Afleveringen
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Si nous devons repenser le fascisme -ses fondements, son histoire et ses mutations-, se repose symĂ©triquement la question de lâantifascisme. Câest une histoire quâil nous faut sans nul doute redĂ©couvrir et partager, au cĆur de celle-ci, il y a bien Ă©videmment la guerre civile espagnole, soit lâĂ©mergence et la lutte dâun mouvement ouvrier rĂ©volutionnaire et autogestionnaire contre le coup dâĂ©tat fasciste de Franco en 1936. Pour ce lundisoir, nous avons invitĂ© lâhistorien Pierre Salmon qui vient de publier Un antifascisme de combat - Armer lâEspagne rĂ©volutionnaire â 1936-1939 (Ă©ditions du DĂ©tour). Si son livre sâattaque dâabord Ă un pan mĂ©connu de la guerre dâEspagne, soit la maniĂšre dont les forces rĂ©volutionnaires sont parvenues Ă sâarmer et Ă combattre en sâappuyant sur un rĂ©seau international de contrebande et de rĂ©sistance, il nous permet de nous replonger dans cette pĂ©riode et dâaller y rechercher quelques rĂ©sonances avec notre actualitĂ©. Quels enseignements garder dâaussi courageux et glorieux ancĂȘtres ? Le plus dĂ©cisif, peut-ĂȘtre : que lâantifascisme ne peut jamais se contenter dâĂȘtre « anti » et se doit de toujours porter en lui les solidaritĂ©s Ă chĂ©rir et les mondes Ă construire. Il nây a pas lâantifascisme puis la rĂ©volution mais toujours lâantifascisme et la rĂ©volution.
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Nous avions reçu Wu Ming I pour Q comme qomplot. Nous recevons Wu Ming II pour OVNI 78. En apparence, pourquoi irions nous nous perdre dans ces histoires dâOVNI ? Ces ufologues de tous les camps politiques cherchant Ă percer le mystĂšre de la multiplication des objets volant non identifiables dans le contexte historique du rapt dâAldo Moro (Ancien prĂ©sident du conseil des ministres en Italie) ? Ă quoi bon nous demander si les extraterrestres sont plutĂŽt communistes ou capitalistes, ou encore toute autre chose, de furtif, dâindiscernable, de non-identifiable ? Parce quâen nous penchant sur les mĂ©taphores et les signes de la culture, nous dĂ©cryptons le hiĂ©roglyphe du temps prĂ©sent, le sens des ruptures en cours, lâaccĂ©lĂ©ration de la fascisation italienne et française des annĂ©es 2020, tout cela en rĂ©articulant lâhistoire passĂ©e Ă lâaction prĂ©sente. Attention, un OVNI peut en cacher un autre.
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Zijn er afleveringen die ontbreken?
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EugĂ©nie MĂ©rieau, juriste, politiste, constitutionnaliste, enseignante Ă lâuniversitĂ© de Paris 1, a rĂ©cemment publiĂ© deux ouvrages : La dictature, une antithĂšse Ă la dĂ©mocratie ? et GĂ©opolitique de lâĂ©tat dâurgence. Sous couvert de petits livres sur le droit et les rĂ©gimes politiques - sujet qui gĂ©nĂ©ralement nous Ă©chappent par leur formalisme et leur rigorisme tout abstrait -, ce sont peut-ĂȘtre les textes les plus denses, diaphanes et radicaux, les plus heureusement et puissamment critiques de la « tradition libĂ©rale-impĂ©riale » quâon ait pu lire depuis bien longtemps. Dans cet entretien, non seulement la dĂ©mocratie libĂ©rale reprĂ©sentative ne nous apparaĂźt plus comme lâantithĂšse de la dictature mais comme lâune de ses modalitĂ©s possibles ; mais la dictature mĂȘme, par lâĂ©tude comparative des rĂ©gimes politiques, se voit revĂȘtue de toutes les propriĂ©tĂ©s que valorise en rĂ©alitĂ© le nĂ©o-libĂ©ralisme Ă©conomique et ses critĂšres de sanctification.
