Afleveringen

  • Nous avions reçu Wu Ming I pour Q comme qomplot. Nous recevons Wu Ming II pour OVNI 78. En apparence, pourquoi irions nous nous perdre dans ces histoires d’OVNI ? Ces ufologues de tous les camps politiques cherchant Ă  percer le mystĂšre de la multiplication des objets volant non identifiables dans le contexte historique du rapt d’Aldo Moro (Ancien prĂ©sident du conseil des ministres en Italie) ? À quoi bon nous demander si les extraterrestres sont plutĂŽt communistes ou capitalistes, ou encore toute autre chose, de furtif, d’indiscernable, de non-identifiable ? Parce qu’en nous penchant sur les mĂ©taphores et les signes de la culture, nous dĂ©cryptons le hiĂ©roglyphe du temps prĂ©sent, le sens des ruptures en cours, l’accĂ©lĂ©ration de la fascisation italienne et française des annĂ©es 2020, tout cela en rĂ©articulant l’histoire passĂ©e Ă  l’action prĂ©sente. Attention, un OVNI peut en cacher un autre.

  • EugĂ©nie MĂ©rieau, juriste, politiste, constitutionnaliste, enseignante Ă  l’universitĂ© de Paris 1, a rĂ©cemment publiĂ© deux ouvrages : La dictature, une antithĂšse Ă  la dĂ©mocratie ? et GĂ©opolitique de l’état d’urgence. Sous couvert de petits livres sur le droit et les rĂ©gimes politiques - sujet qui gĂ©nĂ©ralement nous Ă©chappent par leur formalisme et leur rigorisme tout abstrait -, ce sont peut-ĂȘtre les textes les plus denses, diaphanes et radicaux, les plus heureusement et puissamment critiques de la « tradition libĂ©rale-impĂ©riale » qu’on ait pu lire depuis bien longtemps. Dans cet entretien, non seulement la dĂ©mocratie libĂ©rale reprĂ©sentative ne nous apparaĂźt plus comme l’antithĂšse de la dictature mais comme l’une de ses modalitĂ©s possibles ; mais la dictature mĂȘme, par l’étude comparative des rĂ©gimes politiques, se voit revĂȘtue de toutes les propriĂ©tĂ©s que valorise en rĂ©alitĂ© le nĂ©o-libĂ©ralisme Ă©conomique et ses critĂšres de sanctification.

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  • À lire le livre de Marylou Magal & Nicolas Massol, on a le sentiment d’assister Ă  ces chasses nocturnes, ou autres danses macabres, ces bandes de mort-vivants dĂ©brayĂ©s que l’on disait surgir parfois quand il sonnait minuit Ă  l’horloge de l’histoire. Bref : on entre dans une cave oĂč dĂ©filent les principaux portraits des cadres politiques de la droite extrĂȘme - cinquante nuances de fafs. Or, du point de vue de sa jeunesse, les diffĂ©rences ne sont pas de nature, mais de degrĂ©. Comme dit fiĂšrement Sarah Knafo : « on est tous pareils : tous. » Des souverainistes aux nationaux rĂ©volutionnaires (fascistes) en passant par les identitaires, le livre de Magal et Massol porte sur la grande dynamique de dĂ©cloisonnement des familles de la droite, qui de la Manif pour tous aux derniĂšres lĂ©gislatives, Ă  travers sa jeunesse, s’est convertie Ă  la logique identitaire et civilisationnelle. Dans cet entretien, on traverse la vie banale et ridicule d’un Bardella fils Ă  papa, qui roule en smart parce qu’il a peur du mĂ©tro, on croise l’existence opportuniste d’une Sarah Knafo fan d’Henri Guaino, et on pose la question de la bollorosphĂšre et de ses trois cartes maĂźtresses : le lepĂ©nisme Ă©mancipĂ© de son discours social ; le zemmourisme radicalisĂ© Ă  valeur de Gollum ; et Hanouna, potentiel Trump futur Ă  la française, derniĂšre option des droites extrĂȘmes pour trouver un appui spectaculaire dans le peuple rĂ©duit Ă  l’audimat.


