Afleveringen

  • Gérard Davet et Fabrice Lhomme, grands reporters au journal Le Monde, auteurs de Les juges et l’assassin (Ed. Flammarion) sont les invités de RFI ce 31 janvier 2025. Dans leur dernier livre-enquête, les deux journalistes pointent les dysfonctionnements de l'État français au début de la crise du Covid-19, en 2020. Documents à l'appui, ils racontent le manque d'équipements et la désorganisation de l'appareil politique et administratif. Entretien.

  • Leslie Voltaire, président du Conseil présidentiel de transition haïtien, est l'invité de RFI et France 24. Au micro de Marc Perelman et Arnaud Pontus, il évoque la crise sécuritaire et humanitaire en Haïti. Il précise aussi le calendrier électoral 2025 et révèle avoir parlé avec le président français de « la dette d'indépendance ».

    Marc Perelman : Monsieur le président, je vais commencer par la situation sécuritaire. On estime que 85 % du territoire de la capitale Port-au-Prince est actuellement aux mains des gangs. Il y a eu plusieurs massacres de grande ampleur ces derniers mois qui ont frappé l'opinion. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, dans son dernier rapport sur Haïti, avertit : « les gangs pourraient s'emparer de l'ensemble de la zone métropolitaine de Port-au-Prince, ce qui entraînerait l'effondrement complet de l'autorité de l'État ». Il a raison ?

    Je ne pense pas qu'il ait raison. Je sais que la police et l'armée, aidées par la Force multinationale de support à la sécurité à la police haïtienne, est en train de combattre les gangs non seulement dans la zone métropolitaine, surtout dans les hauteurs à Kenscoff et aussi dans l'Artibonite. Je pense qu'avec l'annonce du secrétaire d'État (américain), Marco Rubio, qui dit qu'ils vont continuer à financer la force multinationale, on a eu un apport de 200 Kényans en plus, de 80 Salvadoriens et de 150 Guatémaltèques. La police va refouler les gangs et on va arriver à les isoler. On nous avait promis 2500 troupes. Nous sommes en train de former des militaires et des policiers. On a un apport en matériel létal des États-Unis et de la France. Je pense que les gangs sont en train de reculer sur certains fronts. Ils attaquent sur d'autres fronts. Mais je pense qu'on va avoir une sécurité beaucoup plus prononcée dans la zone métropolitaine.

    Arnaud Pontus : Monsieur le président, vous parlez de cette Mission Internationale d'Appui à la Sécurité. Vous le dites, 800 hommes sur 2500 espérés, cela fait tout de même une très grande différence. Et pour l'heure, au risque de vous contredire, les gangs ne reculent pas…

    Les gangs ont reculé sur Delmas 2. Les gangs reculent dans l'Artibonite. Ils attaquent sur d'autres fronts. Et en plus, non seulement on a 8000 policiers, on a 1200 soldats et maintenant, la force multinationale va augmenter.

    Et ces effectifs vous semblent nécessaires ? Suffisants en l’état ?

    Ils ne sont pas suffisants. Je pense qu'on est en train de faire du lobby pour augmenter les effectifs et la population s'est alliée à la police et ils ont commencé à faire des travaux de légitime défense sur les bandits. Et c'est une guerre qu'on a lancée et on a lancé un slogan de pacification du pays durant l'année 2025.

    C'est ce que vous avez dit il y a quelques jours. Et vous pensez cet objectif tenable ?

    C'est totalement tenable.

    Marc Perelman : Je veux quand même en venir à la situation humanitaire qui est dramatique. Un million de déplacés en 2024, trois fois plus que l'année précédente. Deux millions d'Haïtiens en situation d'insécurité alimentaire grave. L’ONU a lancé un appel de fonds pour 900 millions de dollars, mais on sait que les précédents appels n'ont pas été concluants. Est-ce que vous espérez de la communauté internationale, vous avez vu le pape à Rome, le président français ici à Paris, qu'elle va enfin se tenir réellement aux côtés des Haïtiens ?

    Je crois que le secrétaire d'État américain avait annoncé que le président Trump allait couper l'aide humanitaire. Mais hier, j'ai vu qu'ils se sont ravisés. Ils ne vont pas couper l'aide humanitaire. Le Programme alimentaire mondial est en train de fournir des aliments et des médicaments à l'Organisation internationale de la migration et l'Organisation nationale de la migration en Haïti. C'est une situation compliquée et difficile, mais je crois qu'on va arriver à un retour au quartier en éliminant les gangs qui contrôlent certains quartiers.

    Parlons de la situation et des perspectives politiques en Haïti. Vous avez promis la tenue d'un référendum sur la Constitution, ainsi que des élections générales, à l'horizon d'un an à peu près. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, parle d'objectifs compromis. Pensez-vous vraiment pouvoir tenir ce calendrier ?

