Afleveringen

  • À Madagascar, la demande de cacao est telle que les planteurs, dans le nord-ouest du pays, ont vu leur rémunération quadrupler. Le cacao rapporte cette année plus que la vanille. Pourtant, les exportateurs malgaches sont inquiets : les fèves ne peuvent pas quitter le pays, car la dernière tempête a coupé les accès au port.

    Le kilo de fèves de cacao payé 7 à 8 dollars, plus cher qu’un kilo de gousses de vanille. Eric Flavien Gérard Ranaivosoa, producteur à Ambantja, dans la région Diana, n'avait jamais connu un tel prix ni un tel engouement des acheteurs. « Entre 70 et 80% des acheteurs de cacao à Madagascar sont des nouveaux venus, souligne-t-il. Ils n'étaient pas là il y a deux ans. Comme ils manquent de fèves partout, ils sont venus à Madagascar pour tenter leur chance et c'est ça qui fait flamber les prix. Tant mieux pour les petits producteurs. Les gens entretiennent mieux leurs plantations en ce moment. »

    Trois ponts coupés

    Mais les exportateurs malgaches comme Nayatta Keyticia Theodule sont loin de se réjouir. Pas moyen depuis un mois d'acheminer les fèves jusqu'au port d'Antisiranana, encore appelé Diego, à cause des destructions du dernier cyclone. « On a trois ponts coupés, une route inondée, c'est inaccessible. Actuellement, nos produits sont stockés dans l'entrepôt, les contrats sont signés, mais il n'y a pas d'export. »

    Tant que les fèves ne quittent pas la Grande Île, l'exportatrice ne sera pas payée et elle craint de manquer de capital pour payer la récolte. « Car il faut continuer d'acheter, souligne-t-elle. Les producteurs vivent au jour le jour. Alors que de notre côté, on ne peut pas envoyer les produits disponibles en ce moment. »

    Vers un manque de capital pour payer les producteurs

    L'alternative du port de Nosy Be est exclue : les produits industriels et chimiques qu'il importe pourraient dénaturer le cacao malgache qui devrait au préalable prendre le bac, avec un risque de contact avec l'eau de mer.

    Dernier recours, craint Nayatta Keyticia Theodule : une longue route vers les ports d'autres régions malgaches. « Ce sera Majunga ou Tamatave et ça, ça va coûter très cher. Nous ne pouvons pas demander à nos importateurs de faire un prix spécial pour les contrats déjà signés et ça va être à la charge de la société. »

    L’exportatrice craint aussi l’insécurité sur la route, d'autant qu'à Madagascar, les vols de fèves de cacao se multiplient.

  • Alors qu’en Côte d’Ivoire et au Ghana, la récolte est mauvaise et l’augmentation du prix au planteur limitée, les producteurs du Cameroun, du Nigeria ou de République démocratique du Congo se frottent les mains. Non seulement ils profitent à plein de la hausse des cours, mais ils sont devenus des alternatives très recherchées pour les acheteurs en manque de fèves, comme en témoignent les opérateurs présents à Bruxelles pour la conférence mondiale du cacao.

    De notre envoyée spéciale de retour de Bruxelles,

    Plafonné à 1 000, puis 1 500 francs CFA en Côte d’Ivoire, ou leur équivalent au Ghana, le kilo de cacao s’est vendu plus de 5 100 francs CFA – soit plus de 8 dollars au Cameroun –, le troisième producteur africain. Les planteurs camerounais tirent actuellement pleinement profit de leur système libéralisé, après des années difficiles.

    « Au Cameroun, la commercialisation est libre, elle est directe, il y a peu d’intermédiaires », souligne Omer Maledy, secrétaire exécutif des professionnels du café et du cacao du Cameroun. « Le producteur camerounais, informé des cours du cacao quotidiennement, fait son marché, il fait au mieux pour gagner plus. On souhaite que ça dure, qu’ils gagnent bien et qu’ils gagnent longtemps, parce qu’il y a à peine plus d’un an, on était encore au plus bas des cours, donc s'ils peuvent être élevés, qu’ils le soient le plus longtemps possible ! »

    Quatrième producteur africain, le Nigeria est très sollicité ces derniers mois. Un intermédiaire présent à Bruxelles pour la Conférence mondiale du cacao compte vendre 30% de fèves supplémentaires cette année, aux négociants Olam et Sunbeth.

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    Pas de stock, pas dans les dépôts

    Immense pays, mais encore petit dans le cacao, la République démocratique du Congo n'en voit pas moins affluer plein de nouveaux acheteurs en mal de fèves. « De plus en plus, il y a des acheteurs qui n’étaient pas présents en RDC mais qui commencent à venir », constate Séraphine Ntoumba, qui appuie les producteurs de cacao de la région du mai Ndombé et du Kongo central (ex-Bas-Congo), dans l’ouest de la RDC, pour l’ONG Trias. « Donc, on a l’opportunité de présenter la bonne qualité de la RDC et de bénéficier des prix qui augmentent. »

    Le kilo de fèves, qui rapportait au maximum 2,5 dollars aux producteurs de ces coopératives congolaises l’an dernier, a plus que doublé, et l’intégralité de leurs 200 tonnes a été vendue. « Les coopératives qu’on accompagne ont la facilité maintenant d’écouler leur produit à temps, se félicite Séraphine Ntoumba, et donc ça ne traine pas dans les dépôts, c’est acheté avant même d’être produit. » Le dernier lot partant ce mois-ci, les acheteurs de cacao auprès de ces coopératives congolaises devront désormais attendre les fèves de la récolte principale, à partir d’août et septembre prochains.

  • Zijn er afleveringen die ontbreken?

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  • Au Cameroun, les importations de volaille sont interdites pour protéger la production locale. Mais la survie des élevages est régulièrement mise en péril, par la grippe aviaire mais aussi par le manque d'aliments du bétail de qualité à un prix abordable. Alors que s'ouvre le Salon international de l'aviculture à Yaoundé, une nouvelle usine d'aliments est inaugurée à Olembe, au nord de la capitale. Quel impact sur la filière ?

    Devant la demande croissante des élevages de volaille au Cameroun, l'usine d'alimentation animale du groupe NJS, du nom de son fondateur Noutchogoin Jean Samuel et située à Bafoussam, était saturée. Désormais, le champion camerounais de l'agroalimentaire dispose d'une autre usine à Olembe, au nord de Yaoundé : les Provenderies du Centre. Un choix d'emplacement stratégique, selon son directeur général.

    « Cette société est née du fait que notre plus grand marché d'aliments pour la volaille, surtout, et le porc, est Yaoundé, dans le Centre, explique Bart Buytaert. Tout devait toujours être transporté de l'Ouest, avec tous les problèmes logistiques. On s'est donc dit qu'il nous fallait quelque chose dans le Centre. D'où cette usine qui reprend une grande partie de la clientèle déjà existante de la toute première société. »

    Vers une meilleure qualité de l’alimentation du bétail ?

    Cette nouvelle usine pourra monter jusqu'à 100 000 tonnes d'aliments complets par an, soit plus du tiers des besoins actuels en nourriture des élevages de poulet du Cameroun, mais aussi à l'avenir alimenter des élevages dans les pays limitrophes, Congo ou Gabon. Expert en nutrition et en santé animale, le docteur Albert Ichako espère avant tout une montée en gamme de l'aliment du bétail au Cameroun.