  • Michalis Lianos est chercheur et sociologue. Il a beaucoup travaillĂ© sur le contrĂŽle social et la maniĂšre dont la peur et la « sĂ©curitĂ© » façonnent nos reprĂ©sentations politiques et sociales, c’est-Ă -dire le monde. Au fil du mouvement des Gilets jaunes, il a publiĂ© dans lundimatin ce que nous considĂ©rons ĂȘtre la meilleure analyse sociologique du mouvement en cours, auquel il participait. Mais en 2022, M. Lianos nous transmettait un nouvel article, brillant encore mais un peu dĂ©primant : Le tĂ©tralemme rĂ©volutionnaire et la tentation autoritaire. Pour le rĂ©sumer vite et mal, l’écrasement et la rĂ©pression du mouvement des Gilets jaunes poussaient Ă  un repli dans les affects communautaires, rĂ©actionnaires... fascistes ? Le 9 juin dernier, une fois les rĂ©sultats de l’élection europĂ©enne connues, Michalis Lianos nous a envoyĂ© un SMS laconique : « comme prĂ©vu ». En rĂ©ponse, nous lui avons proposĂ© cet entretien.

  • Dans leur livre L’illusion du bloc bourgeois,Stefano Palombarini et Bruno Amable citent L’Art de la guerre de Machiavel :« Celui-là est rarement vaincu, qui sait mesurer ses forces et celles de l’ennemi. » À partir de cette prise de position « nĂ©orĂ©aliste », essayons de mesurer la dynamique et l’histoire des forces de l’ennemi en dissipant les nuages du chaos apparent. Bruno Latour avait pour axiome : il n’y a pas de rapport de force, il n’y a que des rapports de faiblesse. Cela s’applique bien Ă  une situation actuelle, qui dĂšs 2017 Ă©tait prĂ©sentĂ©e comme une crise :
    « la France traverse la phase la plus aiguĂ« d’une crise politique ouverte depuis plus de trente ans. Krisis, en grec, signifie « jugement », « dĂ©cision » ; au risque de prĂȘter Ă  confusion, on pourrait Ă©crire que si la crise dure depuis si longtemps, c’est que la France n’arrive pas Ă  fixer la direction qu’elle veut prendre »
    Or cette crise semble, dĂ©sormais, se rĂ©duire et se rĂ©sumer dans la « dĂ©cision » devenue presque arbitraire du prĂ©sident Macron. Elle semble atteindre une forme paroxystique. Voire extatique. Les stratagĂšmes Ă©lectoraux du macronisme, devenus inopĂ©rants, font place Ă  ce qu’il reste lorsque la stratĂ©gie semble morte : le pur pari – l’action votive – le coup de poker. C’est lĂ , peut-ĂȘtre, la pointe la plus extrĂȘme du rapport de faiblesse. Car ce qui est en jeu dans cette dissolution, c’est bien tout le paradoxe d’une victoire par deux fois d’un prĂ©sident dont le soutien est une base sociale minuscule, obligĂ© d’essayer de se rallier non seulement le « bloc bourgeois », ni de droite ni de gauche, mais, Ă  terme, le « bloc identitaire » - seul bloc « populaire » encore compatible avec le libĂ©ralisme autoritaire. En bref : il y a, depuis 40 ans, une vaste crise d’hĂ©gĂ©monie et de dominance sociale et donc, en consĂ©quence, une multiplication violente des rapports de faiblesse.
    OĂč va le bloc bourgeois ? En quoi le 9 juin est le signe de sa fin ou de sa recomposition identitaire ? Nous essayons d’aborder ces questions ce soir avec Stefano Palombarini.

  • OĂč se cache « le pouvoir » ? On a pu dire qu’il rĂ©sidait entre les mains de quelques grands hommes, puis convenir qu’il se diffusait Ă  travers l’économie, on l’a vu traverser les corps et prendre la forme de dispositifs de contrĂŽle, a aussi dit qu’il Ă©tait dĂ©sormais dans les infrastructures et qu’il prenait une forme cybernĂ©tique. Nelo MagalhĂŁes est allĂ© le dĂ©nicher dans sa forme la plus homogĂšne et solide, dans la maniĂšre dont il a recouvert la planĂšte, imposĂ© ses lignes et constituĂ© l’essentiel de notre environnement humain, trop humain : le bĂ©ton. Son livre, Accumuler du bĂ©ton, tracer des routes - Une histoire environnementale des grandes infrastructures (La Fabrique) s’ouvre sur une drĂŽle d’histoire, extraite d’un livre passĂ© inaperçu, la bĂ©tonite.Le bĂ©ton est atteint d’un virus qui l’amĂšne Ă  s’effriter, le virus s’étend Ă  chaque centimĂštre cube du fameux matĂ©riaux et c’est la totalitĂ© de l’édifice social qui s’effondre et la vie entiĂšre qui doit se donner de nouveaux repĂšres.