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Ă lire le livre de Marylou Magal & Nicolas Massol, on a le sentiment dâassister Ă ces chasses nocturnes, ou autres danses macabres, ces bandes de mort-vivants dĂ©brayĂ©s que lâon disait surgir parfois quand il sonnait minuit Ă lâhorloge de lâhistoire. Bref : on entre dans une cave oĂč dĂ©filent les principaux portraits des cadres politiques de la droite extrĂȘme - cinquante nuances de fafs. Or, du point de vue de sa jeunesse, les diffĂ©rences ne sont pas de nature, mais de degrĂ©. Comme dit fiĂšrement Sarah Knafo : « on est tous pareils : tous. » Des souverainistes aux nationaux rĂ©volutionnaires (fascistes) en passant par les identitaires, le livre de Magal et Massol porte sur la grande dynamique de dĂ©cloisonnement des familles de la droite, qui de la Manif pour tous aux derniĂšres lĂ©gislatives, Ă travers sa jeunesse, sâest convertie Ă la logique identitaire et civilisationnelle. Dans cet entretien, on traverse la vie banale et ridicule dâun Bardella fils Ă papa, qui roule en smart parce quâil a peur du mĂ©tro, on croise lâexistence opportuniste dâune Sarah Knafo fan dâHenri Guaino, et on pose la question de la bollorosphĂšre et de ses trois cartes maĂźtresses : le lepĂ©nisme Ă©mancipĂ© de son discours social ; le zemmourisme radicalisĂ© Ă valeur de Gollum ; et Hanouna, potentiel Trump futur Ă la française, derniĂšre option des droites extrĂȘmes pour trouver un appui spectaculaire dans le peuple rĂ©duit Ă lâaudimat.
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Michalis Lianos est chercheur et sociologue. Il a beaucoup travaillĂ© sur le contrĂŽle social et la maniĂšre dont la peur et la « sĂ©curitĂ© » façonnent nos reprĂ©sentations politiques et sociales, câest-Ă -dire le monde. Au fil du mouvement des Gilets jaunes, il a publiĂ© dans lundimatin ce que nous considĂ©rons ĂȘtre la meilleure analyse sociologique du mouvement en cours, auquel il participait. Mais en 2022, M. Lianos nous transmettait un nouvel article, brillant encore mais un peu dĂ©primant : Le tĂ©tralemme rĂ©volutionnaire et la tentation autoritaire. Pour le rĂ©sumer vite et mal, lâĂ©crasement et la rĂ©pression du mouvement des Gilets jaunes poussaient Ă un repli dans les affects communautaires, rĂ©actionnaires... fascistes ? Le 9 juin dernier, une fois les rĂ©sultats de lâĂ©lection europĂ©enne connues, Michalis Lianos nous a envoyĂ© un SMS laconique : « comme prĂ©vu ». En rĂ©ponse, nous lui avons proposĂ© cet entretien.
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Dans leur livre Lâillusion du bloc bourgeois,Stefano Palombarini et Bruno Amable citent LâArt de la guerre de Machiavel :« Celui-laÌ est rarement vaincu, qui sait mesurer ses forces et celles de lâennemi. » Ă partir de cette prise de position « nĂ©orĂ©aliste », essayons de mesurer la dynamique et lâhistoire des forces de lâennemi en dissipant les nuages du chaos apparent. Bruno Latour avait pour axiome : il nây a pas de rapport de force, il nây a que des rapports de faiblesse. Cela sâapplique bien Ă une situation actuelle, qui dĂšs 2017 Ă©tait prĂ©sentĂ©e comme une crise :
« la France traverse la phase la plus aiguĂ« dâune crise politique ouverte depuis plus de trente ans. Krisis, en grec, signifie « jugement », « dĂ©cision » ; au risque de prĂȘter Ă confusion, on pourrait Ă©crire que si la crise dure depuis si longtemps, câest que la France nâarrive pas Ă fixer la direction quâelle veut prendre »
Or cette crise semble, dĂ©sormais, se rĂ©duire et se rĂ©sumer dans la « dĂ©cision » devenue presque arbitraire du prĂ©sident Macron. Elle semble atteindre une forme paroxystique. Voire extatique. Les stratagĂšmes Ă©lectoraux du macronisme, devenus inopĂ©rants, font place Ă ce quâil reste lorsque la stratĂ©gie semble morte : le pur pari â lâaction votive â le coup de poker. Câest lĂ , peut-ĂȘtre, la pointe la plus extrĂȘme du rapport de faiblesse. Car ce qui est en jeu dans cette dissolution, câest bien tout le paradoxe dâune victoire par deux fois dâun prĂ©sident dont le soutien est une base sociale minuscule, obligĂ© dâessayer de se rallier non seulement le « bloc bourgeois », ni de droite ni de gauche, mais, Ă terme, le « bloc identitaire » - seul bloc « populaire » encore compatible avec le libĂ©ralisme autoritaire. En bref : il y a, depuis 40 ans, une vaste crise dâhĂ©gĂ©monie et de dominance sociale et donc, en consĂ©quence, une multiplication violente des rapports de faiblesse.
