Afleveringen

  • Le Parlement Européen a adopté le pacte migratoire, aboutissement de longs mois de négociations entre les différents groupes représentés à Bruxelles. Cette adoption marque-t-elle une avancée historique pour l’Union européenne ?

    La réponse est oui, car jamais auparavant l'Union européenne n'avait réussi à adopter un ensemble de textes aussi complet sur la difficile question des migrations. Oui, mais à condition que le texte soit d'abord validé par chacun des États membres de l'Union européenne, et ensuite qu'il soit réellement appliqué, dans la vraie vie en quelque sorte, normalement à partir de 2026.

    Jusqu'au dernier moment, l'incertitude a régné dans les couloirs du Parlement pour savoir si le pacte serait adopté. Il l'a donc été ce mercredi 10 avril, grâce aux voix des trois grandes formations qui dominent le Parlement aujourd'hui, à savoir Parti populaire européen (PPE), de centre-droit, Renew, la formation libérale, et Socialistes et démocrates, le parti de centre-gauche. Mais même au sein de ces organisations favorables au projet européen, les divisions ont été fortes.

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    Certains trouvaient que le contrôle des flux migratoires à l'entrée du territoire européen était trop peu respectueux de la dignité humaine. D'autres que les contraintes en termes de solidarité entre États membres étaient trop fortes. Quant aux formations plus à droite ou à gauche, elles ont critiqué certaines des mesures du pacte, pour des raisons diamétralement opposées parfois.

    Des critiques à gauche, mais aussi à droite

    Les formations de gauche dénoncent une politique trop dure vis-à-vis des demandeurs d'asile. Dans le futur pacte, en effet, on décidera à l'arrivée des migrants ceux qui ont une chance ensuite de bénéficier du droit d'asile. Ceux dont les chances n'excéderont pas 20% seront reconduits hors d'Europe. À condition, bien sûr, que les pays d'origine de ces migrants acceptent leur retour, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Autre critique formulée à gauche : les accords qui seront passés avec des « pays tiers sûrs » pour qu'ils prennent en charge la migration chez eux – une façon, pour les opposants à cette mesure, de sous-traiter le problème de manière indigne.

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    Plus à droite, on met en cause le laxisme du pacte et les contraintes imposées à tout le continent. Les formations de droite et d'extrême droite estiment que ce pacte est insuffisant. Ces partis dénoncent aussi les mesures prévues en situation de crise, comme lors de la vague migratoire de 2015. Pour soulager les pays d'entrée – Grèce, Espagne et surtout Italie, il est en effet prévu que chacun des 27 membres de l'UE leur viendra en aide, en proportion de sa richesse et de sa population. Il y a aura des installations de migrants dans toute l'Union, des relocalisations ou une aide financière conséquente aux pays d'entrée.

    Ce mécanisme de solidarité forcée est contesté par ces formations, qui y voient une attaque à la souveraineté des États. En dépit de toutes ces critiques, le pacte a quand même été adopté. C'est un succès. Reste maintenant à transformer l'essai pour doter véritablement l'Europe d'une politique migratoire digne de ce nom, entre fermeté et humanisme. Ce sera de toutes façons compliqué.

  • Retour sur la situation plus que préoccupante en Haïti. Le pays peut-il espérer retrouver un peu de stabilité ?

    La réponse est plutôt non, malheureusement. Du moins, pas à court terme. Haïti est gangréné depuis des années par la corruption, la délinquance extrême de gangs violents, l’instabilité politique, la pauvreté et les catastrophes naturelles. Une situation qui n’a cessé d’empirer ces derniers mois, avec un phénomène marquant : la montée en puissance, qui semble irrépressible, de gangs de plus en plus armés et qui ont accru leur domination territoriale. Accru et même transformé en une domination sociale, économique et même policière ou militaire.

    Ce phénomène n’est pas nouveau, mais désormais, il est omniprésent, interdisant l’essentiel des quartiers de Port-au-Prince, la capitale, aux forces de l’ordre. Depuis l'époque des Duvalier père et fils, la classe politique et les milieux d'affaires ont utilisé, instrumentalisé ces groupes délinquants pour asseoir leurs intérêts politiques et économiques.

    Pendant des années, la relation, perverse et cynique, était donc relativement claire. Une relation en quelque sorte employeur-employé. Mais le ver était dans le fruit, et peu à peu, la relation s'est inversée, pour en arriver à la situation ubuesque que nous observons aujourd'hui.

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    Des gangs professionnalisés et qui visent la conquête du pouvoir

    Ces gangs haïtiens se sont professionnalisés, d'un point de vue logistique, organisationnel et opérationnel. Et désormais, ils ont un objectif clairement politique. Après la démission contrainte du Premier Ministre Ariel Henry il y a trois semaines, ils veulent non seulement imposer leur agenda politique, mais même participer concrètement au pouvoir politique, voire à l'exercer tout simplement.

    C'est notamment l'ambition du groupe « Viv Ansanm » (« Vivre ensemble », en créole haïtien), qui a fédéré plusieurs gangs puissants et dont le leader, Jimmy Chérizier, surnommé Barbecue, explique sans rire que ce sont eux qui pourront rétablir la sécurité et la prospérité des Haïtiens.

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    Forts de ces atouts, ces gangs ont désormais un objectif qui va au-delà de la défense de leurs intérêts ; la conquête du pouvoir politique, ni plus ni moins. Et pour l’instant, les admonestations de la communauté internationale, notamment les États-Unis et la France, n’y changent rien. Ni non plus les sanctions adoptées il y a plus d’un an par l’ONU contre les leaders de ces groupes, ou en tentant d’imposer un embargo sur les ventes d’armes en Haïti.

    Le pays, dont les institutions sont à terre, risque de passer en coupe réglée sous la férule impitoyable des gangs.

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  • Presque six mois après les massacres commis par le Hamas dans le sud du pays le 7 octobre dernier, les critiques se concentrent de plus en plus sur le Premier Ministre Benyamin Netanyahu, en interne comme en externe. Avec cette intervention militaire brutale dans la bande de Gaza, est-il devenu un obstacle pour son propre pays ?

    Depuis l'odieux massacre commis par le Hamas le 7 octobre dernier, la riposte militaire d'Israël sous la conduite du Premier ministre israélien ne cesse de poser question et de créer des remous non seulement sur la scène internationale, mais aussi en interne, au sein de la société civile en Israël.

    Le choix d'une riposte massive pour éradiquer le Hamas, avec des bombardements intensifs des localités de l'enclave palestinienne, la décision de n'autoriser l'acheminement de l'aide humanitaire qu'au compte-goutte, le casse-tête des négociations pour obtenir la libération des otages israéliens encore retenus par le Hamas, tout cela a conduit à des critiques de plus en plus acerbes sur les modalités d'une intervention qui a déjà causé la mort de plus de 30 000 civils et placé plus de la moitié des Gazaouis dans une situation alimentaire catastrophique. Sans pour autant que l'éradication du Hamas soit achevée après plus de 5 mois d'intervention ni que ses principaux chefs, à commencer par Yahya Sinouar ou Mohamed Deïf, deux des principaux organisateurs des massacres du 7 octobre, ne soient neutralisés — ce qui est aussi un des objectifs de l'opération de Tsahal.

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    Bilan plus que mitigé

    Le bilan, plus que mitigé, est de plus en plus critiqué à l'étranger. D’abord dans les pays arabes et chez les soutiens de l’Iran. Et aussi dans de nombreux pays de ce qu’on appelle aujourd’hui le « Sud global ». Les critiques sont aussi de plus en plus prononcées dans les pays occidentaux, et notamment aux États-Unis. On sait que les relations sont exécrables entre Benyamin Netanyahu et Joe Biden. Ce dernier n'hésite plus à critiquer ouvertement le dirigeant israélien.

    Et, pour la première fois depuis le 7 octobre, les Américains se sont abstenus au Conseil de sécurité de l'ONU, permettant l'adoption d'une résolution qui demande à Israël un cessez-le-feu immédiat.

    En fait, Joe Biden est pris en étau entre son soutien à Israël - pas question à ce stade de remettre en cause l'aide militaire indispensable pour Tsahal - et la prise en compte, en pleine campagne électorale, des réticences et indignations d'une partie de son électorat : les jeunes et une grande partie des américains musulmans et/ou d'origine arabe.