  • On dit assez facilement que nos rĂ©voltes sont archaĂŻques, dĂ©passĂ©es, inadaptĂ©es au degrĂ© actuel de dĂ©veloppement du front de modernisation, que se soulever - sur le mode de l'Ă©meute, de l'insurrection - est chose du passĂ©, d'un autre temps, rĂ©volu. Ne sommes nous pas primitifs, rustres, barbares lorsqu'on occupe ronds-points, universitĂ©s, coins de rue ou place de village ? La politique, aprĂšs tout, c'est tout ce que vous voulez mais pas "l'ensauvagement", la "dĂ©civilisation", l'arriĂ©ration et le retard dans le dĂ©veloppement mature de notre perpĂ©tuelle enfance. Des Gilets Jaunes aux Croquants et aux Pieds Nus, des Ă©meutes de quartier aux rĂ©voltes contre la Gabelle et aux soulĂšvements frumentaires, des formes de subjectivitĂ© politique qui s'affirment dans la rĂ©volution iranienne en passant par la commune indienne et russe (le Mir), FrĂ©dĂ©ric Rambeau opĂšre une critique de la disqualification de "l'archaĂŻsme" en attaquant deux fronts : 1) le vieux marxisme orthodoxe aveugle aux nuances politiques et asynchrones de Marx lui-mĂȘme ; 2) l'assimilation de l'archaĂŻque Ă  la rĂ©action. Comment se rĂ©approprier l'archaĂŻque, sans suspendre son ambigĂŒitĂ©, quelles sont les bonnes raisons de "retourner le stigmate", de voir dans l'archaĂŻsme, non plus une rĂ©action au prĂ©sent contre la ligne du temps, mais le principe (arkhĂš) d'un temps autre, d'un "contre-temps", celui de la Commune. C'est en portant son attention non pas Ă  la place d'une Ă©meute par rapport Ă  son avant et son aprĂšs, soit son sens dans l'ordre linĂ©aire du temps, mais relativement Ă  elle-mĂȘme, dans son immanence mĂȘme, que Rambeau nous permet de saisir en quoi l'Ă©meute est porteuse, plus que d'une rĂ©action et d'une rĂ©sistance, des fermentations de l'idĂ©e rĂ©volutionnaire. Si Tiqqun pose l'image d'un communisme sans cesse diffĂ©rĂ© par les dispositifs qui en refoulent la prĂ©sence ; Rambeau active un originaire paradoxal, un principe d'ancienne nouveautĂ©, une substance Ă©meutiĂšre toujours contemporaine aux appareils de rĂ©pression d'État - au point d'en ĂȘtre, selon Foucault, la vĂ©ritable origine : l'origine de l'État mĂȘme, c'est la rĂ©sistance.

  • Ce lundisoir, on parle du dernier livre de Mark Fisher, Par delĂ -Ă©trange et familier, dont la traduction vient de paraĂźtre aux Ă©ditions Sans Soleil. Sans Mark Fisher mais avec lui en esprit, accompagnĂ© de Lovecraft, David Lynch, Philipp K. Dick, Vincent Chanson, Guillaume Heuguet, ClĂ©mence Agnez et Julian Guazzini, on se demande comment l’imagination peut transformer le rĂ©el en y Ă©chappant, comment la critique culturelle peut ĂȘtre politique aujourd’hui, et ce qui fait que la science-fiction, le fantastique suscitent un engouement intellectuel ces derniĂšres dĂ©cennies. C’est aussi l’occasion d’échanger sur les potentialitĂ©s Ă©mancipatrices de la fiction, les piĂšges et ressources de la nostalgie, le refus de toute clĂŽture dans l’interprĂ©tation.

