c'est toujours la fusion entre le Japon et la Tunisie. Ce qui me permet aussi de faire fusionner ces deux cultures qui sont très différentes en soi. C'est aussi que mon vêtement fini, je voudrais que ce soit un vêtement fonctionnel, épuré, zen. Cela me permet de puiser des inspirations dans le patrimoine tunisien et de rechercher ce côté épuré, zen dans les techniques japonaises. Je prends toujours comme point de départ ce que j'ai déjà créé et je m'inspire de vêtements traditionnels tunisiens par exemple, comme les sarouels, comme la blouza djerbienne, le kadroun de Djerba et japonais comme les kimonos, les keikogi, les pantalons hakama que j'essaye de faire fusionner et dialoguer. »

    Consciente de l'impact de l'industrie de la mode sur l'environnement, la créatrice collabore donc avec des artisans locaux. Elle a un projet de broderie qu’elle souhaite explorer dans ses prochaines créations.

    « Actuellement, je travaille sur une collection dans laquelle je vais allier les références des broderies traditionnelles de ma grand-mère avec la technique du sashiko, une technique de broderie japonaise. Il se trouve que c'est une idée qui m'inspire beaucoup parce que ma grand-mère, comme beaucoup de nos grands-mères, brodait et j'ai retrouvé ses carnets de broderie qui sont vraiment une source d'inspiration inépuisable. Aujourd'hui, plus personne ne brode aussi méticuleusement à la main. C’est très inspirant et j'aimerais décliner ces motifs et les travailler de manière plus graphique, les retravailler. »

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  • Dans le cadre du festival de mode FIMO228 Édition France, un défilé de haute couture africaine s’est tenu au cœur du bois de Vincennes à Paris, le samedi 28 septembre. Jacques Logoh, promoteur du festival et créateur de mode togolais, fait découvrir au public parisien le style unique et authentique des créateurs africains qui apportent une diversité indispensable au paysage de la mode en participant à la Fashion Week de Paris. RFI est partenaire du festival de mode FIMO228 Édition France.

    C’est très compliqué d’être promoteur d’un festival et aussi créateur.

    Jacques Logoh, promoteur du FIMO228 à Lomé et du FIMO228 Édition France :

    « Je dirais que faire de la mode est un métier très compliqué, même si c’est ma passion et souvent, quand tu es passionné, on ne sent pas le stress. Mais j’avoue que c’est un travail très stressant. D’autant plus que là, nous avons trois festivals, on a le festival à Lomé, le FIMO à Lomé. Ensuite, on a la Semaine de la mode masculine qui a eu lieu en août dernier ; le FIMO France. Et puis bientôt, on va encore rajouter un festival aux États-Unis qui va être FIMO Édition USA. Je dirais que c’est très compliqué d’ailleurs d’être promoteur et à la fois créateur, parce que même, des fois, tu n’as pas le temps de créer parce que tu cours pour organiser. Mais heureusement que j’ai une équipe vraiment formidable qui est derrière, qui assure tout. »

    Dans le cadre de la Fashion Week de Paris, Jacques Logoh, promoteur du FIMO228 Édition France, propose cette année sa deuxième édition. Le créateur togolais a toujours rêvé de venir défiler à Paris. Paris, la capitale de la mode.

    « En tant qu’adepte de la mode ou bien designer, nous devons passer par Paris. Et vu l’engouement que nous avons en Afrique avec le FIMO à Lomé, nous nous sommes dit qu’il fallait que les créateurs [y aillent]. Chaque année, nous rassemblons beaucoup de créateurs africains sur le continent à Lomé en février pour le FIMO Édition du Togo. Notre but est de faire connaître ces créateurs-là aussi en France, notamment à Paris. La Paris Fashion Week est très réputée, très médiatisée et très connue. Du coup, l’Afrique aussi s’invite. Donc le FIMO s’invite à Paris afin de faire connaître les créateurs, les talents africains. »

    Pour Jacques Logoh, ce défilé de mode délocalisé à Paris permet de présenter les talents africains et togolais à la fois au public parisien et au monde entier.

    « Nous voulons montrer notre identité africaine, notre identité culturelle partout. Moi, je dis très souvent que la mode africaine n’existe pas. La mode est universelle. Mais bien sûr que nous avons aussi une identité. Je ne vais pas vous affirmer que nous n’allons utiliser que des tissus africains parce que les tissus, pour moi, ne sont pas que les tissus africains. Nous pouvons prendre un tissu africain, mais le moderniser avec des accessoires qui viennent de l’Afrique et qui ont une histoire, pour montrer le côté vraiment rayonnant de l’Afrique. En venant en France, nous nous sommes dit que nous allions montrer les bons côtés de l’Afrique, en venant exposer des créateurs, des collections qui inspirent, qui affirment et qui montrent une identité vraiment africaine, Africains que nous sommes. »

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  • Les Journées européennes du patrimoine se terminent ce samedi 22 septembre. Elles ont pour objectif de montrer au plus grand nombre la richesse du patrimoine au travers de rendez-vous inédits, de visites insolites et d’ouvertures exceptionnelles. À l’occasion de ce rendez-vous culturel incontournable, nous vous faisons découvrir un métier aux frontières de la culture, du patrimoine et de l’histoire de l’art avec Malo de Lussac, commissaire-priseur.

    La création, c'est un geste, un état, une image dans un cerveau. C'est quelque chose qui est ressorti sur une toile, sur une matière. Et c'est cela qui est intéressant aujourd'hui.

    Malo de Lussac, commissaire-priseur habilité.

    « Vous avez des artistes qui sont extrêmement cotés pendant dix ans et le marché fait qu'il va y avoir un désintérêt de l'artiste et l'artiste va complètement perdre de sa cote. Cela fluctue aussi vis-à-vis de tout ce qui est la politique internationale, politique nationale. Pendant les élections présidentielles, c'est toujours des moments qui sont très délicats, les vendeurs ont peur de vendre à ce moment-là parce que les investissements de certains acheteurs ne vont pas forcément aller dans le sens du marché de l'art. Cela va aller plutôt dans des valeurs refuges qui vont être l'or ou l'argent. Il y a toute une fluctuation qu'il faut connaître et il faut être intéressé par tout ce qui est politique, nationale ou internationale. Il faut s'intéresser un peu à tout et pas forcément à l'histoire de l'art. »

    Très jeune, Malo de Lussac parcourt les salles de vente aux enchères avec son grand-père, un passionné d’art. Celui-ci lui apprend à regarder un meuble, un tableau. À 14 ans, Malo de Lussac sait clairement qu’il veut devenir commissaire-priseur. Après des études d’arts plastiques, aux ateliers de Sèvres, il se dirige vers une école d’expertise gérée par des professionnels du monde de l’art qui transmettent leur savoir-faire. Il commence comme clerc, le principal collaborateur, du commissaire-priseur, puis, après sept ans dans cette fonction, il valide, par un examen en 2019, le statut de commissaire-priseur.

    « C'est un examen qui est assez long et compliqué parce que vous passez donc d'abord un tour de salle. Il y a 25 objets. Vous avez deux minutes pour faire des fiches, connaître l'auteur, les techniques, faire une description complète de l'objet ainsi que son état. Au bout d'une heure et demie, vous rendez vos écrits et après vous passez des oraux. Ce sont des oraux de droit, déontologie, matériel industriel, comptabilité, gestion, anglais et enfin histoire de l'art. Après tous ces oraux, nous savons si oui ou non nous sommes reçus en tant que commissaire-priseur. Nous avons à peu près 25 objets. L'examen a lieu à l'intérieur de Drouot, et les objets, comme vous le savez, rentrent et sortent de l'Hôtel Drouot, il nous est arrivé pendant notre examen qu’un ou deux objets doivent passer en vente ou dans une exposition. Nous avons commencé avec 25 ou 26 objets, nous avons dû terminer avec 23 objets en salle. »

    Dans son panorama de savoir-faire, le commissaire-priseur doit connaître une langue étrangère, plutôt l’anglais, maîtriser la comptabilité, la gestion, être féru d’histoire de l’art et s’intéresser au patrimoine et à la culture. Mais il n’est pas seul. Il y a tout un écosystème autour de lui.

    « Vous avez des experts qui sont des spécialistes d'une période, d'un artiste, qui peuvent être sous la forme d'un cabinet d'expertise ou d'un comité. Vous avez des comités qui font foi, c'est-à-dire que même si vous demandez à un expert très spécialisé, c'est le comité qui aura toujours le dessus sur l'authentification d'une œuvre. J'ai des associés, l’un d’eux est très spécialisé en mobilier. Parfois, quand j'ai des difficultés sur un meuble parce que je ne sais pas si le meuble est italien, français ou hollandais, c'est lui qui va pouvoir m'aider à faire cette expertise. Ensuite, vous avez d'autres personnes, des photographes pour prendre des prises de vue, mes clercs pour faire les ventes aux enchères, mes transporteurs qui sont là aussi pour m'aider à transporter les objets. Mais vous avez aussi des propriétaires à qui je loue des propriétés pour faire mes ventes aux enchères. Il y a donc un écosystème qui est très polyvalent, très éclectique qui permet aujourd'hui de pouvoir organiser une vente de A à Z. »

    Pour Malo de Lussac, son métier est aussi une façon de redécouvrir certaines époques, celle qu’il préfère est celle du Moyen Âge qui selon lui est assez méconnue.

    « Le Moyen Âge est une période qui est assez longue, très peu connue parce qu'il y a eu beaucoup d'erreurs historiques au XIXe siècle. Cette période, nous sommes en train de la redécouvrir aujourd'hui. Elle passe du Ve au XVe siècle. Il y a presque 1 000 ans d'histoire et de création. Cela m'a toujours fasciné parce que c'est une période sur laquelle je suis assez sensible, parce qu'il y a des images religieuses, mais aussi des images profanes, des images de la vie quotidienne. Nous découvrons qu’au Moyen Âge, ils n'ont pas ce sérieux que nous leur avons donné au XIXe siècle, ce côté un peu chevaleresque. Ils ont aussi de l'humour, donc c'est assez drôle. C'est le début du papier, des livres et c'est quelque chose pour lequel je suis assez sensible. Dans mon étude à Amboise, comme Tours était vraiment un pôle de l'écriture à l'époque du Moyen Âge, j'essaie aussi de développer cette section. Le livre et les papiers, le papier, c'est formidable parce que c'est quelque chose que nous avons toujours utilisé. Par exemple, les papyrus égyptiens, nous en retrouvons encore aujourd'hui dans les tombeaux égyptiens. Le papier, c'est quelque chose qui reste, que nous arrivons à déchiffrer. Il y a encore des gens qui lisent des langues mortes. Dans ces cas-là, nous nous tournons vers des personnes qui savent parler encore des langues mortes et je trouve cela extraordinaire. »

    Un commissaire-priseur voit entre 15 000 et 20 000 objets par an. C’est un métier d’expertise, mais pas comme les autres. Il doit être capable de reconnaître la valeur d’un objet, lors d’un inventaire, mais aussi apprendre à retracer son histoire.

    « Pour expertiser un objet, nous partons toujours du général pour aller au particulier. Par exemple, nous allons essayer de voir à quoi va servir l'objet. Vous avez des objets du XVIIIe siècle qui ne sont plus du tout utilisés, maintenant, à notre époque, donc, nous allons essayer de connaître son usage. Après, nous allons chercher la matière, l'identifier, savoir s'il y a des éléments de datation que nous pourrions mettre sur l’objet. Si l'auteur n'est pas connu, essayez de le rapprocher par rapport à d'autres objets, d'autres personnes qui auraient pu créer ce genre d'objet. Nous allons voir dans les bibliothèques, les musées. Avoir de la curiosité, demander à quelqu'un qui en sait un peu plus que nous, parce que nous n’avons pas la science infuse, non plus. Mais il y a toujours des personnes qui sont très spécialisées dans certaines périodes, techniques, objets. C’est comme cela que nous essayons de déterminer la valeur de l’objet pour pouvoir ensuite le passer en vente aux enchères. »

    Les collectionneurs d’art premier sont nombreux et cette expertise va au-delà des seuls masques africains qui fascinent par leur beauté et leur histoire.