    D'où cette intervention inédite du patron de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer, qui pense que les Israéliens devraient se rendre aux urnes pour élire un nouveau gouvernement. Une forme de désaveu cinglant pour Netanyahu de la part de ce proche de Joe Biden. Mais il sait lire les sondages. Les critiques contre le Premier Ministre sont féroces en Israël. À la fois pour avoir négligé les renseignements de ses services avant le 07 octobre, et aussi pour le coût élevé de l’offensive de Tsahal et l’impasse sur la libération des otages.

    Les sondages sont donc rudes pour Netanyahu : entre 15 et 20% de cote de popularité, et surtout une majorité écrasante d'israéliens qui souhaite son départ. Et des élections anticipées — comme l'a bien noté donc Chuck Schumer. Un scrutin qui sonnerait le glas de la coalition très à droite actuellement au pouvoir, et aussi sans doute la fin de la carrière politique de Benjamin Netanyahu.

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  • La reconduite de Vladimir Poutine à la tête de la Russie cette semaine a de quoi donner des sueurs froides à l’État major ukrainien alors que le conflit entre dans sa troisième année, mais les appétits de conquête du Président russe ne pourraient-ils pas mener le pays bien au-delà de ses frontières ?

    C’est un scénario catastrophe redouté, qui pourrait dépasser le seuil de la politique fiction. Au même titre que très peu d’analystes croyaient, quelques heures avant son déclenchement, à la possibilité de l’invasion de l’Ukraine à l’aube du 24 février 2022, la fuite en avant guerrière de Vladimir Poutine pourrait continuer de surprendre et, effectivement, mener son pays, à court et moyen terme, vers des contrées lointaines réparties aux quatre coins de la planète, au gré de guerres multidimensionnelles et hybrides qui changeraient assurément le monde tel que nous le connaissons. Bien entendu, le premier des sujets de préoccupations reste l’Ukraine, aux avant-postes de l’Europe, qui, au-delà des revers militaires récents sur le terrain, redoute l’échéance électorale américaine en novembre prochain qui pourrait, brutalement, en cas de retour au pouvoir de Donald Trump, laisser Kiev bien seule face à la soldatesque russe, soudain privée de milliards de dollars d’aide militaire de Washington.

    Mais le fantasme expansionniste du maître du Kremlin lui fait clairement lorgner en direction des anciennes républiques soviétiques d’Europe Orientale, la petite Moldavie en tête, considérée comme composante de la zone d’influence naturelle de Moscou qui s’ingénie à contribuer à sa déstabilisation politique en attendant de passer, qui sait, à la vitesse supérieure.

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    Dans le viseur de Vladimir Poutine, ce sont aussi les frontières de l’Otan et même le continent africain.

    Les pays Baltes, la Finlande, la Géorgie et même l’Arménie. Tout est prétexte pour Moscou à engager une tectonique de la confrontation avec l’Occident et ses valeurs quitte à se lancer, bien au-delà d’une économie de guerre, vers une véritable mondialisation de la guerre sur fond d’un narratif et d’une propagande implacablement bien huilée.

    D’ailleurs, bon nombre de soldats russes faits prisonniers sur le front ukrainien révélaient dans leurs interrogatoires qu’ils étaient persuadés de venir se battre contre des militaires de l’Otan, américains et européens. Et ce commentaire lapidaire du chef de l’armée française, le général Thierry Burkhard : « La Russie est déjà un peu en guerre avec les pays occidentaux. Une guerre informationnelle pour déstructurer nos sociétés ».

    En Afrique, difficile de ne pas reconnaître les succès de l’influence russe. Avec des années d’avance, la Russie a eu la vision et l’intuition de l’énorme potentiel de la guerre hybride. Dévastatrice et peu coûteuse. Le continent africain en a été le laboratoire. La France, la cible privilégiée, dont la sphère post-coloniale s’est écroulée de manière fulgurante, en deux ou trois ans. De l’Afrique centrale à l’effet domino des coups d’État militaires au Sahel. Syrie, Soudan, Libye... L’hydre russe continue de montrer au monde sa profonde volonté de conquête.

    Quels sont les moyens de se défendre ?

    Les récentes déclarations du président français Emmanuel Macron à l’encontre de l’expansionnisme de Moscou enjoignant l’Europe, elle aussi, à se mobiliser dans une économie de guerre, ont reçu un accueil mitigé en Occident, mais ont fait redoubler les attaques et invectives russes à l’égard de Paris. Ce qui montre, peut-être, que le chef de l’État français ne se trompe pas. « Vous, les Français, êtes en train de provoquer la Troisième Guerre mondiale » a même lancé le francophone vice-président de la Douma et propagandiste-en-chef, Piotr Tolstoï.

    Soutenir l’Ukraine coûte que coûte, assurer la souveraineté et la cohésion européennes comme celle de l’Alliance atlantique, mais aussi utiliser les mêmes armes de la guerre hybride sont les options qui semblent avoir été choisies par Paris et ses alliés pour contrecarrer les plans de Vladimir Poutine. Ne reste plus qu’à espérer qu’il ne soit pas trop tard.

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  • C’est un revirement stratégique qui a fait couler beaucoup d’encre : les déclarations du président français Emmanuel Macron en faveur de l’Ukraine semblent dessiner les contours d’un nouvel axe anti-Poutine. Mais comment expliquer une telle rupture ?

    Le président Emmanuel Macron est connu pour être très rodé à la pratique des réseaux sociaux, aussi a-t-il tenu à enfoncer le clou et exprimer le fond de sa pensée lors d’un échange avec des internautes français cette semaine : « Vouloir la paix, ce n’est pas choisir la défaite ou laisser tomber l’Ukraine », a-t-il martelé face à la petite caméra de son téléphone portable.

    Dernier pavé jeté dans la mare diplomatique de l’une des bascules stratégiques les plus spectaculaires depuis le début de l’invasion russe de l’Ukraine il y a deux ans et dont l’avenir dira un jour s’il relevait d’une intuition historique, d’un instinct de survie européen ou d’un coup de bluff sans lendemain.

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    Tollé chez les puissances alliées

    Bascule, revirement ? Oui, car si Emmanuel Macron évoque l’envoi de troupes en Ukraine aujourd’hui, il n’y avait bonne presse à l’été 2022 alors que les défenseurs ukrainiens lançaient leur contre-offensive fracassante à Kharkiv et que lui, de son côté, continuait de téléphoner au président russe Vladimir Poutine souhaitant « ne pas humilier » la Russie.

    Le chemin a été long, mais le chef de l’État français a sans doute fini par comprendre qu’il tournait en rond face aux attaques de plus en plus systémiques de Moscou et de progressivement tenter de réchauffer ses relations personnelles avec son homologue ukrainien. Volodymyr Zelensky analysant d’ailleurs avec une indulgence maîtrisée qu’Emmanuel Macron avait « compris que Poutine l’avait personnellement trompé. Qu’il avait fallu un certain temps, mais que le résultat était là. » L’essentiel donc, quitte – sur le coup – à provoquer un tollé chez les puissances alliées mais de commencer, seul ou presque pour l’instant, à mener l’Europe vers une économie de guerre.

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    Emmanuel Macron dos au mur

    Il faut dire que 2024 est une année d’élections importantes aux quatre coins de la planète et l’ombre des scrutins russe et américain plane sur le conflit. Si le président français a choisi de défendre cette nouvelle équation « renforcer l’Ukraine, c’est défendre l’Europe », c’est qu’il se sait dos au mur. Comme l’est l’Ukraine. En difficulté sur son front est après l’échec des offensives de 2023 et le défaut de livraisons de munitions et de missiles, bloquées depuis des semaines au Congrès à Washington. Et précisément, les projections et les perspectives électorales aux États-Unis donnent des sueurs froides à bon nombre d’experts militaires occidentaux.

    La rupture nette de la doctrine Pax Americana ou gendarme du monde, en cas de retour aux affaires de l’isolationniste populiste Donald Trump en novembre prochain, signifierait le retrait du « second front » en Ukraine incarné par le formidable soutien militaire américain sous l’impulsion du président Biden. Et cette perspective effrayante pour la sécurité mondiale a largement dépassé le stade de la politique fiction… D’autant que le maître du Kremlin, galvanisé par sa probable reconduite au pouvoir, pourrait continuer et aller même encore plus loin dans sa fuite en avant guerrière. L’Ukraine et l’Europe, donc, se retrouveraient bien seuls.