  • Comment agir Ă  la hauteur du dĂ©sastre Ă©cologique ? OĂč trouver les forces pour tirer le frein d’arrĂȘt d’une civilisation qui Ɠuvre Ă  sa propre destruction ? Comment se donner les moyens d’une bifurcation hors du monde de l’économie ? Certains s’accrochent Ă  capitaliser les petits gestes ou essaient de croire Ă  une transition Ă©cologique gouvernementale, d’autres s’enterrent dans le cynisme ou s’abandonnent Ă  la dĂ©solation. Depuis trois ans, les SoulĂšvements de la terre proposent une autre hypothĂšse : s’organiser pour dĂ©ployer un mouvement d’action directe de masse, trouver les complicitĂ©s et forger les alliances qui permettent de penser et d’agir.

    PremiĂšres secousses (La Fabrique) est un livre important et qui fera date dans la pensĂ©e politique, Ă©cologiste, stratĂ©gique et rĂ©volutionnaire. Il s’agit moins d’un bilan des campagnes Ă©coulĂ©es ou d’un programme que d’un rapport d’étape et une tentative de clarification tactique et stratĂ©gique. Paradoxalement, sa richesse et son audace, tiennent moins des propositions qu’il contient : dĂ©sarmer, dĂ©manteler, reprendre les terres ; que de l’humilitĂ© avec laquelle les tensions, les contradictions et les obstacles rencontrĂ©s et Ă  venir sont patiemment dĂ©pliĂ©s et offerts Ă  la discussion. Trois participants aux SoulĂšvements sont venus en discuter pour ce lundisoir. La discussion a Ă©tĂ© longue pour ce format particulier qui ne se partage que derriĂšre un Ă©cran mais elle a certainement Ă©tait trop courte pour que nous puissions aborder et approfondir les points les plus importants et Ă  dĂ©battre du livre. Un premier entretien pour de premiĂšres secousses.

  • On parle de littĂ©rature ce lundisoir avec PhƓbe Hadjimarkos Clarke Ă  propos de son dernier roman, AliĂšne (Ă©ditions du sous-sol, 2024). ÉborgnĂ©e par un tir de LBD, Fauvel part s’occuper d’un chien clonĂ© dans une campagne française isolĂ©e oĂč se passent toutes sortes d’élĂ©ments bizarres, Ă  la limite du cauchemar. AcclamĂ© par la critique, qualifiĂ© d’ « ovni littĂ©raire », AliĂšne, Ă  tous Ă©gards, est un roman bizarre — au sens de Mark Fisher oĂč « le bizarre est ce qui n’est pas Ă  sa place. [
] La forme peut-ĂȘtre la plus appropriĂ©e au bizarre est le montage — la conjonction de deux choses ou plus qui n’ont rien Ă  faire ensemble. »

    C’est un roman prĂ©cisĂ©ment oĂč les voix et les univers se mĂ©langent ; oĂč la peur et le cauchemar naissent d’une impression d’inquiĂ©tante Ă©trangetĂ© renforcĂ©e par ce fait que tous les Ă©lĂ©ments Ă©tranges et fantastiques arrivent Ă  des personnages tout Ă  la fois impuissants et banals : le fantastique fait partie du dĂ©cor, mais il n’est la source d’aucun pouvoir, d’aucune puissance. Il est un Ă©lĂ©ment d’un montage qui fonctionne comme un dispositif rĂ©vĂ©lant sous une lumiĂšre de film d’horreur ce que notre Ă©poque fait Ă  l’intime, au dĂ©sir, au corps. C’est les effets de ce dĂ©calage que nous avons tentĂ© d’explorer avec PhƓbe pour interroger les potentialitĂ©s d’émancipation dont la fiction peut ĂȘtre porteuse — et a fortiori lorsqu’elle met en scĂšne des personnages paradoxalement immobiles qui semblent ne rien faire d’autre que subir la rĂ©alitĂ©. Suite Ă  l’entretien, revenant sur ces questions qui se refusent Ă©videmment Ă  toute rĂ©ponse certaine et dĂ©finitive, PhƓbe nous a Ă©crit : « La littĂ©rature ne se doit pas d’ĂȘtre exemplaire, justement parce qu’elle n’est pas de la thĂ©orie politique. Donc le fait que les personnages soient faillibles et nuls c’est aussi une maniĂšre de rĂ©flĂ©chir Ă  l’époque qui n’est pas forcĂ©ment inspirante, certes, mais importante parce que la dĂ©ception politiques et les traumatismes liĂ©s Ă  la rĂ©pression nous façonnent et façonnent nos vies. »