    « L'art premier est un art qui est très difficile parce que c'est un art qui peut être ancien et l’inverse. Vous pouvez retrouver des masques qui valent 30 euros comme, à côté, un masque qui vaut 1 million d'euros. Cette expertise est extrêmement difficile parce que vous avez une multiplication de masques aujourd'hui dans les ventes aux enchères et chez les particuliers. Ce qui est très intéressant, c'est que nous pouvons retrouver aussi des dessins qui peuvent témoigner de la vie d'une tribu, des photographies des différentes cérémonies, des armes, des objets rituels, des coiffes rituelles. C'est un art qui est compliqué. Il faut s’associer avec des personnes qui, elles, sont vraiment spécialistes, parce qu'il y a énormément de faux de ce côté-là. »

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  • À travers sa marque éponyme, Michelle Deguenon propose des articles de maroquinerie et vise la qualité. Elle allie des matières nobles comme le cuir et les pagnes tissés à une fabrication béninoise dans son atelier de 7 personnes. Elle propose des accessoires élégants, pratiques pour femme comme pour homme. Toutefois, Michelle Deguenon n’est pas seulement connue pour ses sacs et chaussures, mais aussi pour son école de formation.

    « La créativité, je la vis, parce que cela permet de résoudre les problèmes, d'être moins stressée, de vivre l'instant présent. Quand tu es créatif face à un problème, tu ne t’emportes pas très vite, tu as le temps de contrôler ton émotion avant de pouvoir agir », confie Michelle Deguenon, fondatrice de la marque africaine d’accessoires éponyme. Une marque spécialisée dans la maroquinerie et la cordonnerie :

    « La créativité, c'est mon quotidien. Cela m'amène à chaque fois à améliorer ma personne et à pouvoir mieux gérer mes émotions, surtout en cas de crise. Quand tu n'es pas arrivé à tel moment ou quand le collaborateur a mal fait cette coupe. Quand tu es dans le monde entrepreneurial où il y a du stress, il y a cette partie créative de ta personne qui naît. Et moi, cela m'aide beaucoup. »

    Michelle Deguenon est née au Bénin. Passionnée de mode, elle suit malgré tout un parcours scolaire académique. Après son baccalauréat, elle continue ses études en marketing, avec une licence puis un master. Elle exerce comme commerciale et consultante pour de grandes entreprises.

    Mais en 2017, sa passion prend le dessus et elle lance sa marque éponyme dans le domaine des accessoires de mode. Elle commence par déstructurer des sacs afin de les habiller avec des pagnes tissés, puis réalise les gabarits de ses sacs, et enfin, les produits dans son atelier. Afin de réaliser ses accessoires et sa cordonnerie, où chaque détail compte, Michelle Deguenon travaille avec des matériaux soigneusement sélectionnés : le cuir et les pagnes tissés. Le prototypage est une étape importante pour créer différentes collections.

    « Quand je suis en atelier, à l'étape des prototypes, je réfléchis beaucoup. Un fois le patron fini, tu réfléchis au montage. Tu essayes. Si ce n’est pas bon, tu es obligé de reprendre. Et toute cette énergie-là, de reprendre, réfléchir, penser jusqu'à ce que le produit soit parfait. Cela me passionne. C'est quelque chose que j'aime vivre souvent. Cela prend du temps, un mois, pour nous deux mois. Parce que nous sommes une petite équipe, et nous voulons que le produit soit tellement bien qu'il nous arrive des fois de produire quatre prototypes avant d'avoir le résultat final. Parfois, nous pensons à un cuir, mais dans la réalisation, on se rend compte que cela ne nous permettra pas d'avoir le résultat escompté. Donc, en cours de route, nous changeons et nous cherchons celui qui sera adapté pour obtenir de très bonnes finitions. »

    La mission que s’est fixée Michelle Deguenon est celle de faire porter un sac ou des chaussures qui racontent l’histoire du continent africain. Pour cela, dans son processus créatif, elle commence par l’idée. « Et après l'idée, nous partons sur la recherche et développement qui pourrait retracer l'Afrique. L'idée que nous avons eue, qui pourrait faire ressortir une petite histoire de l'Afrique. Et donc, nous faisons les recherches dans ce sens. Après, nous dessinons sur un tableau d’inspirations le moodboard. Nous y mettons un peu de tout pour pouvoir structurer l’idée, en extraire le dessin, faire ressortir une figure géométrique d'abord et après, nous faisons une sélection de toutes les figures géométriques que nous avons réalisé. Nous faisons le dessin de la collection de manière manuelle, puis nous passons à la 3D pour pouvoir avoir une représentation en volume. Nous sélectionnons le cuir auquel nous avons pensé et également les pagnes tissés qui pourraient aller avec le cuir, et à nouveau une représentation en 3D. Mais il faut dire que la partie recherche et développement fait beaucoup travailler, réfléchir aussi, parce que cela demande des fois de sortir un peu dans le pays pour aller écouter les histoires, entendre et faire une synthèse pour pouvoir ressortir de très bonnes idées. »

    Créatrice d’accessoires, Michelle Deguenon est aussi à la tête d’une école de formation, avec une approche différente.

    « Dans notre école, nous accueillons des personnes qui sont passionnées. Tu peux accéder à la formation à différents niveaux, celui où tu dois avoir le bac, ou avec le BEPC. Il n'y a pas que de la maroquinerie. Il y a des formations en stylisme, modélisme, de maroquinerie et également cordonnerie. Il y a des formations de longue durée, de courte durée et des masterclass également, pour des personnes qui veulent apprendre quelque chose de manière ponctuelle. Les maroquiniers ou bien les cordonniers, généralement, ils n’ont pas un processus de création. Il n'y a pas le côté recherche et développement, il n'y a pas d'élaboration du moodboard. Il n'y a pas tout ce travail en amont qui est fait. C'est ce que nous, nous apportons, parce que quand tu le fais, tu as la facilité de produire et cela suit une ligne directive. Cela ne va pas dans tous les sens, c'est bien structuré. Lorsque tu veux vendre le produit, tu vends l'histoire derrière ce produit. »

    La créatrice béninoise, au-delà de son métier, s’engage également pour la cause des enfants. « C'est un côté purement social. C'est quelque chose pour lequel, moi, j'ai vraiment envie d’œuvrer, d'amener ces jeunes à changer de mentalité, à ne pas se dire que c'est une opportunité de faire du n'importe quoi ou d'aller à la dépravation, ou bien de vouloir faire la tête avec les parents. Je dis non, ce n’est pas vrai. Tu peux avoir des parents divorcés, tu peux vivre toutes ces émotions là en tant qu'enfant jusqu'à l'adolescence, mais décider de prendre ta vie en main, réaliser tes rêves. Décider d'être une personne intègre, qui a des valeurs, une personne qui défend des causes nobles et atteindre ses objectifs dans la vie. »

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  • 100% création clôt sa série d’été, autour de l’esprit créatif de Paris 2024, avec les vases trophées qui seront remis aux médaillés d’or français à la fin de la 33e olympiade. La manufacture de Sèvres et les Beaux-Arts de Paris ont réuni leur savoir-faire et leur créativité afin de concevoir 60 vases trophées dont les décors ont été imaginés par 6 étudiants-artistes.

    Des pièces uniques qui allient le savoir-faire, plusieurs fois centenaires, de la manufacture de Sèvres et l’imagination d’une nouvelle génération d’artistes. Michel Roué, chef du service de la décoration à la Manufacture de Sèvres, est celui qui a accompagné les six artistes dans la réalisation des vases trophées :

    Il faut vraiment toujours prendre les choses comme elles viennent et surtout ne pas dire ‘je sais faire’, parce que le ‘je sais faire’ est très dangereux. L’approche c’est de savoir comment nous allons faire. Puis à l’ouverture de four, nous verrons le résultat après l'épreuve du feu.

    « Une pièce peut cuire 12, 15 fois, explique Michel Roué, chef du service de la décoration à la manufacture de Sèvres. À chaque ouverture de four, nous pouvons avoir le grand ‘waouh’ ou ‘ha’. Un surplus d'épaisseur de jaune sur un décor fait écailler la couleur. Il n’y a pas de repentir, nous ne pouvons pas restaurer. Sèvres ne restaure pas. Il faut, donc, recommencer. Ce n'est pas un drame. Souvent, nous devons répondre à la question ‘mais qui fait le tri qualité à Sèvres ?’ Le tri qualité se fait dans chaque atelier. Chaque personne ayant en main une pièce est responsable. Il la donne au chef de service pour la cuire. Mais quand je reçois la pièce, moi, je peux constater quelque chose avant cuisson. Mais ce qui va se passer pendant la cuisson, je ne le sais pas. Nous constaterons ensemble, après l'ouverture du four, si un défaut apparaît sur une pièce. Avec l'expérience, tous les chefs d'atelier savent quand il y a eu une erreur technique, de cuisson, de météo. Nous pouvons arriver à définir ce qu’il s'est passé, mais pas tout le temps. »

    Michel Roué est né à Paris. Très tôt, avec son père, il apprivoise les techniques de maquette. Son attrait pour le dessin et la 3D, le volume sur maquette, l’ont conduit vers une école de décoration sur porcelaine. Dans son parcours scolaire, il fait une visite à la Manufacture De Sèvres. Fasciné par l’atelier d’émaillage, il entre à Sèvres à 17 ans et demi. Michel Roué, n’a pas vu le temps passé. Quarante-cinq ans plus tard, l’enthousiasme est toujours là grâce au travail éclectique, la haute technicité et mise à disposition d’un savoir-faire unique auprès d’artistes contemporains et de leur vision artistique. « J'avais perdu mon papa très jeune et j'ai retrouvé une maman du travail et un papa du travail, explique-t-il avec émotion. Monsieur Dédé Lecot, chef des fours, c'était mon père spirituel et ma maman spirituelle, c'était madame Gisèle Bouguerfa, cheffe de l'atelier d'émaillage. Des personnes déjà âgées qui nous accompagnaient et qui nous transmettaient des techniques, mais tout un univers, cela m'a vraiment beaucoup aidé à Sèvres. J'ai tout de suite beaucoup bougé dans l'atelier d’émaillage, c'est-à-dire, il y a beaucoup de techniques : le trempage dans la cuve, tremper les pièces dans un bain d'émail, c'est un peu comme une chorégraphie, le travail au pinceau, à l'éponge, par insufflation au pistolet. Ce qui m'a fait rester, c'est l'environnement, les rencontres, l'accompagnement des artistes. Très jeune, j’ai rencontré des artistes à qui j’ai apporté l'assistance technique. Ce sont des rencontres incroyables. Cette vision de l'artiste vous emmène dans une autre dimension, mais il faut toujours rester du bon côté de la barrière. »

    En 1924, la manufacture de Sèvres, a réalisé des vases trophées destinés aux champions olympiques français. C’est la même forme de vase, qui en 2024, a fait l’objet d’un travail par 6 jeunes artistes issus des Beaux-Arts. Pour Michel Roué, ce projet l’a légèrement préoccupé. " 60 vases commandés par la présidence de la République qui partiront et seront remis par le président de la République aux médaillés d'or français. Vous voyez la pression ? Cela a été quelques nuits de cogitation pour tout le monde et moi particulièrement. Je suis d'une nature assez anxieuse, il faut que je sois rassuré tout le temps. J'ai beaucoup de chance à Sèvres parce que j'ai beaucoup de fours d'essai, ils sont au nombre de 11. Nous pouvons les utiliser à foison pour faire un essai rapide. Le lendemain matin, nous regardons ce qui s'est passé et nous corrigeons. Travailler, corriger, travailler."