    « Nous avons beaucoup de provendiers [de provende, le mélange alimentaire destiné aux animaux d'élevage, NDLR] qui malheureusement ne respectent pas les caractéristiques de matières premières et les besoins des animaux, déplore-t-il. Le fait d'installer cette usine ultra-moderne, où on va faire des analyses afin de répondre aux besoins des animaux, permettra non seulement de lutter contre l'aliment de mauvaise qualité, mais aussi de rendre l'aliment disponible sur l'ensemble du territoire. »

    Faute de maïs local, produire des poulets de chair n’est pas rentable

    Reste un problème de taille : la disponibilité en maïs, qui entre pour deux tiers dans l'alimentation des volailles. La production de cette céréale au Cameroun a été découragée par le coût élevé des engrais, depuis le Covid-19 et la guerre en Ukraine. Le prix du maïs est le principal frein pour les élevages, selon l'interprofession avicole, l'Ipavic. « Avant, on achetait le maïs autour de 180 francs CFA le kilo [l'équivalent de 2,70 euros] et en début d'année 2023, on est passé à 300 francs, rappelle son président François Djonou. Vous imaginez, le prix a doublé ! Il faut surtout que le ministre en charge de l'agriculture développe la production de maïs », insiste-t-il.

    La nouvelle usine sera-t-elle à même de doper la production locale de maïs ? Entre 20 et 40% des besoins en cette céréale sont toujours importés. Les éleveurs vendent quasiment à perte leurs poulets de chair, du fait de la cherté de l'aliment du bétail. C'est ce qui explique que la production avicole camerounaise, 44 millions de tonnes l'an dernier, n'a toujours pas remonté la pente depuis la grippe aviaire de 2016.

  • L’Afrique du Sud célèbre, en cette fin du mois d’avril, les 30 ans des premières élections multiraciales, et l’avènement de la démocratie. Le 27 avril 1994, après un scrutin historique, Nelson Mandela était élu président, et le pays tournait la page des années apartheid. Depuis, l’ANC s’est toujours maintenu au pouvoir. L’économie a continué à se développer, et le pays est désormais l’un des plus industrialisés du continent, mais le bilan est plutôt contrasté.

    De notre correspondante à Johannesburg,

    Pour l’économiste Azar Jammine, le pays a en fait connu, depuis 1994, deux périodes : avant et après la présidence de Jacob Zuma, marquée par la corruption. « Les quinze premières années ont été plutôt un succès. Le pays a connu une croissance moyenne de 3% par an, entre 1994 et 2001. Et ensuite, presque 5% par an entre 2001 et 2007. Il faut dire que cela coïncidait avec un boom des prix des matières premières, donc tout allait bien. Mais à partir de 2012, l’économie sud-africaine a fait très peu de progrès, avec une baisse significative de la croissance », détaille-t-il.

    Le FMI prévoit désormais une croissance de 0,9% en 2024 pour le pays. Et même si le nombre d’emplois a augmenté depuis 1994, le rythme n’a pas été assez soutenu, puisque près de 32% des Sud-Africains sont au chômage – et en particulier les populations noires. De plus, les politiques de discrimination positive n’ont pas suffisamment permis de transformer le monde du travail, selon Xhanti Payi, économiste pour PwC.

    « Faciliter l’inclusion au sein de l’économie a été un défi, si l’on regarde qui est à la tête des entreprises, ou qui possède la richesse en Afrique du Sud. L’ancien président Mbeki parlait même de deux économies », rappelle l’expert. « Or, l’inclusion est importante, car lorsqu’on distribue la richesse, on en crée aussi un peu plus, puisque davantage de gens vont avoir de quoi consommer, et de quoi contribuer. »

    Le salaire minimum, « une des réussites de l'ANC »

    L’Afrique du Sud reste ainsi l’un des pays les plus inégalitaires au monde, selon l’indice de Gini. « Un des gros problèmes en termes de réduction sur le long terme de la pauvreté et des inégalités, c'est le manque d’actifs détenus par la majorité de la population sud-africaine », met en avant Isobel Frye, la directrice du think tank Social Policy Initiative (SPI).

    « Sous l’apartheid, les communautés noires ne pouvaient presque pas posséder de terres. Pareil pour les petites entreprises, les gens étaient prolétarisés et dépendants de leurs salaires. Et les salaires, pour ceux qui sont employés, et surtout pour les emplois semi ou peu qualifiés, sont très bas. Donc, l’introduction d’un salaire minimum est l’une des réussites de l’ANC », ajoute-t-elle.

    Le système d’allocations sociales, parmi les plus développés du continent, est une bouée pour les plus pauvres : près de 30% de la population en bénéficie, sans compter l’aide post-Covid toujours distribuée.

  • Ce week-end se sont clôturées les assemblées de printemps, à Washington, rendez-vous annuel des grandes institutions financières internationales. L’occasion pour elles de dressées leurs bilans et de partager leurs perspectives.

    Cinq, six, parfois plus de 7% de croissance selon les États africains et pourtant, la pauvreté et les inégalités ne reculent pas de manière significative. Pour lutter contre cela, la Banque mondiale préconise un environnement économique et politique stables : une dette sous contrôle et des budgets transparents.

    Pour la Banque mondiale, le premier levier se trouve dans celui de l’humain. « Il est très difficile pour des personnes talentueuses de démarrer des entreprises qui se développent, grandissent et créent des emplois, et au final, on aboutit à une société avec de très faibles niveaux de mobilité intergénérationnelle », note Andrew Dabalen, économiste en chef de la Banque mondiale pour l'Afrique.

    « Promouvoir la mobilité générationnelle »

    L’Afrique détient le niveau le plus bas de mobilité intergénérationnelle. Selon les données de la Banque mondiale, sur une cohorte d’enfants nés dans les années 1980, seul un tiers d’entre eux ont pu effectivement dépasser le niveau d’éducation de leurs parents. « C’est donc une façon de penser les inégalités. Ce sont des inégalités structurelles dont nous parlons », souligne l’économiste.

    Et cela n’est pas sans conséquence. C’est pourquoi l’institution appelle les États à investir dans le capital humain. Andrew Dabalen précise : « Il est important de promouvoir la mobilité générationnelle en éliminant un bon nombre de ces inégalités qui commencent très tôt dans la vie. L'égalisation des chances pour les enfants est donc très importante à travers l'éducation dès la petite enfance, un socle d’apprentissage pour les enfants, une meilleure nutrition, une meilleure santé, etc. »

    Des constats qui sont largement partagés par le FMI. La persistance d’un haut niveau de pauvreté est en partie due à des dysfonctionnements sur les marchés financiers, explique Luc Eyraud, le chef des études pour l’Afrique subsaharienne.

    « Il y a ce qu'on appelle une très faible inclusion financière, détaille Luc Eyraud. C’est-à-dire que si vous êtes une toute petite entreprise, vous avez beaucoup de mal, par exemple à avoir accès au marché bancaire, à aller voir une banque et avoir un prêt. Et donc ça aussi ça fait en sorte qu'un petit entrepreneur a du mal à développer son activité. Et ça, ça entretient les spirales de pauvreté. »

    Augmenter les recettes fiscales

    L'un des principaux leviers : augmenter les recettes publiques. « En priorité, il faut ce qu'on appelle augmenter la base fiscale. On ne pense pas forcément à augmenter les taux d'imposition, mais il y a très souvent ce qu'on appelle des dépenses fiscales, c'est-à-dire des exemptions qui s'appliquent à des grandes parties de la population, poursuit-il. Et il faut faire en sorte que tout le monde paye l'impôt. C'est ça la priorité. Et quand il y a des exemptions fiscales qui bénéficient aux parties de la population les plus aisées, il faut évidemment les éliminer en priorité. »

    La Banque mondiale souligne notamment que la mobilisation de recettes nationales peut être conçue pour protéger les plus pauvres « en imposant [par exemple] les personnes fortunées par le biais de l’impôt sur le revenu et de l’impôt foncier ».

  • Longtemps critiquée pour le déversement des boues et résidus du manganèse dans une rivière, la Comilog, leader mondial du manganèse, a construit des laveries modernes moins polluantes et investi dans le social dans la ville de Moanda au sud-est du Gabon.

