Afleveringen
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Christophe Ylla-Somers sâest plongĂ© dans lâhistoire tortueuse de la communautĂ© africaine-amĂ©ricaine de 1619 Ă nos jours. Il constate dans son livre, « Le Son de la RĂ©volte », que le nouveau monde ne fut jamais la terre dâĂ©galitĂ©, de justice et de dĂ©mocratie, prĂŽnĂ©e par les premiers colons europĂ©ens. Les Ătats-Unis se sont construits sur un dĂ©sĂ©quilibre social patent que les arts ont souvent dĂ©noncĂ©. Alors que lâĂ©lection du 5 novembre 2024 attise les tensions outre-Atlantique, nous explorons en musique quatre siĂšcles de rĂ©bellion et de contestation.
DĂšs lâinstauration du commerce triangulaire, la vie des Africains expatriĂ©s contre leur grĂ© vers des territoires inconnus devint un calvaire innommable. Les traditions et coutumes ancestrales rĂ©sistĂšrent cependant Ă lâoppression, aux brimades et humiliations de toutes sortes. Cette empreinte identitaire sâexprima dans des chants de complainte Ă©mouvants dont la teneur de plus en plus protestataire traversa les siĂšcles. Le poĂšte et dramaturge Amiri Baraka rĂ©pĂ©tait sans cesse ce simple constat : « Ă partir du moment oĂč nous avons embarquĂ© sur ces bateaux, nous avons commencĂ© Ă chanter ! Quelle que soit la forme dâexpression, le message a toujours Ă©tĂ© le mĂȘme : « Laissez-moi sortir ! Laissez-moi tranquille ! Cessez de vouloir transformer ma vie ! ». Avant mĂȘme que nous ne soyons en contact avec les AmĂ©ricains, nous chantions dĂ©jĂ le dĂ©sespoir, dans le dialecte local, puis dans un langage afro-amĂ©ricain. Depuis toujours, nous chantons la contestation. Comment voulez-vous que nous ayons des paroles positives ? Quand on vous pourrit la vie depuis des lustres, comment ĂȘtre optimiste et voir les choses du bon cĂŽtĂ© ? On ne sait pas ce quâest le bonheur ! Quand votre existence, câest lâesclavage, vous ne dĂ©cidez pas de protester, vous protestez instinctivement ». (Amiri Baraka au micro de Joe Farmer â RFI - FĂ©vrier 2004)
Dans les spirituals ou dans le blues, dans le rĂ©pertoire sacrĂ© ou dans les mĂ©lodies profanes, le besoin de trouver le rĂ©confort est omniprĂ©sent. Cette aspiration Ă une libertĂ© pleine et entiĂšre se fracasse pourtant souvent sur une rĂ©alitĂ© plus Ăąpre et violente qui conduit irrĂ©mĂ©diablement les victimes dâinjustices Ă se rebeller. Si lâappel Ă une rĂ©sistance passive du pasteur Martin Luther King reste dans les mĂ©moires, ce sont davantage les Ćuvres militantes qui rĂ©sonnent aujourdâhui avec force dans « LâĂ©popĂ©e des Musiques Noires ». Le manifeste du batteur Max Roach, « We Insist ! Freedom Now Suite », est devenu un marqueur de la fronde artistique des jazzmen en 1960. Le pamphlet du bluesman J.B Lenoir, « Alabama Blues », en 1963 est lui aussi redoutablement efficace. Le brĂ»lot de Nina Simone, « Mississippi Goddam », en 1964 sâinscrit Ă©galement dans le tumulte des annĂ©es de lutte. DĂ©cennies aprĂšs dĂ©cennies, lâactivisme musical sâest transformĂ© et les prises de positions tranchĂ©es ont accompagnĂ© les Ă©volutions stylistiques des instrumentistes africains-amĂ©ricains.
« Le Son de la RĂ©volte » constate avec acuitĂ© lâimpossibilitĂ© de faire valoir son statut de citoyen amĂ©ricain quand la couleur de peau interdit lâĂ©galitĂ© des chances. Il subsiste alors la revendication permanente que les arts peuvent porter. Les prĂȘches harmonieux des cantiques religieux, comme la poĂ©sie cadencĂ©e de rappeurs dĂ©terminĂ©s, traduisent la mĂȘme frustration et le mĂȘme dĂ©sir dâĂȘtre respectĂ©. Lorsque Sam Cooke chantait « A change is gonna come », quel avenir envisageait-il ? Les tourments de son Ă©poque ont-ils changĂ© la donne ? La politique amĂ©ricaine a-t-elle tirĂ© les leçons du mouvement des droits civiques, de la poussĂ©e de fiĂšvre « Black Lives Matter » ? Lâexamen de conscience est-il possible outre-Atlantique ? Les musiciens ont-ils la clĂ© de cette Ă©nigme ? Ces interrogations lĂ©gitimes rythment notre lecture avide de cet ouvrage riche et fort documentĂ© paru aux Ă©ditions « Le Mot et Le Reste ».
âș «Le Son de la RĂ©volte», Ă©ditions Le Mot et le Reste.
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De longue date, les Ă©changes transatlantiques entre musiciens africains et amĂ©ricains ont nourri lâhistoire du blues. Dans le passĂ©, Ry Cooder et Ali Farka TourĂ©, Eric Bibb et Habib KoitĂ©, Taj Mahal et Bassekou KouyatĂ©, Mighty Mo Rodgers et Baba Sissoko, ont appris Ă dialoguer et ont suscitĂ© un esprit de partage et de tolĂ©rance. Le Trio Soba Ă©pouse, Ă son tour, cet Ă©lan de gĂ©nĂ©rositĂ© collĂ©giale Ă travers un album vibrant intitulĂ© Fiman.
Moussa Koita (guitare), Vincent Bucher (harmonica) et Ămile Biayenda (percussions) ont, tous trois, une identitĂ© culturelle spĂ©cifique mais ils partagent une vision commune du blues. Ils savent que cette forme dâexpression nĂ©e aux Ătats-Unis prend sa source sur le continent africain. La traite nĂ©griĂšre a projetĂ©, au fil des siĂšcles, des coutumes, des rythmes, des traditions, des danses jusquâaux AmĂ©riques. Ce pont transatlantique invisible a permis, souvent dans la douleur, de maintenir un lien intercontinental que le blues prĂ©serve et perpĂ©tue. Lâhistoire de Soba sâinscrit dans cette longue Ă©volution stylistique mais se distingue par ses protagonistes. Si ces trois brillants instrumentistes jouent le blues avec ferveur, ce nâest pas seulement la lĂ©gende amĂ©ricaine qui les anime mais leurs Ă©changes complices sur scĂšne et hors de scĂšne.
Que lâon soit BurkinabĂš, Français ou Congolais, le partage et lâenthousiasme permettent toutes les audaces. Câest ce quâont rapidement compris nos trois virtuoses qui ne relisent pas lâĂ©popĂ©e amĂ©ricaine du blues mais inventent un autre rĂ©cit proche de leur quotidien, de leur rĂ©alitĂ©, de leur prĂ©sent. Chaque titre de lâalbum Fiman Ă©voque les enjeux de notre XXIĂš siĂšcle. Il peut arriver que certains sujets Ă©voquĂ©s rejoignent les prĂ©occupations des anciens bluesmen africains-amĂ©ricains mais, au-delĂ de lâhumeur musicale, lâintention narrative est tout autre. Le trio Soba parle des dĂ©fis dâaujourdâhui : la solidaritĂ©, la voix du peuple, les inĂ©galitĂ©s sociales, lâexil, lâespoir dâune maison commune.