    Le pari de cette nouvelle donne stratégique française est-il gagnable ?

    Sur le terrain, l’enlisement du front en Ukraine ne signifie pas pour autant effondrement. Loin de là. « L’opération spéciale militaire » russe censée durer trois jours avec la prise de la capitale et la chute du gouvernement ukrainien entre dans sa troisième année et le président Zelensky est bien vivant et en place.

    Les forces russes ne contrôlent que 18% du territoire, exactement comme en 2022. Le défi de Paris est de tordre le cou à l’idée que le temps long serait nécessairement favorable à Moscou, alors que son économie de guerre a provoqué une surchauffe inflationniste et une profonde dépendance à des partenaires comme la Chine. Seule certitude, l’année 2024 va être déterminante. Pour le meilleur ou pour le pire.

  • C’est une course contre-la-montre qui est engagée pour tenter de décrocher une cessation des combats et des bombardements à Gaza quelques jours avant le début du ramadan, sur fond de pressions internationales montantes devant l’étendue du drame humanitaire dans l’enclave palestinienne. Pourquoi les partis ne parviennent-ils pas à se mettre d’accord comme la fois précédente fin novembre 2023 ?

    Il y a déjà une question technique d’importance : si les deux belligérants sont au centre d’une énorme mobilisation des intermédiaires internationaux au Caire, à Doha, Paris ou Washington, la réalité sur le terrain dans l’enclave palestinienne au cinquième mois du début de la riposte israélienne fait que les communications sont souvent difficiles, téléphone ou internet fréquemment coupés de longues heures durant.

    Aussi, de l’aveu même des négociateurs du Hamas, il faut parfois 24 à 48 heures au bureau politique au Qatar pour entrer en contact avec son aile militaire dirigée par Yayha Sinouar et Mohammed Deif, chef des brigades Ezzedine al-Qassam, ceux-là mêmes qui ont lancé l’opération « Déluge d’al-Aqsa » sur Israël le 7 octobre, toujours introuvables, et sans doute retranchés dans les tunnels de Khan Younès dans le sud de l'enclave. Ensuite, bien sûr, la pression constante de l’offensive israélienne terrestre, navale et surtout aérienne rend la situation extrêmement volatile.

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    Un plan de trêve existe pourtant

    Le paradoxe tragique face à l’urgence est que les deux partis sont presque d’accord. C’est le « Plan de Paris » qui a été mis sur la table mi-février sous impulsion française avec le concours du cheikh Tamim ben Hamad al-Thani du Qatar, l’intermédiaire numéro un dans tous les conflits au Proche-Orient, qui a, un temps, laissé planer un vent d’optimisme parmi les protagonistes des services de renseignement comme William Burns de la CIA ou David Barnea du Mossad, jusqu’à pousser le président américain Joe Biden à annoncer un peu vite une trêve imminente.

    Ce plan prévoit trois périodes successives de cessez-le-feu de 45 jours. La première permettrait la libération d’un otage par jour, femmes et personnes âgées, en échange de plusieurs prisonniers palestiniens. La seconde impliquerait la libération des réservistes et la dernière, sans doute la plus compliquée, les soldats israéliens... Et qui sous-entend bien entendu une hausse des enchères dans le ratio otage contre prisonniers. Mais le véritable point de discorde reste l’exigence du Hamas : obtenir un cessez-le-feu définitif. Impensable pour le cabinet de guerre du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, qui joue lui-même sa survie politique avec une guerre qu’il n’a donc pas l’intention de cesser.

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    Gaza livré au chaos, à la mort et à la famine

    Cinq mois ont passé. Le calvaire des otages continue, alors que Gaza se transforme en un champ de ruines. Les rares témoignages qui sortent de la bande de Gaza renvoient, jour après jour, une image d’horreur. L’un des territoires les plus densément peuplés de la planète, livré au chaos, à la mort et à la famine. Dans sa fuite en avant vengeresse, l’armée israélienne applique la stratégie de la terre brûlée, abolissant la distinction entre combattants et civils.

    Gaza n’a plus d’avenir. Et alors que les centaines de milliers de déplacés internes redoutent la grande offensive sur Rafah et le sud de l’enclave, le Hamas n’est même pas en mesure de confirmer combien d’otages du 7 octobre sont encore en vie parmi les 130 encore captifs.

  • Cette semaine, Le monde en questions revient sur la situation dans le territoire sécessionniste de Moldavie, la Transnistrie. Une région qui s’est autoproclamée indépendante et qui est très proche de Moscou. Et la question posée est la suivante : ce territoire peut-il devenir un nouveau pôle de tensions entre la Russie de Vladimir Poutine et l’Occident ?

    La réponse est oui. Il faut d’abord rappeler ce que représente la Transnistrie. C’est un territoire de 200 kilomètres de long sur environ 20 kilomètres de large, une bande de terre qui appartient officiellement à la Moldavie. Sauf que, en 1990, juste avant l’effondrement de l’URSS, la Transnistrie, qui est majoritairement russophone, a rompu avec la Moldavie.

    Une menace pour l'Ukraine ?

    Il y a eu un conflit armé, qui s’est achevé en juillet 1992, avec cette situation de facto : la Transnistrie s’est autoproclamée indépendante et n'est pas reconnue par la Moldavie et la communauté internationale. À l’époque, l’armée russe est intervenue pour soutenir les combattants de Transnistrie. Et élément important, elle y a laissé des troupes. Moscou, aujourd’hui encore, dispose d’environ 1 500 à 2 000 militaires en Transnistrie.

    Le territoire de 4 000 km2 environ, qui compte environ 450 000 habitants, est donc resté dans l’orbite de Moscou. Et cette situation est devenue encore plus stratégique depuis février 2022. Alors quel pourrait être l’impact d’une plus grande implication de Moscou ? Il serait important. Depuis l'invasion russe de l'Ukraine, il y a régulièrement des inquiétudes sur l'ouverture d'un nouveau front à partir de la Transnistrie en direction du grand port ukrainien d'Odessa, sur la mer Noire.

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    Moscou est également accusée de chercher à déstabiliser la Moldavie, dirigée par des autorités résolument pro-européennes. L'Union européenne lui a d'ailleurs accordé en juin 2022 le statut de candidat à l'entrée dans l'Union, en même temps qu'à l'Ukraine.

    De leur côté, les autorités prorusses de Transnistrie accusent Kiev de vouloir attaquer le territoire qu'elles administrent, ou comme cette semaine, de pressions économiques insupportables de la part du gouvernement moldave donc des règles douanières demandant aux entreprises du territoire de verser les droits d’importation au budget moldave.

    La Russie silencieuse

    Donc, les députés de Transnistrie appellent la Russie à l’aide. Ils demandent à la Russie de prendre des mesures pour les protéger de ce qu’ils appellent une pression croissante de la Moldavie. Pas de réponse officielle pour l’instant à Moscou. Vladimir Poutine n’en a pas parlé dans son discours fleuve cette semaine. Mais la menace pour la Moldavie et pour l’ouest de l’Ukraine, en particulier la région d’Odessa, reste bien réelle, comme une épée de Damoclès.

    C’est pourquoi les États-Unis et l’Union européenne expriment ouvertement leurs craintes et préviennent qu’ils ne laisseront pas Vladimir Poutine déstabiliser la Moldavie en instrumentalisant la Transnistrie. Il faudra voir dans les prochaines semaines si ce dernier en tient compte – ou pas.

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  • Deux ans après le déclenchement de l'invasion russe en Ukraine lancé par Vladimir Poutine, quels sont les principaux changements géopolitiques engendrés par cette guerre ?

    Il y a plusieurs changements, tant on peut désormais dire qu'il y a un avant et un après 24 février 2022. Le plus frappant, bien sûr, c'est la rupture totale entre la Russie de Vladimir Poutine et les pays occidentaux. Assez logique en somme, puisque au fond l'argument justifiant l'intervention russe en Ukraine est précisément le rapprochement trop fort entre ce pays et l'Occident au détriment des intérêts russes. Résultat : Kiev fait aujourd’hui partie du camp occidental aujourd'hui, même s'il n'en fait pas partie intégrante au sens propre du terme. En effet, l'adhésion de Kiev à l'Otan est toujours en suspens, et pour l'Union européenne, on en est aux prémices d'une candidature, même si le pas que voulait éviter la Russie a été franchie. En ce sens d’ailleurs, on peut parler d'échec stratégique pour Moscou.