    De notre correspondant à Libreville,

    Depuis son poste d’observation, Jean-Baptiste Nzeng Eyi veille sur les moindres détails. Il est le responsable d’exploitation des nouvelles laveries de la Comilog. Une avancée importante en matière de lutte contre la pollution, car, selon lui, « ces vastes cuves d’eau ne sont rien d’autre que les décanteurs qui nous permettent de faire la séparation solide, liquide. Rien ne se perd et tout se transforme et tout se valorise. »

    Après le nettoyage du manganèse, toute la boue et l’eau usée sont évacuées vers d’autres bassins pour traitement. « Les boues sont aujourd’hui jetées dans les bassins industriels, poursuit Jean-Baptiste Nzeng Eyi, donc quand on extrait le manganèse, de façon vulgaire, on dit qu’on aura des trous. La vision de Comilog aujourd’hui c’est qu’après l’exploitation des bassins industriels, qu’on soit capable de mettre la terre végétale et que l’écosystème va reprendre son environnement normal ou naturel. »

    Le président de l’ONG gabonaise Croissance Saine Environnement, Nicaise Moulombi reste toutefois prudent : « C’est bien de savoir que la Comilog a enfin décidé de sécuriser ses résidus miniers dans le cadre des bassins. Maintenant quel est le niveau de la nappe phréatique ? Est-ce qu’il n’y a pas des infiltrations ? C’est à Comilog de nous donner les éléments scientifiques qui nous permettent d’apprécier leur esprit vertueux. »

    À écouter aussiGabon: la Comilog, premier producteur mondial de manganèse, monte en puissance [1/2]

    Des compensations jugées insuffisantes

    La Comilog fait cependant face à des critiques sur le plan social. Elle va bientôt délocaliser des populations vivant sur une zone qui sera prochainement exploitée. En guise de compensation, l’entreprise a construit une nouvelle cité de 417 maisons. Mais elles ne sont pas au goût de nombreux bénéficiaires. « Les maisons sont toutes en béton, il y a des éboulements autour du site, des érosions, explique Gaétan Ayami, président du collectif des futurs déguerpis, la Comilog avait recensé plus de 600 maisons, ils n’ont réalisé aujourd’hui que 417 maisons. »

    Le projet a coûté 19 milliards de Francs CFA, se défend l’Administrateur directeur général de Comilog, Leod Paul Batolo : « La Comilog est fière de pouvoir proposer une nouvelle cité moderne qui va permettre d’améliorer les conditions de vie, les conditions d’accès à l’eau, les conditions d’accès à l’électricité à nos compatriotes. »

    Du point de vue de l’État, actionnaire à hauteur de près de 30% de la Comilog, les investissements de l’entreprise illustrent un partenariat public-privé gagnant-gagnant. L’entreprise emploie 10 500 personnes dans le pays, presque toutes gabonaises.

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  • Dans le sud-est du Gabon, la Compagnie minière de l’Ogooué (Comilog), filiale du groupe métallurgique français Eramet, et premier producteur mondial de manganèse, a réalisé d'importants investissements. La production de cette matière première, très demandée notamment pour la fabrication de l’acier, explose.

    De notre correspondant à Libreville,

    Plateau Okouma est la nouvelle carrière à ciel ouvert récemment mise en service par la Comilog pour extraire le manganèse. « Par jour, nous sortons en moyenne 12 000 tonnes de minerai de manganèse », explique Jean-Baptiste Nzeng Eyi, 36 ans, ingénieur gabonais formé à Nancy, en France. « On a du manganèse de type MMA, le plus riche, dont la teneur est de 48 à 50%. On a trois types de manganèse qui sortent de cette usine. »

    Premier producteur mondial

    La multinationale gabonaise exploite le manganèse à Moanda depuis 1960. L’ouverture de ce nouveau site a permis à l’entreprise de consolider ses parts sur le marché mondial de manganèse. « La Comilog est une société qui se porte très bien, se targue Leod Paul Batolo, l’administrateur directeur général. Depuis 2020, nous sommes devenus le premier producteur mondial de manganèse. Nous avons une croissance qui est établie. Nous avons fini à 6,6 millions de tonnes en 2023. Notre projection pour 2024 est de 7,5 millions de tonnes produites, transportées, embarquées. » Et de se réjouir encore : « C’est une société qui se porte très bien pour laquelle les Gabonais peuvent être fiers. »

    Pour tenir ce rang, la Comilog a investi beaucoup d’argent entre 2020 et 2023. « Les actionnaires de la Comilog, donc l’État gabonais et le groupe Eramet, ont mis plus de 300 milliards de FCFA pour ouvrir le plateau Okouma et ça montre qu’ils sont confiants », détaille encore le directeur général.

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    Des investissements locaux

    La prospérité de l’entreprise a longtemps contrasté avec le niveau de pauvreté dans la ville de Moanda situé sur le flanc de la montagne du manganèse. En 2020, Comilog et l’État gabonais ont décidé d’investir directement une partie des revenus du manganèse dans le développement local.

    Député de Moanda, Jean Valentin Leyama était depuis des décennies le leader de la contestation contre le géant minier. « Sur la base du cahier des charges établit entre Comilog et l’État, il y a plusieurs réalisations qui sont faites. Dans les quartiers, il y a des routes qui ont été pavées, sur le plan social, plusieurs infrastructures construites ou réhabilitées. L’eau potable disponible partout dans les quartiers », assure-t-il. « Il serait malhonnête de ne pas le reconnaître », concède le député. La contribution au budget de l’État a également augmenté. En 2022, elle s’est élevée à 437 milliards de Francs CFA, soit beaucoup plus qu’auparavant.

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  • Comment sortir de la crise monétaire en Afrique ? Une vingtaine de monnaies africaines ont atteint leur plus bas historique ces derniers mois. En Égypte, la livre a perdu la moitié de sa valeur. Au Nigeria, le naira, dévalué deux fois en un an, redresse légèrement la barre, mais sur le temps long, le shilling kényan ou encore le cedi ghanéen dévissent face au dollar.

    Le cedi dégringole de nouveau, résultat de deux effets conjugués : une forte inflation depuis deux ans et un dollar fort. « Le Ghana dépend des importations pour les biens et les services », explique Appiah Kusi Adomako, directeur régional Afrique de l'Ouest de l'ONG de défense des consommateurs CUTS (Consumer Unity & Trust Society) basée à Accra. « Quand le cedi se déprécie, on a besoin de dépenser plus pour importer la même quantité. Et quand le prix de l'essence augmente, ça affecte les transports, donc les prix de la nourriture, du ciment, de l'électricité, etc. La dépréciation du cedi face au dollar provoque un effet en cascade sur toute l'économie. »

    Des prix changeant d'heure en heure

    Au Ghana, le spectre de 2022 est dans les esprits. Pandémie de Covid-19 et guerre en Ukraine avaient déjà durement affecté la monnaie ghanéenne, pourtant jugée solide. L'inflation dépasse alors les 50%, une situation incontrôlable, se souvient Appiah Kusi Adomako : « Les consommateurs ghanéens espèrent que la situation ne dégénèrera pas comme en 2022. À l'époque, on est passé de 6 à 15 cédis pour un dollar. Les prix à la consommation changeaient d'heure en heure ».

    Chaque monnaie a sa spécificité, mais toutes font face au même problème : le dollar, principale monnaie de transaction internationale, reste fort et les réserves de change des banques centrales s'amenuisent.

    Vers une dédollarisation des économies

    Le Soudan du Sud a décidé il y a un an de suspendre l'utilisation du dollar pour rebooster sa monnaie locale. La dédollarisation est une des solutions. « L'Afrique doit se libérer progressivement des systèmes classiques de règlements internationaux. Actuellement, le recours au dollar est très coûteux avec des délais de transactions très longs », estime l'économiste international sénégalais Magaye Gaye. « Ces pays devraient aller vers des stratégies efficientes de dédollarisation de leurs économies extérieures en diversifiant au mieux leurs partenaires commerciaux. Cela passe par le renforcement du commerce intra-africain qui est aujourd'hui faible. Figurez-vous qu'il ne représente que 15% du total des flux commerciaux du continent ».