Le parcours artistique et trĂšs Ă©clectique de ces trois compagnons de route nâinterdit pas une Ă©coute sincĂšre et un respect mutuel. Leurs chemins ont fini par se croiser et leur entente cordiale a suscitĂ© un projet lumineux nourri par une camaraderie indiscutable. La tradition orale des griots africains rĂ©siste ainsi Ă lâĂ©rosion du temps. Quâils se racontent Ă Paris, Memphis, Ouagadougou ou Brazzaville, nos trois compĂšres portent une parole utile en ces temps de confrontation stĂ©rile, de dĂ©fiance systĂ©mique et dâinvectives absurdes. Ne soyons pas sourds Ă ce message unitaire si mĂ©lodieusement servi par les mots et les notes du blues africain ancestral.
Rendez-vous le 13 novembre au Studio de lâErmitage Ă Paris et le 17 novembre 2024 au festival « Blues Maron » sur lâĂźle de La RĂ©union pour acclamer le pertinent rĂ©pertoire du trio Soba.
âș SOBA - Tounga (official video).
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Zijn er afleveringen die ontbreken?
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La chanteuse amĂ©ricaine Lizz Wright a un talent unique⊠Elle sait jouer avec les diffĂ©rentes consonances des musiques afro-planĂ©taires. Sa tonalitĂ© vocale sâadapte Ă de nombreux univers sonores. La Soul-Music, le Gospel, la Folk-Music, le Jazz, le Blues, nourrissent son expressivitĂ© depuis son tout premier album paru en 2003. 20 ans plus tard, cette voix pĂ©nĂ©trante continue dâensorceler. Lizz Wright prĂ©sente aujourdâhui Shadow, sa derniĂšre lumineuse production inspirĂ©e par les enseignements de ses aĂźnĂ©s.
Femme de convictions, Lizz Wright nâest cependant pas une activiste forcenĂ©e. Elle se voit dâabord comme une Ăąme sensible qui a appris Ă choyer les vraies valeurs humaines et les dĂ©fend autant quâelle le peut. Son statut dâartiste lui permet de transmettre des Ă©motions positives Ă tous ceux qui lâĂ©coutent et dâapaiser aussi ses propres tourments. Toujours en quĂȘte de sĂ©rĂ©nitĂ©, elle partage avec certaines de ses consĆurs cette aspiration Ă une citoyennetĂ© Ă©quilibrĂ©e. Originaire de GĂ©orgie, elle a connu lâĂąpretĂ© du sud des Ătats-Unis, mais elle prĂ©fĂšre en donner une vision romantique que ses yeux dâenfant avaient magnifiĂ©.
« Ma grand-mĂšre, Martha, avait l'habitude dâaller prier au pied dâun arbre prĂšs de sa maison. Câest une image dont je me souviendrai longtemps. Mon pĂšre me racontait beaucoup dâhistoires Ă ce sujet. Il y a dans le sud des Ătats-Unis des contes et lĂ©gendes qui entretiennent le mythe des ancĂȘtres, qui dĂ©crivent le vent qui souffle, la pluie qui tombe, la nature qui sâĂ©panouit. VoilĂ ce que j'ai essayĂ© de restituer. Je veux tirer les leçons de ce que mâa enseignĂ© ma grand-mĂšre. Je me souviens de ses dĂ©clarations et de cette phrase quâelle rĂ©pĂ©tait souvent : "Jâaime tout le monde ! Je ne fais pas de diffĂ©rences !". Et, chaque fois, elle versait une larme en prononçant cette phrase. Quand jâĂ©tais gamine, je trouvais cela normal quâune femme pieuse comme elle prononce de tels mots. Aujourdâhui, Ă 44 ans, je rĂ©alise que plus personne ne dit de telles choses, mĂȘme mes parents ! Je comprends aujourdâhui que ma grand-mĂšre me montrait la voie Ă suivre et me faisait prendre conscience de la duretĂ© de ce monde troublĂ©. Elle mâa donnĂ© le courage de revendiquer ma place sur cette planĂšte sans attendre que quelquâun ne me lâoctroie. Je veux ĂȘtre responsable de lâamour que je donne et ne pas ĂȘtre un Ă©tranger pour autrui. VoilĂ les belles valeurs que ma grand-mĂšre mâa transmises. » (Lizz Wright au micro de Joe Farmer)
RĂ©vĂ©lĂ©e grĂące Ă lâalbum Salt, Lizz Wright a gagnĂ© en confiance en participant en 2009 Ă la tournĂ©e Sing the truth en hommage Ă la regrettĂ©e Nina Simone. Câest Ă ce moment prĂ©cis, aux cĂŽtĂ©s de Dianne Reeves, AngĂ©lique Kidjo et Lisa Simone, quâelle a pris conscience que son avenir se jouerait sur scĂšne. « Nous voulions honorer la mĂ©moire de Nina Simone en mettant nos voix au service de son rĂ©pertoire. Nous voulions dĂ©montrer combien son patrimoine musical Ă©tait riche et imposant. Nous voulions Ă©galement mettre en relief les diffĂ©rents thĂšmes quâelle Ă©voquait dans ses chansons. Et surtout, nous voulions revitaliser lâĂ©motion de sa voix. Je serai toujours reconnaissante Ă Danny Kapilian, le producteur de ce spectacle, de mâavoir conviĂ©e Ă participer Ă ce projet. Cette sollicitation tombait Ă pic, car jâhĂ©sitais vraiment entre deux carriĂšres, la musique ou la cuisine. Il se trouve que mes colistiĂšres sur scĂšne Ă©taient aussi des cordons bleus. Finalement, je faisais une pierre deux coups. Je nâavais plus de choix Ă faire ! » (Lizz Wright sur RFI)
Sur son dernier album, Shadow, Lizz Wright sâest entourĂ©e de partenaires de choix dont la bassiste Meshell Ndegeocello. Leur complicitĂ© artistique rayonne sur le titre Your Love scellant une camaraderie sincĂšre qui dĂ©passe la collaboration artistique. Lizz Wright ne se prive dâailleurs pas de faire la promotion de sa nouvelle partenaire dont elle ne tarit pas dâĂ©loges. « Meshell est certainement lâune des plus grandes artistes de notre temps qui conjugue plusieurs disciplines. Elle est une bassiste super funky ! Elle est une fabuleuse compositrice, elle a beaucoup de sensibilitĂ©, elle transmet beaucoup dâĂ©motions, et je suis trĂšs heureuse dâĂȘtre son amie. Je vous recommande dâailleurs dâĂ©couter son dernier projet consacrĂ© Ă James Baldwin. Si vous avez lâopportunitĂ© de voir ce spectacle sur scĂšne, ne vous en privez pas. J'ai eu la chance d'assister Ă une reprĂ©sentation Ă Chicago et jâen suis ressortie tout Ă©mue. Il se trouve, de surcroĂźt, que je suis une fan de James Baldwin. Je partage les valeurs humaines de Meshell. Je les exprime peut-ĂȘtre diffĂ©remment, mais nous considĂ©rons toutes les deux que lâamour et lâhonnĂȘtetĂ© sont les piliers de la paix universelle quand tant de souffrances troublent ce monde. Parfois, il est bon de se regarder dans le miroir et de se demander oĂč lâon va et qui lâon est. Nina Simone a dit un jour : "Le devoir de lâartiste est de montrer la voie et de reflĂ©ter le temps prĂ©sent." Nous devons unir toutes nos voix pour atteindre ce but. » (Lizz Wright â Octobre 2024)
Lizz Wright est une femme fort respectable dont les mots choisis appellent Ă notre examen de conscience. Ăcoutons-la se raconter et prenons exemple. Sa poĂ©sie musicale prend sa source dans une Ă©popĂ©e lointaine façonnĂ©e par ses ancĂȘtres.
âșSite internet de Lizz Wright.