    Je pense que oui. On peut tenir ce calendrier. On espère que vers la fin avril, vers la mi-mai, on aura un référendum sur la Constitution. Et à partir de ce référendum, qui dira quelle sorte de conseil électoral on aura dans la nouvelle Constitution, qu'on pourra commencer avec les joutes électorales. On espère que les élections se feront vers la mi-novembre et le deuxième tour vers la mi-janvier pour qu'enfin le 7 février on ait un gouvernement légitime. Moi je pense qu'on aura des élections dans huit départements qui sont libres de gang. On aura des élections dans l'Artibonite, qui est à un quart contrôlé par les gangs. On aura des élections de la moitié de Port-au-Prince. Les gens qui vivent dans les zones contrôlées par les gangs pourront aller s'inscrire dans les zones qui sont libres et voter dans les zones qui sont libres. Mais je dois dire aussi que la dernière élection, le président Jovenel Moïse avait réussi avec 500 000 électeurs. Maintenant, on a à peu près sept millions d'électeurs. Si les élections se font avec cinq millions d'électeurs, le gouvernement légitime, le président ou la présidente, les sénateurs, les députés ou les maires seront beaucoup plus légitimes que le conseil présidentiel que je préside.

    D’un mot sur cette question, ça veut dire que tous les Haïtiens ne pourront peut-être pas voter, tous ceux qui le veulent, et qu'on ne pourra pas voter partout. Ça, c'est un état de fait que vous admettez d'ores et déjà ?

    J'admets d'ores et déjà, et j'admets aussi que on va essayer de faire voter les Haïtiens qui se trouvent en diaspora pour augmenter le taux de participation. Et j'admets aussi que ce sera beaucoup plus légitime qu'un conseil présidentiel qui est issu d'un accord politique. C'est une légitimité sociale et politique, mais ce n'est pas une légitimité électorale.

    Pour refermer cet entretien, vous avez rencontré ce mercredi le président français Emmanuel Macron. Est-ce que vous lui avez parlé de la restitution de la dette d'indépendance ? Pour ceux qui nous écoutent, en un mot : 1825 la France du roi Charles X avait exigé d'Haïti des indemnités au moment de l'indépendance. Est-ce que vous avez demandé à votre homologue le remboursement ?

    Ce n'est pas moi qui ai demandé, c'est lui qui a commencé à parler de la restitution…

    Et qui vous l'a proposé ?

    Et de la réparation. Et il a dit que le 17 avril, qui marquera le bicentenaire de cette rançon, il va faire une déclaration.

    Et vous pensez que ce sera une déclaration dans le sens d'une restitution ? On parle de 525 millions d'euros…

    On n'a pas parlé d'argent, on a parlé de principes, d'une déclaration et qu'on va voir ensemble.

    Donc les relations sont bonnes aujourd'hui avec le président français ?

    Elles sont très bonnes et très cordiales.

    Vous avez oublié les mots lâchés en novembre dernier, qui s'adressaient aux membres du Conseil présidentiel de transition ?

    On n'en a pas parlé et je pense que ce n'était pas de bon ton d'en parler.

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  • François Moreillon, chef de délégation du Comité International de la Croix Rouge (CICR) en République démocratique du Congo est le grand invité international de RFI ce 29 janvier. Il raconte que les équipes médicales à Goma ont compté près de 1000 blessés par armes, depuis le début du mois de janvier. Avec les combats en ville, la plupart des victimes sont des civils. Il appelle les belligérants à respecter la mission médicale et à protéger les populations civiles.

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  • Dmytro Kuleba, ex-ministre des Affaires étrangères ukrainien de 2020 à 2024, est, ce mardi 28 janvier, le grand invité international de RFI. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche aux États-Unis, il est de nouveau question de négociations de paix entre l'Ukraine et la Russie. Vladimir Poutine se dit prêt à discuter avec le président Trump. Volodymyr Zelensky a réagi en mettant en garde contre une exclusion de l'Ukraine de ces pourparlers.

    RFI : Pensez-vous qu'il y aura bientôt des négociations ?

    Dmytro Kuleba : Je ne pense pas que de véritables négociations commenceront bientôt. Du moins, si nous imaginons une table à laquelle trois ou quatre, où je ne sais combien de dirigeants, s'assoient ensemble et trouvent des solutions. Il y a déjà un échange actif de messages sur les négociations entre Washington, Moscou et Kiev. En ce sens, nous pouvons conclure que les discussions sur la façon dont la guerre doit se terminer ont déjà débuté.

    Mais il ne s'agit pas de négociations en bonne et due forme telles que nous les imaginons habituellement. Le problème est que dire que l'on est prêt à discuter est une chose, mais parvenir à un accord en est une autre. Et si toutes les parties indiquent qu'elles sont prêtes à discuter, nous sommes encore loin d'un quelconque accord.

    Comment les Ukrainiens appréhendent-ils la présidence Trump ?

    S'agissant de Trump, je pense que les Ukrainiens ont les mêmes sentiments que le reste du monde, sauf que les enjeux sont beaucoup plus élevés pour nous. Nos sentiments sont mitigés. D'un côté, nous voyons cela comme une opportunité. De l'autre, nous savons que Donald Trump est un homme politique qui peut changer radicalement de position à tout moment. C'est donc vraiment l'art de la diplomatie qui va entrer en jeu, et qui, espérons-le, maintiendra Trump sur la bonne voie et l’aidera à rétablir une paix juste en Ukraine.

    Ces discussions autour d'éventuels pourparlers interviennent à un moment difficile pour l'Ukraine sur le champ de bataille. L'armée a cédé du terrain. Les troupes russes sont aux portes de la région de Dnipropetrovsk. De ce point de vue, la Russie ne semble pas avoir de raison d'arrêter la guerre. Est-elle réellement disposée à parler de paix ou d’arrêt des combats ?