    Pour se passer du dollar, le Ghana avait lancé en début d'année dernière son programme « Or contre pétrole ». Face à la nouvelle dégringolade du cedi, la banque centrale ghanéenne demande désormais au gouvernement d'étendre ce programme aux banques commerciales.

  • À Madagascar, le grand port de Tamatave change de visage. Les travaux d’extension lancés en 2018 sont entrés dans leur deuxième et dernière phase. Le projet, l’un des plus grands chantiers jamais entrepris sur l’île pour un coût total de 639 millions de dollars, est co-financé par la JICA, l'agence japonaise de coopération internationale, et par l'État malgache. Il vise à faire du premier port de l’île un hub de l’océan Indien.

    De notre correspondante à Antananarivo,

    Un soleil de plomb se réfléchit sur les casques de chantier blanc des ouvriers. Ils sont près d’un millier, mobilisés pour changer le visage du port de Tamatave, sur la côte est de Madagascar. Un port stratégique aux infrastructures vétustes, rénové pour la première fois depuis 1927.

    L’ancien brise-lame a été renforcé. Prolongé sur 345 mètres de long et rehaussé à 12 mètres de hauteur, il est entouré de part et d’autre par près de 3 000 blocs de béton armé – des dolos dans le jargon –, censés protéger les futures infrastructures. « Ce sont ces structures-là qui vont absorber la puissance des vagues, explique Felana Rakotozafy, ingénieur maritime sur le chantier. L’eau, elle, passe à travers ce brise-lame, comme nous le voyons pendant les périodes cycloniques. Et cela peut nuire au quai, mais surtout aux navires qui vont entrer dans le quai. Tout mon travail à moi, c’est de m’assurer qu’après finition des travaux, ce quai ne bouge plus d’un centimètre. »

    Répondre à l’augmentation du trafic maritime

    Juste en face se trouve le futur quai C4, encore en construction. Sa protection est d’autant plus cruciale qu’il constitue la pièce maîtresse du chantier. Avec une profondeur portée à 16 mètres, contre 11 actuellement, il doit permettre au port de Tamatave d’accueillir de plus gros navires et de se muer en hub de l’océan Indien, capable d’assumer un rôle de redistribution des marchandises dans la région. « Jusqu’ici on ne pouvait pas accueillir les bateaux de type Panamax [de près de 300 mètres de long, NDLR]. À la fin de ces travaux, on pourra les recevoir directement sans qu’ils s’arrêtent à La Réunion ou à Maurice et qu’ils doivent décharger sur des petits bateaux pour entrer dans le port de Madagascar. »

    Achèvement prévu en 2026, mais des retards accumulés

    Un peu plus loin, sur le récif, le nouveau terre-plein de 10 hectares dédiés à accueillir plus de conteneurs. Objectif : quintupler la capacité du port, de 250 000 EVP à ce jour [équivalent vingt pieds, soit le nombre de conteneurs de 20 pieds ou 6 mètres, NDLR] à 1 million d’EVP en 2035. En l’état actuel, le port étouffe, faute d’espace de stockage suffisant. « C’est vraiment une urgence, il faut une remise en état, car le trafic augmente de jour en jour, observe Liliane Melquiond-Zafinirina, cheffe du département communication de la SPAT, la société de gestion du port. Le transport maritime évolue. Et nous sommes une île, donc les besoins intérieurs du pays exigent aussi cette extension. »

    Reste une seule inconnue, reconnaît-on à demi-mot sur le chantier : la date d’achèvement des travaux. En plus du retard accumulé pendant le Covid-19, le chantier est régulièrement mis à l’arrêt par les intempéries qui touchent la ville de Tamatave. Selon le calendrier établi, le nouveau port doit voir le jour en février 2026.

  • Il y a un an, le 15 avril 2023, débutait la crise au Soudan. Aujourd’hui, le système bancaire traditionnel ne fonctionne plus et l’inflation a dépassé les 80% en 2023, selon la Banque africaine de développement. La livre soudanaise a perdu la moitié de sa valeur et le taux de chômage a explosé. Après un an de pillages, de combats et de destructions, tous les pans de l’économie sont minés.

    La région de Gezira est traditionnellement une zone de production de coton, très rémunératrice. Mais elle est surtout le grenier du pays. « La guerre entrave massivement la production céréalière, qui constitue normalement les deux tiers de celles consommées au Soudan, explique Anette Hoffmann, chargée de recherche pour le think tank néerlandais Clingendael. Les combats en cours empêchent les agriculteurs des principales zones de production du Darfour, du Kordofan et de Gezira de cultiver ou de récolter. En conséquence, comme le montrent des données récentes de la FAO, la dernière récolte céréalière a été inférieure de 40% à la moyenne nationale. »

    Une baisse de la production qui a été compensée par une hausse intense des importations et donc des prix, a également pu constater Anette Hoffmann : « La crise actuelle est en grande partie financière, il y a encore de la nourriture, les stocks ne sont pas encore épuisés. »

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    Une crise financière et non de disponibilité

    Huile, oignons, lentilles et autres sont encore disponibles sur les étals, mais à des prix exorbitants, que même les fonctionnaires qui ne perçoivent plus leurs salaires ne peuvent s’offrir. « La production alimentaire a été dévastée, de sorte que les approvisionnements de produits de base essentiels, comme le sorgho et le mil, ont chuté jusqu'à 50% par rapport à l'année précédente, confirme Dominic MacSorley, ambassadeur humanitaire de l’ONG Concern. Et sur les marchés de Kadugli, dans le Kordofan du Sud, le prix du blé a augmenté de 118%. Les gens n’ont tout simplement plus les moyens de manger. »

    Autre facteur aggravant : les régions sont isolées du fait de l’insécurité sur les routes et des barrages, les voies d’approvisionnement ont dû être modifiées, entraînant délais et surcoûts. Les prix sur les marchés sont jusqu’à trois fois plus chers, a estimé l’ONG International Rescue Comittee (IRC). Il faut également importer les produits transformés, car l’industrie locale a subi de nombreux dommages. C’est le cas pour les produits laitiers, comme le lait et les yaourts par exemple.

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    Une production locale ralentie, des usines détruites

    « Nous avions une production locale. Maintenant, la plupart de ces produits sont importés d’Arabie saoudite ou d’Égypte. Imaginez combien cela peut coûter ! », s’exclame Eatizaz Yousif, directrice d’IRC au Soudan. La problématique est similaire pour les boissons sans alcool. « Nous les produisions à grande échelle dans notre grande usine. Mais cette usine a été détruite. Donc, nous dépendons totalement des importations », précise-t-elle. Une quantité de produits de base qui sont devenus très chers. « Des prix auxquels il faut rajouter le coût des taxes. C’est vraiment massif, et un grand nombre de Soudanais ne peuvent plus acheter ces denrées qui étaient des produits de base », regrette-t-elle.

    Avec en plus un système bancaire à terre et une crise de liquidité, la directrice d’IRC espère voir les institutions internationales injecter des liquidités dans l’économie soudanaise.

  • La crise économique affecte tous les secteurs de l'économie au Nigeria, y compris les plus dynamiques, comme celui de l'hôtellerie et de la restauration. Avec l’inflation et le ralentissement des affaires, les gens sortent moins à Lagos, la capitale économique, et les entreprises du secteur souffrent, tout comme leurs salariés.