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Au tournant des annĂ©es 70, le jazz afro-amĂ©ricain Ă©pouse les rythmes scintillants du funk, lâĂ©nergie du rock et la richesse des cultures mondiales. Cette fusion des styles et des sources sonores inspire alors le pianiste Herbie Hancock en quĂȘte perpĂ©tuelle de nouvelles expĂ©riences. Il crĂ©e en 1973 les Headhunters, formation Ă gĂ©omĂ©trie variable qui Ă©pousera lâesprit dâouverture de cette Ă©poque psychĂ©dĂ©lique Ă©chevelĂ©e. Un demi-siĂšcle plus tard, deux membres historiques de ce groupe lĂ©gendaire, Bill Summers et Mike Clark, se souviennent de cette aventure Ă©pique.
« Je fais partie de ce groupe depuis 1974. Jâaime ĂȘtre en compagnie de mes amis musiciens car câest toujours un dĂ©fi de crĂ©er de la musique avec eux. Nous prenons beaucoup de plaisir Ă ĂȘtre ensemble, nous rigolons bien. Nous avons voyagĂ© Ă travers la planĂšte avec Bill et nous avons rencontrĂ© des milliers de personnes. Nous avons vĂ©cu des moments absolument incroyables. Certains membres du groupe nous ont quittĂ©s, dâautres sont arrivĂ©s, ce fut une expĂ©rience humaine trĂšs enrichissante tant au niveau spirituel que musical ». (Mike Clark, batteur des Headhunters).
Bill Summers et Mike Clark sont deux musiciens issus de cultures diffĂ©rentes. Ils ont appris Ă se connaĂźtre, Ă sâapprivoiser et Ă se respecter Ă travers ce compagnonnage musical sincĂšre. Sâil y a une constante dans lâintention artistique des Headhunters, câest la dĂ©fense des patrimoines ancestraux et lâouverture dâesprit. Les deux piliers du groupe ont fini par harmoniser leur propos alors que tout pouvait les opposer. Chacun a fait un pas vers lâautre et il est plaisant de les entendre narrer lâĂ©volution progressive de leur prise de conscience jusquâĂ la source africaine de lâexpression artistique.
« Notre contribution individuelle reprĂ©sente les piĂšces dâun puzzle planĂ©taire. Nous avons tous un rĂŽle Ă jouer mais le jazz ne repose pas uniquement sur l'apport africain. Si l'on prend le corps humain comme symbole, le cĆur est africain mais les bras, les jambes, les mains, les doigts, les orteils proviennent de diffĂ©rentes rĂ©gions du monde. Ensemble, tous ces Ă©lĂ©ments composent un organisme vivant et multiculturel. Qu'importe de savoir si la tĂȘte est celle d'un Noir ou d'un Blanc. Du moment que le cerveau fonctionne, nous savons qu'il apportera la touche finale Ă ce puzzle. Ăvidemment d'apparence, nous sommes diffĂ©rents. Un EuropĂ©en ne ressemble pas Ă un Africain ni Ă un Asiatique mais nous venons tous de la mĂȘme source. Nous avons juste fait Ă©voluer notre maniĂšre de rĂ©flĂ©chir et d'apprĂ©hender le monde. Mike et moi sommes deux ĂȘtres humains semblables mais nous reprĂ©sentons diffĂ©rentes branches de cet arbre dont le tronc est africain. Le sang qui coule dans nos veines est de la mĂȘme couleur mais nous ne percevons pas les choses forcĂ©ment de la mĂȘme maniĂšre. Il faut juste apprendre Ă s'Ă©couter, Ă recevoir des leçons et Ă s'enthousiasmer... ». (Bill Summers, percussionniste des Headhunters).
LâĂ©lan multiculturel des Headhunters est indĂ©niable. Les idĂ©es fusent continuellement dans ce groupe de virtuoses complices mais, derriĂšre cette propension Ă marier les styles, il y a beaucoup de travail et une expĂ©rience Ă©prouvĂ©e. Depuis 50 ans, mĂȘme sâil y eut des absences prolongĂ©es, les Headhunters distillent un esprit de concorde entre les peuples Ă travers une musique que tout le monde peut apprĂ©cier. Dâabord Ă©tiquetĂ©s « jazz-rock » ou « jazz-funk », ils ont progressivement ouvert leur identitĂ© sonore Ă dâautres tonalitĂ©s et peuvent ĂȘtre perçus comme de fervents partisans de la « sono mondiale ». Ils veulent juste conserver la libertĂ© que leur confĂšre leur statut de jazzmen.
Le nouvel album des Headhunters, The Stunt Man, propulse encore plus loin ces incroyables instrumentistes au cĆur du XXIĂš siĂšcle. Leur musique, nĂ©e dans les annĂ©es 70, nâest pas si datĂ©e quâon a pu le dire. Elle sâest adaptĂ©e aux Ă©poques, aux courants, aux modes, aux Ă©volutions sociales, aux goĂ»ts du public. Les Headhunters se produiront le 18 octobre 2024 au New Morning Ă Paris, mais aussi Ă Stockholm, Berlin, Milan, Varsovie, Ă lâoccasion du 50Ăš anniversaire du groupe.
âș Site du groupe des Headhunters.
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Les Parisiens qui ont assistĂ© aux grandes cĂ©lĂ©brations ĆcumĂ©niques de la chorale « Gospel pour 100 voix » connaissent indirectement la chanteuse amĂ©ricaine Linda Lee Hopkins. NĂ©e en Caroline du Nord aux Ătats-Unis, elle sâest finalement installĂ©e en France au dĂ©but des annĂ©es 90 mais nâa jamais oubliĂ© la source de son inspiration. Elle nous prĂ©sente aujourdâhui Spirit & Soul, un album qui la rĂ©vĂšle enfin aprĂšs des dĂ©cennies aux cĂŽtĂ©s des grandes figures de « LâĂ©popĂ©e des Musiques Noires ».
Al Jarreau, Percy Sledge, Ray Charles, entre autres, ont Ă©tĂ© sĂ©duits par la mĂ©lodieuse tessiture de Linda Lee Hopkins mais le prestige de ces collaborations artistiques dâantan ne doit pas Ă©luder lâintention premiĂšre de porter une parole positive. Cette brillante artiste a aujourdâhui le dĂ©sir ardent de susciter un Ă©lan de bontĂ© et de gĂ©nĂ©rositĂ© Ă travers ses scintillantes interprĂ©tations. Il fait dire que Linda Lee Hopkins sait, plus que quiconque, ce que le soutien moral signifie. EmbourbĂ©e autrefois dans un dĂ©dale de difficultĂ©s existentielles, elle a su remonter la pente et croire en son avenir.
Sa foi lâa sauvĂ©e du prĂ©cipice et lâencourage chaque jour Ă aller de lâavant. Son large sourire, son Ă©nergie et sa joie de vivre, dĂ©fient sans cesse ses anciens dĂ©mons. La chanson « Old Trouble », qui conclut son premier album sous son nom, est trĂšs explicite. Il faut trouver la force de rĂ©sister aux aspects les plus nĂ©gatifs dâune vie. Les souvenirs sont lĂ mais ils ne doivent pas entamer lâenthousiasme du prĂ©sent. Croire en une bonne Ă©toile nâest pas un vain mot pour Linda Lee Hopkins. Sa spiritualitĂ© la protĂšge. Pour autant, le prosĂ©lytisme ne guide pas son discours. RĂ©sidente française depuis plus de 30 ans, lâesprit laĂŻque de sa terre dâadoption lui sied parfaitement. Câest au hasard de reprĂ©sentations en public quâelle a pu noter les diffĂ©rences culturelles transatlantiques. Lâattitude rĂ©tive des spectateurs français Ă danser, chanter et battre la mesure, lors de messes gospel exaltantes, lâa dâabord surprise. Elle a alors redoublĂ© dâefforts pour que les codes sociaux sâeffacent au profit dâune jubilation collĂ©giale.