    Non. À ce stade, Poutine pense qu'il va l'emporter à la fois sur l'Ukraine et sur l'Occident. Il pense que l'Occident vacillera et qu'il pourra s’emparer de toute l'Ukraine. C'est son rêve. Poutine ne sera donc prêt à négocier et à faire des concessions que lorsqu'il se sentira faible. Et cela dépend de deux sujets : le premier, c’est la situation sur le champ de bataille et le second, c’est la situation économique de la Russie. S'il sent qu’il peut tenir et qu’il a une stabilité dans ces deux domaines, alors il continuera à se battre.

    En trois ans de guerre, l'Occident a franchi à plusieurs reprises les lignes rouges de la Russie en donnant des armes à l'Ukraine. Mais il a également limité son aide militaire par crainte d'une escalade du conflit. Pensez-vous qu'il existe encore une peur de l'escalade, ou plus généralement une peur de la Russie de la part de certains partenaires occidentaux ?

    Oui, c'est le cas. S'il n'y avait pas de crainte d'escalade ou de peur de la Russie, cette guerre aurait déjà pris fin. Je dirais même que cette guerre n'aurait pas commencé s'il n'y avait pas eu de crainte de la Russie. Poutine a attaqué uniquement parce qu'il était sûr que l'Europe et les États-Unis avaient peur de lui, qu'ils n'allaient pas réagir, qu’ils n’allaient pas apporter de soutien à l'Ukraine et qu’il écraserait l'Ukraine assez rapidement. Aucun autre concept n'a infligé plus de dommages à l'Ukraine que le concept de non-escalade.

    La politique de non-escalade est une énorme erreur de l'Occident. Il doit en tirer les leçons. La non-escalade ne fonctionne que si, de l'autre côté, l'adversaire est sensible et réagit aux gestes de non-escalade. Par exemple, vous dites : « Je ne vais pas faire ceci » et vous arrêtez votre offensive. Lorsque l'autre partie s'arrête, la non-escalade fonctionne.

    Mais ce qu'il s'est passé en Ukraine, c'est que l'Occident a fait savoir à la Russie que nous ne ferions pas cela. Et vous devriez également ralentir. Mais Poutine n'a pas ralenti une seule seconde. Il n'a jamais rendu la pareille à la politique de non-escalade, alors que l'Occident continuait à suivre cette voie, ce qui a entraîné de lourdes pertes. Et de nombreuses personnes en Ukraine sont mortes uniquement parce que la politique de non-escalade a été entretenue par les grandes capitales.

    Le Kremlin et l'administration américaine semblent être d'accord sur un point : l'Ukraine ne devrait pas rejoindre l'Otan, du moins dans un avenir proche. Existe-t-il un espace de discussion sur ce sujet en Ukraine ? Que pensez-vous de la proposition de suspendre l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan pour parvenir à la paix ?

    Cela signifie que Trump concèdera à Poutine la question de l'adhésion de l’Ukraine à l'Otan comme un prix à payer pour arrêter la guerre. La guerre s'arrêtera, mais tant que l'Ukraine ne fera pas partie d’un mécanisme de sécurité collective tel que l'Otan, une prochaine guerre éclatera dans quelques années. Poutine lutte contre l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan, non pas parce qu'elle représente une menace pour la Russie, mais parce qu'il veut que l'Ukraine reste exposée et vulnérable à son agression, parce qu'il n'abandonnera jamais l'idée de détruire l'Ukraine en tant qu’État. Il est obsédé par cette idée et c'est son objectif. L'Otan est donc le seul moyen de s'assurer qu'il n'y aura pas de nouvelle guerre entre l'Ukraine et la Russie.

    Nous sommes sur le point d'entrer dans la quatrième année de la guerre. Des voix s'élèvent pour réclamer des concessions territoriales. Qu'est-ce qui serait possible pour l'Ukraine et le peuple ukrainien ?

    Tous ceux qui réclament de l’Ukraine qu’elle fasse des concessions territoriales, devraient d'abord céder une partie de leurs terres et montrer l'exemple. Donnez une partie de votre terre ou des régions de votre pays à votre voisin, et vous aurez alors le droit de dire aux Ukrainiens : « Je l'ai fait. Suivez mon exemple. » Si vous ne l'avez pas fait vous-même, taisez-vous et suivez les discussions.

    C'est ainsi que les choses devraient se passer si nous voulons avoir une conversation juste et équitable. Parce qu'il est très facile de décider du sort de quelqu'un d'autre, pour ce qui est de son territoire, de son adhésion à l'Otan, ou n'importe quoi d'autre. Mais mettez-vous à la place de quelqu'un d'autre et vous arriverez à des conclusions et à des approches des négociations complètement différentes.

    Y a-t-il un risque que l’Ukraine se retrouve dans une situation où d'autres décident de son sort ?

    Cela n'arrivera pas. C'est un vieux cliché de penser que Poutine va s'asseoir avec Trump ou avec quelqu'un d'autre, qu’ils vont décider du destin de l'Ukraine, et qu’ils vont obliger l'Ukraine à faire face à la réalité. L'Ukraine se bat contre la Russie depuis trois ans maintenant, avec toutes les difficultés, les pertes et les tragédies qui se sont produites. Nous sommes un pays viable qui se bat sans troupes étrangères sur le terrain, et nous avons le droit et la capacité de faire entendre notre voix. Et il en sera ainsi.