    De notre envoyée spéciale à Lagos,

    En pleine journée, le restaurant Praïa est totalement désert. Extension d’un hôtel de Lagos, la capitale économique, il a été inauguré au mois de février. « Notre clientèle est assez mélangée, car nous proposons différents types de plats, explique Neeraj Vasnani, le jeune patron indien de l’établissement. Nous avons beaucoup d’entreprises, donc une clientèle assez aisée. Mais avec notre service de cuisine chinoise à emporter, nous proposons aussi une option plus abordable. »

    Mais le ralentissement de l’économie a porté un coup à ses affaires. Tout a commencé avec l’augmentation du prix du diesel, se rappelle-t-il. « Dans un business comme le nôtre, nous devons avoir de l’électricité 24 heures sur 24, et donc utiliser tout le temps nos générateurs, rappelle Neeraj Vasnani. Mais ces derniers mois, le prix du diesel a été multiplié par trois. Nous n’avons pas non plus anticipé l’augmentation de nos coûts opérationnels. Tous nos produits alimentaires sont importés. »

    Les restaurants, tout comme l’ensemble du secteur privé, sont à la peine au Nigeria et n’ont que très peu de marge de manœuvre pour faire face à la crise. « Globalement, cela coûte de plus en plus cher de faire du business au Nigeria, résume l’analyste Mickaël Famoroti, du cabinet Stears. À cause du taux de change face au dollar, de l’inflation, des taux d’intérêt élevés, etc... Et d’un autre côté, la demande est en train de disparaître complètement, le pouvoir d’achat est en train de sombrer. Donc il y a très peu de marge pour augmenter les prix. Parce que si on fait ça, la demande s’effondre. Donc les marges, le bénéfice, diminuent rapidement. »

    Salariés en difficulté

    Dans son restaurant haut de gamme, Chez Ona, Chef Obehi peut encore compter sur la diaspora et ses dollars pour absorber le choc. « Au Nigeria, tous les moyens sont bons pour fuir la réalité, car il y a trop de problèmes, plaisante-t-elle. Pour être honnête, ma clientèle continue de venir en dépit de la crise. L’année dernière, c’était plus compliqué. Beaucoup de gens avaient quitté le pays par crainte des violences liées aux élections. »

    Beaucoup de patrons commencent aussi à s’inquiéter pour leurs salariés. Chez Ona, ils bénéficient d’un repas gratuit par jour, mais cela ne suffit pas forcément. « Ils nous demandent beaucoup plus souvent des avances, reconnaît Chef Obehi. Le coût de la vie a tellement augmenté. Au début de l’année, nous leur donnons une augmentation indexée sur l’inflation, mais ça va tellement vite que ce n’est plus du tout au niveau, car tout est vraiment trop cher ! Et si les employés vont mal, ça peut vraiment avoir des conséquences sur l’expérience de nos clients. »

    Plusieurs personnes sont mortes dernièrement au Nigeria dans des bousculades survenues lors de distributions alimentaires organisées par les autorités.

  • Au Nigeria, les investisseurs étrangers qui avaient tout misé sur le géant africain il y a quelques années sont désormais en plein doute, alors que le pays s'enfonce dans la crise. La dévaluation brutale du Naira, l'augmentation des coûts et les efforts du gouvernement pour tenter de renflouer les caisses publiques font monter la pression sur les investisseurs. Et certains ont déjà quitté le pays.

    Avec notre correspondante à Lagos,

    Cela fait plus d'une décennie que Françoise observe la vie économique du Nigeria, depuis son bureau du port d'Apapa. Cette cadre d'une entreprise d'import-export a beau garder espoir, elle admet que la période est plus que morose. « Il y a beaucoup de tristesse actuellement. Les importateurs aujourd'hui n'arrivent pas à ouvrir des lignes de crédit, puisqu'ils n'arrivent pas à trouver des dollars, constate-t-elle. Et même les fournisseurs sont très inquiets. Nous, on voit une baisse de 30 % à 40 % pour les trois prochains mois. »

    Autre motif d'inquiétude : le départ en masse des entreprises, qui ne peuvent plus financer leurs opérations au Nigeria. En 2023, au moins 6 000 emplois ont été détruits après le départ des multinationales Procter and Gamble, Cincinnati, Unilever, GlaxoSmithKline ou Sanofi. « Les gens qui investissent, ils sont très pessimistes. Mais ceux qui sont ici depuis très longtemps, plus de dix ans, quinze ans, ils s'efforcent de rester, parce qu’il y aura bien sûr un rebond, analyse Françoise. Mais certaines grosses boîtes sont parties, mais pas trop loin. Elles ont laissé une partie de leurs activités au Nigeria, et dans un an ou deux ans, on pourra y voir plus clair. »

    La volatilité de la monnaie rend les décisions stratégiques difficiles pour les entreprises. Et elles ne sont pas les seules à souffrir. Ozil repeint des voitures dans un atelier du quartier d'Ikoyi, où travaillent d'autres béninois. Il a aujourd'hui du mal à se rendre à Cotonou. « Avant, j'y allais toutes les semaines, pour voir ma mère. Mais tout a changé, et c'est devenu impossible, regrette-t-il. Maintenant le naira s'est vraiment effondré face au Franc CFA, alors qu'avant quand je changeais des nairas contre des CFA, c'était vraiment plus intéressant. Le transport aussi coûte plus cher. Avant, pour aller jusqu'à Cotonou, on pouvait payer 1 000 nairas. Maintenant, c'est bien 7 000. »

    Miser sur le marché commun

    Mais pour les investisseurs internationaux, le Nigeria reste un marché incontournable, même s'ils préfèrent pour l'instant se replier sur la zone CFA. Mouhamadou Seydou Barry est Sénégalais et travaille pour un fonds d'investissement basé à Dubaï. « En 2023, moins d'argent a été investi dans les start-ups, mais c'est une réalité au niveau global, cela va au-delà du Nigeria. À présent, je pense que cette crise va passer », veut-il être optimiste.

    Pour cet expert, plusieurs perspectives sont à considérer : « c'est l'effort du gouvernement, la résilience du peuple, mais aussi le fait qu'il y a beaucoup de passerelles entre l'Afrique francophone et l'Afrique anglophone. Comment l’Afrique anglophone peut produire pour l’Afrique francophone et vice versa ? Avec l'initiative du marché commun africain, la Zlecaf, tout ça va faire qu’à un moment où un autre, il fera bon vivre, économiquement. »

    Le 26 mars, la Banque centrale du Nigeria a de nouveau relevé son taux directeur à 24,75 % dans un nouvel effort pour stabiliser le Naira.

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  • En République démocratique du Congo, plus de 80% des femmes entrepreneuses évoluent dans le secteur informel. Ce qui ne leur permet pas de développer leur activité ni de contribuer aux ressources fiscales congolaises. À Lubumbashi, une structure de la société civile, Heshima International, qui a récemment organisé un forum des femmes entrepreneures de RDC, encourage la formalisation de ces entreprises.

    Avec notre correspondante à Lubumbashi,

    Marlène est une jeune éleveuse de poules pondeuses et de poulets de chair. Elle brûle d'envie de déclarer son activité, mais elle a toujours des craintes. « Je veux bien rentrer dans le secteur formel. Mais, mon capital est faible, et je crains que tout mon petit argent ne soit absorbé par les formalités administratives », explique-t-elle.

    Cette autre entrepreneuse, qui travaille dans le petit commerce, est découragée par un climat des affaires peu favorable aux micro-entreprises. « Les documents coûtent cher. Et lorsque l’entreprise est légalisée, il y a trop des taxes à payer », se plaint-elle.

    Le problème ? C’est le manque d'information, indique Me Diginité Bwiza, directrice nationale de Heshima International. Cette structure a récemment organisé un forum des femmes entrepreneuses de RDC. « Lorsqu'on ne sait pas combien coûte l'enregistrement d'une entreprise au guichet unique, on a peur. Et pourtant, ça ne coûte que 110 dollars, plus les frais bancaires. Bien souvent, les agents de l'État profitent de l'ignorance des femmes pour les extorquer », détaille Me Diginité Bwiza.