Comme elle aime Ă le rappeler, vibrer sur un rĂ©pertoire sacrĂ© nâest pas dictĂ© par une croyance mais par un sentiment naturel dâabandon Ă lâinstant prĂ©sent. Profiter du moment sans sâinquiĂ©ter du regard des autres est le prĂ©alable au plaisir. Linda Lee Hopkins en est convaincue et le prouve chaque soir sur scĂšne. Aux cĂŽtĂ©s du guitariste Chris Lardeau, compositeur des principaux titres de son album, elle dĂ©fend avec beaucoup de persuasion cette vision bienveillante qui la hisse au rang des femmes de cĆur.
âș Site officiel de Linda Lee Hopkins.
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Bud Powell fut un pianiste prodigieux dont le talent subjugua ses contemporains, dont lâillustre Thelonious Monk. Affaibli physiquement et psychologiquement par les revers dâune destinĂ©e chaotique, il passera beaucoup de temps dans les hĂŽpitaux et maisons de repos, notamment en France, oĂč il rĂ©sidera Ă la fin de sa vie. Le cinĂ©aste français Bertrand Tavernier sâinspira dâailleurs indirectement de ce personnage insaisissable pour son film « Autour de minuit ». Bud Powell aurait eu 100 ans, le 27 septembre 2024.
Earl Rudolph Powell naĂźt Ă New York dans une famille de musiciens. Naturellement, son goĂ»t pour le jazz et la musique classique se dĂ©veloppe rapidement. Il Ă©volue trĂšs jeune dans de grandes formatons dont celle du trompettiste Cootie Williams. Ă cette Ă©poque, deux formes dâexpression se cĂŽtoient aux Ătats-Unis, le swing des Big Bands et le Be Bop de la gĂ©nĂ©ration montante. Bud Powell nâest alors quâun observateur de cette confrontation stylistique qui oppose deux approches dâune mĂȘme culture jazz. De jeunes frondeurs, Miles Davis, Dizzy Gillespie, Charlie Parker ou Thelonious Monk, entre autres, sâautorisent une nouvelle lecture musicale qui bouscule le rĂ©pertoire de leurs aĂźnĂ©s, Duke Ellington, Cab Calloway ou Jimmie Lunceford. Bud Powell finira par Ă©pouser lâirrĂ©vĂ©rence de ses contemporains en devenant lui-mĂȘme un acteur de cette rĂ©volution artistique notable dans les annĂ©es 1940.
Son langage sonore sâaffine et sâaffirme au fil du temps. Son jeu dĂ©licieusement fougueux attire lâattention de ses homologues. La virtuositĂ© de Charlie Parker au saxophone le fascine. Il parvient progressivement Ă transposer cette vivacitĂ© mĂ©lodique au piano. Bud Powell devient un instrumentiste de talent que lâon remarque et que lâon acclame. La sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine reste cependant trĂšs inĂ©galitaire et lâaura dâun artiste noir ne le prĂ©serve pas des rĂ©flexes racistes et des exactions policiĂšres. Tandis que le public salue les prouesses du nouveau prodige sur scĂšne, sa vie bascule aprĂšs avoir Ă©tĂ© violemment frappĂ© Ă la tĂȘte par un reprĂ©sentant zĂ©lĂ© de la force publique. Lentement, son esprit va se perdre dans un dĂ©dale de troubles mentaux qui le conduiront trop souvent dans des Ă©tablissements spĂ©cialisĂ©s.
Bien que les annĂ©es 1950 soient une pĂ©riode discographique faste pour Bud Powell, ses ennuis de santĂ© perturbent son quotidien. La sĂ©grĂ©gation raciale ne contribue pas non plus Ă son bien-ĂȘtre et sa vigueur dĂ©cline. Câest Ă Paris que lâespoir renaĂźt. Francis Paudras, jeune publicitaire français et pianiste Ă ses heures perdues, Ă©coute depuis des lustres les disques de Bud Powell. Lorsquâil croise la route de son hĂ©ros, lâadmiration se transforme en une complicitĂ© mutuelle. Prenant conscience des dĂ©boires de son camarade amĂ©ricain, Francis Paudras lâhĂ©bergera chez lui pendant de longs mois. La confiance reviendra, lâenvie de jouer ressuscitera. Bud Powell retrouvera une forme de sĂ©rĂ©nitĂ© artistique et un fragile Ă©quilibre psychique. Il dĂ©cidera alors de retourner vivre Ă New York en 1965. Il dĂ©cĂ©dera un an plus tard, le 31 juillet 1966 Ă 41 ans.
Francis Paudras lui consacrera un ouvrage intitulé « La danse des infidÚles » paru en 1986.
âș Le site web consacrĂ© Ă Bud Powell
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En juin 2010, le virtuose de la kora, Toumani DiabatĂ©, Ă©voquait sur nos ondes ses collaborations avec le maĂźtre de Niafunke, le regrettĂ© Ali Farka TourĂ©. Ă lâĂ©poque, lâalbum Ali & Toumani venait de paraĂźtre et immortalisait la derniĂšre rencontre discographique de deux icĂŽnes de « LâĂ©popĂ©e des Musiques Noires ». Toumani DiabatĂ© nous a quittĂ©s le 19 juillet 2024 Ă 58 ans. RĂ©Ă©coutons-le se raconter avec sensibilitĂ© et modestie.
TrĂšs jeune, Toumani DiabatĂ© avait Ă©pousĂ© les dĂ©licates sonoritĂ©s de la kora, instrument intimement liĂ© aux cultures ouest-africaines. Comme ses aĂźnĂ©s, il fut un conteur dont la mission Ă©tait de transmettre un savoir lĂ©guĂ© par lâoralitĂ© ancestrale des griots mandingues. La musique Ă©tait, pour lui, un langage universel qui lui permettait de porter une parole de paix et de tolĂ©rance. Cette forme dâexpression spĂ©cifique accompagnait son discours dâhomme sage. Toumani DiabatĂ© a, tout au long de sa vie, multipliĂ© les rencontres comme pour inciter ses contemporains Ă partager leurs connaissances pour le bien commun.
On le vit aux cĂŽtĂ©s du bluesman Taj Mahal. On le vit en compagnie du tromboniste de jazz Roswell Rudd. On le vit Ă©changer avec le banjoĂŻste BĂ©la Fleck. On le vit se mesurer au London Symphony Orchestra. On le vit rĂ©pondre aux sollicitations de la chanteuse islandaise Björk. On le vit sâamuser avec les rythmes latins du groupe Afrocubism. On le vit converser sur disque avec son fils Sidiki. Toumani DiabatĂ© dessinait un univers multicolore sans frontiĂšres. Son ouverture dâesprit lui a ouvert les portes de la renommĂ©e mĂȘme si les lauriers ne lâimpressionnaient guĂšre. Il prĂ©fĂ©rait se livrer sur scĂšne ou en studio et susciter lâĂ©coute. Il y parvint sans effort.
Lorsquâil nous rendait visite Ă RFI, sa voix sereine et posĂ©e narrait toujours avec grĂące les histoires du quotidien. Lâalbum Ali & Toumani, commercialisĂ© aprĂšs la disparition du grand Ali Farka TourĂ©, devint lâĂ©cho dâune camaraderie sincĂšre dont Toumani DiabatĂ© se plaisait Ă rĂ©vĂ©ler les secrets Ă notre micro. Entendre aujourdâhui les mots respectueux de Toumani pour Ali est, certes, Ă©mouvant mais, au-delĂ de notre frisson, ce document radiophonique fait entrer dans notre mĂ©moire collective ces deux gardiens de la tradition.
âș Toumani DiabatĂ© sur le site de World Circuit.