    Vous allez enseigner à Sciences Po Paris sur la diplomatie en temps de guerre. Quel message allez-vous faire passer aux étudiants ?

    Tirer les leçons de notre expérience et éviter les guerres. Pour éviter de pratiquer la diplomatie de guerre, il faut l'apprendre par cœur et la comprendre. Et je partagerai cette expérience et ces connaissances avec les étudiants dans l'espoir qu'en connaissant la diplomatie de guerre, ils n'auront jamais à l'appliquer parce que leurs pays ne seront jamais en guerre.

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  • Ginette Kolinka, l'une des dernières survivantes du camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, est l'invitée de RFI ce 27 janvier. À l'occasion des 80 ans de la libération des camps, elle raconte son histoire, sa déportation et son engagement pour lutter contre l'oubli.

  • Alors que la Bande de Gaza est en pleine période de trêve signée entre le Hamas et Israël voici bientôt une semaine, en Cisjordanie occupée les droits humains continuent d’être bafoués. L'armée israélienne continue de mener des opérations militaires. Yosra Frawes, directrice du bureau Maghreb, Moyen-Orient de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) est notre grande invitée internationale.

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  • Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT - Confédération française démocratique du travail est la grande invitée internationale ce vendredi 24 janvier. Elle évoque ses inquiétudes face au retour de Donald Trump et à ses mesures protectionnistes. Elle s’est également exprimée sur les défis économiques en France, les plans sociaux, la réforme des retraites et la précarisation des sans-papiers. Entretien.

  • Jimena Reyes, directrice du bureau des Amériques de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et représentante des victimes mexicaines devant la Cour américaine des droits de l’homme est l'invitée de RFI ce 23 janvier 2024. Après les premières mesures anti-immigration de Donald Trump, elle dit ses inquiétudes. Entretien.

  • Thani Mohamed Soilihi, ministre français délégué auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux est l'invité de RFI ce 22 janvier 2025. Après la remise du rapport sur le rôle de la France au Cameroun entre 1945 et 1971, il espère des relations nouvelles avec le Cameroun. Il annonce la remise du rapport au président Paul Biya, mardi 28 janvier. « Cette transparence, cette recherche de vérité est la meilleure façon de dialoguer et de continuer à travailler ensemble », dit-il. Il évoque aussi la baisse du budget de l'aide publique française au développement. Entretien.

  • L’accord de trêve signé entre Israël et le Hamas entre en vigueur dès demain matin, ce dimanche 19 janvier 2025. Objectif : permettre la libération des otages et la reconstruction de ce territoire sévèrement détruit. Cette trêve, ouvre-t-elle une page pour la réponse à la crise humanitaire qui sévit dans l’enclave, alors que les ONG dénoncent les entraves depuis un an ? Quels en sont les enjeux ? Alexandre Chatillon, co-fondateur et directeur de l’ONG Super-Novae, qui a été sur place et qui doit y retourner dans quelques semaines, est, ce matin, notre grand invité international.

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  • L’attente de la mise en place de l'accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas est interminable, aussi bien du côté des familles des otages qui attendent fiévreusement la libération de leurs proches, que de celui des Gazaouis. Entre temps, les bombardements se poursuivent dans la bande de Gaza. L'accord doit encore être voté par le gouvernement israélien ce vendredi. Entre espoir d’une trêve effective et crainte d’un accord trop fragile pour tenir, quel est le sentiment et les émotions qui traversent les parents d’otages retenus à Gaza ? Pour en parler, Ariane Tamir, membre de la famille de Tal Shoham, otage israélien, est la grande invitée internationale de la matinale de RFI.

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  • Thierry Breton, ex-ministre, ancien Commissaire européen chargé du Marché intérieur et des Services, est le grand invité international de ce 16 janvier. Avant le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis, il appelle les Européens à rester vigilants et unis. Il revient sur ses passes d'armes avec Elon Musk et assure que « la loi européenne ne censure rien, elle régule ». Sur le budget de la France, il estime que réduire le train de vie de l'État est une « nécessité absolue ».

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  • Fawzia Koofi, ancienne vice-présidente du Parlement afghan, auteure de Lettres à mes sœurs (éditions Michel Lafon) est l'invitée de RFI ce 15 janvier 2025. Elle retrace son parcours politique, du Parlement à l'exil forcé. Fawzia Koofi constate que la situation des femmes ne fait qu'empirer en Afghanistan. Elle appelle la France à aider à la mise en place d'une plateforme politique alternative aux talibans.

  • François Hommeril, président de la Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC) est l'invité de RFI ce 14 janvier 2025. À quelques heures du discours de politique générale de François Bayrou, il indique les priorités de son syndicat. Il s'inquiète de la multiplication des plans sociaux et craint une année 2025 « horrible ».

  • Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Otan (2016-2022) et directeur pour la défense au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR) est l'invité de RFI ce 13 janvier 2025. À une semaine de l'investiture de Donald Trump, il évoque les déclarations fracassantes du président américain élu sur le Canada, le canal de Panama et le Groënland. Il insiste aussi sur les suites de la guerre en Ukraine et la défense européenne. Entretien.

