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Enfin une bonne nouvelle, prédite avec appétit par l’artiste parisien.
Il venait à peine d’inaugurer à Bordeaux son exposition intitulée Quelle merde !, ramassis de vieilles croûtes chinées aux puces et savamment profanées, détournées ou insultées, rassemblées à la galerie 5UN7. Mais Gaspard Delanoë, artiste squatteur et performeur parisien né « soit-disant » en mai 68, a dû en toute hâte retrouver la solennité propre à sa qualité de président-fondateur de son parti politique révolutionnaire (le PFT, pour « Parti Faire un Tour », dont l’objectif est de « changer le monde en s’appuyant sur le songe, car l’homme descend du songe »), au fronton duquel il se présenta aux élections municipales (2008), régionales (2010), présidentielles (2012), européennes (2014) et européennes (2017).
D’une sagesse jupitérienne, Delanoë annonce à ses compatriotes la première mesure nécessaire quand viendra le temps du déconfinement : « Ils vont baiser, les gens. En public. Copuler sans scrupule. Ce sera la plus belle partouze depuis 1765. » Vive la République, vive la France.
Visuel © Shortbus, de John Cameron Mitchell (2006).
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… et les lieux de culte seront reconvertis en clubs, en théâtres ou en cinémas, selon les vœux de cet écrivain parisien, qui prie pour « des espaces de communion et de divertissement gratuits, ouverts à tous ».
« Dieu est un concept qui nous permet de mesurer notre souffrance. Je ne crois pas à la magie, à la Bible, en Jésus, en Bouddha... » Décembre 1970 : fraîchement séparé des Beatles, John Lennon clame haut et fort son athéisme via God, tiré de son premier album solo flanqué du Plastic Ono Band, sur lequel figure également la chanson I found out, où il annone sans desserrer les dents qu’« aucun Jésus ne descendra du ciel » et qu’« aucun gourou ne verra jamais à travers tes yeux ». Sans oublier les vers immortels d’Imagine : « Imagine s’il n’y avait pas de paradis. C’est facile, tu devrais essayer. Pas d’enfer à nos pieds. Que du ciel au-dessus de nous. Pas de pays, pas de religions non plus. Tous les peuples vivraient en paix. »
C’est à peu près la prière confessée en notre paroisse utopique par l’écrivain parisien Franck Balandier, 68 ans. Ex-éducateur pénitentiaire, organisateur d’un live un peu mémorable de Trust à Fleury-Mérogis où fut également créée à son initiative la première émission de radio animée par des détenus, ce fin connaisseur d’Apollinaire publiera en février Sing Sing –musiques rebelles sous les verrous(éditions Le Castor Astral), recueil de portraits de musiciens ayant passé quelques heures ou plusieurs années derrière les barreaux, de Johnny Cash à Joeystarr, de Chuck Berry à Booba en passant par Daniel Darc.
Au commencement voici son Verbe, sur le pont de notre Arche, à conjuguer au futur : « Les hommes ont fini de croire. Au rencart, les Brahma, les Vishnu, les Zeus, les Yahvé, les Jéhovah, les Allah. Au rebut, les prophètes, les Mahomet, les Dalaï-Lama, les Osiris, les Diane chasseresses ou non, les Aphrodite bonnet D, les Apollon en slip kangourou... » Et tandis que des grenouilles de bénitiers militent pour le retour des messes, Franck Balandier prêche pour des lieux de culte reconvertis en clubs, en théâtres ou en cinémas, transfigurés en « espaces de communion et de divertissement gratuits, ouverts à tous ». Un seul mantra : « Vivre. Partager. Rire. » Alléluia-ah !
Image : Marcel Gotlib, God’s club, publié dans L’Echo des Savanes en 1974 puis dans Rhââ Lovely tome 2 (éditions Fluide Glacial).
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« Depuis leur studio spatial », ce quatuor franco-japonais de house cosmique nous adresse une capsule musicale, vision d’un futur où nous pourrons tout voir, tout sentir, tout entendre – tels des Jedis aguerris.
« Nous sommes extraterrestres », dit-elle d’une voix discrète au filtre robotique, en riant, le temps d’une phrase, la seule en français du second album de Days In Orbit, CorocorobeatZ, sorti début octobre sur le label Spinnup. L’indice est de taille. Trois ans après leur disque homonyme et des dizaines de concerts en apesanteur, ce quatuor ovniesque, formé en région parisienne « un soir de pleine lune en 2014 » après une rencontre « un mardi, chaud, au nord de la mer d’Irlande », fait atterrir son astronef au cœur de notre cerveau de danseurs dont le feu couve en intérieur, en attendant la fin du couvre-teuf. C’est déjà la musique du futur : house planante, techno organique aux accents pop, hip hop ou jungle, mélopées nipponnes ou ballade enchanteresse qui ferait merveille au générique d’un Miyazaki (Shalan), composées avec soin par trois Frenchies et une Japonaise, alias Torek (basse, guitare, claviers, « ne dort jamais »), Clément (basse, guitare, claviers, « dort tout le temps »), Sam (batterie, percussions, « fait l’amour aux machines ») et Yasuyo (chant, mélodies, « apprend le second degré »).