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Il y a 40 ans, le guitariste, chanteur, chef dâorchestre et producteur amĂ©ricain, Prince Rogers Nelson, faisait paraĂźtre lâalbum qui allait le hisser au firmament de la gloire internationale. Purple Rain deviendra, en effet, le marqueur temporel dâune Ă©popĂ©e vertigineuse que le journaliste Ersin Leibowitch narre avec allant dans son dernier ouvrage Prince Xperience â Dans la tĂȘte du gĂ©nie (Hors Collection Editions).
Si le succĂšs de Prince Ă cette pĂ©riode charniĂšre de son existence ne souffre aucune contestation, lâenvers du dĂ©cor est plus sombre. Câest en substance ce que tente de rĂ©vĂ©ler Ersin Leibowitch dans cet ouvrage vif qui sâintĂ©resse aux circonvolutions artistiques et psychologiques dâun vĂ©ritable gĂ©nie dont les obsessions, les frasques, les tourments, lâinsatisfaction permanente, la boulimie crĂ©ative et lâarrogante incomprĂ©hension, le mĂšneront trop loin. Difficile de cerner un personnage aussi complexe et imprĂ©visible. Câest lâexercice auquel se livre lâauteur de ce rĂ©cit palpitant.
Quelle lecture doit-on avoir de son dĂ©sir perpĂ©tuel dâindĂ©pendance face aux inĂ©vitables injonctions du marchĂ© discographique ? Avait-il raison de dĂ©fier les lois du marketing ? SâĂ©garait-il en voulant conserver le contrĂŽle absolu de ses productions ? A-t-il finalement prĂ©cipitĂ© son inĂ©luctable isolement ? Le secret savamment entretenu de ses travaux lui a-t-il portĂ© prĂ©judice ou magnifiĂ© son image ? Prince Ă©tait un homme pĂ©tri de contradictions. En quĂȘte perpĂ©tuelle de nouveautĂ©s, il lui arrivait de faire volte-face, quitte Ă dĂ©boussoler ses rares interlocuteurs, comptant sur la fidĂ©litĂ© rĂ©elle de ses aficionados.
La frĂ©nĂ©sie de son quotidien lui a peut-ĂȘtre brĂ»lĂ© les ailes, mais comment ne pas saluer la qualitĂ© de ses rĂ©alisations et de ses prestations. Ses concerts, quâils fussent intimistes ou grandiloquents, ne suscitaient quâadmiration et acclamations. Ses apparitions surprises sur des scĂšnes nocturnes ont fait sa lĂ©gende. Le New Morning Ă Paris eut le privilĂšge de lâaccueillir trois fois lors de ces fameux marathons funk insensĂ©s. Prince Ă©tait un indiscutable maestro dont lâindicible talent fascinait. Le choc de sa disparition, le 21 avril 2016 Ă 57 ans, fut dâautant plus sĂ©vĂšre. Et pourtant, comme le raconte Ersin Leibowitch, les diffĂ©rentes piĂšces du macabre puzzle scellaient cette fin tragique aux barbituriques.
Son lĂšgue patrimonial est gigantesque car, comme le regrettĂ© guitariste Frank Zappa, Prince conservait lâintĂ©gralitĂ© de tout ce quâil enregistrait. Ses archives ne manqueront pas de surgir au fil des annĂ©es et nourriront lâappĂ©tit glouton de lâindustrie du disque pour le plus grand bonheur des fans Ă©plorĂ©s.
Site internet de Prince.
à écouter aussi Un tube, une histoire: «Purple Rain» de Prince
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Le 25 septembre 1974, la ville de Kinshasa au ZaĂŻre sâapprĂȘte Ă accueillir un combat de boxe historique. La rencontre devait opposer Mohamed Ali et George Foreman. Victime dâune blessure Ă lâarcade sourciliĂšre, Foreman renonce temporairement Ă affronter son meilleur adversaire. Si la confrontation sportive est dĂ©calĂ©e dâun mois, le festival de musique est, lui, maintenu aux dates initiales. James Brown, Miriam Makeba, Tabu Ley Rochereau, B.B. King, entre autres, seront de la fĂȘte et raviront les spectateurs congolais. CâĂ©tait il y a 50 ans !
Lâintention de rapprocher les diasporas africaines transatlantiques est manifeste et Don King, promoteur amĂ©ricain de ce rendez-vous unitaire, y voit lâoccasion de cĂ©lĂ©brer le peuple noir sous le haut patronage de lâomnipotent prĂ©sident Mobutu. Si lâenjeu politique de cet Ă©vĂ©nement nâĂ©chappa pas aux plus fins observateurs, lâĂ©lan universel rĂ©sista Ă lâĂ©rosion du temps. Durant trois jours, des artistes unis par leurs origines ancestrales africaines cĂ©lĂ©breront leur force expressive commune. Ă cette Ă©poque, la fronde des mouvements de contestation contre la sĂ©grĂ©gation aux Ătats-Unis peine Ă Ă©branler les certitudes dâun pouvoir blanc toujours trĂšs rĂ©pressif. Les grands orateurs ont Ă©tĂ© rĂ©duits au silence. John Fitzgerald Kennedy, Malcolm X, Martin Luther King, Bobby Kennedy ne sont plus et les seuls porte-paroles, dĂ©clarĂ©s ou non, de la lutte antiraciste sont les artistes et les sportifs dont lâaura populaire provoque un sursaut citoyen.
Mohamed Ali est alors une icĂŽne dont les discours sont Ă©coutĂ©s et dont les mots marquent les esprits : « Je pensais que le Congo Ă©tait une immense jungle avec des animaux sauvages prĂȘts Ă nous attaquer parce que c'est l'image qu'en donnent les Ătats-Unis. Les amĂ©ricains ont peur de venir ici. Et finalement, j'ai dĂ©couvert un peuple amical, un pays structurĂ© avec des aĂ©roports, des hĂŽtels, de jolies maisons, des boĂźtes de nuits, c'est trĂšs accueillant. Pour vous dire la vĂ©ritĂ©, je pense que la jungle se trouve Ă New York. Vous avez des flics partout, armĂ©s jusqu'aux dents, on entend parler de meurtres tous les jours, de trafics de drogues, de viols de jeunes femmes, de vols Ă la tire... Encore rĂ©cemment un type a fait irruption dans une banque et a tuĂ© 12 personnes, des accidents de train ont eu lieu, voilĂ ce qu'est l'AmĂ©rique aujourd'hui ! Ici, c'est si calme, les sauvages sont aux Ătats-Unis. J'ai beaucoup voyagĂ© et je peux tĂ©moigner de la diffĂ©rence entre plusieurs pays. J'arrive de Paris, et croyez-le ou non, ce sont des noirs qui pilotaient l'avion... Impensable aux Ătats-Unis ! ». (Extrait du documentaire When We Were Kings rĂ©alisĂ© par LĂ©on Gast)
Mohamed Ali nâest pas le seul Ă revendiquer ses liens avec le continent africain. Le Roi du Blues, prĂ©sent Ă Kinshasa en ce mois de septembre 1974, paraĂźt lui aussi atterrĂ© par lâimage dĂ©sastreuse que la grande AmĂ©rique renvoie de lâhomme noir Ă travers la planĂšte et sâindigne des mĂ©faits de lâesclavage sur ses contemporains : « Je nous vois comme de pauvres noirs qu'on aurait abandonnĂ©s dans le dĂ©sert. On nous a sĂ©parĂ©s de notre culture ancestrale et larguĂ©s au milieu de nulle part. Nous savons que nous avons une terre quelque part sur cette planĂšte qui nous appartient. Nous ressentons les liens qui nous unissent Ă cette terre, mais nous ne savons pas oĂč elle se trouve. Elle est en nous, mais nous devons trouver ceux qui pensent et vivent comme nous. Et aujourd'hui, nous sommes ici au ZaĂŻre, nous sommes trĂšs bien accueillis, et mĂȘme si nous ne comprenons pas la langue de ce pays, nous savons que des racines culturelles nous rapprochent au-delĂ du temps qui passe, au-delĂ des drames et des morts... » (Extrait du documentaire When We Were Kings rĂ©alisĂ© par LĂ©on Gast)
Cette rĂ©union ĆcumĂ©nique de talents afro-confraternels ne rĂšglera Ă©videmment pas le problĂšme des discriminations. Les exactions se poursuivront et les injustices subsisteront mais, durant quelques heures, une volontĂ© sincĂšre de faire entendre la voix de la raison et dâafficher la puissance sociale dâune communautĂ© africaine soudĂ©e redonnera espoir aux combattants de la libertĂ©. Un demi-siĂšcle plus tard, ce vĆu nâest peut-ĂȘtre pas exaucĂ©, mais il inspire toujours les Ăąmes sensibles et les hommes et femmes de bonne volontĂ©.