OĂč va le bloc bourgeois ? En quoi le 9 juin est le signe de sa fin ou de sa recomposition identitaire ? Nous essayons dâaborder ces questions ce soir avec Stefano Palombarini. -
OĂč se cache « le pouvoir » ? On a pu dire quâil rĂ©sidait entre les mains de quelques grands hommes, puis convenir quâil se diffusait Ă travers lâĂ©conomie, on lâa vu traverser les corps et prendre la forme de dispositifs de contrĂŽle, a aussi dit quâil Ă©tait dĂ©sormais dans les infrastructures et quâil prenait une forme cybernĂ©tique. Nelo MagalhĂŁes est allĂ© le dĂ©nicher dans sa forme la plus homogĂšne et solide, dans la maniĂšre dont il a recouvert la planĂšte, imposĂ© ses lignes et constituĂ© lâessentiel de notre environnement humain, trop humain : le bĂ©ton. Son livre, Accumuler du bĂ©ton, tracer des routes - Une histoire environnementale des grandes infrastructures (La Fabrique) sâouvre sur une drĂŽle dâhistoire, extraite dâun livre passĂ© inaperçu, la bĂ©tonite.Le bĂ©ton est atteint dâun virus qui lâamĂšne Ă sâeffriter, le virus sâĂ©tend Ă chaque centimĂštre cube du fameux matĂ©riaux et câest la totalitĂ© de lâĂ©difice social qui sâeffondre et la vie entiĂšre qui doit se donner de nouveaux repĂšres.
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On dit assez facilement que nos rĂ©voltes sont archaĂŻques, dĂ©passĂ©es, inadaptĂ©es au degrĂ© actuel de dĂ©veloppement du front de modernisation, que se soulever - sur le mode de l'Ă©meute, de l'insurrection - est chose du passĂ©, d'un autre temps, rĂ©volu. Ne sommes nous pas primitifs, rustres, barbares lorsqu'on occupe ronds-points, universitĂ©s, coins de rue ou place de village ? La politique, aprĂšs tout, c'est tout ce que vous voulez mais pas "l'ensauvagement", la "dĂ©civilisation", l'arriĂ©ration et le retard dans le dĂ©veloppement mature de notre perpĂ©tuelle enfance. Des Gilets Jaunes aux Croquants et aux Pieds Nus, des Ă©meutes de quartier aux rĂ©voltes contre la Gabelle et aux soulĂšvements frumentaires, des formes de subjectivitĂ© politique qui s'affirment dans la rĂ©volution iranienne en passant par la commune indienne et russe (le Mir), FrĂ©dĂ©ric Rambeau opĂšre une critique de la disqualification de "l'archaĂŻsme" en attaquant deux fronts : 1) le vieux marxisme orthodoxe aveugle aux nuances politiques et asynchrones de Marx lui-mĂȘme ; 2) l'assimilation de l'archaĂŻque Ă la rĂ©action. Comment se rĂ©approprier l'archaĂŻque, sans suspendre son ambigĂŒitĂ©, quelles sont les bonnes raisons de "retourner le stigmate", de voir dans l'archaĂŻsme, non plus une rĂ©action au prĂ©sent contre la ligne du temps, mais le principe (arkhĂš) d'un temps autre, d'un "contre-temps", celui de la Commune. C'est en portant son attention non pas Ă la place d'une Ă©meute par rapport Ă son avant et son aprĂšs, soit son sens dans l'ordre linĂ©aire du temps, mais relativement Ă elle-mĂȘme, dans son immanence mĂȘme, que Rambeau nous permet de saisir en quoi l'Ă©meute est porteuse, plus que d'une rĂ©action et d'une rĂ©sistance, des fermentations de l'idĂ©e rĂ©volutionnaire. Si Tiqqun pose l'image d'un communisme sans cesse diffĂ©rĂ© par les dispositifs qui en refoulent la prĂ©sence ; Rambeau active un originaire paradoxal, un principe d'ancienne nouveautĂ©, une substance Ă©meutiĂšre toujours contemporaine aux appareils de rĂ©pression d'Ătat - au point d'en ĂȘtre, selon Foucault, la vĂ©ritable origine : l'origine de l'Ătat mĂȘme, c'est la rĂ©sistance.