    Obtenir des crédits, décrocher de gros marchés

    Marioutcha Mwanza tient une boutique de vêtements de luxe. Récompensée par un prix, elle fait partie des 19 femmes entrepreneuses qui ont accepté l’accompagnement de l’ONG pour sortir du secteur informel. « Quand on est dans l’informel, on est limité. Il n’y a pas de sécurité et d’assurance, reconnait l’entrepreneure. Dans notre ville par exemple, des fois, des jeunes manifestent dans la rue et on pille les marchandises. Puisque l’État ne nous connaît pas, on ne peut pas bénéficier d’un remboursement. »

    Malgré les exigences fiscales, la transition du secteur informel vers le formel présente des avantages pour l’entrepreneur. « Il y a la question du crédit. Personne ne peut faire confiance à ce type de business lorsqu’on n’a pas d’adresse, qu’on n’est pas enregistré. Et puis il y a des opportunités à saisir. Lorsqu’on est formalisé, on a aussi cette possibilité de décrocher de gros marchés auprès d’autres sociétés », argumente Séraphin Bukasa, le responsable de Tyche Financials SARL, un bureau d’études d’experts-comptables.

    L’organisation s’est engagée à accompagner 19 femmes qui œuvraient dans l'informel pour les aider à migrer vers le secteur formel. Elles vont bénéficier de la rédaction gratuite de leurs statuts, d’une formation sur la tenue des états financiers de leur entreprise, et de la couverture des frais pour l’enregistrement de celle-ci au registre du commerce.

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  • Depuis trois mois, le trafic maritime en mer Rouge est particulièrement perturbé par les attaques des Houthis. Ce dimanche 7 avril, les rebelles ont de nouveau revendiqué plusieurs attaques. Plusieurs navires ont ainsi été touchés, voire même coulés. Cela a contraint les bateaux cargos qui passent traditionnellement par le canal de Suez – où près de 30% du trafic maritime mondial de conteneurs transite – se redirigent massivement par la route sud-africaine par le cap de Bonne-Espérance.

    80% du trafic par le canal de Suez aurait ainsi chuté, redirigeant les flux vers le flanc ouest de la côte africaine. Une route plus longue en moyenne de 40%, ce qui impose des pauses ravitaillement en carburant. Certains ports sont ainsi gagnants, comme au Cap-Vert.

    Récemment, João Oliveira e Sousa, le patron de Vivo Energy, expliquait à la télévision nationale capverdienne le bond du soutage observé sur l’île. « Au cours des trois derniers mois, nous avons eu une augmentation de la consommation du carburant d'environ 80%, affirme le chef d’entreprise. Il est vrai également que le Cap-Vert n'est pas la seule option pour les navires dans la région. Sur la côte ouest de l'Afrique, il y a également Dakar et les îles espagnoles. Ce marché que nous observons ici en ce moment est considérable et il est clair qu'il nous apportera des avantages financiers. »

    Autre question : celle de la réorganisation des lignes et donc du transbordement des conteneurs. « Il est très, très prématuré de conclure à un changement significatif aujourd'hui des ports de transbordement sur le flanc ouest », explique Loubna Ghaleb, directrice de la stratégie du port de Tanger Med. Pour elle, il faut encore attendre pour confirmer la tendance en cours.

    « Maintenant, il y a des questions qu'on pourrait effectivement se poser, notamment sur le passage par la route du Cap, est-ce qu'il constitue effectivement une alternative durable pour les compagnies maritimes ? Et si la crise persiste plus longtemps, est-ce qu'on pourrait parler de solutions logistiques temporaires ou d'ajustement structurel ? Ce sont les vraies questions aujourd'hui que l’on se pose, met-elle en avant, tout en n'excluant pas qu’une telle situation se pérennise. Maintenant, si la crise perdure, on pourrait observer une utilisation renforcée des hubs de transbordement qui sont près du détroit de Gibraltar comme Tanger Med, Algésiras, Valence et Sines. »

    Des capacités à Tanger Med

    Face à des ports connus pour leur congestion, notamment ceux d’Afrique du Sud, le port marocain fait figure de modèle. Il est classé 4e port le plus performant au monde.

    Loubna Ghaleb assure que Tanger Med serait prêt à accueillir une partie du flux. « On a une équipe, je parle de l'écosystème portuaire qui comprend les équipes de Tanger Med mais aussi les concessionnaires, qui est très bien coordonnée pour bien gérer toute augmentation significative du trafic, met-elle en avant. Maintenant, effectivement, ça tombe bien parce qu’on a lancé aujourd'hui, et c'est une information effectivement qui est publique, une nouvelle capacité de 400 mètres qui sera mise en service dans les prochains mois et qui permettra effectivement, si demain cette crise perdure et si on voit un flux de trafic important, d'absorber une partie de ce trafic-là. »

    Fin février, l’un des plus gros transporteurs CMA-CGM déclarait reprendre le transit par la mer Rouge au cas par cas. Selon le centre de recherche Soufan Center, 18 grandes compagnies maritimes internationales ont ainsi modifié leurs itinéraires pour éviter la menace de la mer Rouge, faisant tripler selon lui le prix du fret.

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  • Cette année 2024 marque le soixantième anniversaire de la coopération entre Brazzaville et Pékin. La République du Congo bénéficie de plus en plus d’infrastructures construites par son partenaire chinois - des constructions qui sont aussi à l’origine de l’augmentation de la dette du pays. Ces dernières années, la coopération de la Chine s’est fortement diversifiée et touche désormais le secteur du pétrole.

    De notre correspondant à Brazzaville,

    Sur un site excentré de la route qui relie Pointe-Noire, la capitale économique du Congo, et l’enclave angolaise du Cabinda, des experts chinois exploitent depuis quelques années un important champ pétrolier on-shore, nommé Banga Kayo. « Il est clair que Banga Kayo a des réserves très importantes, se réjouit Bruno Jean-Richard Itoua, ministre congolais des Hydrocarbures. La Chine, à travers Wing Wah, fait un excellent travail. On est très heureux de voir cette société travailler à la fois sur le pétrole liquide et l’hydrocarbure gazeux avec des résultats palpables tous les jours. On aimerait bien que les autres suivent le même exemple ».

    Aéroports et Nationale 1, vitrines de la coopération chinoise

    La coopération avec la Chine est à la fois « bénéfique et gagnante pour le Congo-Brazzaville », juge le président de la Chambre de commerce de Pointe-Noire, Didier Sylvestre Mavouenzela. Elle a permis à l’économie congolaise d’aller de l’avant, juge-t-il. « Si je prends le cas de la route [Nationale 1] qui relie Pointe-Noire à Brazzaville [sur près de 520 kilomètres, NDLR], cette route a permis au Congo de jouer son rôle de pays de transit dans la sous-région. La Chine a également été très active dans la construction de barrages et le transport de l’énergie », souligne-t-il.

    Aujourd’hui, l’essentiel des infrastructures au Congo est l’œuvre de Beijing, souligne Alphonse Ndongo, analyste économique. « Qu’il s’agisse des routes, des infrastructures sportives et des bâtiments administratifs… Les étrangers qui arrivent au Congo voient la transfiguration des deux principaux aéroports internationaux du pays : Maya-Maya à Brazzaville et Agostino Neto à Pointe-Noire, qui sont les véritables vitrines de cette coopération ».

    40% de la dette du Congo

    Mais certains Congolais questionnent la qualité et la maintenance de certains ouvrages. De plus, cette coopération a un prix. En 2021, Brazzaville avait dû demander une restructuration de sa dette à Pékin afin de pouvoir reprendre les discussions bloquées avec le FMI. Une dette qui avait déjà été revue en 2019. « C’est possible qu’il y ait de ce côté une espèce d’alourdissement de la dette, reconnaît Alphonse Ndongo. Car la Chine représente le plus grand stock du poids de la dette du Congo ». En 2022, le Congo devait officiellement à la Chine et à ses entreprises un peu plus de 1 500 milliards de francs CFA (soit plus de 2,2 milliards d’euros). Ce qui représentait près de 40% de la dette extérieure du pays.

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  • Face à l’inflation, les autorités tunisiennes renouvellent cette année les opérations dites de ventes directes en cette période de ramadan. Des marchés ponctuels, où les producteurs peuvent vendre directement leurs marchandises au consommateur, sans intermédiaire.