Le Festival Jazz de Kinshasa accompagne dâailleurs cette annĂ©e cette profession de foi en choisissant de hisser le flambeau : « Jazz for Peace ».
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Parler de « la musique africaine » est un non-sens tant ce continent recĂšle de rythmes, mĂ©lodies, traditions et langages divers. Est-il pertinent de rĂ©unir sous une seule banniĂšre des formes dâexpression aussi diffĂ©rentes que le Makossa, lâAfrobeat, le Kwaito ou le Maloya ? Le dĂ©nominateur commun Ă tous ces vocabulaires sonores ne peut ĂȘtre que la dimension internationale de leur histoire. Que lâon perçoive ou non cette Ă©vidence, les musiques populaires actuelles ont toutes un enracinement africain. Pour autant, les fondre dans une appellation gĂ©nĂ©rique serait fort rĂ©ducteur car chacune dâelles identifie un peuple, rĂ©vĂšle une culture, dĂ©termine sa place dans LâĂ©popĂ©e des musiques noires.
Tutu Puoane, Ablaye Cissoko ou Mokhtar Samba ont-ils des points communs ? Outre leurs origines africaines, ils ont tous une histoire propre qui les distingue les uns des autres. La chanteuse Tutu Puoane est une artiste sud-africaine qui dĂ©fend ses racines avec vigueur en mettant en musique les mots de sa consĆur poĂ©tesse Lebogang Mashile. Cette implication sincĂšre revĂȘt certainement un caractĂšre revendicateur mĂȘme si la principale intĂ©ressĂ©e prĂ©fĂšre parler de cĂ©lĂ©bration romantique de sa culture ancestrale. Tutu Puoane ne se considĂšre pas militante. Elle se plaĂźt seulement Ă exprimer ses Ă©tats dâĂąme qui, parfois, rejoignent les prĂ©occupations de ses contemporains. Sa participation au collectif « Black Lives â From Generation to Generation » en est une belle illustration. Lâintention est louable puisquâelle encourage la tolĂ©rance et lâunitĂ© des peuples du monde entier, sans discrimination, sans prĂ©jugĂ©s, sans idĂ©es prĂ©conçues.
Ablaye Cissoko fait Ă©galement partie de ces esprits sages qui insufflent la concorde au-delĂ des frontiĂšres gĂ©ographiques de son SĂ©nĂ©gal natal. Virtuose de la kora, il promeut le partage et lâĂ©coute en multipliant les projets multicolores. Avec son ami Simon Goubert, brillant batteur français, il a imaginĂ© il y a 15 ans un orchestre dont les effluves musicaux transcendent les nationalitĂ©s. « African Jazz Roots » fit paraĂźtre un premier album en 2012 et veille depuis Ă entretenir la flamme du consensus rythmique et mĂ©lodique. Une fois de plus, le continent africain, pĂ©tri de nombreuses sources sonores, nourrit lâuniversalisme de la musique.
Le batteur Mokhtar Samba ne peut que souscrire Ă cette dĂ©finition incontestable. Ce maestro de la cadence africaine assumĂ©e est le fruit de plusieurs cultures. Ses racines marocaines et sĂ©nĂ©galaises ont favorisĂ© son ouverture dâesprit et accĂ©lĂ©rĂ© sa comprĂ©hension de la « clave », ce rythme afro-planĂ©taire que des milliers de musiciens ont dĂ» apprĂ©hender pour dĂ©velopper leur personnalitĂ© artistique. Certains lâont acquis avec effort, dâautres lâont simplement ressenti et façonnĂ© Ă leur guise. Pour Mokhtar Samba, la maĂźtrise de cet art est innĂ©e. Elle sâinscrit dans son ADN culturel. Il nâest dâailleurs pas Ă©tonnant que son dernier album Safar soit un voyage international dont le tempo africain ponctue les diffĂ©rentes Ă©tapes.
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Site internet Tutu Puoane Music
Site internet African Jazz Roots
Facebook Mokhtar Samba
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DĂ©limiter lâespace caribĂ©en est souvent pĂ©rilleux car cette rĂ©gion du monde est une addition miraculeuse de cultures hybrides et de territoires ultramarins malmenĂ©s par lâhistoire. Cette myriade de destinĂ©es populaires a donnĂ© naissance Ă une identitĂ© revendiquĂ©e. Pourtant, ĂȘtre Antillais, JamaĂŻcain, Trinidadien ou Cubain, ne peut se rĂ©sumer Ă une simple affirmation unitaire. Les spĂ©cificitĂ©s rĂ©gionales, les idiomes locaux, les rythmes et harmonies, distinguent chaque crĂ©olitĂ©. Les musiciens en sont les garants.
Leyla McCalla est, certes, nĂ©e aux Ătats-Unis mais ses racines parentales la ramĂšnent constamment Ă la source haĂŻtienne de son expressivitĂ©. Chacun de ses albums distille cette Ă©manation originelle qui inscrit son ĂȘtre tout entier dans une histoire patrimoniale façonnĂ©e par les soubresauts existentiels de ses ancĂȘtres. Autrefois, Ă Port-au-Prince, la petite Leyla Ă©coutait Radio HaĂŻti chez sa grand-mĂšre. Elle se souvient toujours aujourdâhui des voix et des musiques qui accompagnaient sa jeunesse auprĂšs de ses aĂŻeux. Lâassassinat de Jean Dominique, directeur de cette antenne lĂ©gendaire, le 3 avril 2000, suscitera tant dâĂ©moi que Leyla McCalla imaginera un album partiellement composĂ© dâarchives sonores entendues sur cette station libre et indĂ©pendante. « Breaking the thermometer » sera lâĂ©cho de cette Ă©motion vive qui Ă©branla les partisans de la libertĂ©.
HaĂŻti est une terre rebelle oĂč dĂ©fier le colonialisme est un combat ancestral. Le saxophoniste montrĂ©alais Jowee Omicil a fait paraĂźtre en 2023 un album destinĂ© Ă panser les blessures. En remontant jusquâau 14 aoĂ»t 1791, il convoque un passĂ© redoutable quand les esclaves de Bois-CaĂŻman, rĂ©unis lors dâune cĂ©rĂ©monie vaudoue, envisagent dĂ©jĂ la fronde qui mĂšnera Ă la rĂ©volution citoyenne de 1804 et Ă lâindĂ©pendance de ce pays meurtri. Toussaint Louverture, figure Ă©minente de cet Ă©vĂ©nement historique, nâest cependant pas le pilier de ce disque audacieux. Lâintention artistique est davantage mue par un dĂ©sir de guĂ©rison spirituelle que le free jazz peut nourrir. Ce jaillissement de notes multicolores est un cri libĂ©rateur que lâon doit accueillir avec candeur et comprĂ©hension.