    Les lauréats ont proposé un travail hétérogène. Michel Roué a dû s’adapter à chaque proposition. Celle qui célèbre les pigments bleus de Sèvres, ou qui fait écho au corps et à l’appareil respiratoire, celle dont le trait symbolise la rigueur et la discipline du sport, ou encore, celle inspirée par l’univers de la Bande dessinée, soit un dessin figuratif dynamique qui met à l’honneur les sportives et sportifs en compétition, et pour finir une autre réalisation où des créatures animales, parfois chimères incarnent les disciplines sportives de façon poétique. « Certains se sont lancés très rapidement sur les pièces bonnes et certains sont restés sur des essais, explique-t-il. Ils sont issus d'écoles différentes et je peux les appeler des artistes, puisqu'ils sont diplômés des Beaux-arts, ces jeunes artistes, certains, par exemple, avaient des appétences pour la bande dessinée, comme Samia, d'autres comme Thomas, artiste que j'ai qualifié conceptuel comme pourrait l'être Fabrice Hybert. Et j'ai eu Domitille avec qui j'ai beaucoup échangé, qui m'a demandé très rapidement "est-ce qu'il y a de la place pour moi à la Manufacture, à la décoration, pour peindre ?" Elle voulait rentrer à Sèvres. »

    Chaque vase trophée présente une composition graphique, nette et maîtrisée, bien que différente. Mais avant de lancer la production des vases trophée, des essais ont été indispensables. « Au moment du coulage de la barbotine dans le moule, nous avons un excédent de pâte qui se trouve en haut du vase, couper ces "nourrices". Ils ont commencé sur ces petites nourrices, à faire des traits, des poses à l'éponge, au pinceau à gratter bien sûr, en notant le nombre de passages, de pinceaux, dans quel pot ils ont pris aussi, parce que pour éviter les mélanges, pour passe ensuite à des essais plus grand. Nous avons la chance ou la malchance d'avoir des problèmes techniques sur une coulée sur dix vases, on peut avoir trois vases qui n'arrivent pas au bout du système et du principe de production. Ils sont démarqués parce que soit ils ont un petit problème de collage, soit ils n'ont pas la bonne hauteur. On peut les recouper et c'est des vases qu'on peut proposer pour faire des essais. Ensuite, quand ils ont eu vraiment l'idée de ce que ça pouvait donner au niveau couleur et au niveau matière. Sur les nourrices, on saute directement sur un vase fendu endommagé pour avoir quand même une idée de ce que peut représenter leur décor en volume sur la bonne taille de pièce. »

    La cuisson de grand feu dans l’un des six fours à bois du 19e siècle de la Manufacture de Sèvres est toujours un événement exceptionnel. Ce moment collectif fait battre le cœur de la Manufacture. Il réunit les talents des artistes invités, des techniciens d’art. Cet événement plein d’émotions se produit seulement tous les 4 ou 5 ans. " À Sèvres, nous avons six fours. Nous avons pris le plus petit four. Pourquoi ? Parce que 60 vases de 30 cm, c'étaient à peu près la jauge de ce four. Pour faire un four à bois, il faut une grosse équipe. Nous faisons des appels au volontariat au sein de toute la manufacture. C'est un événement où tout le monde s'inscrit. Nous prenons les plus jeunes, ceux qui n'ont jamais vu, qui n'ont jamais fait, et un peu par famille de métier, technicien et autres. C'est ouvert aux fonctions support. Tout le personnel a pu participer à cette fête puisqu'il faut imaginer quand même une cuisson de 33 heures au minimum. Il faut une présence tout le temps devant chaque alandier (le foyer placé à la base du four). Il y avait deux alandiers, donc quatre personnes devant l’alandier en permanence pour amener le bois, pour charger, pour ouvrir, il faut être plusieurs. Cela fait partie de la vie de la manufacture. C'est un ensemble de facteurs qui font qu'à Sèvres, comme dans beaucoup d'autres endroits, l'émotion n’est pas journalière, mais elle est présente tout le temps."

    Ces trophées seront remis aux athlètes olympiques et paralympiques français médaillés d’or, lors d’une cérémonie officielle à la fin des Jeux. Plusieurs exemplaires rentreront dans les collections des Beaux-Arts de Paris et dans les collections du musée national de Céramique à Sèvres.

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  • Cet été, 100 % création aborde l’esprit créatif des Jeux olympiques et des Jeux paralympiques. Aujourd’hui, l’exposition  « Histoires paralympiques », qui se tient au Panthéon jusqu’au 29 septembre. Parmi les archives et objets de l’exposition, il y a un vélo-fauteuil des années 1920 parfaitement restauré par Sylvain Canu. Une commande encadrée par Alice Pineau, cheffe de projet au Centre des monuments nationaux.

    La création au sens très large m’intéresse surtout dans l’aspect artistique.

    Alice Pineau, cheffe de projet au Centre des monuments nationaux.

    Dans le travail, on n’est pas si souvent amené à passer commande à des artisans, sauf dans le cadre de restaurations d’œuvres d’art, mais je ne peux pas vraiment comparer. Finalement, l’expérience qu’on a eue là, sur ce fauteuil que je qualifie vraiment de petite aventure, ce n’est pas comparable à ce qu’on a pu vivre sur d’autres projets.

    Je suis quelqu’un d’essentiellement technique. Je suis pragmatique.

    Sylvain Canu, artisan-restaureur du vélo-fauteuil des années 1920.

    Le travail manuel, la création d’un objet avec les mains, pour moi, ça a une valeur qui est inestimable. Ça donne une satisfaction pour soi. Pour moi, ça représente un travail manuel qui fait fonctionner aussi le cerveau. Il n’y a pas que du manuel dans la restauration, que ce soit de vélo ou de tout objet, tout objet d’art.

    Le sport offre de la visibilité sociale et les Jeux paralympiques ont aussi bouleversé la perception des personnes handicapées dans la société. Alice Pineau : « L’exposition porte sur l’histoire des Jeux paralympiques. Cette histoire débute avec les Jeux de Stoke Mandeville, juste après la Seconde Guerre mondiale, les commissaires de l’exposition souhaitaient évoquer les compétitions sportives qui se sont déroulées avant la création des Jeux de Stoke Mandeville et qui impliquaient des personnes ayant un handicap. Au cours de nos recherches, nous avons trouvé un film d’archives Gaumont, qui montre une course qui a eu lieu à Longchamp, dans laquelle une partie des participants concouraient avec une sorte de vélo-fauteuil qui était activé par un pédalier à bras. Les commissaires avaient envie, dans l’exposition, de montrer l’évolution du matériel sportif et l’évolution technique des matériels, donc cela les intéressait de montrer un vrai fauteuil de ce type. »

    « Nous avons cherché auprès d’un certain nombre de musées et nous n’avons pas trouvé ces fauteuils. Le film date de 1920, ils n’avaient pas été conservés dans les musées que nous avons sollicités. Un jour, ma collègue a eu l’idée de chercher sur un site de petites annonces. Elle en a trouvé un qui était très proche de ce que nous voyons à l’écran dans le film d’actualité Gaumont. »

    Le Centre des monuments nationaux a donc missionné Sylvain Canu, artisan et passionné de « la petite reine » pour la restauration de ce vélo-fauteuil. Ce virtuose aime remettre en état et redonner une nouvelle vie aux vélos avec son atelier de recyclage. Un défi qu’il a relevé en se documentant afin de mieux appréhender le travail réel à faire sur l’objet. « C’est quand j’ai reçu le vélo que j’ai pu me rendre compte et faire une estimation précise de ce qu’il y avait à faire et surtout du temps que cela allait me prendre. J’ai fait un rétroplanning de ce qu’il fallait faire pour arriver à l’échéance que madame Pineau m’imposait pour qu’il soit prêt pour l’exposition. Il y a eu deux éléments. Le vélo était complet. C’était un point positif parce que je n’avais pas à rechercher des pièces à droite à gauche pour le reconstituer. C’était complet. »

    « Par contre, il y avait beaucoup de pièces qui étaient très endommagées ou très rouillées. La rouille avait attaqué de façon très importante les roues, en particulier les rayons. La difficulté, c’est que c’était une taille de roues qui ne se fait absolument plus aujourd’hui, donc, des tailles de rayons qui ne se trouvent plus. Les jantes, c’était impossible de les remplacer par du neuf ou même de l’occasion trouvée ailleurs. Il m’a fallu partir de cette base. »

    Le vélo-fauteuil débusqué par le Centre des monuments nationaux ne pouvait pas être exposé en l’état. « L’objet était abandonné depuis pas mal d’années. Nous ne savions pas jusqu’où cela serait possible d’aller et jusqu’où c’était souhaitable. Il fallait absolument le nettoyer, enlever la rouille, la poussière. Mais c’est sûr que nous ne souhaitions pas donner l’impression que c’était un objet neuf. C’est une exposition qui a un déroulé chronologique. Cet aspect du propos est essentiel pour bien comprendre l’histoire des Jeux. C’était important que cet objet ressemble à un objet du début du 20ème. Nous ne voulions pas l’effet sortie d’usine. Mais c’est vrai que je ne pouvais pas non plus dire de manière certaine : est-ce que dans son jus, cela suffit ? D’autant plus que nous savions que ce serait le premier objet visible dans l’exposition. Le premier objet dans l’exposition, il y avait un enjeu. Il fallait que cet objet soit crédible et beau. Jusqu’où nous allions dans la restauration, c’était une question complexe. »

    Sylvain Canu est un expert qui n’en est pas à sa première restauration. Pour ce vélo-fauteuil, ancêtre des fauteuils roulants actuels, la réhabilitation s’est faite en plusieurs étapes. Sylvain Canu :

    « J’ai mis d’un côté la partie tôlerie, de l’autre la sellerie. Le fauteuil en lui-même était finalement en assez bon état, avec des produits régénérants pour le cuir, j’ai pu raviver le siège, le dossier et le fauteuil, c’est d’origine. Du côté tôlerie avec toutes les pièces qui sont censées être chromées ou être complètement décapé, mais avec le métal à nu non peintes et celui de la partie peinte. J’ai fait moi-même la peinture au pistolet avec une couche d’apprêt, plusieurs couches de peinture. Pour les pièces qui ont été chromées, je les ai portées chez un polisseur et un chromeur qui m’a fait ce travail. C’est la même personne qui s’est occupée des roues. Il y a quelques autres pièces que j’ai polies moi-même. Quand il manque une pièce, je la fabrique et cela m’est arrivé sur ce vélo-fauteuil. En examinant de façon attentive, il y a une pompe à air qui est fixée sur l’axe de la roue arrière. Cette pompe était maintenue par deux petits tétons en métal qui étaient tellement rouillés que j’ai dû les découper à la disqueuse, ces petits supports de pompe à air, j’ai dû les recréer de toutes pièces. »

    Le niveau de restauration du vélo-fauteuil d’après-guerre a été dicté, aussi, par le temps.

    « Comme nous ne cherchions pas une restauration à neuf, il y avait certaines choses que je pouvais laisser sans aller trop loin. Par exemple, le polissage de certaines pièces. Si vous passez sur la polisseuse, c’est-à-dire un appareil qui tourne très vite avec une brosse, enfin plusieurs brosses, vous pouvez passer une demi-heure et votre objet va avoir des aspérités de près. Cela ne va pas trop se voir, mais vous pouvez y passer trois heures et votre objet va être fini et parfaitement lisse. C’est un peu au feeling que j’ai fait le polissage. Il y a des pièces où je me suis dit : c’est une pièce qui n’est pas très visible, ce n’est pas si important si la pièce n’est pas parfaite, et puis il y a d’autres pièces, je souhaite qu’elles soient vraiment belles et j’y passe du temps et je vais vraiment dans le détail et dans le fini des choses pour que cela donne un très bon rendu. "

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    À lire aussiMathieu Lehanneur, le designer de la torche et de la vasque olympique

  • Cet été, tous les regards se tournent vers Paris. Pour la troisième fois de son histoire, la ville lumière accueille les Jeux olympiques, après ceux de 1900 et 1924. 100% création aborde l’esprit créatif de ces Jeux. Aujourd’hui : Dominique Antérion, conservateur des collections de la Monnaie de Paris, et David Lebreton, scénographe et co-fondateur de l’agence Designers Unit.

    Ils nous parlent de l’exposition : d’or, d’argent, de bronze. Une histoire de la médaille olympique qui se tiendra jusqu’au 29 septembre, au musée de la Monnaie de Paris. Elle met en évidence l’art et l’histoire de la médaille olympique. Un objet que la Monnaie de Paris connait bien en tant que fabricant historique de médailles.

    Pour moi, la création, justement, je crois que je l'ai véritablement abordée avec cette exposition.

    Dominique Antérion, conservateur des collections de la Monnaie de Paris :

    La création, un petit peu tel que nous nous l'entendons de manière occidentale, aujourd'hui, avec son côté design, en effet, créatif, gratuit, presque pour le plaisir finalement de l'œil et au service de la pédagogie. Et cela, c'était une découverte.

    David Lebreton, scénographe et co-fondateur de l’agence Designers Unit :

    La scénographie apporte du beau. Je pense qu'il faut assumer pleinement que l'exposition, en plus de présenter les choses, marque les esprits. Elle est mémorable et elle propose un moment de plaisir séduisant. Nous ressortons avec l'idée que peut-être, il faut inviter les autres à venir.

    De l'Antiquité à nos jours, c'est l'instant de la Victoire et de la Récompense que l'exposition D’or, d’argent, de bronze – une histoire de la médaille olympique raconte, à travers la médaille elle-même, mais aussi à l’aide d’objets, d’images et d’archives pour mieux comprendre ce qu’elle représente et symbolise. Dominique Antérion, conservateur des collections de la Monnaie de Paris, nous raconte l’origine de l’exposition :

    C'était tellement logique que ce soit nous qui organisions une exposition et avec notre nom et la réputation de la maison, c'était, disons, quasi acquis que nous puissions faire venir à Paris pour les Jeux toutes les médailles que nous avons empruntées au musée de Nice ou au musée olympique de Lausanne, par exemple.