  • À rebours des aventuriers pompeux arpentant de supposĂ©s dĂ©serts naturels, mais aussi du monde ultra quadrillĂ© de la Big Carto, que nous racontent nos imaginaires du bout du monde et du nulle part ?
    Les PĂ©taouchnoks sur lesquels enquĂȘte Ricardo Ciavolella sont des vrais lieux, mais flous. Des lieux au nom expressif sur lesquels s’est collĂ© tout un imaginaire de l’ailleurs indĂ©terminĂ©, des noms qui dĂ©signent un bout du monde qui riment souvent avec fin du monde.
    Si ces fins du monde et milieu du nulle part sont souvent mĂ©prisĂ©s, s’ils portent la marque du regard colonial ou des diffĂ©rentes dominations spatiales qui les ont Ă©rigĂ©s en repoussoir, approcher leur rĂ©alitĂ© permet de dĂ©centrer notre regard et d’éclairer par l’envers, le petit enfer mĂ©tropolitain. Et puisqu’il reste tant de cartes Ă  tracer : PĂ©taouchnoks de tous les pays, unissez-vous !

  • Norman Ajari est venu nous prĂ©senter son Manifeste afro-dĂ©colonial, paru il y a quelques jours. ƒuvre dont le sous-titre, Le rĂȘve oubliĂ© de la politique radicale noir, annonce quelque chose comme un projet politique de refondation. Il y a un dĂ©jĂ -lĂ  de l’autonomie noire, qu’il s’agirait de ranimer. Quelle forme a-t-elle pris, quel visage nouveau pourrait-elle se donner ?

    En 2019, le philosophe annonçait dans l’introduction de La dignitĂ© ou la mort. Ethique et politique de la race : « Ce livre fait l’hypothĂšse qu’il existe – transcendant le partage entre les Afriques et leurs diasporas – une condition noire et une histoire noire essentiellement modernes, dĂ©finies par une surexposition structurelle Ă  la violence sociale et politique, et par une constante invention contrainte de stratĂ©gies de survie. » Dans le Manifeste, il s’agit de « poser les bases d’une nouvelle idĂ©ologie panafricaine, sociale et rĂ©volutionnaire », destinĂ©e Ă  fĂ©dĂ©rer ces « stratĂ©gies de survie » – pour les changer en une politique de l’autonomie noire qui serait Ă  mĂȘme d’en finir avec l’esclavage, la colonisation, la sĂ©grĂ©gation raciale, ces passĂ©s qui ne passent pas.

    D’abord, il faut poser un diagnostic Ă  propos de cette violence nĂ©grophobe, analysĂ©e Ă  partir de trois concepts : aliĂ©nation, expropriation, gĂ©nocide. Puis il faut critiquer les options politiques antiracistes les plus en vue actuellement, qui nourrissent une forme de « libĂ©ralisme identitaire ». Et il reste enfin Ă  annoncer les perspectives concrĂštes d’une politique d’autonomie noire. Celle-ci pourrait-elle vĂ©ritablement prendre la forme d’un « Etat fĂ©dĂ©ral panafricain et communiste » ? Le concept de souverainetĂ© peut-il encore connaĂźtre un horizon rĂ©volutionnaire ? Les politiques de l’identitĂ© mĂ©ritent-elles d’ĂȘtre taxĂ©es de libĂ©ralisme ? VoilĂ  les questions que nous soumettent la politique radicale noire.