    D'autant que le conflit a eu un effet contraire à celui attendu par le Kremlin – du moins dans un premier temps : un resserrement du camp occidental, une aide militaire et des financements importants pour l'Ukraine. Qui se révèlent aujourd'hui insuffisants malgré tout. Alors que deux ans après le début de la guerre, les opinions et la classe politique s'interrogent plus ou moins selon les pays sur la nécessité de poursuivre ce soutien à Kiev.

    Une fracture qui continue de se creuser entre Occident et Russie

    Ce renforcement des liens occidentaux s'est accompagné, d’un autre changement notable qui était en germe, mais qui a été accéléré par le conflit, d'un relatif isolement de l’Occident sur la scène internationale. En clair, les pays du Sud et les grands émergents, Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, ont oscillé selon les cas entre une prudente neutralité et un soutien plus ou moins explicite à la Russie. Attention toutefois : l’attitude de certains États et dirigeants relève aussi de la posture. Quand il s’agit concrètement de voter à l’ONU sur le conflit actuel, une large majorité de pays a choisi de condamner l’action de Moscou.

    Alors que le conflit entre dans sa troisième année, ces changements géopolitiques majeurs creusent donc la fracture entre la Russie et l’Occident. Avec, au milieu, une Ukraine qui compte plus que jamais sur le soutien des Américains et des Européens pour résister à la pression russe et, plus tard peut-être, repousser cette agression insensée et sans réel fondement. Ce soutien est donc décisif.

    Les Américains hésitent en ce moment à débloquer une aide cruciale pour Kiev pour des raisons de basse politique. Ceux qui bloquent, les républicains trumpistes qui ont tort. Quant aux Européens, ils doivent poursuivre et accentuer leur effort de soutien. Faute de quoi, les prochains mois s’annoncent très difficiles pour l’Ukraine. C’est l’aide occidentale qui a permis à Kiev de tenir deux ans et à l’armée russe d’échouer sur son objectif initial, qui était d’envahir l’Ukraine entière.

    Le moment est décisif. Européens et Américains ont une responsabilité historique face à l’hubris de Vladimir Poutine, dans ce combat qui est aussi un combat de valeurs démocratiques et autoritaires. Un choc de volonté. Il faut tenir bon. Pour l’Ukraine. Pour l’Europe. Pour la démocratie. Pour notre liberté.

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  • Cette semaine, zoom sur le vote qui s’est déroulé ce jeudi 15 février à Athènes. L’Assemblée nationale a adopté à une large majorité, mais après des débats houleux, le droit au mariage et à l’adoption pour les couples homosexuels. Et la question de cette chronique est la suivante : avec ce vote, la Grèce est-elle en train d’opérer une petite révolution sociétale ?

    La Grèce est un pays méditerranéen, membre de l’Union européenne, mère historique de la démocratie. Mais la Grèce contemporaine est aussi un pays où le modèle de société, notamment en ce qui concerne la famille, reste assez traditionnel, avec une Église orthodoxe encore très puissante, et il n’y a pas d’ailleurs de véritable séparation entre l’église et le pouvoir politique.

    Certes, il y avait eu en 2015 une première avancée avec la possibilité d’une union civile entre personnes de même sexe. Mais le mariage, et à fortiori le droit à l’adoption et la reconnaissance de droits homoparentaux, c’était une autre histoire.

    Un projet de loi porté par un Premier ministre de droite

    Et le paradoxe, c’est que c’est un Premier ministre conservateur, Kyriakos Mitsotakis, qui a porté ce texte. Il l’a fait en partie pour ancrer un peu plus la Grèce dans le camp des pays les plus progressistes en termes de valeurs européennes au sein de l’Union. À un moment où le Parlement européen vient de s’alarmer « des menaces très graves qui pèsent sur la démocratie, l'État de droit et les droits fondamentaux en Grèce », en particulier la liberté de la presse.

    C’est donc un Premier ministre de droite qui fait adopter un texte progressiste avec les voix de la gauche, un peu comme cela s’était produit en France avec la loi Veil sur l’avortement. C’est notamment le parti Syriza qui a permis l’adoption du texte, une formation dont l’actuel dirigeant est le premier politique grec ouvertement homosexuel.

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    Les débats ont été longs, houleux et passionnés entre les opposants et les partisans de cette « loi pour l’égalité civile », y compris au sein même du parti de Monsieur Mitsotakis, Nouvelle démocratie. Une partie des députés a même refusé de voter.

    Premier pays chrétien orthodoxe

    Au final, le texte a été largement adopté par le Parlement monocaméral, la « Vouli ». L’opposition acharnée de l’Église orthodoxe, dont se réclament plus de 90 % des Grecs, n’aura rien pu empêcher. Et au-delà de ce texte, c’est aussi une forme d’émancipation laïque du pays qui se manifeste.

    En tout cas, une décision courageuse pour le Premier ministre grec, qui songe aussi à en tirer profit sur le plan européen, pour l’image de son pays à l’étranger, et pour la sienne sans doute, au cas où il penserait à des fonctions européennes à l’avenir.

    Pour toutes les personnes concernées, c’est bien sûr un moment historique. Désormais, elles ont non seulement les mêmes obligations, mais aussi les mêmes droits que les autres citoyens. Et la Grèce devient le 17ᵉ pays de l’Union européenne à autoriser le mariage pour les couples de même sexe, le 37ᵉ dans le monde, et, plus symboliquement, le 1ᵉʳ pays chrétien orthodoxe.

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  • Le président américain, âgé de 81 ans, est actuellement en campagne pour sa réélection. Il a multiplié ces derniers jours les faux-pas en confondant plusieurs dirigeants étrangers, vivants ou même morts. Chez les démocrates, doit-on s'inquiéter de l'âge du capitaine Biden ?

    La réponse est oui. Cette inquiétude d'ailleurs est déjà perceptible chez les sympathisants démocrates. Il y a l'âge et surtout les manifestations de l'âge. Le problème, qui s'accentue dangereusement depuis quelques mois, c'est que Joe Biden semble avoir une mémoire qui flanche de plus en plus. Une élocution parfois difficile, et surtout ce phénomène remarqué ces derniers jours : le président américain se souvient de certains événements, mais confond les intervenants de manière troublante, comme s'il était resté figé entre les années 1980 et 2000. C'est ainsi que, évoquant le sommet du G7 dans les Cornouailles en juin 2021, il se souvient d'une conversation avec… François Mitterrand, décédé en 1996... au lieu, bien sûr, d'Emmanuel Macron.

    Il remet ça quelques jours plus tard, toujours à propos de ce sommet qui l'a marqué, dit-il, car les dirigeants européens exprimaient leurs inquiétudes sur l'état de la démocratie américaine après le mandat de Donald Trump. Il parle cette fois d'une conversation qu'il a eue avec le chancelier allemand Helmut Kohl, mort en 2017, en lieu en place d'Angela Merkel, bien présente, elle, au sommet du G7.

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    Joe Biden, un « homme âgé, sympathique, mais qui a une mauvaise mémoire »

    Et les choses ne se sont pas arrangé en cette fin de semaine… Mis hors de cause dans une affaire de documents confidentiels conservés par lui, Joe Biden se trouve confronté à la publication du rapport du procureur, qui certes le met hors de cause, mais rend aussi publics ses commentaires sur cet « homme âgé, sympathique, mais qui a une mauvaise mémoire », et souligne que, notamment, il n’a pas pu se souvenir de la mort de son fils aîné Beau.

    Fureur de Joe Biden, qui convoque la presse pour dire que oui, il est âgé, mais que non, il n’a pas problèmes de mémoire. Avant de répondre à une question sur la situation à Gaza, et là, patatras : il parle du président du Mexique, Al Sissi, qui en fait dirige l’Égypte. L’effet est désastreux et fait les délices du camp trumpiste.