    Sincèrement, jamais je ne me serais intéressé à la médaille olympique. Je ne suis pas un spécialiste de la médaille, encore moins un spécialiste du sport, donc, reconnaissez que les planètes n'étaient guère alignées pour que je puisse travailler sur le sujet. Mais c'est la curiosité qui a été la plus forte. Cette curiosité a été dynamisée par la montée en puissance de l'esprit des Jeux. Cela fait un an et demi que nous travaillons sur ce projet. C'est très peu. Les scénographes de l'exposition, nous leur avons accordé encore moins de temps pour établir du scénario. Mais je pense que tout le monde a eu cette même motivation de faire partie de l'événement à notre manière, sans courir un sprint, quoique ce fût un sprint au niveau de la scénographie.

    Le scénographe hérite de la curiosité, d’une liste d’œuvres, d’un espace donné afin de créer une mise en espace de toutes ces idées et de valoriser les collections de Monnaie de Paris. David Lebreton :

    C'est toute la beauté de la scénographie, c'est de faire un peu la synthèse créative à la fois des contraintes matérielles et techniques, des ambitions programmatiques du commissaire, de l'institution, aussi, qui a une visée, une portée auprès de son public et puis, nous, de nos envies, de ce que nous avions envie d'apporter au projet. Nous, c'est l'idée de performance, de mouvement. Dans l'histoire de l'art, il y a un photographe qui s'appelle Eadweard Muybridge, qui a été à la fois un artiste et un scientifique, d'une certaine manière, qui a révélé au monde la structure du mouvement, et graphiquement comme scénographiquement, nous nous sommes appuyés sur cette logique de la fragmentation de la performance, du geste, de la beauté du geste. Cette exposition révèle des médailles, le pourquoi nous faisons des médailles. Pour récompenser l'effort et la performance dans l'effort. Visuellement, l'exposition, l'affiche, la communication tentent de révéler aux visiteurs cet effort, cette performance.

    La Monnaie de Paris célèbre les Jeux olympiques et paralympiques, mais avant que le scénographe n’arrive, il y a une réflexion sur ce qui pouvait être réutilisé dans l’exposition antérieure. Dominique Antérion :

    C'est un peu compliqué parce que des fois, nous allons avoir besoin de places là où dans l'expo d'après, nous n’en avons pas besoin et inversement. Nous sommes dans la gymnastique, pour garder la métaphore olympique et sportive, mais en effet, nous sommes dans la prospective de comment sera l'expo d'après et sans avoir forcément tout le scénario, tout le tableau d'objets et autres. Cela veut dire que toutes ces cimaises, nous n’allons pas les jeter une fois que la première expo sera terminée.

    Ensuite, le fait déjà d'avoir toute une exposition en papier peint, je pense que cela doit changer pas mal de choses en termes d'impact écologique. Malgré tout, c'est une très grosse contrainte pour le commissaire puisque toute l'exposition est intégralement imprimée avant même que les œuvres ne soient présentes. Il faut être sûr que tous les espaces laissés libres pour les œuvres, là où il n'y a pas de texte, soit correctement dimensionné et au bon endroit. Je crois que chacun y a mis beaucoup du sien, et je crois que nous y sommes tous arrivés assez bien. Nous avons fait un beau travail de relais, d'équipe. Même chose pour les vitrines. Je pense que très logiquement, ce sont des vitrines que nous allons réutiliser. Il y a vraiment une pensée en écoresponsabilité avant même que l'expo ne sorte de terre.

    La mission du scénographe est d’informer, présenter et marquer la mémoire des visiteurs, mais avec cette exigence écoresponsable. David Lebreton :

    Le développement durable est une donnée supplémentaire, mais aussi une source de création d'une certaine manière. C'est une donnée à prendre en compte, positive, qui nous oblige à nous redéfinir en tant que créateur. Et quand je dis créateur, je pense que le scénographe n'est pas le seul créateur. Le commissaire est un cocréateur. Le fabricant a sa part de création parce qu'il amène des solutions techniques dans l'élaboration des vitrines, des cloisons, de l'impression.

    Un habillage graphique total des surfaces de cloisons déjà existantes a permis de donner une identité très forte qui se décline depuis la Cour d'honneur avec un objet événementiel attractif pour les JO, dans la cour de la Monnaie de Paris. Une charte graphique qui se déploie sur une identité visuelle à travers les affiches, les cartons d'invitation dans l'exposition, à la fois avec une grande cohérence et une forme de sobriété d'action. Et le dernier point, c'est la question des vitrines. Cette matière va être réutilisée deux fois, trois fois. Moi, j'aime bien parler d'héritage dans la création, nous sommes à la fois les héritiers de choses fabriquées que nous transmettons à d'autres créateurs qui vont rejouer avec, et de la même manière, nous sommes les héritiers d'une matière, les médailles, et que nous portons aux yeux du public. Le fait d'être un « designer-passeur » est quelque chose d'assez symbolique de notre pratique à l'agence.

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  • Cet été, tous les regards se tournent vers Paris. Pour la troisième fois de son histoire, la ville lumière accueille les Jeux olympiques, après ceux de 1900 et 1924. 100% création aborde l’esprit créatif de ces Jeux. Les JO, ce ne sont pas seulement des sportifs et des compétitions, ce sont aussi les métiers de la création qui s’activent dans le plus grand secret.

    Aujourd’hui, nous vous parlons de la tapisserie olympique avec Hervé Lemoine, président du Mobilier national. Nous avons rencontré Alexane Jouve, lissière à la manufacture des Gobelins qui a tissé avec une autre artisane d’art la partie centrale de la tapisserie olympique.

    Lors d’un événement tels que les Jeux olympiques, cela nous paraissait essentiel que la dimension culturelle s'incarne aussi au travers des créations singulières des créations faites spécialement pour ce moment dans nos manufactures nationales qui perpétuent la tradition de savoir-faire et de création française d'excellence.

    Hervé Lemoine, président du Mobilier national

    Créer, être artiste lissière, c'est tout ce que j'ai voulu être tout le temps. Faire un métier manuel, un métier de création, c'est très enrichissant. Le travail de la main, c'est fou, c'est avec nos mains que nous créons des œuvres monumentales. Moi, c'est ma passion, je n’ai pas l'impression de travailler. Je vis de ma passion. Je me lève le matin en me disant je vais tisser. C'est comme si j'allais faire de la poterie après mon travail, sauf que c'est mon travail.

    Alexane Jouve, lissière

    La tapisserie olympique est l’œuvre originale de l’artiste Marjane Satrapi. Il s’agit d'un triptyque mesurant 9 mètres de long et 3,30 mètres de haut. Tissée par les manufactures des Gobelins et de Beauvais, la tapisserie olympique a nécessité un travail entre les ateliers des manufactures. Alexane Jouve, lissière à la manufacture des Gobelins, a réalisé la partie centrale.

    « Nous avons commencé en 2021, confie-t-elle. Nous avons mis tout juste deux ans pour tisser la partie centrale. Moi, je suis une lisière de la partie du milieu parce qu'il y a trois ateliers pour les trois tapisseries. C'était pour que cela soit bien fait en temps et en heure, parce que dans un seul atelier, ce n'était pas possible. Il n'y avait pas assez d'équipes pour trois tapisseries. Et en plus, cela montre les différents ateliers que nous avons au mobilier national et aux manufactures. »

    Cet ensemble monumental de 60 kg de laine aux 19 couleurs est un projet qui a commencé dès que Paris a eu la certitude d’organiser les Jeux olympiques.

    « Nous avons pensé au mobilier national et dans nos manufactures des Gobelins, de Beauvais, de la savonnerie. Bref, nous avons pensé que ce serait intéressant d’avoir aussi des créations artistiques qui s'inscrivent à la fois dans une longue tradition des arts décoratifs ou des arts textiles français, mais aussi qui correspondent et qui portent les valeurs de l'olympisme culturel, en 2024, explique Hervé Lemoine, président du Mobilier national. Un mariage entre, si j'ose dire, le patrimoine et la création contemporaine, qui est d'ailleurs notre ADN en quelque sorte. Nous avons fait la proposition à Tony Estanguet de la création d'un grand triptyque, d'une grande tapisserie olympique. »

    « Nous avons choisi ensemble Marjane Satrapi parce qu'il nous semblait que, par son parcours personnel, mais aussi par ses qualités artistiques et notamment son sens de la figuration que nous voyons beaucoup dans ses œuvres maintenant peintes, elle pouvait nous proposer quelque chose qui corresponde aussi à l'art de la tapisserie, qui est un art aussi du grand format, de la couleur et un art, nous semble-t-il, très expressif. »

    Le dessin imaginé par Marjane Satrapi puis reproduit à la main par les lissières s’inspire de l’histoire de l’olympisme. La partie gauche du triptyque fait écho aux Jeux de Paris de 1924 avec l’iconographie du lanceur de javelot.

    La partie centrale qui représente une femme et un homme portant le flambeau sous la tour Eiffel, fait référence à la parité homme-femme. La partie droite est en lien avec les nouvelles épreuves urbaines de breakdance et de skateboard qui sont introduites pour cette édition.

    « Ce qui m'a le plus marqué à titre personnel, c'est surtout de travailler pour Marjane Satrapi, pour une artiste. Depuis que je suis petite, j'ai suivi ce que fait Marjane Satrapi, c'était encore plus émouvant de travailler pour elle que pour les JO, même si les Jeux olympiques, c'est un événement très important, cela m'a impactée un peu moins à titre personnel, mais c'est surtout cette artiste qui est une femme forte, emblématique, qui se bat pour des droits et dont je partage les valeurs. De pouvoir la rencontrer. C'est un échange où nous nous apercevons que les artistes nous donnent énormément de confiance en nous. Nous, nous sommes admiratifs de leur travail, mais en fait, ils sont encore plus admiratifs du nôtre. C'est gratifiant de voir des artistes reconnus, bien sûr. Notre métier est reconnu, mais des fois, nous ne nous en rendons pas forcément compte. Nous faisons un métier incroyable et c'est en rencontrant des artistes qui, pour nous, sont incroyables et qui nous disent non, c'est notre travail qui est encore plus fou que le leur. Cela met du baume au cœur », explique Alexane Jouve.

    Cette tapisserie se veut l'expression de l'excellence des métiers d'art en France qui ont façonné chaque centimètre de cette pièce emblématique. Cette œuvre qui exprime les valeurs de l’olympisme et des Jeux de Paris 2024, selon Hervé Lemoine, c’est un avantage quand les ateliers ont 400 ans de création d’œuvres textiles en héritage.

    « Cela a été un échange très nourri entre les lissières ou les lissiers, c'est le nom par lequel sont désignés les techniciens d'art qui font de la tapisserie, également ceux qui créent la couleur dans nos ateliers », explique-t-il.

    « Un échange très nourri entre Marjane Satrapi, ces techniciens d'art. C'est pour cela que nous avons été heureux qu'elle passe tant de temps dans nos ateliers. Nous lui avons apporté ces 400 ans de savoir-faire et nous lui avons expliqué la différence entre la haute lice et la basse lice, les principes qui commandaient, je dirais, la création de la couleur, sachant que nous avons cet extrême avantage d'avoir depuis près de 400 ans notre atelier de teinture qui permet de créer des couleurs. C'est quand même quelque chose de magnifique, il y a 19 couleurs dans la tapisserie que nous avons réalisée avec elle, 19 couleurs et on espère que cela soit réussi », confie-t-il.

    La tapisserie a déjà une postérité post-olympique. « Elle va être exposée au musée des sports de Nice. Elle continue sa vie, c'est bien de voir que des tapisseries justement continuent après que ce n’est pas que pour un événement, il y a une suite », conclut Alexane Jouve.

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  • Cet été, tous les regards se tournent vers Paris. Pour la troisième fois de son histoire, la ville lumière va accueillir les Jeux, après ceux de 1900 et 1924. 100% création aborde l’esprit créatif de ces Jeux. Les JO, ce ne sont pas seulement des sportifs et des compétitions, ce sont aussi les métiers de la création qui s’activent dans le plus grand secret. Aujourd’hui, Benoît Verhulle, 13e chef d’atelier de la Maison Chaumet, nous parle des médailles olympiques.

    Il faut de toute façon, dans notre métier, avoir un goût artistique très prononcé. Cette passion, l'envie de bien faire, d'essayer de toujours se remettre en question en disant ‘est ce que je ne peux pas toujours mieux faire ?’ C'est vrai que c'est toujours frustrant parce que nous avons l'impression que cela ne va jamais s'arrêter.

    Benoît Verhulle, treizième chef d’atelier de la Maison Chaumet

    C'est toujours enrichissant, je trouve d'arriver le matin avec un dessin et de se dire ‘comment je vais le réaliser, avec quelle technique, qu'est-ce que je peux faire pour arriver justement à donner vie à ce bijou ? ‘ A chaque fois, c'est un éternel recommencement. Et c'est pour cela que 34 ans dans une même maison, cela paraît très simple parce que tous les jours il y a un nouveau projet qui va de la bague, à la boucle d'oreille, à des médailles olympiques. Nous changeons, finalement, les années passent très facilement et très rapidement.