    De notre correspondante à Tunis,

    L’adresse s’est transmise par le bouche-à-oreille. À quelques encablures de l’avenue Bourguiba, une vente directe attire le chaland. « C’est mon fils qui m’a parlé de cet endroit, alors j’ai voulu voir à quoi ça ressemblait, précise une cliente. Les prix sont légèrement inférieurs à ceux du marché qui est près de chez moi où je vais habituellement. Je voulais vérifier cela de mes propres yeux. »

    Le litre d’huile 13% moins cher

    Légumes, viandes ou encore dattes, le nécessaire du ramadan est là. Neda Barhoumi est productrice. Originaire de la région du Kef dans l’ouest du pays, elle est venue vendre son huile d’olive à 22 dinars le litre – l’équivalent de 6,50 euros –, soit un euro de moins que ce qu’elle pratique habituellement. Elle est avant tout là pour se faire connaître auprès des consommateurs et compléter ses revenus. « Les temps sont durs en ce moment pour les agriculteurs, explique-t-elle. Donc ça m’arrange d’avoir un peu de liquidités. Le plus important ici, c’est de se faire connaître, que le client goûte nos produits et qu’il devienne un habitué. Je mets mon numéro sur chacun de mes produits, et donc, si le client aime et veut racheter mon produit, il me contactera. »

    « Tout cela, c’est du mensonge, estime un sexagénaire, pas du tout convaincu par ces points de vente encouragés par les autorités. Il n’y a rien à gagner à venir ici. » Il est vite contredit par des vendeurs. « Tu ne peux pas dire ça ! Les piments qui se vendent à 6 dinars, tu les trouves à 4 dinars ici », s’insurge l’un d’entre eux. « Ces oranges-là sont vendues à 3,2 dinars au marché central, ici elles sont à 2 dinars », renchérit un deuxième.

    « C’est juste pour calmer les gens face à l’inflation »

    Le phénomène est également regardé avec circonspection par Hamdi Ouerghi. Agriculteur et membre de l’ONG tunisienne Alert, il estime qu’il s’agit avant tout de communication de la part des autorités. « C’est juste pour calmer les gens face à l’inflation. Mais l’État n’a pas de stratégie. Si c’était vraiment la solution et qu’il y avait vraiment une différence de prix, pourquoi ne pas la généraliser, pourquoi ne permettre qu’à quelques milliers de personnes d’y avoir accès et pas au reste de la population ? »

    Après avoir dépassé la barre des 10%, l’inflation en Tunisie se situait le mois dernier à 7,5% en comparaison à l’an dernier. Un taux que les produits alimentaires dépassent très largement.

  • Le secteur de la pêche a été un grand thème de la campagne présidentielle au Sénégal. L’audit du pavillon sénégalais est l’un des grands points du programme du nouveau président, Bassirou Diomaye Faye, alors que les ressources halieutiques se raréfient et que les tensions liées se multiplient. Les bateaux sont toujours plus nombreux et les intérêts sénégalais pas toujours au rendez-vous.

    Selon la loi, les bateaux doivent être au moins à moitié détenus par des capitaux sénégalais. Cependant, la réalité qui se cache derrière est souvent très différente ; le propriétaire sénégalais fait régulièrement office de prête-nom, révèle un rapport récent de EJF (Environmental Justice Foundation). « Il y a des Européens et de plus en plus de Chinois et de Turcs qui bénéficient de licences bien sûr, avec des complicités », détaille Bassirou Diarra, enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop et chargé de plaidoyer pour EJF.

    Bassirou Diarra travaille sur ces thématiques depuis plus de 30 ans. « Il y a un manque de transparence. Le listing des navires autorisés, qui était en outil de lutte contre la pêche illicite – parce qu'on sait qui pêche ou comment ; il est partagé, tout le monde peut le voir, mais depuis 2019, le listing est un document confidentiel », explique-t-il.

    Des zones de pêches non respectées

    Autre problématique, les conflits en mer. Aujourd’hui, pas de garde-côtes dédiés, mais une question gérée par la Marine nationale. « Il y a beaucoup de conflits entre la pêche artisanale et la pêche industrielle, explique Dr Aliou Bâ, chargé de campagne océan à Greenpeace. Tout simplement du fait que la pêche industrielle, parfois, descend dans des zones où se trouve la pêche artisanale. »

    Durant la campagne, de nombreux candidats ont promis d'augmenter la zone d'activité de pêche artisanale à 12 miles pour permettre de lever la pression sur les pêcheurs artisanaux et permettre la régénération des ressources. « Parfois, il arrive qu'on détecte des navires qui viennent pêcher clandestinement. On a d'ailleurs, en février dernier, détecté un navire qui battait pavillon russe, un navire de pêche d'une capacité de 2 000 tonnes qui était venu et qui était en activité pendant deux semaines au niveau des eaux sénégalaises. Donc ce sont des situations qui arrivent très souvent », précise encore le Dr Bâ.

    Des devises qui s'échappent

    Une surexploitation des ressources qui impacte négativement la pêche artisanale et fait grimper les prix sur les marchés locaux. Une pêche intensive qui rapporte peu au Sénégal, regrette également Bassirou Diarra. Pour lui, le problème vient des choix politiques. « Au lieu de faire la gestion, on a fait de la production. Je pense qu'il faut recentrer et revenir à des options de gestion durable et en domiciliant les valeurs ajoutées locales. On ne peut plus prendre le poisson du Sénégal, aller le vendre pour chercher des devises éventuellement qui ne reviendront pas », avance-t-il. Il s’appuie sur une note de la BCEAO : « Ils disent que le secteur de la pêche est quand même un secteur qui a un très faible taux de rapatriement des devises. Ça veut dire qu'il y a de l'évasion fiscale. »

    Élargissement de la zone réservée à la pêche artisanale, audit du pavillon sénégalais ou encore renforcement du dispositif de surveillance maritime font partie des promesses de campagne de Bassirou Diomaye Faye. Les deux experts s’accordent sur le besoin d’une politique ambitieuse pour le secteur et, pour cela, la nécessité de consacrer plus de moyens humains et financiers.

  • Il est surtout connu pour ses exportations de thé, de café ou encore de fleurs coupées, mais le Kenya est aussi un important exportateur de noix de macadamia. Nairobi a d’ailleurs levé l’année dernière l’interdiction de l'exportation des noix de macadamia non décortiquées, qui était en place depuis 2015. Après des années difficiles, le secteur repart. Le groupe Pamoja l’a compris et vient de lever 8,5 millions de dollars pour accélérer la production de ces noix en Tanzanie et au Kenya, notamment à travers sa filiale kényane, TenSenses, qui a une usine de transformation en bordure de la capitale.

    De notre correspondante à Nairobi,

    Dans l’usine de TenSenses, les employés s’affairent autour de grandes tables où sont étalées les noix de macadamia. Après les avoir achetées auprès des agriculteurs, l’entreprise doit les sécher, les décortiquer puis les trier. « Là, ce sont les noix qui viennent d’être décortiquées, décrit Hillary Rotich, en charge du contrôle qualité. Il faut maintenant séparer les bonnes des mauvaises. Celles-là, ce sont les bonnes, on les a séparées de celles-ci, qui ont été abîmées par des insectes, de celles-ci qui sont moisies ou encore de celles qui ne sont pas mûres. »

    Les noix de macadamia de TenSenses partent majoritairement vers les États-Unis ou l’Europe. L’entreprise exporte environ 500 tonnes de noix transformées par an. Des noix qui proviennent d’un réseau de 5 000 fermiers kényans, des petites productions, la plupart en agriculture biologique. « Le Kenya est très différent parce que ce sont 200 000 petits fermiers qui ont des noix de macadamia sur leurs terres, mais avec des productions très petites et en polyculture, comme on le fait souvent au Kenya », explique Guillaume Maillard, directeur général de Pamoja.