Les territoires caribĂ©ens ont tous souffert du poids de lâoppression europĂ©enne. La JamaĂŻque, par exemple, fut trĂšs longtemps administrĂ©e par la couronne britannique. Les soulĂšvements populaires rĂ©pĂ©tĂ©s furent souvent Ă©touffĂ©s par la mainmise dâune violente tutelle. Lorsque le pianiste Monty Alexander voit le jour le 6 juin 1944 Ă Kingston, lâindĂ©pendance de la JamaĂŻque est encore loin dâĂȘtre acquise. Les tensions politiques ne cessent de croĂźtre et poussent certaines familles Ă rejoindre les Ătats-Unis. Le jeune Bernard Montgomery Alexander Ă©chappera donc Ă une jeunesse trop Ăąpre en suivant ses parents Ă Miami et Ă New York. Pour autant, ses souvenirs dâenfant jamaĂŻcain surgiront naturellement dans sa musicalitĂ© dâinstrumentiste aguerri. Ă 80 ans, sa virtuositĂ© de jazzman nâĂ©lude pas sa culture initiale. Comme nombre de ses contemporains caribĂ©ens, Monty Alexander a su conjuguer son goĂ»t pour le swing amĂ©ricain et son attachement au ska et au mento jamaĂŻcains.
Questionner son identitĂ© nâest pas forcĂ©ment un acte dĂ©libĂ©rĂ©. Souvent, une parole ou une mĂ©lodie suffit Ă rĂ©vĂ©ler lâessence dâune tradition. Georges Granville ne revendique pas ses liens avec la Martinique, il les laisse apparaĂźtre. Son jeu au piano dĂ©voile sans ostentation une culture antillaise certaine mais il ne lâimpose pas. Son album Perspectives nous laisse vagabonder dans son cheminement mĂ©lodieux. Les Beatles croisent Chick Corea, le BĂšlĂš semble circonvoluer avec Keith Jarrett. Cette crĂ©olitĂ© crĂ©dule est peut-ĂȘtre le dĂ©nominateur commun Ă toutes les composantes de lâidentitĂ© caribĂ©enne.
Le site de Leyla McCalla
Le site de Jowee Omicil
Le site de Monty Alexander
Le site de Georges Granville
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La destinĂ©e du peuple afro-amĂ©ricain au fil des siĂšcles a fait naĂźtre, souvent dans la douleur, des formes dâexpression revendicatrices dont la vigueur a identifiĂ© ce que lâon a appelĂ© la « Black Music ». Cette dĂ©nomination rĂ©unit des dizaines de genres musicaux qui continuent de se dĂ©velopper et de dessiner les contours de notre paysage sonore mondial. Le blues et le gospel sont les matrices de ces Ă©volutions progressives vers une universalitĂ© artistique. Nos invitĂ©s, auteurs, spĂ©cialistes, passionnĂ©s, relatent la genĂšse dâune culture sĂ©culaire.
Dater la naissance de la musique afro-amĂ©ricaine est assez pĂ©rilleux car elle Ă©pouse la lente progression sociale de la communautĂ© noire outre-Atlantique. Elle est le fruit amer dâune rencontre violente entre colons europĂ©ens et esclaves africains. Elle est lâaddition de rythmes et dâharmonies, de traditions sĂ©culaires et dâempreintes identitaires. La tĂ©mĂ©ritĂ© des musiciens noirs sera dĂ©terminante pour affirmer leur place dans une sociĂ©tĂ© profondĂ©ment inĂ©galitaire. Le blues et le gospel symboliseront cette recherche perpĂ©tuelle dâĂ©quilibre entre le profane et le sacrĂ©, entre le corps et lâesprit, entre la rĂ©alitĂ© du quotidien et lâespoir dâun avenir meilleur. Les artistes ont souvent Ă©voquĂ© cette quĂȘte de sĂ©rĂ©nitĂ© et de justice.
La poĂ©sie des mots et la cinglante magie des notes ont façonnĂ© une histoire populaire qui transpire dans les Ćuvres de nombreux instrumentistes et interprĂštes. Lead Belly fut un pionnier dont le rĂ©pertoire folk a rĂ©sistĂ© Ă lâĂ©rosion du temps. Son patrimoine musical est un lĂšgue inestimable qui continue dâinspirer les crĂ©ateurs actuels. NĂ© Ă la fin du XIXĂš siĂšcle, il connut les affres de lâhomme noir confrontĂ© au racisme institutionnalisĂ©. Il y puisera une force rebelle qui finira par sĂ©duire ses contemporains. Ce cheminement tortueux a guidĂ© la plume dâAmaury Cornut, auteur dâun livre passionnant entiĂšrement consacrĂ© Ă ce hĂ©ros mĂ©sestimĂ© de la composition narrative authentique.
Lorsque lâon cherche les vestiges dâune aventure humaine exceptionnelle, certaines traces indĂ©lĂ©biles rĂ©apparaissent toujours et attestent dâun engagement sincĂšre. Le guitariste et chanteur Son House a failli Ă©chapper au rĂ©cit Ă©pique de la culture amĂ©ricaine. Disparu des radars pendant prĂšs de 20 ans, ce nâest quâen 1963 que son nom rejaillit grĂące Ă la curiositĂ© de jeunes adeptes du blues ancestral. Son retour dans le feu des projecteurs rĂ©habilitera son rĂ©pertoire qui, aujourdâhui encore, fascine les virtuoses de notre temps. Olivier Renault a su restituer ce pĂ©riple unique dans un ouvrage Ă©difiant paru aux Ă©ditions « Le Mot et Le Reste ».
Batailler pour survivre fut tristement la norme aux Ătats-Unis durant le XXĂš siĂšcle. Certains choisiront les armes, dâautres les priĂšres. Une fois encore, lâambivalence entre le blues et le gospel rythmera lâactivisme des citoyens noirs amĂ©ricains au fil des dĂ©cennies. La guitariste et chanteuse Sister Rosetta Tharpe fut lâune des vaillantes voix de la contestation pieuse. DerriĂšre ses prĂȘches enflammĂ©s se cachait une battante qui nâhĂ©sitait pas Ă sortir du cadre spirituel pour assĂ©ner quelques vĂ©ritĂ©s et vivre pleinement ses convictions. Sa vigueur instrumentale dĂ©tona singuliĂšrement Ă tel point quâelle fut prĂ©sentĂ©e comme lâinstigatrice dâun genre musical rĂ©volutionnaire, le rock ânâroll. Sâagit-il dâun raccourci de lâhistoire ? Jean Buzelin, auteur et spĂ©cialiste de la culture afro-amĂ©ricaine, sâest posĂ© la question dans une Ă©tude passionnante disponible aux Ă©ditions Ampelos.
Qui peut rĂ©ellement dĂ©crĂ©ter que le rockânâroll vit le jour ici ou lĂ ? Cette irruption stylistique des annĂ©es 50 est le rĂ©sultat dâune mutation progressive que Belkacem Meziane dĂ©crypte dans une Ă©numĂ©ration littĂ©raire Ă©clairĂ©e des diffĂ©rents courants constitutifs du rhythmânâblues initial. Du Boogie-Woogie Ă la Soul-Music, le vocabulaire sâest enrichi et le tempo sâest affirmĂ©. LâĂ©lan frondeur a subsistĂ© et a nourri les soubresauts salvateurs de lâAmĂ©rique noire.
âș Lead Belly, aux Ă©ditions Le Mot et le Reste
âș Son House, aux Ă©ditions Le Mot et le Reste
âș Sister Rosetta Tharpe, la femme qui inventa le rock'n'roll, par Jean Buzelin, aux Ă©ditions Ampelos
âș Rhythm'n'Blues : Jump Blues, Doo-Wop & Soul Music - 100 Hits de 1942 Ă 1965, aux Ă©ditions Le Mot et le Reste.