    Benoît Verhulle est né au Havre, dans le nord de la France. Il y fait ses études, mais lors de vacances à Toulouse, dans le sud de la France, il découvre l’univers de la joaillerie, il a 12 ans. Ses parents l’accompagnent dans ce métier, mais c’est un moment où l’apprentissage est sinistré, où les places d’apprenti sont très rares. Jusqu’au jour où l’un des artisans sollicités dit à ses parents qu’il y a deux écoles sur Paris et que la sélection se fait sur concours.

    Retenu par l’une d’elle, Benoît Verhulle arrive à Paris à 15 ans. Après trois ans de formation, il obtient son diplôme. « Sincèrement, c'était assez difficile de trouver un travail. J'ai vite compris que si je voulais y arriver, il fallait travailler, j'ai donc travaillé. De fil en aiguille, j'ai fait plusieurs ateliers jusqu'au moment où dans mes connaissances, il y a quelqu'un qui m'a dit "Chaumet recrute des jeunes pour enrichir leur atelier". J'ai postulé, j'avais 26 ans et puis j'ai été accepté et j'ai commencé chez Chaumet. »

    « J'ai été joaillier, 26 ans. J’ai de la chance de ne faire que de la pièce unique, la chance d'avoir le temps par rapport à des gens qui font de la série. Mon passé professionnel et d'avoir fait de la série est très important parce que cela m'a appris à aller vite, à être un peu astucieux et assez inventif aussi sur ce que je voulais faire. Nous, au sein de l'atelier, nous faisons toutes ces pièces de haute joaillerie, les commandes spéciales, mais nous entretenons aussi toutes les pièces de notre patrimoine et cela nous permet d'avoir un œil sur ces techniques oubliées. »

    Aujourd’hui, Benoît Verhulle est le treizième chef d’atelier de la Maison Chaumet. Il dirige une équipe de 26 personnes réparties dans différentes spécialités.

    « Nous sommes 26 personnes divisées en joailliers, sertisseurs, polisseurs. Parmi ces 26 personnes, j'ai aussi quatre alternants. Parce que si je n’ai pas les alternants, je n’ai pas les mains de demain. Il faut vraiment transmettre. Nous ne transmettons pas uniquement du savoir-faire, nous transmettons aussi de la passion, explique-t-il. Rien n'est plus important que d'avoir des gens passionnés. Si nous avons des gens passionnés, nous pouvons les emmener très loin. Quand nous avons les dessins, chacun commence à réfléchir "qu'est-ce que je peux mettre dedans ? Qu'est-ce que je peux faire ?" Alors que si nous avons de très bons techniciens, mais qui n'ont pas cette passion, ils vont dire "voilà le dessin, je t'ai fait exactement ce que tu m'as demandé, c'est fini", et ce sera bien fait, mais il n'y aura pas d’âme en plus. »

    « Alors que là, chaque artisan est toujours très fier de ce qu'il réalise. Je pense que notre méthode de travail, d'échange est importante. Il y a un échange entre les personnes du studio de création, les personnes de l'atelier et ils partagent en direct sans les filtres ou le prisme de chaque manager, de chaque département qui échangent entre eux. Je pense que c'est important. Ce n'est pas parce qu'une personne vient d'arriver dans le métier, un peu plus junior, qu'elle n'a pas de bonnes idées. Moi, cela ne me gêne pas de donner la première réalisation d'une collection à quelqu'un qui est junior, parce que peut-être qu'il va me surprendre dans sa réalisation et peut-être que cela va m'intéresser. C’est cet échange, cette façon de travailler qui permet de les emmener un peu plus loin, de les intéresser, les impliquer 100% dans leurs réalisations. »

    Les médailles olympiques gardent l’empreinte de Paris, puisque des morceaux de fer issus de la tour Eiffel, icône de Paris, ont été intégrés au centre de ces décorations et taillé en hexagone à l’image de la France. Imaginées par la Maison Chaumet, ces pièces sont serties comme une pierre précieuse. Les médailles sont fabriquées à la Monnaie de Paris et tout a été fait pour faciliter le travail entre les deux Maisons.

    « Nous ne pouvions pas, dans notre structure, réaliser plus de 5 000 médailles et surtout 5 000 médailles identiques dans un temps assez court. Moi, je ne pouvais pas le faire et pour nos commandes spéciales, nous allons chercher systématiquement le spécialiste de telle ou telle technique. Moi, je l'aurais fait de façon joaillière, c'est-à-dire que je l'aurais fait complètement différemment. Mais ce qui était surtout important, c'est d'intervenir sur le volume et de tout rendre facile pour que la Monnaie de Paris puisse rendre ce bijou aussi facilement que si nous le réalisions ici en interne », ajoute-t-il.

    « Nous avons vraiment cherché la façon de sertir justement ce morceau de tour Eiffel pour que ce soit réalisé de façon joaillière avec notre façon de faire. Mais en le répétant 5 000 fois et que ce soit à chaque fois identique. Nous nous sommes posés les vraies questions pour arriver à ce que ce soit très facile et que toutes les médailles soient les mêmes. C'était notre souhait que chaque médaille pour nous soit un bijou unique et touche l'excellence, d'être à la hauteur de ces athlètes qui ont sacrifié beaucoup de moments de leur vie pour arriver à toucher ce Graal et que lorsqu'ils vont avoir leur médaille, qu'ils soient fiers de porter cette médaille comme nous sommes fiers d'avoir apporté ce savoir-faire sur ces médailles. »

    D’or, d’argent ou de bronze, les médailles ont bénéficié d’un sens du détail poussé au maximum.

    « Si nous prenons la médaille d'or, il y a uniquement six grammes d’or parce que c'est un cahier des charges qui est établi par le CIO. Nous ne pouvons pas en mettre plus. Le reste de la médaille, c’est de l'argent, précise Benoît Verhulle. Une pellicule d'or de six grammes dont nous avons revêtu toute la médaille, celle qui est en argent est en argent et celle qui est en bronze est en bronze. Ces médailles, nous, nous avons essayé de les traiter comme un bijou parce que, par exemple, pour tenir le ruban, nous nous sommes appliqués à l'insérer dans la médaille et qu'il n'y a rien qui dépasse de cette médaille. Esthétiquement, c’est plus joli. »

    « Le sens du détail est important parce que cela fait partie entière de notre métier. Nous sommes pointilleux. Ce n’est pas d’instinct que visuellement nous allons nous dire oui, cela va être bien ! Pourquoi l'Hexagone, n’a pas été réalisé sur toute la médaille, nous aurions pu aussi ! Mais cela ne fait pas du tout la même sensibilité. Nous n’avions plus ce rayonnement, plus ce travail avec la lumière et cela nous gênait. »

    Pour les Jeux de la 33ᵉ olympiade, Benoît Verhulle et son atelier ont dessiné deux design pour des décorations à la fois très proches, mais différentes.

    « Nous avons la médaille du CIO et la médaille pour les athlètes paralympiques. Sur les médailles du CIO, la face est celle où on est intervenu et le dos, nous sommes obligés d'avoir la déesse Niké, la déesse de la victoire. Nous sommes obligés d'avoir des codes bien précis qui nous sont donnés par le CIO. La seule chose où on a eu le droit de modifier parce que cela faisait 100 ans que les Jeux olympiques avaient été à Paris et que la personne qui a remis les Jeux olympiques au goût du jour, le baron Pierre de Coubertin, était Français, nous avons eu le droit de rajouter une petite tour Eiffel sur cette face. Mais sinon, cette face-là, elle est figée. »

    « Sur la partie de la médaille paralympique, nous voulions que la face soit la même. Par contre, notre idée, c'était de mettre au dos une tour Eiffel vue du dessous. Être au centre de la tour Eiffel et regarder et en se projetant vers le haut, vers le ciel pour atteindre justement ce Graal. C'était notre idée pour ce côté paralympique. Nous avons rajouté sur la tranche de la médaille, tout autour en braille, parce que Louis Braille était Français, Jeux olympiques Paris 2024. C’est la même médaille, les seules différences, c'est au dos ce design qui n'est pas du tout le même et le ruban. Il y en a un qui est bleu pour les valides et rouge pour les paralympiques. »

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  • À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques 2024, cet été, 100% création vous fait découvrir, les métiers et l’esprit créatif de ces JO. Cet évènement mondial encourage les créateurs, artistes ou artisans d’art à se surpasser, à donner le meilleur d’eux-mêmes. Aujourd’hui, Ugo Gattoni, artiste et dessinateur des affiches des Jeux. Il a imaginé un diptyque. En mettant les deux affiches ensemble, elles offrent une vision globale de Paris 2024.

    Je pars d'une expérience personnelle, d'un rêve des fois, d'une expérience vécue.

    Ugo Gattoni, artiste et dessinateur du diptyque de l’affiche des Jeux.

    Puis après, je vais bouquiner un petit peu. Je prends un peu ce qui passe dans ma vie. Je peux lire quelque chose sur la mythologie grecque, le chamanisme et je vais croiser des traditions. Je pioche ce qui me plaît, j'en fais mon mélange et je m'écris ma propre mythologie. Et après, une fois que j’ai des bases un peu sérieuses pour pouvoir partir en délire, c'est bon.

    Ugo Gattoni, est né et a grandi en banlieue parisienne. Il a fait des études de graphisme. Après son diplôme, il se consacre une année uniquement au dessin. Il aime les projets de grande envergure, raconter des histoires sur des rouleaux de 10 mètres sur 1 mètre. Ugo Gattoni est déjà un habitué du format de la fresque. Il dessine jour après jour des histoires du quotidien. C’est comme cela qu’il a trouvé son style, l’infiniment petit en grand format.

    « Souvent, j'ai un grand thème qui me fait plaisir. Cela peut être un parc d'attractions, le médiéval. J'ai déjà fait une fresque là-dessus. Je pars dans ce thème un peu large, et puis moi, je me raconte mes histoires au fur et à mesure, donc je ne sais pas forcément ce que je vais dessiner le mètre d'après ou les 30 cm suivants. C'est ce qui s'est passé quand j'ai fait cette première fresque, en sortant d'école, qui s'appelait "Ultra Copain", en 2011. Très vite, j'ai été invité à exposer à Londres, d'où mon départ de Paris pour un an à Londres et j'ai rencontré un éditeur qui m'a proposé de faire un livre. Ma première fresque en commande, plus en loisir, comme je pouvais faire, était sur le vélo. C'est une série qui s'appelle "Bicycle" qui a donné naissance à un grand dépliant en livre. J’avais le thème du vélo puis j'ai avancé centimètre par centimètre. »

    Il y a deux affiches, celles des Jeux olympiques et celle des paralympiques, le diptyque réuni forme une immense arène inclusive. Pour symboliser la parité, un nombre égal de femmes et d’hommes apparaissent au premier plan. Ugo Gattoni a glissé quelques touches, des détails, des symboles parisiens comme le Pont-Neuf, le Stade de France, les Invalides, la tour Eiffel, le Grand Palais, l’Arc de triomphe et le métro qui n’ont pas été oubliés.