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Ce lundisoir, on parle du dernier livre de Mark Fisher, Par delĂ -Ă©trange et familier, dont la traduction vient de paraĂźtre aux Ă©ditions Sans Soleil. Sans Mark Fisher mais avec lui en esprit, accompagnĂ© de Lovecraft, David Lynch, Philipp K. Dick, Vincent Chanson, Guillaume Heuguet, ClĂ©mence Agnez et Julian Guazzini, on se demande comment lâimagination peut transformer le rĂ©el en y Ă©chappant, comment la critique culturelle peut ĂȘtre politique aujourdâhui, et ce qui fait que la science-fiction, le fantastique suscitent un engouement intellectuel ces derniĂšres dĂ©cennies. Câest aussi lâoccasion dâĂ©changer sur les potentialitĂ©s Ă©mancipatrices de la fiction, les piĂšges et ressources de la nostalgie, le refus de toute clĂŽture dans lâinterprĂ©tation.
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Comment agir Ă la hauteur du dĂ©sastre Ă©cologique ? OĂč trouver les forces pour tirer le frein dâarrĂȘt dâune civilisation qui Ćuvre Ă sa propre destruction ? Comment se donner les moyens dâune bifurcation hors du monde de lâĂ©conomie ? Certains sâaccrochent Ă capitaliser les petits gestes ou essaient de croire Ă une transition Ă©cologique gouvernementale, dâautres sâenterrent dans le cynisme ou sâabandonnent Ă la dĂ©solation. Depuis trois ans, les SoulĂšvements de la terre proposent une autre hypothĂšse : sâorganiser pour dĂ©ployer un mouvement dâaction directe de masse, trouver les complicitĂ©s et forger les alliances qui permettent de penser et dâagir.
PremiĂšres secousses (La Fabrique) est un livre important et qui fera date dans la pensĂ©e politique, Ă©cologiste, stratĂ©gique et rĂ©volutionnaire. Il sâagit moins dâun bilan des campagnes Ă©coulĂ©es ou dâun programme que dâun rapport dâĂ©tape et une tentative de clarification tactique et stratĂ©gique. Paradoxalement, sa richesse et son audace, tiennent moins des propositions quâil contient : dĂ©sarmer, dĂ©manteler, reprendre les terres ; que de lâhumilitĂ© avec laquelle les tensions, les contradictions et les obstacles rencontrĂ©s et Ă venir sont patiemment dĂ©pliĂ©s et offerts Ă la discussion. Trois participants aux SoulĂšvements sont venus en discuter pour ce lundisoir. La discussion a Ă©tĂ© longue pour ce format particulier qui ne se partage que derriĂšre un Ă©cran mais elle a certainement Ă©tait trop courte pour que nous puissions aborder et approfondir les points les plus importants et Ă dĂ©battre du livre. Un premier entretien pour de premiĂšres secousses.