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    Trop tard pour remplacer Joe Biden

    Dans le camp démocrate, la situation devient sérieuse. Trois Américains sur quatre estiment que Joe Biden n’est pas en mesure d’effectuer un second mandat à la tête du pays, quand ils ne sont que 60 % à penser que les ennuis judiciaires de Donald Trump sont un problème pour sa candidature.

    L’état-major démocrate se trouve face à la quadrature du cercle : il est trop tard pour remplacer Joe Biden, et par qui d’ailleurs ? En même temps, il faut tenir la longueur avec un candidat dont le bilan est plutôt bon, mais dont la fatigue, les gaffes et les trous de mémoire deviennent un sujet de campagne.

    Trouver la meilleure parade possible, c’est donc désormais la priorité. Car, si rien n’est fait, Joe Biden pourrait devenir le meilleur et le pire des candidats face à Donald Trump.

  • Que pourrait-il se passer et qui est déjà en train de s’esquisser dans la perspective du « Jour d’après », dans la bande de Gaza où les combats continuent entre l’armée israélienne et le Hamas ? Et au-delà d’une éventuelle trêve, actuellement en négociation, y a-t-il des pistes sur l’après-conflit, notamment en termes de projets et de personnalités des deux côtés ?

    Il y a sur la table plusieurs options pour l’avenir de la bande de Gaza, en termes de gouvernance notamment. Car, une fois le conflit terminé et le Hamas « éradiqué », selon la terminologie israélienne, que va-t-il advenir du statut de l’enclave et des plus de 2 millions de personnes qui y vivent ? Une réoccupation par Israël semble exclue, même si l’armée israélienne aurait la possibilité à tout moment de réinvestir le territoire en cas de nécessité sécuritaire.

    L’enclave pourrait être placée sous contrôle international de l’ONU pendant une certaine période, ou sous la responsabilité de pays arabes de la région. Ces deux options sont étudiées, ainsi qu’une gestion de l’enclave par une Autorité palestinienne rénovée, selon le qualificatif de l’administration Biden.

    De part et d’autre, on reparle de personnalités qui pourraient permettre de relancer le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Côté israélien, c’est Benny Gantz qui a de plus en plus la cote dans les sondages d’opinion. L’ancien chef d’état-major et ministre de la Défense a finalement accepté de rejoindre le cabinet de guerre de Benyamin Netanyahu. Et il fait de l’ombre à ce dernier, de plus en plus critiqué dans la société israélienne pour sa gestion de la crise. L’après-Netanyahu, ce pourrait donc être lui lors des prochaines élections.

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    Côté palestinien, on reparle beaucoup de Mohammed Dahlan, l’ancien homme fort du Fatah à Gaza,qui a lutté férocement contre le Hamas dans les années 2000. Très critique de Mahmoud Abbas qui le lui rend bien, il est aujourd’hui réfugié aux Émirats arabes unis. C’est un homme d'affaires richissime, proche du dirigeant émiratien « MBZ » Mohammed Ben Zayed, qui le décrit comme un frère. Après un long silence ces dernières semaines, Mohammed Dahlan a accordé une interview au site web français Politique internationale. Il y préconise un gouvernement de technocrates à la fin du conflit pour une période de deux ans. Puis des élections dans tous les territoires palestiniens pour choisir un successeur au vieux et très impopulaire Mahmoud Abbas.

    Est-ce que ce serait lui ? Non, dit-il, tout en précisant qu’il est prêt à œuvrer pour sa patrie. Mohammed Dahlan, pourrait donc être l’artisan de la rénovation de l’Autorité palestinienne voulue par Washington. Mais rien n’est fait pour l’instant. Et puis il y a aussi une autre figure palestinienne très populaire, actuellement emprisonnée par Israël, Marwan Barghouti.

    En tout cas, de part et d’autre, on sent que les lignes commencent à bouger un peu. Et c’est un début de bonne nouvelle.

  • Près de trois ans jour pour jour après le coup d’État en Birmanie qui a renversé un gouvernement élu et mis brutalement fin à une parenthèse démocratique de dix ans, le pouvoir birman montre les premiers signes de faiblesse sur fond de vastes offensives rebelles. Peut-on déjà parler d’un tournant ?

    Si l’on en croit la rumeur, seul indicateur de l’opinion dans un pays sans presse libre et fermé au monde extérieur depuis trois ans, les jours au pouvoir du général putschiste Min Aung Hlaing seraient comptés. Une manifestation de centaines de soldats mécontents dans les rues de plusieurs villes du nord birman la semaine dernière a même laissé se murmurer qu’un contre-coup d’État était en cours.

    Chose impensable il y a encore quelques mois dans une Birmanie tenue d’une main de fer et repris par ses vieux démons dictatoriaux, le pouvoir militaire est entré dans une profonde zone de turbulences opérationnelles et structurelles depuis le déclenchement d’une série d’audacieuses offensives rebelles aux quatre coins de cet immense pays d’Asie du Sud-Est. L’opération « 1027 » de la résistance armée, lancée en novembre dernier, a déjà provoqué la chute de 35 villes, dont certaines proches de Naypidaw, la capitale, sans compter les centaines de bases abandonnées par une troupe en retraite et, du jamais vu dans l’histoire de la Tatmadaw, l’armée birmane, la reddition de milliers de soldats et de dizaines d’officiers supérieurs dont certains n’ont eu d’autres choix que de fuir en franchissant illégalement et piteusement les frontières indienne et chinoise.

    Si le vent semble progressivement tourner en faveur de la résistance armée, c’est d’abord grâce à une audace politique : celle du gouvernement de l’ombre constitué après le putsch et composé de parlementaires ou d’activistes entrés en clandestinité. Ainsi, pour la première fois depuis l’indépendance en 1948, les Birmans, issus d’une gigantesque mosaïque ethnique et sociale, ont décidé de parier sur l’unité et d’en faire une force contre la dictature.

    Depuis novembre 2023, c’est en effet une alliance inédite de rebelles ethniques et de militants de la Force de défense populaire, étudiants, ouvriers, femmes et hommes, qui a conjointement mis en branle des attaques tous azimuts. Du lointain État d’Arakan dans l’Ouest frontalier du Bangladesh, à l’Extrême Nord des États Shan et Kachin qui bordent le Yunan chinois, en passant par les bastions karens et karennis le long des quelque 2 000 kilomètres qui séparent l’est birman de la Thaïlande, les insurgés ont frappé fort, déstabilisant les forces gouvernementales, provoquant désertion en masse comme le ralliement de plusieurs milices pro-junte. Jusqu’à politiquement fragiliser le chef suprême du pouvoir militaire…

    Si la junte birmane a traditionnellement pu compter sur des appuis de taille, à Pékin et Moscou notamment, tant au Conseil de sécurité des Nations unies pour bloquer des votes de sanctions que pour, aussi, renforcer son arsenal – les avions de combats chinois et les hélicoptères russes sont l’un des derniers grands atouts des militaires birmans sur le terrain face aux rebelles – une page, là aussi, est en train de se tourner sur la frontière nord. Les récents bombardements qui ont débordé du côté chinois et ont touché des villes frontalières ont provoqué la colère de Pékin qui a toujours cultivé une ambiguïté diplomatique en soutenant le pouvoir birman, mais en commerçant aussi avec des rebelles exportateurs de précieuses ressources naturelles.

  • L’ancien président Donald Trump part largement favori, pour l’instant, dans le cadre des primaires républicaines lancée depuis le 8 janvier. Quelles seraient les conséquences internationales d'une élection de Donald Trump à la Maison Blanche en novembre prochain ?

    On peut parler de conséquences importantes. Car par rapport à son premier mandat qui déjà avait fait turbuler le système international, les choses pourraient être encore plus déstabilisantes en cas de deuxième mandat de Donald Trump.

    Entre 2016 et 2020, ce dernier avait déjà posé des mesures disruptives comme ses foucades contre l’Otan, sa proximité avec la Russie de Vladimir Poutine, ses mesures protectionnistes contre la Chine et l’Union européenne ou encore sa décision de reconnaître Jérusalem comme capitale de l’État hébreu.