    « Les JO, c'est une période où, normalement, il y a une trêve de conflits et de guerres dans le monde. C'est une période de paix. Il y a des vols de colombes, il y a des tout petits symboles comme cela que j'ai essayé de mettre, des choses qui sont peut-être à un troisième niveau de lecture du dessin, mais grâce à ce format très imposant de fresque, j'ai des détails qui sont de l'ordre du trois ou quatre millimètres. Il y a un premier niveau de lecture. De loin, la grande arène avec une ambiance un peu épique, un peu péplum, mais il y a aussi la tour Eiffel, le Stade de France, ce plongeur au premier plan, le balcon olympique aussi. Il y a plusieurs niveaux d'échelles. »

    « Et puis, plus près de l’affiche, il y a des petites histoires. Et encore un troisième pas où, là, nous oublions complètement le cadre du dessin, du format, puisqu'il est plus grand que nous en se perdant dans des micro détails où, en effet, il n'y a pas que du sport, il y a aussi des petites saynètes d'amoureux parisiens qui sont sous un saule pleureur. Il y a des petits coins que moi, j'aime bien dans Paris. »

    Ces affiches ne sont pas une commande comme les autres, le travail d’Ugo Gattoni a été très intense pendant 4 mois. « C'est très gratifiant d'être choisi pour le faire. Je ne me rendais pas compte au début de l'ampleur du projet et de sa diffusion. Je m'en suis rendu compte, je pense même le jour du dévoilement au musée d'Orsay où il y avait ces milliards de caméras et puis après toute la couverture médiatique. Ce dessin a été le dessin le plus vu au monde pendant un mois, c'est complètement fou. C'est donc, un honneur. Moi, je suis très attaché à Paris, donc j'étais ravi de le magnifier à mon sens. »

    Alors que l’intelligence artificielle aurait pu générer des images, Ugo Gattoni a dessiné à la main les 40 000 personnages des affiches officielles de Paris 2024. Pour l’artiste dessinateur, il s’agit de sa fresque, son dessin le plus accompli. « C'est le plus abouti, le plus poussé en termes de technique, de couleur. Je n'avais jamais fait de fresques aussi grandes, colorées en quatre mois. Je sens que je prends vraiment une aisance en dessin et que cela me fait énormément évoluer. Je suis ravi parce que dès que je finis une commande, je replonge dans Nebula, dans mon univers où je vais amener beaucoup de légèreté et d'aisance dans mon travail plus personnel. Ce travail Nebula, il est très frustrant parce que j'aimerais y consacrer ma vie, mais en fait, j'y consacre quelques mois entre les commandes. Mais du coup, j'ai toujours un nouveau regard sur cet univers et cela permet de faire des dessins un peu plus mûrs, je pense. »

    Toutes les disciplines sportives sont représentées, y compris les nouveaux venus de cette édition comme le breaking, l’escalade, le skateboard et le surf. « Je crois qu'il y en a 43, mais par exemple, il y a le côté olympique, le côté paralympique, le tennis est représenté en tennis fauteuil, mais pas deux fois, pas côté olympique. En haut, il y a la vague pour le surf de Tahiti. La vague se casse vers la gauche, je l'avais dessinée vers la droite. Enfin des détails qui sont importants avec un petit pourcentage de retouches. Il y a Stoke Mandeville aussi, le berceau paralympique, côté Angleterre en face. J’ai essayé de mettre le maximum. »

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  • À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques 2024,  100% Création met en lumière les artisans d’art, leur créativité et leur savoir-faire  à la française, à travers une série de neuf épisodes. Les Jeux de la 33e Olympiade encouragent les créateurs, artistes ou artisans d’art à se surpasser, pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Ce dimanche, le designer de la torche olympique, un objet iconique qui fait partie des grands symboles des Jeux, conçue par Matthieu Lehanneur.

    Je me nourris intellectuellement ou créativement, quasiment sans design. J'achète beaucoup de livres d'art, historiques, sur des civilisations disparues. Il y a une forme de lâcher prise. Évidemment, je choisis les ouvrages qui me semblent intéressants, mais ensuite je laisse mon cerveau, quand je les consulte, garder ce qu'il pense intéressant d'être gardé et de mettre de côté ce qui ne pense pas intéressant de le garder.

    Mathieu Lehanneur, fondateur de la Factory et designer de la torche olympique de Paris 2024

    « Je crois que pour moi, tout le travail de création, c'est d'arriver à cohabiter le mieux possible avec l'organe de la création qui pour moi est le cerveau. Dans mon métier, je pense que mon cerveau fonctionne en filtres, sauf qu'il a mis au fil du temps, des systèmes de canaux qui dit Il y a une chose qui est intéressante dans cette petite brique-là que je vois en passant au coin de la rue, hop, il prend, il range dans les détails, matière, assemblage, minéral. Ce n’est pas aussi calé que cela. Ce n’est pas un tableau Excel, mais j'ai le sentiment qu'il organise tout cela. Vous vous rendez compte que si vous le laissez faire. En fait, cela a un sens. Il y a trouvé une logique que vous, consciemment, vous n'arrivez pas, encore, à voir, mais, que lui, qui a toujours un petit temps d'avance sur vous, ‘tu vas voir, laisse-moi faire !’"

    Mathieu Lehanneur est né à Rochefort en Charente-Maritime, dans le sud-ouest de la France et il grandi en banlieue parisienne. C’est un élève plus contemplatif que bricoleur, dessinateur ou créatif. La Médecine l’attire, il pense à devenir artiste et ce n’est que tardivement qu’il se tourne vers le design, en passant par les bancs de lÉcole nationale supérieure de création industrielle à Paris. Dans ses études de design, la science occupe une place importante, à l’instar de son projet de fin d’études sur le design des médicaments. Mathieu Lehanneur a donc une approche scientifique du design.

    « L'idée, ce n'est pas de faire un objet pour un objet. L'idée, ce n'est pas d'utiliser juste du bois parce que j'aime le bois. L'idée, c'est de se poser la question, mais à quoi cela va servir et à qui cela va servir ? Donc pour moi, cela me paraissait la première marche nécessaire pour devenir un designer. Oui, c'est le paradoxe, cela s'est révélé atypique alors que cela me paraissait la chose la plus naturelle du monde. »

    « Je continuais en parallèle et même sans clients, à réfléchir sur les effets de la pollution sonore sur nous et comment nous pourrions trouver des moyens d’y faire face, me poser la question de l'air que je respire qui est là, partout autour de nous, là, mais nous n'y pensons jamais et à la fois, c'est une des rares matières qui m'entoure que je touche et qui rentre même à l'intérieur de moi, donc, elle est évidemment clé pour notre vie et même pour notre plaisir. Est-ce que le taux d'oxygène est suffisant ? Et donc là, j'apprenais par les scientifiques : Non ! Dans nos grandes villes, il n'est jamais suffisant pour qu'un être humain soit dans le maximum de ses capacités. Très bien. Mais alors comment pouvons nous ré-enrichir cet air en oxygène? Il y a différents systèmes très techniques, très chimiques, très artificiels ou très naturels. Le côté naturel, je le trouve paradoxalement plus intéressant et plus magique. Vous rentrez dans des champs et donc vous nourrissez. Cela devenait des projets de recherche, des projets parfois conceptuels, des projets souvent expérimentaux, mais qui avaient tous la vocation. En tout cas, c'est ce que j'essaie de leur faire porter comme responsabilité, d'apporter des réponses possibles. »

    Dès la fin de ses études, en 2001, il se lance et pour maitriser toute la chaine de production, il installe son usine à idée : la Factory. Son processus créatif est basé sur l’écoute. « Je ferme les yeux. Si c'est une demande qui vient de l'extérieur, un client, un commanditaire. Souvent, ils vont préparer un "brief", une sorte de cahier des charges. En général, je ne les lis pas parce que je ne crois pas que la bonne réponse, l'intuition ou l'idée va se trouver dedans. Je prends plutôt du temps, je les rencontre, discute avec eux pour essayer de savoir, mais comme un psychologue va le faire ou comme un médecin va le faire avec quelqu'un qui vient avec des symptômes. Les gens ne viennent pas pour me dire qu'ils ont mal au dos, ils viennent pour me dire que "ma marque, voilà ce qu'elle était, voilà ce qu'elle est aujourd'hui. Je voudrais qu'elle redevienne cela". Je les fais parler. »

    « Puis je ferme les yeux, je laisse mon cerveau jouer avec tout cela. Et mon cerveau, comme à tous, a cette capacité d’agglomérer des choses, de fusionner des choses qu'on pouvait penser non fusionner, de combiner, de jouer, de proposer, etc. Progressivement, les idées prennent forme. Certaines, ne vont pas être poussées au bout parce qu'elles ne méritent pas d'être poussées au bout, et puis d'autres, ont un potentiel plus fort, plus riche, plus intéressant. Donc c'est celles-là que vous allez mettre sous serre et faire grandir progressivement. »

    C’est le projet de Mathieu Lehanneur qui a été sélectionné pour créer le design de la torche pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Une torche qui pèse 1,5 kg, mesure 70 cm de haut et 3,5 cm de diamètre en haut comme en bas et qui est l’un des emblèmes de ces Jeux.

    « En reprenant un peu la séquence : à l’annonce du choix de mon projet pour la torche et la vasque olympique, il y a eu quelques secondes d'intense joie, d'intense bonheur, mais quelques secondes, suivies quelques secondes plus tard de pression en se disant "Mon Dieu, waouh" cela dure quelques secondes aussi. Ensuite, vous êtes concentré sur la torche, donc pendant tout le processus, honnêtement, j’y pense relativement peu, voire jamais ! je ne me dis pas que cela va être vu par des milliards de personnes, que cela s'inscrit dans l'histoire, non ! Je le fais comme j'ai toujours fait. »

    « Chaque projet, même infiniment, ils ont tous été beaucoup moins ambitieux, forcément, qu'un objet aussi historique qu'une torche olympique. Mais vous vous êtes concentrés sur l'objet, ce que vous voulez lui faire dire, ce que vous ne voulez pas qu'il dise, vous, l’affiné jour après jour. Et puis c'est vraiment une fois qu'il est terminé que là vous reprenez conscience un petit peu effectivement que oui, que ce n'est pas n'importe quel objet qui s'inscrit dans une chose infiniment plus grande que vous. Que c'est vous qui l'avez créé, mais que vous, comme créateur, n'avez aucune importance. C'est une chose qui ne vous appartient plus. C'est une chose qui appartient à l'humanité. Il y a ceux qui l'aimeront, ceux qui ne l'aimeront pas, ceux qui la comprendront, ceux qui ne la comprendront pas. Mais tout cela, il ne faut pas trop y penser au moment de le faire."

    Pour réduire l’empreinte environnementale, les jeux de Paris 2024 ont produit moins de torches. Il y a, seulement, 2 000 torches fabriquées : 1 500 olympiques et 500 paralympiques, chacune sera utilisée environ dix fois pendant le parcours de la flamme.  « Nous avons cette vision du relai autour du stade où se passe le témoin, il y a une torche et je me passe la torche. Mais nous nous passons la flamme. C'est beaucoup plus beau, ce n’est pas l'objet que l'on se passe. Le plus important c'est la flamme. C'est elle qui est porteuse de symboles. Parce que la flamme, qui se transmet naît à Olympie, en Grèce, berceau de l'olympisme, naturellement. La première flamme, qui s'allume au début de chaque édition du relai vient du soleil. Au milieu des ruines d'Olympie une sorte de bol tout tapissé de miroirs est placé. Il est orienté vers le soleil. Les rayons du soleil convergent dans ce miroir, font monter la température, à un tel niveau qu’une une flamme est créée à partir des rayons du soleil. La flamme vient, donc, du soleil. Ensuite, c'est cette flamme, ce petit morceau de soleil, qui va se transmettre de torche à torche. »

    « La torche n'est qu'un support pour se transmettre ce feu sacré. Dans toute l'organisation du relai, il y a besoin que les torches soient rechargées, préparées, réajustées, nettoyées, etc. Donc pour toute cette organisation qui est très importante parce qu'on a in fine 10 000 à 12 000 relayeurs qui vont se succéder, 10 000 à 12 000 qui vont chacun courir des petites sections, c'est un moment collectif. L'idée, c'est qu'il y ait un maximum de gens qui participent. C'est très beau. Nous avons réduit effectivement le nombre de courses de chacun pour qu'il y ait beaucoup de monde. C'est une caravane et une organisation d'une complexité telle que 2000, c'est le minimum vital. »

    Mathieu Lehanneur a créé trois autres objets inclus dans sa mission pour les Jeux

    « Je dessine la torche olympique, le cadeau pour les relayeurs, ce qui est appelé le mini-chaudron qui sert de point d'étape pendant le relai, ces mini-chaudrons sont installés dans chacune des villes, étape du relai à la fin de la journée. À Quimper, par exemple, les relayeurs arrivent à Quimper le soir et vont embraser un mini-chaudron. Il y a une cérémonie tous les soirs pendant le relai, car la nuit, les relayeurs ne courent pas. Et puis in fine, le soir de la cérémonie d'ouverture va s'embraser la vasque olympique, l'officielle, la grande qui va brûler pendant toute la durée des Jeux. J'ai la mission de dessiner tous ces éléments. Ce qui est sûr, c'est qu’ils ne sont pas conçus pour être des clones qui changeraient uniquement d'échelle en fonction de nos besoins. Ils sont liés, mais ce ne sont pas des produits dérivés les uns avec les autres. »

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  • Cet été, 100% Création met en lumière les designers, artisans d’art, leur créativité et leur savoir-faire « à la française », autour des Jeux olympiques de Paris 2024 célébrés à partir du 26 juillet. Les JO encouragent les créateurs, artistes ou artisans d’art à se surpasser et à donner le meilleur d’eux-mêmes. Aujourd’hui, Joachim Roncin est le designer en chef de Paris 2024. Un métier, un statut, une fonction au cœur du dispositif créatif de la 33e olympiade.