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On parle de littĂ©rature ce lundisoir avec PhĆbe Hadjimarkos Clarke Ă propos de son dernier roman, AliĂšne (Ă©ditions du sous-sol, 2024). ĂborgnĂ©e par un tir de LBD, Fauvel part sâoccuper dâun chien clonĂ© dans une campagne française isolĂ©e oĂč se passent toutes sortes dâĂ©lĂ©ments bizarres, Ă la limite du cauchemar. AcclamĂ© par la critique, qualifiĂ© dâ « ovni littĂ©raire », AliĂšne, Ă tous Ă©gards, est un roman bizarre â au sens de Mark Fisher oĂč « le bizarre est ce qui nâest pas Ă sa place. [âŠ] La forme peut-ĂȘtre la plus appropriĂ©e au bizarre est le montage â la conjonction de deux choses ou plus qui nâont rien Ă faire ensemble. »
Câest un roman prĂ©cisĂ©ment oĂč les voix et les univers se mĂ©langent ; oĂč la peur et le cauchemar naissent dâune impression dâinquiĂ©tante Ă©trangetĂ© renforcĂ©e par ce fait que tous les Ă©lĂ©ments Ă©tranges et fantastiques arrivent Ă des personnages tout Ă la fois impuissants et banals : le fantastique fait partie du dĂ©cor, mais il nâest la source dâaucun pouvoir, dâaucune puissance. Il est un Ă©lĂ©ment dâun montage qui fonctionne comme un dispositif rĂ©vĂ©lant sous une lumiĂšre de film dâhorreur ce que notre Ă©poque fait Ă lâintime, au dĂ©sir, au corps. Câest les effets de ce dĂ©calage que nous avons tentĂ© dâexplorer avec PhĆbe pour interroger les potentialitĂ©s dâĂ©mancipation dont la fiction peut ĂȘtre porteuse â et a fortiori lorsquâelle met en scĂšne des personnages paradoxalement immobiles qui semblent ne rien faire dâautre que subir la rĂ©alitĂ©. Suite Ă lâentretien, revenant sur ces questions qui se refusent Ă©videmment Ă toute rĂ©ponse certaine et dĂ©finitive, PhĆbe nous a Ă©crit : « La littĂ©rature ne se doit pas dâĂȘtre exemplaire, justement parce quâelle nâest pas de la thĂ©orie politique. Donc le fait que les personnages soient faillibles et nuls câest aussi une maniĂšre de rĂ©flĂ©chir Ă lâĂ©poque qui nâest pas forcĂ©ment inspirante, certes, mais importante parce que la dĂ©ception politiques et les traumatismes liĂ©s Ă la rĂ©pression nous façonnent et façonnent nos vies. »
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à rebours des aventuriers pompeux arpentant de supposés déserts naturels, mais aussi du monde ultra quadrillé de la Big Carto, que nous racontent nos imaginaires du bout du monde et du nulle part ?
Les PĂ©taouchnoks sur lesquels enquĂȘte Ricardo Ciavolella sont des vrais lieux, mais flous. Des lieux au nom expressif sur lesquels sâest collĂ© tout un imaginaire de lâailleurs indĂ©terminĂ©, des noms qui dĂ©signent un bout du monde qui riment souvent avec fin du monde.
Si ces fins du monde et milieu du nulle part sont souvent mĂ©prisĂ©s, sâils portent la marque du regard colonial ou des diffĂ©rentes dominations spatiales qui les ont Ă©rigĂ©s en repoussoir, approcher leur rĂ©alitĂ© permet de dĂ©centrer notre regard et dâĂ©clairer par lâenvers, le petit enfer mĂ©tropolitain. Et puisquâil reste tant de cartes Ă tracer : PĂ©taouchnoks de tous les pays, unissez-vous ! -
Norman Ajari est venu nous prĂ©senter son Manifeste afro-dĂ©colonial, paru il y a quelques jours. Ćuvre dont le sous-titre, Le rĂȘve oubliĂ© de la politique radicale noir, annonce quelque chose comme un projet politique de refondation. Il y a un dĂ©jĂ -lĂ de lâautonomie noire, quâil sâagirait de ranimer. Quelle forme a-t-elle pris, quel visage nouveau pourrait-elle se donner ?
En 2019, le philosophe annonçait dans lâintroduction de La dignitĂ© ou la mort. Ethique et politique de la race : « Ce livre fait lâhypothĂšse quâil existe â transcendant le partage entre les Afriques et leurs diasporas â une condition noire et une histoire noire essentiellement modernes, dĂ©finies par une surexposition structurelle Ă la violence sociale et politique, et par une constante invention contrainte de stratĂ©gies de survie. » Dans le Manifeste, il sâagit de « poser les bases dâune nouvelle idĂ©ologie panafricaine, sociale et rĂ©volutionnaire », destinĂ©e Ă fĂ©dĂ©rer ces « stratĂ©gies de survie » â pour les changer en une politique de lâautonomie noire qui serait Ă mĂȘme dâen finir avec lâesclavage, la colonisation, la sĂ©grĂ©gation raciale, ces passĂ©s qui ne passent pas.Dâabord, il faut poser un diagnostic Ă propos de cette violence nĂ©grophobe, analysĂ©e Ă partir de trois concepts : aliĂ©nation, expropriation, gĂ©nocide. Puis il faut critiquer les options politiques antiracistes les plus en vue actuellement, qui nourrissent une forme de « libĂ©ralisme identitaire ». Et il reste enfin Ă annoncer les perspectives concrĂštes dâune politique dâautonomie noire. Celle-ci pourrait-elle vĂ©ritablement prendre la forme dâun « Etat fĂ©dĂ©ral panafricain et communiste » ? Le concept de souverainetĂ© peut-il encore connaĂźtre un horizon rĂ©volutionnaire ? Les politiques de lâidentitĂ© mĂ©ritent-elles dâĂȘtre taxĂ©es de libĂ©ralisme ? VoilĂ les questions que nous soumettent la politique radicale noire.