  • L’ouvrage Pas de Transition sans transe. Essai d’écologie politique des savoirs de Jean-Louis Tornatore est une contribution majeure pour affronter les violences de la modernitĂ©, qui mĂȘme dans son dĂ©clin, nous laisse en hĂ©ritage un monde fondĂ© sur des reprĂ©sentations qui ont assĂ©chĂ© l’expĂ©rience de la communautĂ©.Avec ses traversĂ©es dans les corpus de l’anthropologie et de la philosophie, mais aussi du thĂ©Ăątre, il nous invite Ă  renouveler une pensĂ©e dĂ©coloniale. Or celle-ci ne se laisse pas rĂ©duire pas Ă  la convocation d’identitĂ©s mais se situe rĂ©solument dans un pluralisme ontologique qui ouvre des perspectives vers une multiplicitĂ© de mondes.
    Partir de la transe c’est alors convoquer la diffĂ©rence comme raison ultime de tout travail d’enquĂȘte. Ou des maniĂšres de multiplier les autres en nous.
    C’est Ă  cette condition qu’il nous sera possible de pluraliser le temps Ă  venir. Et ceci ne peut pas ĂȘtre dissociĂ© d’un passĂ© qu’il nous faut rendre multiple Ă  son tour. C’est en cela que la question des rĂ©surgences est au cƓur de ce livre.
    Jean-Louis Tornatore nous propose de reconsidérer les fabriques des savoirs en prenant le risque de passages entre des mondes pour sortir de la monoculture du temps linéaire avec ses catastrophes annoncées.

  • AprĂšs avoir travaillĂ© sur les armes et la militarisation de la police dans L’arme Ă  l’oeil et Nous sommes en guerre , Pierre Douillard-Lefevre revient avec un nouveau livre : Dissoudre (Grevis). Il y est Ă©videmment question de cette pratique policiĂšre et administrative remise Ă  la mode par le gouvernement : la dissolution des associations et groupements de fait jugĂ©s subversifs ou contraire au bonnes mƓurs rĂ©publicaines. Mais pas que... Pierre Douillard-LefĂšvre tisse un lien entre ces pratiques rĂ©pressives ouvertement extra-judiciaires et le projet politique plus global qui vise Ă  atomiser et neutraliser tous les corps collectifs qui pourraient Ă©chapper au contrĂŽle et Ă  l’économie. Un lundisoir qui sera exceptionnellement diffusĂ©... mardi soir. En attendant, les bonnes feuilles sont accessibles sur lundimatin par ici.

  • Ce lundisoir, nous essayons de dĂ©terminer ce que l’on nous vole. À partir du texte ultra-connu de Proudhon Qu’est-ce que la propriĂ©tĂ© ? Catherine Malabou nous dĂ©couvre en quoi nos hĂ©ritages ne sont prĂ©cĂ©dĂ©s d’aucun testaments. En quoi la propriĂ©tĂ©, c’est le vol. Mais le vol d’abord de la mĂ©moire du fait que nous sommes restĂ©s, pour la plupart, des serfs, des aubains, des esclaves.

    Pour cela, il faut partir ou repartir de Proudhon :

    « La propriĂ©tĂ© est le droit d’aubaine : cet axiome sera pour nous comme le nom de la bĂȘte de l’Apocalypse, nom dans lequel est enfermĂ© tout le mystĂšre de cette bĂȘte. On sait que celui qui pĂ©nĂ©trerait le mystĂšre de ce nom obtiendrait l’intelligence de toute la prophĂ©tie, et vaincrait la bĂȘte. Eh bien ! Ce sera par l’interprĂ©tation approfondie de notre axiome que nous tuerons le sphinx de la propriĂ©tĂ©. Partant de ce fait si Ă©minemment caractĂ©ristique, le droit d’aubaine, nous allons suivre dans ses replis le vieux serpent, nous compterons les entortillements homicides de cet Ă©pouvantable tĂ©nia, dont la tĂȘte, avec les mille suçoirs s’est toujours dĂ©robĂ©e au glaive de ses plus ardents ennemis, leur abandonnant d’immenses tronçons de son cadavre. » (Proudhon)

    La RĂ©volution a-t-elle vraiment eu lieu ? La fĂ©odalitĂ© a-t-elle Ă©tĂ©, d’un seul coup d’un seul, abolie ? N’y a-t-il pas eu, pendant des siĂšcles, des rĂ©manences, des permanences, des persistances d’Ancien RĂ©gime dans un monde moderne, dans un monde nouveau, qui dissimulait, par le dĂ©ni et l’oubli, tout ce qu’il avait, en rĂ©alitĂ©, par cette ruse, par ce stratagĂšme, conservĂ© des servitudes des temps passĂ©s. Doit-on dire que : « La RĂ©volution a rĂ©instaurĂ© Ă  nouveaux frais tout ce qu’elle avait combattu. » (106) ? Alors que, gĂ©nĂ©ralement, l’oubli, l’amnĂ©sie historique porte sur les grands changements, les grandes ruptures, le fait que l’histoire varie, n’est pas Ă©ternelle, est faite de mutations, le fait que ce qui est n’a pas toujours dĂ©jĂ  Ă©tĂ© ; il nous semble que tu nous dis, Catherine Malabou, l’inverse : ce que nous avons oubliĂ©, aujourd’hui, c’est que les choses n’ont pas changĂ©. C’est lĂ  le stratagĂšme de l’amnĂ©sie des persistances. On va voir avec Catherine Malabou quelles sont ces persistances.