    Alors à quoi s’attendre si Donald Trump l’emporte à la prochaine présidentielle ? Les mêmes thèmes seront mis en avant, mais en pire si l’on peut dire. Autour des slogans « MAGA » (« Make America Great Again ») et America first, l'Amérique d'abord, Trump va de nouveau dire tout le mal qu'il pense des organisations de coopération multilatérales telles que le G7, le G20 ou l'Otan. Au-delà de déclarations intempestives ou d'actions inattendues, on peut s'attendre à des sommets pénibles ou vains.

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    Quid de l'Otan

    On s'interroge surtout sur le sort de l'Otan, voué aux gémonies entre 2017 et 2021, Trump estimant que ce n'était pas le rôle des États-Unis de payer autant pour assurer la sécurité de ses alliés européens. Que pourrait-il faire cette fois-ci ? Par précaution, deux sénateurs américains ont d'ailleurs fait adopter un amendement législatif empêchant un président de procéder au retrait unilatéral des États-Unis de l'organisation. Il vaut mieux prévenir que guérir.

    La question est encore plus préoccupante en pleine guerre d'Ukraine. Trump, même s'il doit rester dans l'Otan, pourrait décider de stopper l'aide militaire et financière à Kiev, une catastrophe pour l'Ukraine et les Européens, et une aubaine pour Vladimir Poutine.

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    Les inquiétudes économiques et politiques des Européens

    Les Européens ont d'autres motifs d'inquiétude avec un Trump de nouveau à la Maison Blanche. Des inquiétudes économiques tout d'abord. Avec une crispation quasi certaine des relations commerciales. Et inquiétude politique, avec un encouragement pour les partis ou mouvements populistes en Europe et leurs critiques acérées du fonctionnement actuel des démocraties. Critiques qui se verraient encouragées par une administration Trump.

    Enfin, un retour de Donald Trump aurait aussi un impact en Asie et au Proche-Orient. En effet, les Chinois redoutent à la fois un durcissement des relations économiques bilatérales et une attitude de totale protection de Taïwan. Enfin, au Proche-Orient, Benyamin Netanyahu doit rêver secrètement de la victoire de Trump, allié indéfectible d'Israël et pas du tout enclin à encourager la solution à deux États.

    Pour toutes ces raisons, une éventuelle victoire de Trump aux États-Unis représenterait l'un des plus grands défis géopolitiques pour le monde en 2024.

  • Retour sur la tournée qu’effectue actuellement le secrétaire d’État américain Antony Blinken au Proche-Orient, la quatrième depuis les attaques meurtrières du Hamas en Israël le 7 octobre dernier. Peut-on dire que cette tournée est à la fois nécessaire et risquée ?

    Cette visite est nécessaire, car les États-Unis veulent continuer à jouer un rôle de premier plan dans la région. Ils sont soucieux de maintenir leur soutien à Israël, mais aussi d’entendre les frustrations – et le mot est faible – des dirigeants arabes et turcs sur ce qu’il se passe depuis trois mois dans la bande de Gaza.

    Le secrétaire d’État tentera de faire passer le message suivant : les États-Unis sont certes un soutien indéfectible de l’État d’Israël, surtout lorsque sa sécurité existentielle est mise en danger, et c’est pourquoi ils soutiennent le refus de Tel Aviv d’instaurer un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne, mais ils entendent aussi œuvrer, à la faveur de cette crise extrême, au retour sur le devant de la scène internationale de la solution à deux états.

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    Et c’est là que les choses se compliquent, car pour le gouvernement israélien actuel, cette perspective n’est pas du tout à l’ordre du jour.

    Pour Netanyahu, seule domine la volonté d’éradiquer le Hamas. Mais c’est beaucoup plus dur que prévu. Et le Premier ministre a donc prévenu : ce conflit va durer. Non seulement parce qu’il lui permet de rester au pouvoir, mais aussi peut-être parce que, s’il n’est pas terminé au moment de l’élection présidentielle aux États-Unis, et si Donald Trump l’emporte, ce sera une très bonne affaire pour Benyamin Netanyahu, beaucoup plus en phase avec Trump. Cela fait beaucoup de « si » néanmoins.

    Dans l’immédiat, la destruction du Hamas est là encore un objectif partagé par Washington, mais les deux alliés divergent de plus en plus sur la façon d’y parvenir. Les Américains, qui restent l’indispensable soutien financier et militaire à la poursuite de l’offensive de Tsahal, demandent des efforts, notamment un arrêt des bombardements massifs sur les populations civiles au profit d’opérations plus ciblées, et un acheminement massif et immédiat de l’aide humanitaire dans le sud de la bande de Gaza.

    Le problème, c’est que ces demandes à Israël restent sans réelle réponse pour l’instant.

    Autant dire que pour l’administration Biden, la gestion de cette crise par le gouvernement de Tel Aviv est source de bien des complications. En interne, où les jeunes générations démocrates dénoncent ce soutien jugé excessif à Israël. Et pourraient donc rester à la maison le jour de la présidentielle, en novembre prochain. Et en externe, où les gouvernements des pays arabes accusent Washington de parti pris délibéré en faveur de Tel Aviv et croient très mollement à une action de médiation américaine. C’est bien pour cela que cette tournée de Monsieur Blinken, si elle est nécessaire, est également à haut risque.

  • Cette semaine, le monde en questions revient sur les déboires judiciaires divers et variés de Donald Trump, qui concernent aussi bien des accusations de manipulation électorale que fiscales. Donald Trump court-il le risque de ne pas pouvoir se présenter à l’élection présidentielle de novembre prochain aux États-Unis ?

    Le risque est réel, mais rien n’est joué, car Donald Trump et ses avocats ont bien l’intention de se battre sur tous les fronts. Désormais, on compte cinq dossiers judiciaires contre l’ancien président. Il y a d’abord une enquête pénale au niveau fédéral pour son rôle dans l’assaut du Capitole en janvier 2021. Ensuite, une enquête au niveau de l'État de Géorgie, en fait une tentative pour inverser de manière frauduleuse le résultat de l’élection dans cet État. À cela s'ajoute l’enquête sur le recel d’archives classifiées du gouvernement emmenées par Trump dans sa villa de Mar-A-Lago en Floride.

    Viennent ensuite deux accusations fiscales, la première sur des paiements secrets pendant la campagne de 2016, notamment pour faire taire l'actrice Stormy Daniels en échange de la somme juteuse de 130 000 dollars. La seconde accuse Trump et des membres de sa famille d'avoir gonflé frauduleusement les actifs de la Trump Organization pour obtenir des prêts avantageux. Sur ce dossier, la fraude a été établie, le procès est terminé et un juge doit se prononcer sur la peine encourue par l’ex-président dans un mois environ.

    Nouvel épisode dans le dossier de l'assaut du Capitole

    Après l’État du Colorado, le Maine vient de décider en la personne de Shenna Bellows, sa secrétaire démocrate, que Donald Trump n’est plus apte à la fonction de président. Dans ces deux États, l’argument invoqué pour le disqualifier des élections primaires est que son attitude lors de l’assaut du Capitole, le 6 janvier 2021, s’apparente à des actes d’insurrection, ce qui est interdit selon le 14e amendement de la Constitution à toute personne briguant un mandat public. Dans l’immédiat, cela signifie que Trump ne pourrait pas se présenter aux primaires dans ces deux États, sauf en cas d’injonction contraire de la Cour suprême fédérale vers laquelle se sont tournés ses avocats.

    L'issue de ces déboires judiciaires va donc se jouer en grande partie sur le timing et les décisions de la Cour Suprême. Donald Trump compte sur le talent de ses avocats pour retarder la tenue de ses procès, actuellement prévus entre mars et mai 2024, en pleine campagne des primaires. Il y a donc un grand risque de parasitage entre les calendriers politiques et juridiques.

    L’idée est, bien évidemment, de décaler ces rendez-vous judiciaires après le scrutin de novembre. Côté stratégique, les décisions de la Cour suprême vont en effet décréter si Donald Trump peut ou non se présenter à l’élection présidentielle. Il convient de rappeler que la plus haute instance juridique des États-Unis est dominée par les juges conservateurs, notamment en raison des trois nominations de Donald Trump durant son mandat.

    Qui l’emportera de la proximité partisane ou de l’examen plus impartial du droit ? C’est une des questions importantes pour ce scrutin qui en 2024 aura un impact essentiel, pour les États-Unis, mais aussi pour le reste du monde.