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Lâouvrage Pas de Transition sans transe. Essai dâĂ©cologie politique des savoirs de Jean-Louis Tornatore est une contribution majeure pour affronter les violences de la modernitĂ©, qui mĂȘme dans son dĂ©clin, nous laisse en hĂ©ritage un monde fondĂ© sur des reprĂ©sentations qui ont assĂ©chĂ© lâexpĂ©rience de la communautĂ©.Avec ses traversĂ©es dans les corpus de lâanthropologie et de la philosophie, mais aussi du thĂ©Ăątre, il nous invite Ă renouveler une pensĂ©e dĂ©coloniale. Or celle-ci ne se laisse pas rĂ©duire pas Ă la convocation dâidentitĂ©s mais se situe rĂ©solument dans un pluralisme ontologique qui ouvre des perspectives vers une multiplicitĂ© de mondes.
Partir de la transe câest alors convoquer la diffĂ©rence comme raison ultime de tout travail dâenquĂȘte. Ou des maniĂšres de multiplier les autres en nous.
Câest Ă cette condition quâil nous sera possible de pluraliser le temps Ă venir. Et ceci ne peut pas ĂȘtre dissociĂ© dâun passĂ© quâil nous faut rendre multiple Ă son tour. Câest en cela que la question des rĂ©surgences est au cĆur de ce livre.
Jean-Louis Tornatore nous propose de reconsidérer les fabriques des savoirs en prenant le risque de passages entre des mondes pour sortir de la monoculture du temps linéaire avec ses catastrophes annoncées. -
AprĂšs avoir travaillĂ© sur les armes et la militarisation de la police dans Lâarme Ă lâoeil et Nous sommes en guerre , Pierre Douillard-Lefevre revient avec un nouveau livre : Dissoudre (Grevis). Il y est Ă©videmment question de cette pratique policiĂšre et administrative remise Ă la mode par le gouvernement : la dissolution des associations et groupements de fait jugĂ©s subversifs ou contraire au bonnes mĆurs rĂ©publicaines. Mais pas que... Pierre Douillard-LefĂšvre tisse un lien entre ces pratiques rĂ©pressives ouvertement extra-judiciaires et le projet politique plus global qui vise Ă atomiser et neutraliser tous les corps collectifs qui pourraient Ă©chapper au contrĂŽle et Ă lâĂ©conomie. Un lundisoir qui sera exceptionnellement diffusĂ©... mardi soir. En attendant, les bonnes feuilles sont accessibles sur lundimatin par ici.
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Ce lundisoir, nous essayons de dĂ©terminer ce que lâon nous vole. Ă partir du texte ultra-connu de Proudhon Quâest-ce que la propriĂ©tĂ© ? Catherine Malabou nous dĂ©couvre en quoi nos hĂ©ritages ne sont prĂ©cĂ©dĂ©s dâaucun testaments. En quoi la propriĂ©tĂ©, câest le vol. Mais le vol dâabord de la mĂ©moire du fait que nous sommes restĂ©s, pour la plupart, des serfs, des aubains, des esclaves.