  • « Impossible d'établir un comptage précis à Paris », reconnaîtra pour la première fois le ministère français de l'Intérieur au soir du 11 janvier 2015. Une déclaration qui témoigne de l'immense foule rassemblée ce jour-là dans la capitale, mais aussi dans plusieurs autres villes du pays. Pas de chiffres exacts, mais des estimations impressionnantes : environ quatre millions de personnes dans toute la France, dont plus d'un million et demi à Paris. Quatre jours se sont écoulés depuis la tuerie de Charlie Hebdo, suivie le lendemain de l’assassinat d’une policière, puis de l’attaque de l’Hypercacher. Le 11 janvier, face à l’horreur, une marche républicaine unit anonymes et plusieurs dizaines de chefs d’État et de gouvernement à Paris. Mais dix ans plus tard, que reste-t-il de cet élan populaire et de cette unité affichée ? Entretien avec Antoine Gallard, doctorant en sciences politiques à l’université Paris I.

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  • Sophie Primas, porte-parole du gouvernement français, est la grande invitée internationale de RFI, ce vendredi 10 janvier 2025. Elle évoque les tensions entre la France et l'Algérie, les déclarations polémiques d'Emmanuel Macron sur « l'ingratitude » des dirigeants africains, la reconstruction de Mayotte et la préparation du budget 2025.

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  • Dix ans après les attentats de janvier 2015 à Paris, Olivier Christen, procureur national anti-terroriste en France, est le grand invité international de RFI, ce 9 janvier 2025. Au micro de RFI, il évoque l'état de la menace terroriste en France, le rajeunissement des suspects et l'augmentation du nombre d'attentats déjoués. Il pointe également l'attention portée à la situation en Syrie.

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  • Il y a dix ans, le 9 janvier 2015, deux jours après l'attentat contre Charlie Hebdo, quatre personnes étaient tuées par un terroriste à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris. Un employé de la supérette, Lassana Bathily, Malien de confession musulmane, a permis à la police de mettre fin à la prise d'otages. Dix ans après, Lassana Bathily est, ce matin, le grand invité international de RFI.

    RFI : Bonjour, Lassana Bathily. Nous voici dix ans après la prise d'otages à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes, à Paris. Comment vous vous apprêtez à vivre ce moment, cette journée anniversaire ?

    Lassana Bathily : Ce moment, ça va me faire revivre encore, comme il y a dix ans. Bon, ça va être un peu difficile, parce que ça va encore nous rappeler ce qu'on avait vécu pendant la prise d'otages.

    Dix ans après, est-ce que vous êtes toujours hanté, habité par ce qui s'est passé ce 9 janvier 2015 ?

    Oui. Je me souviens très bien de ce qui s'est passé le 9 janvier 2015, jusqu'à aujourd'hui. Ça me revient encore dix ans après, ça me revient toujours. Comme on dit : c'est une cicatrice qui reste. C'est impossible d'oublier. Impossible.

    Ce 9 janvier 2015, la France est encore sous le choc de l'attentat contre Charlie Hebdo, quand un homme lourdement armé s'introduit dans une supérette cacher. Amedy Coulibaly tue immédiatement trois personnes. Il en prend en otage dix-sept autres. À ce moment-là, vous êtes salarié de ce magasin, de l'Hyper Cacher. Vous êtes au sous-sol. Vous rangez des cartons. Qu'est-ce que vous pensez dans les premières minutes de cette prise d'otages ?

    Les prises d’otages… Comme je l'ai toujours dit, au début, moi, je pensais que c'était un accident.

    Vous avez pensé à un accident de voiture sur le périphérique juste à côté ?

    Exactement. Je n’ai pas pensé que ça se passait vraiment dans le magasin. C'est plus tard, quand les tirs se sont répétés, à plusieurs reprises, que j'ai vu tous les clients descendre pour me rejoindre. C'est là que j'ai commencé à comprendre que ça se passait vraiment dans le magasin.

    Oui, parce qu'effectivement, vous voyez quelques clients qui descendent au sous-sol où vous vous trouvez et qui vous disent que des terroristes sont entrés dans le magasin.

    Exactement, ça a été un choc. À ce moment, il y avait plus d'une vingtaine de personnes qui se sont bousculées pour descendre précipitamment. C'est un choc pas possible. Quand j'ai vu ces gens-là, j'ai commencé à poser la question : « Qu'est-ce qui se passe ? » Ce sont eux qui m'ont confirmé que les tirs se passaient vraiment dans le magasin.

    Et à ce moment-là, vous allez mettre à l'abri des personnes dans la chambre froide.

    À ce moment-là, la chambre froide était ouverte, la porte était ouverte. On est tous entrés dans la chambre froide. J'ai même tenu la porte à l'intérieur pour bien nous protéger.

    Au bout de quelques minutes, vous proposez aux clients qui sont là de partir, de prendre le monte-charge pour tenter de vous échapper du magasin. C'est ça ?

    Oui. Après, ils n'ont pas voulu, ils ont dit : « On va mettre notre vie en danger. » Bon, je leur ai fait comprendre que notre vie est déjà en danger et qu'il faut tenter quelque chose. Ils n'ont pas voulu me suivre finalement. Moi, j'ai coupé les moteurs et j'ai demandé à tout le monde de mettre les téléphones en mode silencieux. Et c'est à ce moment-là que moi, j'ai décidé de prendre le monte-charge.