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    Une place de choix sur le marché mondial

    « Sur le même lopin de terre, ils font des noix de macadamia, mais ils peuvent faire aussi du maïs, des tomates, des mangues, différentes choses. Sur nos 5 000 fermiers, ils ont en moyenne 26 arbres chacun. Sachant qu’en culture commerciale, sur un hectare, on a plus de 300 arbres », précise-t-il encore.

    Un modèle plus résilient qui permet tout de même au pays d’avoir une place de taille sur le marché mondial. « Quand on regarde le marché mondial de la noix de macadamia, il y a quatre sources principales. Le Kenya, qui devrait avoir une production de 40 000 tonnes cette année, derrière la Chine, l’Australie et enfin l’Afrique du Sud, qui est de loin le plus grand producteur et devrait produire cette année entre 90 000 et 95 000 tonnes. Le Kenya, dans tout ça, détient une part du marché équivalente à, disons, 15 à 20% », analyse Kees Blokland, de l’agence de négoce, Global Trading & Agency.

    Le secteur sort de deux années difficiles. La macadamia, considérée comme noix de luxe, a fait les frais de pandémie de Covid-19 et d’une hausse de l’inflation mondiale. Depuis, ses prix commencent à remonter. L’offre et la demande aussi, souligne Guillaume Maillard. Pamoja en a fait le pari. Avec sa nouvelle levée de fonds, le groupe compte, entre autres, développer sa capacité de transformation au Kenya.

  • Crise du Covid-19, guerre en Ukraine, changement climatique... Différents facteurs ont eu un impact sur la disponibilité et les prix des céréales ces dernières années. Pour limiter la dépendance aux importations alimentaires, le Cameroun a engagé un plan triennal d’import-substitution. Il s’agit de produire sur place ce qui peut l’être au lieu d’importer. Mais malgré un budget de plus de 114 milliards de FCFA (170 millions d’euros), la mise en œuvre de cette politique peine encore à décoller.

    Développer la production locale pour limiter les importations, l’entrepreneur Bertin Tchoffo est convaincu. « Quand le président de la République a fait son discours et a exprimé la volonté de soutenir l’import-substitution, tout de suite, on n'a pas hésité, se rappelle le patron. Le lendemain, je peux vous assurer, mes équipes et moi, nous avons fait le nécessaire pour démarrer les champs de manioc. »

    L’idée du directeur de Pafic : substituer une partie de la farine de blé utilisée dans la pâtisserie et la boulangerie camerounaise par de la farine de manioc. « Au fond de moi, je savais que c’était porteur comme tout ce qui est agro-alimentaire », détaille-t-il. Pour cela, il se lance dans un grand projet de 2 000 hectares de production de manioc. Il conçoit même des machines adaptées pour moudre les tubercules.

    Des initiatives privées encouragées

    Une initiative privée, mais encouragée par les autorités, assure-t-il. « Je prendrai l'exemple du ministre du Commerce. Dès que les premiers sacs de farine sont sortis, deux jours après, il a convoqué une réunion avec tous les pâtissiers de la ville de Yaoundé, présente Bertin Tchoffo. On a présenté le produit et on leur a donné les produits pour aller faire les tests. Et il nous a donné une position stratégique au boulevard du 20 mai pour exposer ce pain de manioc. Le ministre du Commerce est en train de faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire cette farine et pousser les boulangers à mettre cette farine dans le pain. »

    Malgré la volonté politique et la disponibilité de la farine, tout n’est pas encore gagné. « Effectivement, [les débuts] sont encore un peu timide mais on voit déjà les grands groupes de pâtissier passer des grandes commandes. En termes de tonnes, même pas en termes de sacs », se réjouit-il.

    Des réticences aux changements

    Dans le domaine des farines panifiables, les maillons de la filière et leurs intérêts sont grands, ce qui peut expliquer certaines réticences. « Pour les lectures que j'ai faites, j'ai bien compris qu'effectivement la filière elle-même, en particulier tout ce qui est minoteries, etc, n’a pas trop intérêt à ce que les choses changent, constate Thierry Leroy, chercheur au Cirad, directeur régional pour l’Afrique centrale basé au Cameroun. Enfin, si on leur dit, tu vas prendre de la farine de manioc que tu vas intégrer après au niveau des boulangers… Peut-être qu'il y a des équilibres à trouver, mais c'est certain et c'est logique que chacun défende son domaine. »

    La fixation du prix de la farine de manioc – comme ça l’est pour la farine de blé – est encore attendue. D’autres actions seraient possibles, selon le chercheur : « Favoriser déjà cette production et déjà voir avec la boulangerie, avec les opérateurs de la fabrication de pain, comment est-ce qu'on peut l’intégrer. Il faut une fois que l'expérimentation, on va dire en laboratoire ou en petite quantité, a été faite, c'est passer à l'échelle. »

    Les autorités sont conscientes des défis rencontrés. Le rapport d’exécution 2023 de la politique d’import-substitution pointe notamment la problématique d’enclavement des bassins de production. Autre constat : le faible décaissement des budgets alloués, à peine plus de la moitié des montants ont été dépensés l’an passé.

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  • Canal+ renforce sa présence dans l'audiovisuel en Afrique. Le groupe français, filiale de Vivendi aux mains de Vincent Bolloré, devient actionnaire minoritaire de la société sénégalaise de production Marodi TV, dont elle diffusait déjà le catalogue de séries télévisées en Afrique de l'Ouest.

    Maîtresse d'un homme marié, Pod et Marichou, Karma... Les séries de Marodi TV ont cartonné, en wolof et en français, sur les plateformes digitales (trois milliards de vues sur YouTube) ou les chaînes de télévision locales et panafricaines. Mais la société de production sénégalaise avait besoin d'un nouveau souffle financier. « On avait besoin de fonds pour faire plus de production et distribuer un peu partout dans le continent, explique Serigne Massamba Ndour, son fondateur et dirigeant. Au lieu de choisir un fonds d'investissement classique, on a préféré choisir Canal+ qui est un partenaire stratégique avec qui on partage la même vision et les mêmes ambitions pour l'Afrique et avec qui on travaille depuis plus de cinq ans ».

    Étoffer le catalogue

    Canal+ ne pouvait passer à côté de cette opportunité : les produits africains, dont ceux de Marodi déjà à son catalogue, sont en tête des audiences auprès de ses désormais 8 millions d'abonnés sur le continent. Et ils font plus que jeu égal avec les produits américains sur le premium.

    « Il y a 20 ans, nos offres s'adressaient à une élite en partie expatriée et en partie locale, mais très internationale, qui s'accommodait d'une offre de télé internationale, rappelle Fabrice Faux, directeur des programmes de Canal+. Aujourd'hui, notre expansion s'est faite dans toutes les capitales africaines, puis des capitales vers les provinces. Les familles qui nous rejoignent sont en attente de produits, d'histoires qu'elles comprennent et qui leur ressemblent et qui sont donc africaines. »

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    Avant l’arrivée des plateformes

    Des histoires africaines et de plus en plus en langue locale. « C'est important, vis-à-vis du public et stratégiquement vis-à-vis d'autres opérateurs qui pourraient être nos concurrents demain, de disposer de contenus dans ces langues vernaculaires, souligne Fabrice Faux. Et c'est le cas de Marodi. Installé au Sénégal, il sait produire en wolof, en pulaar et en français. »

    Après avoir acquis Rok Studios au Nigeria, Plan A en Côte d’Ivoire, et Zacu Entertainment au Rwanda, Canal+ poursuit donc ses investissements pour étoffer son catalogue en produits audiovisuels entièrement créés et fabriqués en Afrique. Avec 2 000 à 2 500 nouveaux épisodes par an et des droits de longue durée, la chaîne française à péage espère pouvoir résister à la concurrence des plateformes américaines, lorsqu'elles débarqueront en Afrique.

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