« La propriĂ©tĂ© est le droit dâaubaine : cet axiome sera pour nous comme le nom de la bĂȘte de lâApocalypse, nom dans lequel est enfermĂ© tout le mystĂšre de cette bĂȘte. On sait que celui qui pĂ©nĂ©trerait le mystĂšre de ce nom obtiendrait lâintelligence de toute la prophĂ©tie, et vaincrait la bĂȘte. Eh bien ! Ce sera par lâinterprĂ©tation approfondie de notre axiome que nous tuerons le sphinx de la propriĂ©tĂ©. Partant de ce fait si Ă©minemment caractĂ©ristique, le droit dâaubaine, nous allons suivre dans ses replis le vieux serpent, nous compterons les entortillements homicides de cet Ă©pouvantable tĂ©nia, dont la tĂȘte, avec les mille suçoirs sâest toujours dĂ©robĂ©e au glaive de ses plus ardents ennemis, leur abandonnant dâimmenses tronçons de son cadavre. » (Proudhon)
Pour cela, il faut partir ou repartir de Proudhon :La RĂ©volution a-t-elle vraiment eu lieu ? La fĂ©odalitĂ© a-t-elle Ă©tĂ©, dâun seul coup dâun seul, abolie ? Nây a-t-il pas eu, pendant des siĂšcles, des rĂ©manences, des permanences, des persistances dâAncien RĂ©gime dans un monde moderne, dans un monde nouveau, qui dissimulait, par le dĂ©ni et lâoubli, tout ce quâil avait, en rĂ©alitĂ©, par cette ruse, par ce stratagĂšme, conservĂ© des servitudes des temps passĂ©s. Doit-on dire que : « La RĂ©volution a rĂ©instaurĂ© Ă nouveaux frais tout ce quâelle avait combattu. » (106) ? Alors que, gĂ©nĂ©ralement, lâoubli, lâamnĂ©sie historique porte sur les grands changements, les grandes ruptures, le fait que lâhistoire varie, nâest pas Ă©ternelle, est faite de mutations, le fait que ce qui est nâa pas toujours dĂ©jĂ Ă©tĂ© ; il nous semble que tu nous dis, Catherine Malabou, lâinverse : ce que nous avons oubliĂ©, aujourdâhui, câest que les choses nâont pas changĂ©. Câest lĂ le stratagĂšme de lâamnĂ©sie des persistances. On va voir avec Catherine Malabou quelles sont ces persistances.
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Alberto Prunetti, lâauteur dâOdyssĂ©e lumpen (Lux Ă©diteur), est originaire de Toscane et plus prĂ©cisĂ©ment de Piombino oĂč son pĂšre, son babbo, Ă©tait ouvrier mĂ©tallurgiste. Lâamiante a eu sa peau et Alberto a racontĂ© son histoire dans Amiante (Agone), premier volume dâune trilogie dont OdyssĂ©e est le deuxiĂšme. Dans le haut-fourneau de Piombino les hommes fabriquaient des rails de 108 mĂštres dâun seul tenant. Ils en Ă©taient fiers mais cela ne les empĂȘchait pas de se montrer offensifs envers les patrons en appliquant « Les dix commandements ouvriers » transmis de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Alberto, boulimique de lecture, a choisi dâaller Ă lâuniversitĂ©. Il lui a fallu pour cela convaincre son babbo, rompre avec la tradition ouvriĂšre. AprĂšs ses Ă©tudes, Alberto ne trouve pas de travail en Italie. Alors, comme tant dâautres jeunes Italiens, il part Ă lâĂ©tranger pour en trouver. Il choisit lâAngleterre oĂč lâombre de Thatcher plane toujours. Du travail, au Royaume-Uni, Alberto en trouve Ă la pelle : il est tour Ă tour pizzaiolo, nettoyeur de chiottes, cantinier, ramasseur de framboises. Dâun boulot de merde Ă lâautre, il se fait un tas dâamis tout aussi exploitĂ©s que lui par le nĂ©olibĂ©ralisme. Des amis pour la vie. Sans pathos, pas larmoyant pour un penny, mĂȘlant rĂ©cit dâaventure, comĂ©die, fantastique, critique sociale, Prunetti raconte son odyssĂ©e. On se marre, on sâĂ©meut, et câest fucking bien.
Dans ce lundisoir, Alberto parle de son livre mais aussi de littĂ©rature working class et de la lutte des GKN, les ouvriers qui occupent depuis deux ans leur usine menacĂ©e de fermeture, et du festival de littĂ©rature ouvriĂšre qui sây tiendra pour la deuxiĂšme fois cette annĂ©e.
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Un marxiste occidental dit que la philosophie est, en derniĂšre instance, la lutte des classes dans la thĂ©orie. Ce mĂȘme marxiste ajoute que la dĂ©finition du matĂ©rialisme, câest de « ne pas se raconter dâhistoires ». PacĂŽme Thiellement, lui, nous raconte des histoires (anecdotes des bas-fonds dâinternet, de cinĂ©ma, de popculture, ou de thĂ©ologie gnostique), et grĂące Ă elles, porte, pourrait-on dire en pastichant, la lutte des classes, non dans la thĂ©orie, mais dans la thĂ©oria, ΞΔÏÏία, câest-Ă -dire, en grec, dans le spectacle â dans la sphĂšre spectaculaire. Il porte, avec ses histoires, pourrait-on dire, la lutte des classes dans le spectacle.