    Vous laissez les clients qui ne veulent pas tenter leur chance avec vous. Vous, vous montez par le monte-charge. Qu'est-ce qui vous pousse à agir ? Qu'est-ce qui vous pousse à partir à ce moment-là ?

    À ce moment-là [...] je connais bien le magasin. Je me dis : pourquoi ne pas tenter quelque chose ? Bon, le terroriste, il est là, il est armé. Nous, on n'est pas armés.

    Et quand vous êtes sorti, Lassana Bathily, les policiers vous arrêtent immédiatement, puisqu'ils encerclent le magasin et ils vont croire pendant assez longtemps, pendant une heure et demie, que vous êtes un des terroristes ?

    Oui, pour faire comprendre aux policiers, là, ça a pris beaucoup de temps, parce qu’ils n'avaient aucune information sur moi. Quand je suis sorti, j'ai couru vers eux. C'est vrai qu’ils ont pensé que j'avais des explosifs sur moi. Du coup, avant de m'identifier, ça a pris quand même beaucoup de temps. C'est vrai que j'ai été maltraité au début, parce qu’ils m'ont chopé comme un terroriste…

    Ils ont cru que vous étiez un complice d'Amedy Coulibaly ?

    Voilà. J'ai été fouillé et menotté pendant plus d'une heure et demie, le temps de m'identifier.

    Vous leur dites évidemment que vous travaillez dans le magasin et vous leur faites un plan du magasin. Et c'est ce qui va permettre aux policiers du RAID d'organiser et de lancer l'assaut.

    Oui, quand ils ont su que je n'étais pas un terroriste, ils m'ont demandé d'aider à dessiner les plans du magasin [...] Ils ont eu un échange avec un des clients dans le magasin pour demander où ils étaient situés.

    Et c'est là qu'on vous considère quasi immédiatement comme un héros. Parce que vous avez fait le plan, vous avez pu aider la police à intervenir.

    Oui, c'est ça. C'était ça mon rôle le jour de l'attentat.

    Vous ne cessez de répéter que vous ne vous considérez pas comme un héros. Pourquoi ?

    Moi, je ne suis pas un héros. Je suis juste un bon, un bon simple citoyen qui a réagi au bon moment. Voilà, juste un bon citoyen.

    Mais vous devenez, de fait, un héros national ce jour-là. Comment vous avez vécu ce moment-là et les jours qui ont suivi ? Vous vous êtes trouvé dans un tourbillon incroyable.

    C'était difficile. Après les attentats, c'était très difficile, parce que j'ai donné ma première interview le jour des attentats vers 03h00 ou 02h00 du matin... Et le lendemain, je vois ma tête partout, aux informations, dans les journaux. Tout le monde parle de moi. Les gens commencent à me critiquer aussi : « Pourquoi t'as montré ta tête ? Il ne fallait pas montrer ta tête. » Moi, j'ai dit ce que j'ai vécu dans le magasin, je n'ai rien inventé. Bon, c'est vrai que c'était difficile, je n'étais pas préparé à quelque chose qui arrive brutalement comme ça. Ça m'a beaucoup dépassé.

    Oui, ça vous a dépassé, parce que vous devenez un héros, que tous les médias sont derrière vous et qu'ils veulent vous interviewer. On vous présente alors comme un Malien musulman qui a sauvé des Français de confession juive. C'est un symbole qui rassure aussi dans cette France traumatisée par les attentats.

    Oui, parce qu'un musulman qui travaille avec des juifs, qui a sauvé des juifs, c'est devenu quelque chose de fort, de symbolique. Personne ne s'attendait à ça. Moi, j'ai toujours dit que les juifs, ce sont mes frères. J'ai travaillé avec eux pendant des années. On n'a pas eu de problème de religion dans le magasin et pourtant j'ai pratiqué ma religion dans le magasin. Je faisais mes prières et le ramadan. Moi, je dis que j'ai sauvé des êtres humains, j'ai sauvé des êtres humains... qu'ils soient juifs, athées ou d'autres croyances. On est tous des êtres humains. On doit s'aider quand on en a besoin.

    Et le tourbillon continue. Parce que onze jours après les faits, vous êtes naturalisé français pour acte de bravoure... reconnaissance inespérée, cérémonie avec les ministres de l'époque. Le tourbillon continue.

    Oui, c'étaient les remerciements de la République pour ce que j'ai fait à l'Hyper Cacher [...] Et je remercie encore l'ancien gouvernement de François Hollande.

    Ce jour-là, le jour de votre naturalisation, le 20 janvier 2015, vous lancez à la fin des quelques mots que vous allez prononcer : « Vive la liberté, vive l'amitié, vive la solidarité, vive la France ! »

    Oui, c'est ça, nous tous, on doit être solidaires dans ces moments et être fiers, surtout fiers d'être Français. Moi, comme j'ai toujours dit, je me suis senti Français avant même d'avoir obtenu la carte française.

    Est-ce que vous avez retrouvé une vie normale aujourd'hui ? Vous nous disiez au début de cet entretien que, dix ans après, forcément, ça fait remonter les souvenirs. Mais est-ce qu'aujourd'hui, vous vivez normalement, si je puis dire ?