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  • Cette semaine le monde en questions revient sur le terrible conflit qui se poursuit entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza. Et la question posée est la suivante : quelles sont les options possibles pour une sortie de crise ?

    Eh bien, elles sont toutes compliquées et, pour certaines d'entre elles, difficilement envisageables dans l'immédiat, alors que les combats font rage et que la situation humanitaire de la population gazaouie atteint un point de quasi-non-retour.

    La première option justement, à très court terme, serait de parvenir à un cessez-le-feu humanitaire pour permettre aux habitants de Gaza de souffler, de se nourrir et de connaître un minimum d'apaisement. Option irréaliste pour l'instant en dépit du vote massif en ce sens, mais non contraignant, de l'assemblée générale de l'ONU. C'est que, pour l'instant, les États-Unis maintiennent leur soutien à Israël. Mais, et c'est la 2ᵉ option, ils mettent la pression sur Benyamin Netanyahu pour cesser les bombardements sur l'enclave et passer à des opérations ciblées contre les infrastructures et les responsables du Hamas. Option rejetée pour l'instant par le Premier ministre israélien, ce qui crée d’ailleurs des tensions avec Joe Biden.

    Troisième évolution, plus probable malheureusement, de cette guerre : c'est qu'elle dure, tant l'objectif d'éradication du Hamas apparaît difficile. Un enlisement qui ne ferait qu'accroître les souffrances des Gazaouis et pèserait de plus en plus sur l'économie israélienne, dont les forces vives sont massivement mobilisées sur le front.

    On peut aussi redouter, et c'est la 4ᵉ évolution possible du conflit, un embrasement régional, même si l'Iran semble ne pas vouloir pousser ses alliés, Hezbollah et Houthis, à aller au-delà d'une politique de harcèlement d'Israël. Embrasement qui pourrait aussi concerner la Cisjordanie.

    On réfléchit aussi aux scénarios envisageables, en partant de l'hypothèse, hors de portée pour l'instant, d'une cessation des combats. Avec cette question : que devient ensuite l'enclave palestinienne, détruite aux deux tiers ? Il y a d'abord le scénario d'une réoccupation par Israël, 18 ans après l'évacuation des colons. Benyamin Netanyahu reste très vague sur ce point - insistant surtout sur le contrôle sécuritaire autour de l'enclave. Car une réoccupation poserait de nombreux défis sécuritaires et, surtout, elle n'offre aucune perspective politique, ni pour les Palestiniens, ni pour les Israéliens.

    Autre scénario : le déploiement d'une force internationale et/ou régionale dans l’enclave, pour assurer une transition vers un règlement du conflit et permettre aussi de débuter la reconstruction de Gaza. Mais les pays arabes potentiellement concernés, ainsi que l'ONU, sont réticents à une telle solution - tant le transitoire peut durer.

    Enfin, on arrive sur le scénario longtemps oublié, à savoir le retour de la solution à deux États. Mais il suppose plusieurs conditions, le retour de l’Autorité palestinienne à Gaza, l’organisation d’élections dans tous les territoires palestiniens et sans doute aussi en Israël. Le meilleur et pour l’instant, le plus inatteignable.

  • Cette semaine, Le monde en questions évoque l’élection présidentielle qui se déroule en Égypte du 10 au 12 décembre. Avec à la clef une très probable reconduite au pouvoir du maréchal Abdel Fattah al-Sissi, qui dirige le pays d’une main de fer depuis 2014. Et la question posée est la suivante : quel est l'enjeu d'un scrutin dont le résultat est écrit d'avance ?

    D'un point de vue strictement politique, l'enjeu est effectivement inexistant. Il est absolument certain que Abdel Fattah al-Sissi sera réélu pour un troisième mandat à l'issue de cette élection présidentielle. Pour rappel, lors des deux précédents scrutins, en 2014 et 2018, il avait obtenu respectivement 97 et 96 % des suffrages exprimés. On sera sans doute dans cet ordre de grandeur pour celui qui débute ce 10 décembre.

    Presque 13 ans après la révolution qui avait chassé du pouvoir Hosni Moubarak, l'Égypte, ce géant du monde arabe avec une population de 105 millions d'habitants, se retrouve dans une situation comparable, voire pire selon certains experts, en termes de gouvernance et de non-respect des droits de l'homme. Des milliers de personnes sont détenues pour des motifs politiques. Les candidats qui voulaient, malgré une forte répression, se présenter contre al-Sissi en ont été empêchés, à l'exception de trois candidats fantoches proches du régime. En bref, on est dans un scrutin organisé par une dictature qui fait à peine semblant de préserver une façade démocratique. Un bilan politique préoccupant, mais la situation est également critique en économie.

    Les secteurs rentables toujours contrôlés par l'armée

    La monnaie égyptienne a été plusieurs fois dévaluée cette année. Le FMI reste réticent à débloquer une nouvelle tranche de trois milliards de dollars sans la mise en œuvre de réformes libérales, qui dans premier temps vont aggraver la précarité de millions de personnes. L'équation est délicate...

    D'autant qu'en Égypte, c'est l'armée qui a conservé la mainmise sur les secteurs rentables de l'économie comme le commerce fluvial – après l'élargissement du canal de Suez en 2015 – ou encore le tourisme, sans parler des projets pharaoniques lancés par al-Sissi. Notamment la construction en cours d'une capitale administrative à moins de 50 km du Caire, surnommée ironiquement « Sissi City » par de nombreux Égyptiens.

    Une absence d'alternative politique

    Qu'en est-il du positionnement diplomatique de l'Égypte ? C'est l'un des points forts du maréchal al-Sissi, et il en joue abondamment. L'Égypte demeure un pays incontournable dans la région et les événements de Gaza ont encore renforcé ce statut. Du coup, les grandes puissances ménagent ce dictateur par souci de realpolitik. D'abord parce que c'est lui ou le retour au pouvoir des Frères musulmans, proches du Hamas – inenvisageable pour les capitales occidentales. D'autant que l'activisme des groupes islamistes reste problématique dans le Sinaï. Ensuite, parce que les intérêts économico-militaires restent trop forts entre le Caire et l’Occident.

    En résumé : une élection jouée d'avance et dont le véritable enjeu sera le taux de participation plus que le résultat lui-même, qui reconduira al-Sissi au pouvoir jusqu’en 2030. Les libertés publiques et individuelles, ainsi que le niveau de vie de millions d'Égyptiens, attendront. Sauf si cette marmite sociale se met à déborder.

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  • Cette semaine, Le monde en question s'intéresse au rôle que jouent les États-Unis dans le conflit en cours entre Israël et le Hamas. Un rôle important, au vu des liens qui unissent Washington et Tel-Aviv depuis la création de l’état hébreu en 1948. Et la question posée est la suivante : le conflit entre Israël et le Hamas met-il la diplomatie américaine dans une position délicate ?

    La réponse est oui. Pour preuve, la tournée qu'effectue en ce moment le secrétaire d'État américain Anthony Blinken. Il s'est rendu ce jeudi en Israël pour la troisième fois depuis le massacre commis par le Hamas le 7 octobre 2023.

    C'est dire l'importance que Washington accorde à ce conflit et la difficulté à laquelle il est confronté : manifester un soutien sans faille à l'État hébreu, comme les États-Unis l'ont toujours fait depuis 1948, notamment dans les périodes difficiles, et en même temps faire pression sur l'actuel gouvernement israélien, engagé dans une guerre sans pitié contre le Hamas, au prix de bombardements massifs dans la Bande de Gaza, accompagnés de milliers de morts parmi les civils gazaouis, et d'une situation humanitaire catastrophique pour les plus de deux millions d'habitants de l'enclave, dont les deux tiers environ ont fui l'enfer du nord du territoire et se retrouvent dans le sud, un peu moins exposés – mais dans des conditions de vie dramatique.

    Une évolution de la position américaine

    Face aux condamnations grandissantes de la communauté internationale et des organisations humanitaires, Joe Biden a infléchi son positionnement de départ, qui revenait à un appui sans réserve de l'action du gouvernement et de l'armée israélienne. Cet argument tient toujours. Pour les États-Unis, après les horreurs du 7 octobre dernier, Israël a le droit de se défendre et de vouloir anéantir le Hamas à Gaza.