Or, depuis quelques temps, renouant avec le sens originaire du mot propaganda â « propaganda fide », propagation de la foi â, le camp des bollorĂ©ens, les bolloroserviles, les laquais et vassaux de BollorĂ© mĂšnent une offensive thĂ©ologico-politique, câest-Ă -dire nationale-catholique, grĂące Ă CNews, Ă travers ce mĂȘme spectacle. Ce camp est en train de thĂ©ologiser et de christianiser la sphĂšre spectaculaire et, face Ă cela, PacĂŽme mĂšne une contre-offensive plutĂŽt maline, trĂšs fine, qui, au lieu de vocifĂ©rer en anticlĂ©rical athĂ©e dâarriĂšre-garde contre les chrĂ©tiens, vient dĂ©licatement diviser la division, confronter le christianisme avec lui-mĂȘme, rĂ©veiller ses courants les plus insurrectionnels, les plus hĂ©rĂ©tiques et les plus anarchistes â les manichĂ©ens, les cathares, les gnostiques, qui sâappelaient entre eux, les Bons Hommes, les Sans Roi â et qui se dressent, dans leurs traditions et leurs pratiques, autant contre lâĂglise catholique que contre lâEmpire romain, autant contre la puissance sacrĂ©e que la puissance profane. Contre lâhypothĂšse catho-capitaliste bollorĂ©enne, contre lâEmpire qui nâa jamais pris fin, PacĂŽme Thiellement propose lâhypothĂšse des Sans Roi.
Câest cette hypothĂšse que nous allons explorer dans ce lundisoir. -
Alors que la vocable de la guerre est dĂ©sormais sur toutes les lĂšvres gouvernementales, que nous sommes submergĂ©s et bouleversĂ©s par ses images provenant dâUkraine ou de Gaza, nous recevons ce lundi Romain HuĂ«t, autour de son dernier livre La guerre en tĂȘte (PUF).
De 2012 Ă 2023, de la Syrie Ă lâUkraine, le chercheur Romain HuĂ«t a menĂ© une enquĂȘte ethnographique au cĆur de ce que lâon appelle communĂ©ment « la guerre ». Sur les front et Ă ses abords, il est allĂ© Ă la rencontre de celles et ceux, hommes et femmes ordinaires, qui du jour au lendemain dĂ©cident de prendre les armes. Pour appuyer un soulĂšvement populaire comme au dĂ©but de la rĂ©volution syrienne, pour se dĂ©fendre de lâanĂ©antissement par le rĂ©gime lĂ encore en Syrie ou pour repousser une invasion comme dans lâest de lâUkraine. En sâattachant Ă la vie quotidienne des combattants et des volontaires, en la racontant depuis le ras du rĂ©el, Romain HuĂ«t nous parle de la guerre depuis cette dimension toujours nĂ©gligĂ©e : le vĂ©cu intime, ses dĂ©terminations, ses tiraillements, ses joies et ses Ă©crasements.
Nous avions interviewĂ© Romain HuĂ«t autour de son premier livre Le Vertige de lâĂ©meute, de la ZAD aux Gilets Jaunes, une enquĂȘte passionnante et participative au coeur des Ă©vĂšnements Ă©meutiers de ces derniĂšres annĂ©es. Cette interview est disponible ici. Nous lâavions aussi invitĂ© Ă lâoccasion dâun lundisoir pour son second livre : De si violentes fatigues, Les devenirs politiques de lâĂ©puisement quotidien une enquĂȘte ethnographique et sociologique au long cours au sein dâune association de prĂ©vention contre le suicide. La vidĂ©o est peut ĂȘtre vue lĂ . -
Faut-il en avoir quelque chose Ă cirer de Sylvain Tesson et du Printemps de la poĂ©sie ? Est-il encore imaginable quâun poĂšme dĂ©clenche une Ă©meute ? Est-ce que lâextrĂȘme-droite peut tout Ă©crabouiller par sa simple mais puissante bĂȘtise ? Faut-il casser les phrases et les mots comme on casse des vitrines ? Si vous aussi vous vous posez ces questions, rendez-vous lundi 26 fĂ©vrier Ă 19h dans lundisoir.
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