    Oui, j'ai une vie normale. C'est vrai que les souvenirs restent, mais quand même, j'ai mon activité, je travaille, je fais du sport.

    Vous êtes employé à la mairie de Paris, aujourd'hui, je le signale.

    Oui, je suis un employé de la mairie de Paris. Service événementiel. Voilà, j'ai pris vraiment une vie normale. Pour l'instant, tout va bien.

    Vous rêviez à l'époque, il y a dix ans, d'être un ambassadeur de la Fraternité. Est-ce que vous avez réussi, de votre point de vue, à devenir cet ambassadeur-là ?

    Non, je peux dire non, je n'ai pas réussi ça. Mais quand même, j'ai fait pas mal de mal d'interventions, que ce soit dans les écoles, dans les quartiers [...]

    On vous fait venir dans les écoles, les collèges, les lycées, pour parler, pour raconter votre histoire.

    Pour raconter mon histoire, pour raconter comment on peut continuer à vivre ensemble [...] Je continue mes interventions. Mais être ambassadeur, je n'ai pas encore réussi.

    Quand vous revenez au Mali, chez vous, dans la région de Kayes d'où vous êtes originaire, on vous en parle de cette journée, de ce 9 janvier 2015 ?

    Au début, on m'en parlait beaucoup... Mais quand je pars là-bas, ce sont des vacances pour profiter de la famille et des amis. Peut-être les gens des villages voisins, quand ils me voient, ils sont impressionnés [...] Mais dans mon village, on est passés à autre chose. On ne m'en parle pas beaucoup.

    Puis, vous êtes l'enfant du village, vous êtes tout simplement Lassana...

    Oui, je suis Lassana. Le Lassana d'avant, le Lassana d'aujourd'hui. Toujours pareil.

  • Nous sommes le 7 janvier 2025, soit dix ans jour pour jour après l'attentat qui a frappé la rédaction de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. C'était le 7 janvier 2015 : un commando de deux terroristes pénétrait dans la rédaction du journal et abattait froidement plusieurs dessinateurs dont Cabu, Tignous, Wolinski, Charb, Honoré. L'attaque fera douze morts et provoquera une onde de choc en France et dans le monde. Le slogan « Je suis Charlie » s'affichera sur des pancartes et dans des manifestations partout sur la planète. Dix ans après, que reste-t-il de l'esprit Charlie ? Quel avenir pour le dessin de presse, la caricature ? Quel avenir pour Charlie Hebdo ? Gérard Biard, le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, répond aux questions de RFI.

    RFI : Bonjour, Gérard Biard. Dix ans après, comment allez-vous ?

    Gérard Biard : Si vous voulez savoir comment on va, il y a quelque chose qui est très simple, c'est simplement d'acheter le journal toutes les semaines. Vous verrez comment se porte la rédaction, comment nous-mêmes, on se porte et le regard qu'on porte sur notre société.

    Dix ans après, j'imagine que c'est encore difficile peut-être de faire le deuil. Comment est-ce que vous gérez la chose ?

    Dix ans après, je dirais que c'est un petit peu inévitable, parce que c'est la date anniversaire, c'est la date symbolique. Tout le monde se dit : « Ah, oui. C'est vrai, il s'est passé ça ce jour-là. » Pour nous, les personnes qui ont été assassinées le 7 janvier 2015, elles sont toujours avec nous, on les porte toujours en nous. Quelque part, elles sont aussi toujours présentes dans les pages du journal. C'est eux aussi qu'on essaie de faire vivre et de continuer à faire vivre chaque semaine quand on fait ce journal.

    Dans une interview au Monde il y a quelques jours, Riss disait que lui peut être et d'autres à Charlie se sentaient parfois seuls quand il y avait des procès contre Charlie. Est-ce que c'est aussi le sentiment qui est le vôtre ? Est-ce que dix ans après, vous vous sentez seul ?

    On aimerait bien effectivement que des gens, parfois de notre propre famille politique, nous soutiennent davantage ou nous soutiennent tout court, au lieu de nous mettre des cibles dans le dos. Mais d'une manière générale, on a des abonnés, on a des gens qui nous écrivent toutes les semaines, on a des lecteurs fidèles. La plupart des gens qui nous écrivent disent combien Charlie est important pour eux. Ça nous fait plaisir. On ne va pas dire le contraire.

    Nous réalisons cette interview dans le bureau de votre attaché de presse, pas à Charlie Hebdo. Ce n'est toujours pas possible, parce que vous recevez toujours des menaces ?

    J'ai tendance à dire que tout le monde en reçoit tous les jours. Il suffit d'être sur les réseaux sociaux pour recevoir des menaces et parfois même des menaces de mort. Donc oui, de toute façon, on reçoit toujours des menaces. Mais on tient aussi à ce que la rédaction de Charlie Hebdo reste un sanctuaire.

    Quid du dessin de presse ? Dix ans après, est-ce que vous estimez que certains journaux, nous-mêmes, on a régressé peut-être sur ce point précis ?