    « Pour moi, les Jeux olympiques et paralympiques sont un peu le pinacle de la création pour un créatif designer parce que c'est le moment où nous pouvons tester plein de choses et il y a surtout une variété de sujets », estime Joachim Roncin, designer en chef de Paris 2024. « Avec la confiance de Tony Estanguet, je me suis épanoui dans ce travail : avoir une réflexion globale et créative sur tous les sujets de Paris 2024, de la mascotte en passant par les médailles, les pin's, les produits de licences, le look des jeux, l'emblème, l'emblème de l'équipe de France... C'est très varié. Jusqu'à récemment, les affiches officielles des Jeux olympiques et paralympiques avec Ugo Gattoni mais aussi la torche avec Mathieu Lehanneur. »

    Joachim Roncin est né en France d’une mère ukrainienne et d’un père français. Après le baccalauréat, il suit des études d’art à Paris puis une école spécialisée dans la scénographie. Très vite, il exerce en tant que créatif artistique junior dans le domaine de la publicité, mais cela ne lui plait pas ! Il travaille quelque temps pour une agence d’éditions d’art. Ensuite, très proche de l’univers de la musique, il travaille dans l’évènementiel. En 2013, il crée un gratuit féminin qui malheureusement disparait pendant la période Covid. En parallèle, en 2018, un ami lui propose de faire partie d’un groupe de réflexion sur les sujets créatifs autour des Jeux olympiques. C’est comme cela que sa mission commence.

    Une mission incroyablement multiple. « Cela a toujours été intense par le nombre de sujets à traiter, la variété d'interlocuteurs. Le matin, je peux travailler avec un fabricant de peluches, une heure après, j'ai une réunion avec ArcelorMittal. Il faut énormément de curiosité et être alerte sur le monde dans lequel nous vivons. La création au sein de Paris 2024, ce n’est pas de la création pure. C'est de la création avec du sens. C'est quelque chose de très important pour nous, c'est que tout ce que nous faisons doit avoir une justification, qu'elle soit au regard de la vision de Paris 2024, grosso modo la révolution par le sport, avec l'ouverture du sport et le fait de sortir par exemple le sport des enceintes sportives, ce sont des révolutions comme cela. Rapprocher l'olympisme et le paralympique, c'est prendre en compte ces notions et à chaque réflexion créative, d'essayer d'intégrer le maximum d'informations autour de cela. »  

    Joachim Roncin est celui qui se doit de veiller à la vision de Paris 2024, et ses messages. « Par la mascotte, il y a cet hommage à la Révolution française et le bonnet phrygien. C'est plein de petits détails comme cela. Mais quand je parlais aussi de valeur, c'est à un moment donné se dire que les mascottes n'ont pas de genre, elles sont dégenrées, ce qui était quand même une mini révolution parce qu'avant, il y avait tout de même beaucoup de mascottes qui étaient genrées. Je ne dis pas qu'elles étaient toutes genrées, mais la majorité l'était. Aujourd'hui, notamment avec la société dans laquelle nous vivons. Pour nous, c'est important d'aller dans ce sens-là, d'amener ce genre d'indicateurs dans la création. C'est important des mascottes olympiques et paralympiques qui sont les mêmes. C'était aussi important parce que, pour nous, cela fait partie de ce rapprochement entre l'olympisme et le paralympique que nous prônons depuis le début. De même pour les médailles qui sont les mêmes, les torches qui sont les mêmes, les affiches que nous avons rassemblées aussi. Nous pouvons acheter l'affiche olympique d'un côté et l'affiche paralympique de l'autre. Mais pour avoir la vision globale de Paris 2024, il faut rapprocher l'affiche olympique et l'affiche paralympique. C'est un diptyque qui donne la vision de Paris 2024. C'est tous ces petits messages, des micro messages, mais qui expliquent bien la vision de Paris 2024. Et c'est notre rôle aussi de rendre tangibles ces visions. »

    Être designer en chef de Paris 2024, c’est plus qu’un titre ou une fonction, c’est une activité que Joachim Roncin ne conçoit pas d’exercer en solitaire. « J'ai ce titre qui est un peu ronflant de directeur du design de Paris 2024, mais je suis quand même bien accompagné par des collaborateurs d'exception, en interne, soit avec Camille Yvinec, Directrice de l’Identité Visuelle des Jeux de Paris 2024, Camille qui sait très bien comment créer une marque. C’est quand même très rassurant pour un créatif qui est plutôt dans l'impulsion. Mais à l’externe aussi, quand je suis aux côtés d'un Mathieu Lehanneur ou d'un Ugo Gattoni, je suis en bonne compagnie et plutôt rassuré. Je sais ce qu'est Paris 2024. Maintenant, je connais très bien dans tous les angles cet événement et ce qui nous paraît essentiel. Après le talent des auteurs avec qui je travaille, c'est très rassurant. »

    Joachim Roncin est le garant de la retranscription des valeurs de Paris 2024. « La parité, le rapprochement olympiques et paralympiques, la révolution par le sport. Ce sont des messages très fort dès le début. Je ne suis pas chevalier seul dans mon coin à faire les trucs et à balancer, Non. Nous nous concertons notamment avec la Commission des athlètes de Paris 2024, qui est présidée par Martin Fourcade. Par exemple sur les médailles, un travail a été fait avec la commission des athlètes. Cette réflexion autour de la tour Eiffel est venue avec eux. C'est ce qui m'a plu dès le début : cette volonté de création très forte. Ce qui n'est pas le cas dans toutes les entreprises, souvent, la création, c'est la dernière roue du carrosse, c'est du polish sur la réflexion et s'il reste du budget. Je l'ai expérimenté par ailleurs sur plein d'autres sujets avant. Alors que qu’ici, et c'est cela qui est assez réjouissant, il y a vraiment de la place pour faire rayonner la créativité française. »

     Une mission, un métier, un comité, mais un travail qui s’achève avec la clôture des Jeux de la 33e olympiade.

    « Je suis ravi de travailler pour ce comité parce que d'un point de vue créatif, c'est hyper enrichissant et je pense que je vais être un peu triste quand cela va s'arrêter. Après les Jeux paralympiques, il va y avoir un temps calme qui va être, je pense, assez étonnant et je n’en suis pas ravi. Je suis triste que cela s'arrête parce que cela a été cinq ans de ma vie physique, mais 20 ans mentalement ! Je pense que c'est un des marqueurs de ma vie. »

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  • À l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques 2024, la France accueille les athlètes, mais pas seulement. Cet été, 100% Création met en lumière les artisans d’art, leur créativité et leur savoir-faire « à la française », à travers une série de neuf épisodes. Nous vous présentons les femmes et les hommes qui ont œuvré autour de cet événement exceptionnel.

    Ces Jeux, célébrés à partir du 26 juillet, encouragent les créateurs, artistes ou artisans d’art, eux aussi, à se surpasser, à donner le meilleur d’eux-mêmes. Ce dimanche 14 juillet, la flamme olympique arrive à Paris, nous accueillons Hawa Sangaré, styliste, entrepreneuse engagée et porteuse de la flamme olympique.

    La création, c'est la liberté, l'inclusion, ne pas être comme les autres, pouvoir s'affirmer, l'émancipation. C'est tout cela pour moi, la création.

    Hawa Sangaré, styliste, fondatrice de Hawa Paris, entrepreneuse engagée avec son atelier H.a.w.a. au féminin et porteuse de la flamme olympique.

    « Hawa Paris, H.a.w.a. au féminin, c'était vraiment un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps. J’ai fait un jeu de mots avec les initiales de mon prénom. Donc, j'ai mis un H pour Honorer les femmes, A pour les Accompagner, W pour vraiment entretenir ce côté de Winners, Winneuses, et A pour Accomplir leurs rêves. À Paris, je suis à ma place parce qu'il y a tous les styles, toutes les personnalités et je trouve cela génial. »

    Hawa Sangaré est née à Drancy, en Seine-Saint-Denis. Elle est issue de l’immigration, ses parents viennent du Mali. Elle suit des études de psychologie, ce qu’elle aime, c'est l’humain. Avant de se lancer dans la mode, elle accompagne pendant plus de 20 ans des personnes éloignées de l’emploi. Hawa Sangaré lance une structure, H.a.w.a. au féminin, en 2020, pour une mode au service de l’insertion qui lutte contre le gaspillage vestimentaire. Hawa Paris est une jeune marque engagée et responsable. « Quand vous vous rendez compte du pouvoir du vêtement, vous n'êtes plus dans une surconsommation. Vous êtes dans quelque chose d'utile et de nécessaire. Vous allez garder aussi le vêtement, vous n'allez pas être dans ce schéma de prendre, jeter, prendre, jeter et jamais de satisfaction. »

    « Quand vous portez nos vêtements, vous vous sentez libre, belle et beau. Vous pouvez les porter en journée, en soirée. Vous pouvez être, avec nos vêtements, qui vous avez envie d'être. Vous les portez avec des baskets, des talons, des sandales. Ce sont des vêtements qui sont pensés pour durer dans le temps et pour être adaptés à tout le monde, en fonction de qui vous avez envie d'être. Si vous êtes timide, grâce à nos vêtements, vous pourrez donner l'illusion que vous êtes moins réservé. Cela va être votre armure, votre outil de communication, d'émancipation et vous permettre d'accéder à une autonomie qui vous est propre. »

    Hawa Sangaré a toujours voulu mettre à l’honneur les femmes, la mode, l’environnement. C’est en 2020, pendant la période du Covid, qu’elle structure son projet avec un atelier d’insertion pour les femmes : H.a.w.a. au féminin. Sa passion pour la mode et le travail collaboratif font émerger les collections de Hawa Paris. L’émancipation, l’accès à l’autonomie, la diversité, l’inclusion, Hawa Sangaré transmet ces valeurs par la coupe de ses vêtements. « Moi, j'ai des pièces phares. J'aime beaucoup les combinaisons, les bustiers, les corsets. Dans la deuxième collection qui va arriver, nous allons décliner les corsets et nous allons rechercher aussi dans l'histoire de l'évolution de la femme tout ce qui est autour du corset, comment le corset a évolué, qu'est-ce que le corset représentait et donc décliner toute notre collection autour. »

    « Nous sommes dans l'inclusion, nous intégrons une collection pour les hommes, cette touche aussi de féminité que nous voulons apporter tout en étant dans un côté masculin. Je trouve que quand nous parlons d'égalité femmes hommes, c'est aussi cette rencontre entre les hommes et les femmes où nous les femmes, nous pouvons avoir notre côté masculin affirmé et les hommes peuvent aussi avoir leur côté féminin. Tous ensemble, nous créons une belle égalité. »

    En petite série, les collections d’Hawa Paris sont réalisées grâce aux dons de fins de stocks de partenaires de grandes maisons du luxe ou de la mode haut de gamme. « Ce sont des partenaires qui restent avec nous, qui nous soutiennent énormément parce qu'ils adorent le travail que nous pouvons faire. Ils sont en accord avec toutes les valeurs que nous défendons, et surtout, ils sont fiers de voir comment nous valorisons les dons de leurs tissus. Ce sont des tissus qui vont perdurer et qui vont avoir une seconde vie et qui vont aider. Je leur ai dit : "Donnez-moi vos produits, nous allons déconstruire pour reconstruire, les salariés que je recrute vont déconstruire leur passé pour reconstruire leur présent". Et tout cela avec du tissu. »

    Hawa Sangaré est mise à l’honneur aussi pendant les Jeux des 33ᵉ olympiades. Son atelier d’insertion produit des t-shirts, porte-clés, ainsi que les nappes pour le pique-nique géant des Buttes-Chaumont le 15 juillet. La créatrice porte la flamme lors de la dernière étape du relais national de la flamme qui vient de Seine-Saint-Denis en vue de la cérémonie d’ouverture sur la Seine. Elle est entourée de 48 enfants, 24 de Seine-Saint-Denis et 24 de Paris. « Nous avons fait un t-shirt que les enfants porteront en imaginant un symbole autour du département du 93 et celui du 75, un t-shirt fait par notre atelier avec une broderie main faite par nos brodeuses, de manière artisanale. »

    « Les t-shirts sont portés par les enfants. Le petit clin d'œil, c'est que je suis née à Drancy, la dernière traversée, c'est la Seine-Saint-Denis pour arriver à Paris. Le comité olympique trouvait cela intéressant, justement, le fait que je sois née à Drancy et que le bateau arrive de Drancy et que maintenant, j'habite à Paris. Et les Jeux olympiques, c'est cela, nous existons. Nous avons fait les porte-clés pour le chantier Adidas Arena, nous avons pris les élingues du chantier et nous avons fabriqué des porte-clés. C'est quelque chose qui ne fait pas partie de notre corps de métier. Les élingues, ce sont les longs fils de chantier. Nous n’avions pas l'habitude. Nous étions tellement fiers que nous avons relevé le défi. Nous avons fait des porte-clés qui ont été remis à tous les visiteurs. Il y a les nappes, les t-shirts et la flamme. »

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  • Hugues Gnambri, plus connu sous son nom d’artiste de Don Hugo, est un styliste autodidacte, Ivoirien. Avec sa marque Unik Dress, il s’adresse aux femmes et aux hommes qui veulent porter leurs tenues comme des bijoux. C’est un adepte de l’upcycling. Il propose, donc, une mode traditionnelle forte de son héritage ivoirien tout en étant à l’écoute de son temps. Nous l’avons rencontré pendant la fashion week de Lomé, le FIMO228, organisé par Jacques Logoh.