Depuis leur « studio spatial », Days In Orbit nous adresse une capsule musicale qui reflète, encore une fois, à quatre voix, leur nature cosmique. Dans leur vision de l’avenir, « les êtres humains auront développé les sens, jusqu’à en inventer des nouveaux ». Ce « phénomène interviendra au réveil, sans pour autant nous réveiller ». Nous ferons confiance « à notre intelligence, plus rapide que la lumière, tout en gardant les yeux d’un enfant ». « Notre ouïe rendra malléable tous les petits bruits qui nous entourent ; les gouttes de pluie sur le zinc de la toiture nous souffleront des mélodies, nos pas dicteront des histoires. » « Le toucher sera vecteur de vibrations, par frottement, caresse, tapotement. » Un mystérieux « nouvel organe » nous permettra de se connecter à l’inconscient, voire « d’écouter les poissons tergiverser sur quelle direction choisir ». Enfin, dans cette galaxie des possibles, « on créera des rassemblements sensoriels », ce qui s’appelle encore, espérons-le… un live.
Image : L’Ascension de Skywalker, de J. J. Abrams (2019).
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À Bruxelles, cette enseignante « d’aérobic sauvage et grotesque » se déhanche pour la création citoyenne de « temples de la danse » autogérés, ouverts 24h/24, générateurs d’énergie renouvelables. Shake ton booty, baby !
« C’est à vos adorables fessiers que je m’adresse, mes petits canards. » Shorty d’or, perruque blonde, maillot rose, bandeau rose, collants roses. Chaque lundi soir à Bruxelles, la Professeure Postérieur enseigne le « sprot », « aérobic sauvage et grotesque bien moins ennuyeux que son cousin germain, le sport », pour « faire taire ton mental » et « stopper l’expansion de la seriouslycracy ». Le tout, avec « une playlist de qualité » (de Sylvester à Pharrell) et des élèves qui s’aventurent assez loin dans les looks EPS années 80 (body, moustache).
Nés en 2014 de l’imagination de la Française Laëtitia Jasserand alias Lich, ces cours de gym loufoques sont devenus, pour beaucoup, un possible remède à l’empâtement du confinement. Ce dimanche 4 octobre à la médiathèque Françoise Sagan, ce clown tonique aurait dû participer au festival de BD parisien Formula Bula, lors d’une « roue de la torture » avec la dessinatrice Lisa Mandel, mais hélas : le covid étant l’ennemi des gouttelettes, la fête des abdos a été annulée.
Pour se consoler, ne reste plus qu’à écouter l’idée fichtrement géniale de la Professeure Postérieur : l’ouverture, aux quatre coins des villes, dans toutes les campagnes, aussi fréquemment que le nombre d’églises, de synagogues ou de mosquées, de « temples de la danse ». Considéré comme « vital, de première nécessité, point barre », le besoin de danser serait ainsi comblé « n’importe quand, sept jours sur sept » dans des lieux autogérés ouverts 24h/24, selon la responsabilité de chacun, « comme un devoir civique ». Où l’on pourrait apprendre en outre à composer et à mixer la musique, et à l’entrée desquels les videurs antipathiques seraient remplacés par « de vieilles personnes sages, pleines de bons conseils ». Cerise sur le lycra : ces temples seraient de formidables générateurs d’énergie renouvelable, prouvant pour toujours que c’est bien la sueur et l’échange des fluides qui font tourner le monde. Hâte !
Image : La Professeure Postérieure photographiée par Raisa Vandame, Kunstinveleh, art porté par tous.
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Ce conducteur de train, étudiant du master de création littéraire de Paris-VIII, déraille le temps d’une dystopie où chaque parole prononcée est facturée par des multinationales. Mais qui s’offrira le mot « révolte » ?