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    Mais désormais, il y a aussi une véritable pression exercée par Washington sur le gouvernement de Benyamin Netanyahu, sur plusieurs points : d’abord sur la nécessité de réduire au maximum le nombre de pertes civiles pendant les opérations de Tsahal. À voir si ce point sera respecté, avec la reprise du conflit ce vendredi 1ᵉʳ décembre 2023. Les Israéliens ont annoncé un plan pour permettre aux civils de se réfugier dans des zones sécurisées et ont même communiqué une carte interactive en ce sens. Mais la mise en œuvre de cette mesure, dans un territoire aussi exigu que le sud de la bande de Gaza, sera compliquée.

    Accélération du flux de l’aide humanitaire vers Gaza

    Il s’agit aussi d’aider les populations civiles à traverser cette période terrible. Ils ont augmenté leur propre aide. De ce point de vue, rien n’est joué : durant la trêve, quelques centaines de camions d’aide ont pu traverser le poste frontière de Rafah. Que va-t-il se passer maintenant que la trêve est terminée ?

    C’est pourquoi Washington reste déterminé à tout faire pour qu’un nouvel arrêt des combats permette de nouvelles libérations d’otages et un acheminement massif d’aide. Les négociations se poursuivent et les Américains y jouent un rôle important. Ces discussions déboucheront-elles ? Là encore, pas de réponse pour l’instant.

    Enfin, les Américains demandent à Israël de renoncer à sa politique colonialiste en Cisjordanie. Demande non suivie d’effet pour l’heure.

    On le voit : les États-Unis font pression, obtiennent quelques résultats, mais sont confrontés à un gouvernement israélien qui refuse d’envisager l’après conflit et un règlement politique comprenant la perspective d’un État palestinien. Soutenir Israël, mais faire pression aussi et obtenir des avancées politiques : l’équation reste très compliquée pour la diplomatie américaine.

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  • Cette semaine, Le monde en questions se demande si le conflit entre Israël et le Hamas peut être qualifié, au-delà de son aspect local, de manifestation d’un affrontement entre deux types de conceptions morales, identitaires et religieuses. Et la question est la suivante : avec ce conflit, sommes-nous en train d'assister, comme l'affirment certains commentaires, à un nouvel épisode d'une « guerre de civilisations » entre l'Occident et ce qu'on appelle aujourd'hui « le Sud global » ?

    La réponse à cette question n'est pas évidente. Pour certains, le constat est clair : avec le conflit entre Israël et le Hamas, nous sommes bel et bien dans une nouvelle manifestation de ce choc des civilisations, théorisé il y a 26 ans par l'historien américain Samuel Huntington.

    Pour faire court, sa thèse est la suivante : après l'effondrement de l'URSS en 1991, ce sont aussi les grandes idéologies qui se sont évanouies. Le communisme, le socialisme, le capitalisme, le libéralisme, toutes ces écoles de pensées auraient cessé d'être pertinentes pour rendre compte des rapports de force dans le monde. Après une période où l'on a pu croire à la toute-puissance des États-Unis, de nouvelles forces sont apparues, avec en particulier la montée en puissance de l'islamisme radical. Du coup, il ne s'agit plus d'une guerre idéologique, mais d'une guerre de civilisations qui repose sur l'adhésion ou le rejet d'un modèle culturel, économique, identitaire ou religieux.

    Comment cela se traduit-il concrètement ?

    Cela se manifeste par l'opposition grandissante et de plus en plus violente entre, d'une part, les pays occidentaux (États-Unis, Canada, Union européenne, Israël, Japon, Corée du Sud, Taïwan…) et d'autre part, de nouvelles puissances émergentes en Asie, au Proche-Orient, en Afrique et en Amérique latine. Puissances qui proposent des modèles alternatifs au modèle occidental (démocratie politique et libéralisme économique) ou qui sont critiques de ce modèle. Quant aux organisations qui se réclament d’un islam intégriste, elles souhaitent carrément détruire ce monde occidental corrompu, arrogant et amoral.

    Cette grille de lecture peut sembler séduisante et contient indéniablement une part de vérité.

    Elle permet à certains acteurs de la scène internationale de lire sous ce prisme les grands événements de ces 20 dernières années : les attentats du World Trade Center, les attentats en France et en Europe dans les années 2010, le conflit syrien, et plus récemment la guerre en Ukraine et donc le conflit Israël - Hamas depuis les terribles exactions du 7 octobre 2023 et la réponse musclée d'Israël.

    Mais elle trouve aussi ses limites, car il s’agit d’une approche trop simpliste, trop binaire dans le monde d’aujourd’hui, très multipolaire. Certes, de nombreux pays non-occidentaux partagent une forme d’envie ou de ressentiment vis-à-vis de l’Occident, et plus précisément des États-Unis. Mais les intérêts, les différents territoriaux, les liens économiques ou militaires rendent les choses bien plus complexes. En revanche, l’Occident, obligé de lutter contre des organisations extrémistes, doit apprendre à davantage prendre en compte ces nouveaux acteurs étatiques et à coopérer plutôt qu’à imposer.

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  • Cette semaine, vous nous parlez du conflit en cours dans la bande de Gaza, avec déjà des interrogations sur la suite des événements dans cette enclave palestinienne et dans l’ensemble des territoires palestiniens occupés, la Cisjordanie et Jérusalem-Est. Et la question que l’on se pose est la suivante : « Quelles sont les options sur la table pour l'après-conflit à Gaza ? »

    Les options commencent à se dessiner même s’il peut paraître un peu prématuré d’y penser alors que les combats font rage dans l’enclave palestinienne. Mais à ce stade, personne ne sait combien de temps va durer la guerre entre le Hamas et l’armée israélienne.

    Ces options concernent d’abord le sort et le statut de la bande de Gaza à l’avenir, et ensuite la question plus large de la question palestinienne, avec le retour de la solution à deux États, laissée sous le tapis depuis des années.

    Concernant la bande de Gaza, il y a ce que disent les Israéliens et ce que souhaitent les Américains car ce sont les seuls acteurs qui ont une influence sur le gouvernement de Tel-Aviv. Dans l’immédiat, les États-Unis sont sur la même ligne que le gouvernement israélien sur l’impossibilité d’établir un cessez-le-feu sans libération de tous les otages détenus par le Hamas. En revanche, ils ont fortement poussé à ce qu’Israël accepte au moins d’instaurer des pauses tactiques de quatre heures par jour, ce qui devrait se faire désormais.

    Pour l’avenir de Gaza, après la fin des opérations de l’armée israélienne, le Premier ministre israélien n’a pas été très clair. Il estime que seul Israël, après avoir éradiqué le Hamas, devra à l’avenir assurer la sécurisation de la bande de Gaza, mais sans réoccuper ni gouverner le territoire comme c’était le cas avant 2005. Pas question notamment de réinstaller des colonies juives dans l’enclave.

    Les États-Unis sont d’accord pour que Gaza ne puisse plus servir de bastion pour le terrorisme, ils souhaitent, eux aussi, qu’il n’y ait pas de réoccupation de Gaza par Israël. Mais ils préviennent également Benyamin Netanyahu : il ne doit pas y avoir un nouveau blocus de Gaza. Pas question non plus d’une réduction du territoire Gazaoui. Telles sont les lignes rouges tracées par la diplomatie américaine.

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    Tout cela laisse dans le flou la question de savoir qui gouvernera la bande de Gaza après le désastre. Le plus réaliste, mais pas le plus facile, serait sans doute de réinstaller l’Autorité palestinienne dans le territoire. Sans savoir comment elle sera accueillie, si elle arrive dans les valises de l’armée israélienne. Au-delà du statut du territoire, les événements du 7 octobre ont remis sur le devant de la scène la question plus politique de la solution à deux États. Et notamment l’avènement - enfin – d’un véritable État palestinien, 75 ans après le plan de partage de l’ONU.

    Mais là aussi, la tâche s’annonce plus que compliquée, sauf à organiser des élections dans tous les territoires palestiniens, et encore. Le résultat ne serait pas reconnu par Tel Aviv si le Hamas pouvait y participer. Côté israélien, il faudrait aussi des élections générales et une autre coalition si l'on veut sérieusement discuter d’une paix durable. On ne sait jamais : des ténèbres surgit parfois la lumière

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