  • Alberto Prunetti, l’auteur d’OdyssĂ©e lumpen (Lux Ă©diteur), est originaire de Toscane et plus prĂ©cisĂ©ment de Piombino oĂč son pĂšre, son babbo, Ă©tait ouvrier mĂ©tallurgiste. L’amiante a eu sa peau et Alberto a racontĂ© son histoire dans Amiante (Agone), premier volume d’une trilogie dont OdyssĂ©e est le deuxiĂšme. Dans le haut-fourneau de Piombino les hommes fabriquaient des rails de 108 mĂštres d’un seul tenant. Ils en Ă©taient fiers mais cela ne les empĂȘchait pas de se montrer offensifs envers les patrons en appliquant « Les dix commandements ouvriers » transmis de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Alberto, boulimique de lecture, a choisi d’aller Ă  l’universitĂ©. Il lui a fallu pour cela convaincre son babbo, rompre avec la tradition ouvriĂšre. AprĂšs ses Ă©tudes, Alberto ne trouve pas de travail en Italie. Alors, comme tant d’autres jeunes Italiens, il part Ă  l’étranger pour en trouver. Il choisit l’Angleterre oĂč l’ombre de Thatcher plane toujours. Du travail, au Royaume-Uni, Alberto en trouve Ă  la pelle : il est tour Ă  tour pizzaiolo, nettoyeur de chiottes, cantinier, ramasseur de framboises. D’un boulot de merde Ă  l’autre, il se fait un tas d’amis tout aussi exploitĂ©s que lui par le nĂ©olibĂ©ralisme. Des amis pour la vie. Sans pathos, pas larmoyant pour un penny, mĂȘlant rĂ©cit d’aventure, comĂ©die, fantastique, critique sociale, Prunetti raconte son odyssĂ©e. On se marre, on s’émeut, et c’est fucking bien.

    Dans ce lundisoir, Alberto parle de son livre mais aussi de littĂ©rature working class et de la lutte des GKN, les ouvriers qui occupent depuis deux ans leur usine menacĂ©e de fermeture, et du festival de littĂ©rature ouvriĂšre qui s’y tiendra pour la deuxiĂšme fois cette annĂ©e.

  • Un marxiste occidental dit que la philosophie est, en derniĂšre instance, la lutte des classes dans la thĂ©orie. Ce mĂȘme marxiste ajoute que la dĂ©finition du matĂ©rialisme, c’est de « ne pas se raconter d’histoires ». PacĂŽme Thiellement, lui, nous raconte des histoires (anecdotes des bas-fonds d’internet, de cinĂ©ma, de popculture, ou de thĂ©ologie gnostique), et grĂące Ă  elles, porte, pourrait-on dire en pastichant, la lutte des classes, non dans la thĂ©orie, mais dans la thĂ©oria, ÎžÎ”Ï‰ÏÎŻÎ±, c’est-Ă -dire, en grec, dans le spectacle – dans la sphĂšre spectaculaire. Il porte, avec ses histoires, pourrait-on dire, la lutte des classes dans le spectacle.
    Or, depuis quelques temps, renouant avec le sens originaire du mot propaganda – « propaganda fide », propagation de la foi –, le camp des bollorĂ©ens, les bolloroserviles, les laquais et vassaux de BollorĂ© mĂšnent une offensive thĂ©ologico-politique, c’est-Ă -dire nationale-catholique, grĂące Ă  CNews, Ă  travers ce mĂȘme spectacle. Ce camp est en train de thĂ©ologiser et de christianiser la sphĂšre spectaculaire et, face Ă  cela, PacĂŽme mĂšne une contre-offensive plutĂŽt maline, trĂšs fine, qui, au lieu de vocifĂ©rer en anticlĂ©rical athĂ©e d’arriĂšre-garde contre les chrĂ©tiens, vient dĂ©licatement diviser la division, confronter le christianisme avec lui-mĂȘme, rĂ©veiller ses courants les plus insurrectionnels, les plus hĂ©rĂ©tiques et les plus anarchistes – les manichĂ©ens, les cathares, les gnostiques, qui s’appelaient entre eux, les Bons Hommes, les Sans Roi – et qui se dressent, dans leurs traditions et leurs pratiques, autant contre l’Église catholique que contre l’Empire romain, autant contre la puissance sacrĂ©e que la puissance profane. Contre l’hypothĂšse catho-capitaliste bollorĂ©enne, contre l’Empire qui n’a jamais pris fin, PacĂŽme Thiellement propose l’hypothĂšse des Sans Roi.
    C’est cette hypothùse que nous allons explorer dans ce lundisoir.