    L'âme et l'esprit créent mais il faut un corps pour réaliser. L'essence de mes créations, c'est de rendre précieux tout ce que je touche. C'est un peu comme des joyaux qui doivent être portés par chaque personne qui arrive, peu importe son rang social. Je prends mes créations comme des joyaux.

    Hugues Gnambri, plus connu sous son nom d’artiste Don Hugo, styliste et fondateur de la marque Unik Dress :

    « Unik Dress parce que je veux que toute femme et tout homme se sente unique lorsqu'il porte le vêtement. Lorsque je l'habille, c'est ce que je veux faire ressortir, donc, Unik Dress, un vêtement unique pour une personne unique, pour une occasion unique. Faire ressortir cette beauté singulière que toute personne a, c'est vraiment ce qui m'intéresse. C'est un peu tout cela, la signification de la marque. »

    Hugues Gnambri est né à l’ouest de la Côte d’Ivoire à Man, surnommée, la ville aux 18 montagnes. Il suit un cursus en droit des affaires, mais il ne se voit pas dans le cadre très formel du juridique, durant toute sa vie. Il rêve plutôt d’une vie professionnelle pleine de découvertes. Alors, en parallèle de ses études de droit, dès 2003, cet autodidacte, plus connu sous son nom artistique Don Hugo, commence par l’organisation d’évènements, la décoration, et au fur et à mesure, il tente le stylisme. Après son diplôme, en attente d’un emploi, il se lance dans la vente de vêtements et décide de suivre sa passion. Son entrée dans le mode du stylisme commence quand il aide l’une de ses sœurs en réalisant sa tenue de soirée.

    « J'ai constaté que mon expérience en matière d'aménagement décoratif, ma connaissance des couleurs m'aide beaucoup dans le conseil en image, donc cela s’est développé et un jour, ma sœur, qui voulait aller à un gala, se plaignait de ce qu'elle avait pris sa robe dans de la friperie, qu’elle serait très mal habillée. Ce jour-là, je l'ai vraiment entendue et j'ai eu de la peine pour ce qu'elle vivait. Je lui ai dit "donne-moi la robe, je vais faire quelque chose". Honnêtement, je n’avais aucune idée. J'avais juste le souvenir d'une dentelle perlée noire que j'avais vu au marché et qui m'avait plu. Comment l'utiliser ? Qu'est-ce que je devais en faire ? Je ne savais vraiment rien. Je suis parti chez un grand frère styliste qui avait un mannequin. Je l'ai posé dessus. J’ai découpé les motifs et les ai placés. Au fur et à mesure que j'avançais, j'avais le schéma qui s'est développé dans ma tête. Lorsque j’ai fini la robe, elle était magnifique, pratique. Elle était franchement très bien habillée. J'étais fier. J’ai découvert que j'avais ce potentiel-là, celui de refaire de vieux vêtements. »

    Après cette expérience et la confirmation de ses compétences, Don Hugo lance la marque Unik Dress en 2021, à Abidjan. Pour ce créateur ivoirien, ses productions sont le reflet de ses émotions.

    « J'ai besoin d'un environnement décoré qui répond à mon besoin du moment. Un environnement très sain, agréable à voir, où je peux créer. Si vous arrivez chez moi, que vous voyez un environnement désordonné, c'est mon état émotionnel. Les fois où vous venez, tout est propre, avec de beaux pots de fleurs, les parfums, les senteurs, vous saurez en même temps mon état émotionnel. La création est essentielle pour moi. J'aime aussi voir des personnes s'épanouir, je pense pour un artiste, en tout cas pour ma part. La satisfaction dans le regard des gens, c'est vraiment l'une des choses essentielles. J'aime voir la personne très épanouie, satisfaite de ce qu'elle a reçu. »

    Unik Dress, c’est une garde-robe bijoux, ainsi qu’une rubrique sur les réseaux sociaux pour aider chacune et chacun à se mettre en valeur, à avoir confiance en soi et à se sentir unique.

    « J'ai créé une rubrique dans mon animation des réseaux sociaux intitulée : "Elle est unique", parce que aujourd’hui, une personne va se mettre devant le miroir, elle va voir tel aspect de sa beauté. Moi, lorsque je regarde une personne, je vois autre chose. J'ai constaté que beaucoup de personnes cachent derrière leur pseudo-humilité un complexe d'infériorité, "je ne veux pas être regardé parce que je pense que j'ai tel défaut, je ne me sens pas trop belle". Non. Je pense qu'il y a une pierre en toi que tu dois mettre en valeur. C'est vrai que l’habit ne vient pas mettre en valeur. Nous avons en nous-même cette valeur. Vous voyez, l'habit ne fait pas le moine, mais nous reconnaissons le moine par son habit. Être bien habillé, il y a une certaine confiance en soi regagnée à partir du moment où soi-même, on a confiance en soi, nous commençons à faire ressortir ce qu'il y a de meilleur. Je pense que le vêtement peut le faire."

    Don Hugo crée pour les femmes, les hommes, sa grande capacité d’écoute lui permet de restituer les demandes dans une ambiance détendue.

    « Je tiens vraiment à garder un esprit convivial et une ambiance familiale avec les personnes que je reçois. C'est une maison avec un salon, un bureau. Une musique vous accueille et il y a de petites choses que j'utilise, par exemple, les senteurs de maison, lorsque vous venez, l'odeur vous capte. Vous vous sentez chez vous. Ensuite, j’entre en scène. Je viens. Je suis toujours détendu. Si c'est l'heure du repas, le repas est là. Je vous invite à venir y goûter. Je détends l'ambiance. Nous finissons par revenir au sujet du vêtement, "qu'est-ce que vous voulez ?’" Avec beaucoup d'aisance, vous me dites ce que vous voulez. Vous allez commencer à me dire vos craintes. Vous allez commencer à me dire ce que vous aimez, ce que vous n'aimez pas. Là, ce n'est plus du fournisseur ou du styliste au client, mais c'est un peu comme des amis. Vous vous sentez belle, vous vous projetez dans le vêtement que vous hésitiez à porter dans telle couleur. Il y a des échantillons de tissus. Cela va dans tous les sens, puis le courant passe. »     

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  • La création de chacun des bijoux d’Elia Pradel est unique. Avec sa marque Anicet, la jeune créatrice de bijoux upcyclés installée aux Ateliers de Paris, elle réemploie et revalorise des bijoux anciens pour en créer des pièces uniques, authentiques, élégantes, modernes et non genrés. Elia Pradel aime les bijoux qui ont déjà vécu, avec une histoire, une âme, en faisant le lien avec l’économie circulaire.

    La création, pour moi, ne s'arrête pas aux bijoux. C'est une création qui est totale, un peu 360. Au-delà du bijou, j'explore aussi d'autres médiums. Il faut quand même être en état d'esprit de créer, c'est-à-dire en tout cas dégager suffisamment de temps dans son agenda. Arriver à se mettre dans une bulle de création, c'est important et nécessaire pour que je puisse arriver à une pièce.

    Elia Pradel, fondatrice d’Anicet : « Quand j'ai lancé la marque, je voulais un lien avec la Guadeloupe et c'est le deuxième nom de mon papa. Je voulais ce lien et lui rendre hommage. Il y avait aussi cette volonté d'un nom mixte, c'est-à-dire "Anicet", je ne sais pas si c'est d'essence plutôt féminine ou masculine. Dans ce que je propose, je souhaite que nos bijoux n'aient pas un genre déterminé, attitré. Ils peuvent être plutôt féminins, plutôt masculins, mais c'est la personne qui choisit, qui décide de porter la pièce. Et Anicet, c'est aussi l'anagramme de "ancient" en anglais, donc, comme je travaille des bijoux anciens, de là que cela vient. »

    Elia Pradel est née et a grandi en Guadeloupe. Passionnée par la création de bijoux, elle en conçoit dès l’âge de 13 ans et organise même des rencontres pour les vendre. Elle fait une école de commerce puis travaille en accompagnant des autoentrepreneurs. En parallèle de ce premier emploi, elle suit des cours pour se former aux techniques de base de la bijouterie. C’est comme ça qu’elle rencontre beaucoup de particuliers et qu’elle récupère des bijoux anciens. Née d’une passion, sa marque Anicet est lancée en 2020. Elia Pradel donne une seconde vie aux bijoux des années 1970, 1980, 1990 et 2000, en les modernisant.

    « Dans l'ADN de nos créations, nous allons beaucoup retrouver des mailles et notamment des mailles assez sculpturales, des jeux de contrastes. Par exemple, ce mélange d'or et d'argent, ces asymétries de pièces et mélanges de mailles très fortes - ou peut-être masculines - avec des mailles beaucoup plus féminines, peut-être beaucoup plus romantiques. En retravaillant des bijoux anciens, en termes d'exigence, cela va être l'exigence de la qualité des matériaux proposés. J'aime bien dire que nous créons des bijoux qui ont appartenu au passé, portés au présent et que potentiellement, nous pouvons transmettre à des générations futures, donc, que les gens aussi peuvent peut-être se réapproprier. »

    Elia Pradel poursuit : « Être à la fois créateur et entrepreneur, cela coûte, puisqu'il faut à la fois être la tête créative, la tête pensante, mais aussi raccorder tout cela à des objectifs financiers et chiffrés. C'est cela aussi la réalité du monde de la création. »

    Les modèles uniques d’Anicet s’inscrivent dans de petites collections créées également grâce aux savoir-faire d’ateliers partenaires.

    « Dans mon travail, je cherche vraiment à nouer des relations de long terme. Cela va être principalement le facteur humain et le facteur fiabilité et rigueur. S'il y a ces trois facteurs, peut-être que nous pouvons travailler ensemble. Mais l'humain d'abord, puisque j'aime bien dire que j'ai choisi le métier d'indépendant pour choisir aussi les gens avec qui je travaille. J'ai cette chance. Donc l'humain avec tous ces éléments, rigueur, fiabilité, technicité évidemment, et réunir aussi tous les savoir-faire qu'il nous faut pour créer ces pièces uniques. »

    « Parce qu'aujourd'hui, le travail de création va au-delà de nous, puisque nous pouvons travailler avec des fondeurs, d'autres bijoutiers, avec des ateliers partenaires de bijoutiers pour tout le travail de soudure, de sertissage. Donc, nous allons aussi nous entourer de certains savoir-faire autour d'une collection. Et une fois que nous avons les premiers croquis, les premiers éléments, les premières matières, les premières couleurs, nous allons pouvoir créer notre collection et puis nos pièces uniques. »

    Elia Pradel propose des créations durables sur-mesure ainsi qu’un travail de sensibilisation en collaboration avec de grandes Maison du luxe.

    « Par exemple, nous avons travaillé avec la maison Chanel à partir de leurs stocks dormants pour organiser des ateliers d'upcycling à destination du grand public, pour leurs clients VIP ou les collaborateurs de l'entreprise. Nous faisons aussi un travail de codéveloppement, de création et de pièces à partir des fins de stock des maisons afin de concevoir des pièces ensemble, et une collection. Nous avons un travail en cours avec une maison artisanale et cet aspect d'atelier d'upcycling est important puisque nous, cela nous permet de sensibiliser le plus grand nombre à cette pratique d'upcycling et montrer que nous pouvons regarder autrement tout ce que nous avons sous la main pour créer cette réflexion autour de 'comment faire avec les stocks inutilisés ?' ».

    « J'ai l'impression que la plupart des maisons commencent à y réfléchir... Ou si elles ne le font pas, elles devraient y réfléchir. Tous ces stocks dormants non utilisés, finalement, ce serait mieux que cela profite à la création, que ce soit à travers des ateliers d'upcycling pour le grand public ou à travers des jeunes créateurs comme nous, qui avons besoin de matières premières. Nous pourrions construire quelque chose ensemble, une certaine circularité ensemble. Beaucoup de maisons font ce travail, il est plus que nécessaire. »

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