« Je vole des mots au détour de conversations sur les quais, je les attrape avec plus ou moins de brio selon la vitesse de la locomotive, en les regroupant ensuite dans un petit carnet pour qu'ils ne se sentent pas trop seuls. » D'origines « calabraise, dauphinoise, bretonne et lyonnaise », Mattia Filice vit à Paris et conduit des trains depuis plus de quinze ans, en poste de départ(s) à Saint-Lazare. Mais depuis plus longtemps encore, ce cheminot crée des correspondances entre la parole, le son et les images, via des petits objets filmiques inachevés. Inscrit au master de création littéraire de Paris-VIII, il envisage désormais de publier un livre inspiré de son expérience ferroviaire, à plus d’un titre d’ailleurs, avec « des accélérations et des freinages, des arrêts et des enrayages ».
Le seul déraillement qu’on lui souhaite est celui qu’il nous confie. Sur le quai où L’Arche de Nova est amarrée, Mattia imagine une dystopie où chaque parole est facturée par des multinationales. « Les mots seront PROPRIÉTÉ PRIVÉE et nous les louerons le temps d’une prononciation. On prétendra qu’il s’agit de lutter contre la pollution, car parler dégage du Co2. » Le prix variera selon le nombre de lettres, le poids syllabique, « la mode » et le cours de la bourse. Telle compagnie s’appropriera tout le vocabulaire du sentiment, une autre fera des promos « sur la famille des lépidoptères pour pouvoir nommer les noms des papillons à vos enfants pendant une randonnée ! » Les opérateurs téléphoniques incluront dans leur forfait un nombre de termes à ne pas dépasser. De même pour les salariés pour qui les entreprises auront des abonnements sur un lexique précis.
Au quotidien, des micros seront disposés « tous les quatre mètres carrés » pour nous faire raquer. « Une caste de nouveaux riches se pavanera, dépensera sans compter ; la logorrhée sera un luxe. Pour les autres, il faudra être concis, bien peser ses mots ». Et cela, jusqu’au « Grand Silence ». Mais…
(L’enregistrement de cette vision futuriste a coûté 515 euros à son auteur. Merci de l’écouter jusqu’au terminus.)
Image : Brazil, de Terry Gilliam (1985).
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Ras-le-bol des bullshit jobs ? Cette actrice et autrice parisienne imagine une capsule ovoïde, de taille humaine, capable d’identifier le métier le plus adapté à notre âme. Comme un rendez-vous Pôle Emploi… en position fœtale.
« Savez-vous que dans l’Histoire de l’humanité, on dénombre 14 fois plus de morts que de vivants ? Que l’entièreté d’un squelette tient dans une boîte à chaussures ? Que l’espérance de vie d’un bombyx mori est de moins de 24 heures et celle d’un baobab de 1800 ans ? Savez-vous que vous allez mourir ? Moi je le sais, mais je n’y crois pas. » Ce soir-là, nous n’avions pas rendez-vous avec la Mort à Samarcande. C’était au Théâtre de Vanves, en février. Enceinte de neuf mois, l’actrice, autrice, danseuse et chorégraphe parisienne Christine Armanger, 36 ans, présentait MMDCD, sa « tentative de conjuration » de notre inévitable passage de vie à trépas. Un spectacle d’une durée de 2900 secondes (MMDCD, en chiffres romains) où, souvent nue, elle observe un train électrique tourner en rond sur son circuit, embrasse un crâne vaniteux ou subit la visite d’un squelette en baskets (Arthur Navellou, l’une des voix de Catastrophe), flirtant volontairement avec « les limites du supportable », armée de son envie de jouer « avec les lignes qui séparent la contemplation de l’ennui, l’aimantation de la scène… du désir de quitter la salle ». Désir : le mot est lâché.
Formée auprès de Jan Fabre ou Gisèle Vienne, collaboratrice de Laurent Bazin ou d’Yves-Noël Genod, Christine Armanger imagine pour Nova une capsule en forme d’œuf, de taille humaine, capable d’identifier (« en une heure ou en une semaine ») le métier le plus adapté à notre âme. « L’intérieur sera ouaté, il émettra une luminosité chaude. On s’y installera en position fœtale, genre trip intra-utérin. On aura les yeux fermés et des oreillettes (…) On entrera dans une sorte de méditation guidée, une transe désirante, dont la base sera conçue par des neuroscientifiques à partir de sons binauraux (…) On sera amené à contempler notre intériorité. Comme une plongée dans un océan opaque. On deviendra des veilleurs : on laissera remonter à la surface des sensations encore souterraines, encore imprécises. » Pour toute question au sujet de ce méta-Pôle Emploi, merci de contacter l’artiste lors de la prochaine représentation de MMDCD, le 20 octobre à l’Étoile du Nord, 16 rue Georgette Agutte à Paris, dans le cadre du festival ZOA/Avis de Turbulences.
Image : Black Mirror, S2E4, Blanc comme neige, de Charlie Brooker (2014).
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