  • Alors que la vocable de la guerre est dĂ©sormais sur toutes les lĂšvres gouvernementales, que nous sommes submergĂ©s et bouleversĂ©s par ses images provenant d’Ukraine ou de Gaza, nous recevons ce lundi Romain HuĂ«t, autour de son dernier livre La guerre en tĂȘte (PUF).
    De 2012 Ă  2023, de la Syrie Ă  l’Ukraine, le chercheur Romain HuĂ«t a menĂ© une enquĂȘte ethnographique au cƓur de ce que l’on appelle communĂ©ment « la guerre ». Sur les front et Ă  ses abords, il est allĂ© Ă  la rencontre de celles et ceux, hommes et femmes ordinaires, qui du jour au lendemain dĂ©cident de prendre les armes. Pour appuyer un soulĂšvement populaire comme au dĂ©but de la rĂ©volution syrienne, pour se dĂ©fendre de l’anĂ©antissement par le rĂ©gime lĂ  encore en Syrie ou pour repousser une invasion comme dans l’est de l’Ukraine. En s’attachant Ă  la vie quotidienne des combattants et des volontaires, en la racontant depuis le ras du rĂ©el, Romain HuĂ«t nous parle de la guerre depuis cette dimension toujours nĂ©gligĂ©e : le vĂ©cu intime, ses dĂ©terminations, ses tiraillements, ses joies et ses Ă©crasements.

    Nous avions interviewĂ© Romain HuĂ«t autour de son premier livre Le Vertige de l’émeute, de la ZAD aux Gilets Jaunes, une enquĂȘte passionnante et participative au coeur des Ă©vĂšnements Ă©meutiers de ces derniĂšres annĂ©es. Cette interview est disponible ici. Nous l’avions aussi invitĂ© Ă  l’occasion d’un lundisoir pour son second livre : De si violentes fatigues, Les devenirs politiques de l’épuisement quotidien une enquĂȘte ethnographique et sociologique au long cours au sein d’une association de prĂ©vention contre le suicide. La vidĂ©o est peut ĂȘtre vue lĂ .

  • Faut-il en avoir quelque chose Ă  cirer de Sylvain Tesson et du Printemps de la poĂ©sie ? Est-il encore imaginable qu’un poĂšme dĂ©clenche une Ă©meute ? Est-ce que l’extrĂȘme-droite peut tout Ă©crabouiller par sa simple mais puissante bĂȘtise ? Faut-il casser les phrases et les mots comme on casse des vitrines ? Si vous aussi vous vous posez ces questions, rendez-vous lundi 26 fĂ©vrier Ă  19h dans lundisoir.

  • La littĂ©rature peut-elle casser des vitres ou crĂąmer des voitures de police ? C’est tout ce que lui souhaite Mačko DrĂ gĂ n qui vient de publier un « AbrĂ©gĂ© de littĂ©rature-molotov » aux jeunes Ă©dtions Terres de feu. Punk Ă  chat prolĂ©taire, journaliste vagabond, colĂ©rique et libertaire, DrĂ gĂ n s’immisce dans le grand dĂ©bat sur « ce que la littĂ©rature peut » en partant de ce qu’elle ne devrait pas ĂȘtre : ennuyeuse. Il nous ouvre sur des lectures qui ont creusĂ© le monde, dans ces livres « molotov » qui bouleversent intĂ©rieurement, dĂ©sincarcĂšrent l’avenir, foutent le feu aux imaginaires. On ne pouvait que l’inviter Ă  en discuter.