    Oui, ça, c'est certain. Il y a de moins en moins de journaux qui publient des dessins de presse. Le New York Times a décidé de cesser toute publication de dessins de presse, quel qu'il soit d'ailleurs, qu'il soit politique ou tout simplement sociétal. Parce que le dessin, le dessin de presse, la satire, la caricature, ce sont des emmerdements. Ça veut dire potentiellement des polémiques, donc visiblement, la direction éditoriale du New York Times préfère avoir la paix et être tranquille. Elle ne veut pas d'ennuis. En fait, c'est embêtant quand on prétend défendre la démocratie et la liberté d'expression dans un pays qui va, je pense, en avoir besoin dans les quatre années qui viennent. Le dessin de presse et la caricature, c'est un outil indispensable à l'exercice du journalisme et à la presse. C'est ce qui permet de faire ce que Gébé appelait un pas de côté, de montrer aussi ce qui se cache derrière les discours, ce qui se cache derrière un personnage, ce qui se cache derrière un fait de société. Ce qu'on ne peut pas ou ce qu'on ne veut pas montrer, ou voir. C'est vrai que c'est un outil difficile à manier, parce que ça demande beaucoup de travail, ça demande beaucoup de réflexion, ça demande beaucoup d'intelligence. On ne fait pas un dessin de presse comme ça. On ne le jette pas comme ça sur le papier, ce n’est pas vrai, ça n'existe pas. C'est du boulot, mais c'est un boulot indispensable si on veut faire un travail de journalisme complet, honnête et un travail de réflexion que n'offrira pas forcément ou beaucoup plus difficilement un texte, y compris le plus brillant des textes d'analyse.

    Il y a des choses que, justement, vous vous refusez à faire, à dire, à écrire ou à dessiner dix ans après ?

    Il y a, pour commencer, ce que permet la loi. La loi sur la liberté de la presse, la loi de 1881, elle, est assez claire. Et elle est valable pour tous les citoyens et c'est la loi de la presse. Donc voilà, il y a ce qu'il y a, ce qui existe dans la loi de la presse, sur l'injure, la diffamation, le racisme, l'antisémitisme. Et puis, tout le monde a ses propres limites. Moi, il y a des sujets que je ne traiterai pas. Je m'interdis, par exemple, de parler de la vie privée de quelqu'un dès lors qu'il ne l'a pas lui-même mis sur la place publique, ou dès lors que ça ne concerne pas quelque chose qui concerne toute la société.

    Et l'humour grinçant, vachard qui est le vôtre, il a toujours un avenir à vos yeux ?

    Oh, je pense oui. Il n’y a pas de raison. D'ailleurs, on n'est pas les seuls à utiliser et faire l'usage de ce type d'humour.

    Vous avez parlé, au tout début, de la nouvelle génération, peut-être à la fois de journalistes et de dessinateurs qui ont intégré le journal Charlie Hebdo. Qu'est-ce qu'ils apportent de nouveau ? Est-ce qu’ils contribuent à faire avancer le journal ? Si oui, dans quelle direction ?

    Oui, parce que déjà ils nous ont obligés, nous, à faire un travail de pédagogie et à leur expliquer ce qu'est Charlie. Parce que tout le monde a sa propre idée de ce qu'est Charlie. Il faut aussi leur raconter, leur expliquer et leur dire : voilà, ce journal, c'est ça aussi. Il a une histoire, il ne vient pas de nulle part. Il n’a pas été fondé par n'importe qui, par quelqu'un qui s'est dit un jour : tiens, je vais faire un journal pour avoir une danseuse. C'est un journal indépendant, totalement indépendant, qui est adossé à aucun groupe de presse, qui n'a pas d'actionnaires extérieurs, qui ne dépend pas de la publicité. On n'a pas de pub dans Charlie. Donc, c'est un journal qui vit de ses lecteurs, de son lectorat. C'est quelque chose d’assez rare, de très rare même. Donc, il faut leur raconter tout ça.

    C'est ce que vous leur dites en arrivant ?

    On leur dit : « Lisez les anciens Charlie. » On leur sort les anciens numéros et on leur dit : « Regardez ce que c'est le journal dans lequel vous travaillez maintenant. » Parce que c'est ça aussi qu'il va falloir qu'ils transmettent eux-mêmes dans l'avenir qu'ils incarnent. Parce que l'avenir de Charlie, ce n’est pas Riss, ce n’est pas moi, c'est eux.

    C'est à eux aussi de perpétuer la mémoire aussi, peut-être, des anciens qui sont tombés le 7 janvier 2015 ?

    Oui, mais pas que ceux qui sont tombés le 7 janvier 2015. C'est la mémoire de tous ceux qui ont fait Charlie. En faisant Charlie, on perpétue la mémoire de Cavanna aussi, qui est l’un des créateurs avec Choron. On perpétue la mémoire de Gébé. On perpétue la mémoire de Reiser, de Fournier, de tous ces gens qui ont fait de Charlie ce qu'il était et ce qu'il est toujours. Donc, c'est ça aussi qu'il faut transmettre. Le 7 janvier 2015 est une date fondamentale évidemment dans l'histoire du journal, mais il ne faut pas s'arrêter à ça. On y revient toujours, malheureusement. Là, aujourd'hui, on est une rédaction entre 30 et 40 personnes qui collaborent avec beaucoup de jeunes dessinateurs et de jeunes journalistes. Et dessinatrices aussi, d'ailleurs. Donc, ce sont eux aussi qui feront le Charlie Hebdo, celui dans dix ans déjà. C'est vers ça qu'on tend, c'est à ça qu'on pense et c'est vers ça qu'on se dirige, j'espère. C'est vers l'avenir.