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Depuis le milieu des annĂ©es 80, le parc de la Villette Ă Paris accueille avec gourmandise les musiciens les plus audacieux, intrĂ©pides et frondeurs. « Jazz Ă la Villette » est lâhĂ©ritier de cette pĂ©rilleuse tradition qui entend bousculer les conventions et ouvrir lâesprit des spectateurs. Cette avide curiositĂ© pour les expĂ©riences sonores continue de nourrir lâinspiration des programmateurs qui, cette annĂ©e, au cĆur des Jeux Paralympiques, proposeront une affiche palpitante. Discussion Ă bĂątons rompus avec Anne Sanogo et Frank Piquard, instigateurs de cette Ă©dition 2024.
Si la diversitĂ© des cultures mondiales est le cĆur battant du festival « Jazz Ă la Villette », le continent africain est le pilier de cet Ă©vĂ©nement annuel incontournable Ă Paris. Quâils viennent des CaraĂŻbes, des AmĂ©riques ou dâEurope, les musiciens qui se produisent lors de cette manifestation dâenvergure portent tous un regard vers la source africaine de leur expressivitĂ©. Ainsi, du 29 aoĂ»t au 8 septembre 2024, Tinariwen, Anthony Joseph, Kenny Garrett ou DelgrĂšs, entre autres, revitaliseront leurs racines ancestrales avec une jubilation communicative. Lâeffervescence populaire nĂ©e des Jeux Olympiques va certainement accompagner les prestations de tous ces instrumentistes aguerris.
Pour lâoccasion, « Jazz Ă la Villette » se dĂ©multiplie en sortant de son espace gĂ©ographique habituel. Outre la Philharmonie et la CitĂ© de la Musique, dâautres prestigieuses salles de spectacles ouvriront leurs portes aux spectateurs et virtuoses enjouĂ©s. Le New Morning, le Studio de lâErmitage, la Dynamo de Pantin, scintilleront de mille feux. Lâatelier du plateau et le pĂ©riphĂ©rique-club vibreront Ă©galement sur des rythmes multicolores. La tradition est respectĂ©e. La flamme de lâĂ©clectisme ne vacillera pas. Cette promesse jazz, hĂ©ritĂ©e de premiers concerts donnĂ©s il y a 40 ans Ă la Villette, a rĂ©sistĂ© Ă lâĂ©rosion du temps.
Les souvenirs ne manquent pas. Miles Davis, Dizzy Gillespie, John Mayall, Nile Rodgers, Gregory Porter, Archie Shepp, Femi Kuti, Salif Keita, Chucho ValdĂšs, Oumou SangarĂ©, et tant dâautres, ont Ă©crit lâhistoire vivifiante du jazz et des musiques connexes Ă la Villette. Progressivement, ce lieu unique Ă Paris a su dĂ©velopper une offre culturelle imposante et toujours enthousiasmante. Lâintention patrimoniale nâĂ©tait pas nĂ©cessairement une exigence initiale mais elle sâest imposĂ©e dâelle-mĂȘme au fil des annĂ©es. Il est heureux que cet Ă©lan mĂ©moriel parvienne malgrĂ© tout Ă restituer lâair du temps. Le festival « Jazz Ă la Villette » sây emploie depuis des dĂ©cennies et nous le prouvera, une fois de plus, Ă la fin de lâĂ©tĂ©.
âș Le site de Jazz Ă la Villette.
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Créé en 2016 dans le but de célébrer les échanges interculturels de la diaspora africaine dans le monde, le « Paris New-York Heritage Festival » a progressivement évolué en développant des concepts interactifs sur plusieurs continents. En Afrique, en Europe, aux Amériques, ce rendez-vous annuel suscite des rencontres, des colloques, des ateliers, pour que les acteurs de la diversité se parlent et se comprennent. Cette année, les festivités accompagnent les Jeux olympiques grùce à divers événements musicaux du 27 juillet au 15 septembre 2024.
Benjamin LĂ©vy, instigateur de cet Ă©vĂ©nement international, Ă©volue dans lâunivers artistique depuis des dĂ©cennies. Aux cĂŽtĂ©s des plus grandes figures du jazz, du blues, de la soul-music ou du gospel, il a soutenu des projets discographiques dâenvergure, accompagnĂ© des prestations uniques, initiĂ© des programmes musicaux inĂ©dits. Son cheminement dans LâĂ©popĂ©e des musiques noires lui a permis de croiser la route et de collaborer avec des personnalitĂ©s aussi prestigieuses que James Brown, Archie Shepp, Roy Ayers, Billy Cobham, Herbie Hancock, Tony Allen, Alpha Blondy, etc. Il sait donc mettre en scĂšne la pluralitĂ© Ă©clectique de notre XXIĂš siĂšcle.
Lorsque Benjamin LĂ©vy inventa le Paris New-York HĂ©ritage Festival, lâintention Ă©tait de crĂ©er un pont transatlantique entre les diasporas afro-europĂ©ennes et afro-amĂ©ricaines. TrĂšs vite, ce choix Ă©ditorial montra ses limites. Par dĂ©finition, lâuniversalitĂ© de la musique imposait de se tourner, aussi et surtout, vers la source originelle des mĂ©tissages mondiaux, le continent africain, lui-mĂȘme. Ainsi, plusieurs villes vinrent grossir lâaffiche de ce festival global : Johannesburg, Vancouver, MontrĂ©al, Los Angeles, finirent par rejoindre Paris et New York dans cette cĂ©lĂ©bration des patrimoines ancestraux. Subitement, les distances gĂ©ographiques nâexistaient plus, seule la ferveur des spectateurs rendait ce dĂ©fi ĆcumĂ©nique palpable. Les hommages Ă Fela Anikulapo Kuti, au gĂ©nial Prince, Ă Gil Scott Heron, par leurs amis et contemporains nourrissaient lâesprit collĂ©gial et unitaire de cette grand-messe afro-palpitante.
De Brian Jackson Ă Vieux Farka TourĂ©, les plus grands reprĂ©sentants de la culture noire ont animĂ© ce festival au fil des annĂ©es. Aujourdâhui, lâenjeu dâune entente cordiale entre les peuples du monde entier est au centre de toutes les prĂ©occupations alors que les vellĂ©itĂ©s guerriĂšres fragilisent les Ă©quilibres gĂ©opolitiques. Lâart peut ĂȘtre une voie dâapaisement. Au cĆur des Jeux olympiques, lâĂ©lan insufflĂ© par le Paris New-York Heritage Festival nâest pas anodin. Entendre les mots de la confĂ©renciĂšre et animatrice de radio sud-africaine, Nicky B, est une chance. Vibrer sur les notes caribĂ©ennes de David Walters est salutaire. Taper du pied en applaudissant le rythme funk du groupe canadien, The Brooks, rĂ©conforte. Tous ces moments sont la promesse dâune Ă©dition 2024 inscrite dans lâidĂ©al olympique. Rendez-vous dans la fan-zone de la Mairie du XVĂš arrondissement de Paris et au Parc AndrĂ© CitroĂ«n jusquâau 15 septembre 2024 pour goĂ»ter aux valeurs fĂ©dĂ©ratrices de la musique et du sport.
Programmation du festivalParis New-York HĂ©ritage Festival
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Durant toute la durĂ©e des Jeux olympiques, le Sunset-Sunside, club historique de la capitale française, se lance un dĂ©fi inĂ©dit : proposer chaque soir trois concerts dâaffilĂ©e consacrĂ©s aux icĂŽnes du jazz. De Charlie Parker Ă John Coltrane, de Miles Davis Ă Nina Simone, ils seront tous cĂ©lĂ©brĂ©s par les meilleurs musiciens français actuels emmenĂ©s par le maĂźtre de cĂ©rĂ©monie, le pianiste Laurent Courthaliac. Ce marathon jazz imaginĂ© par StĂ©phane Portet, directeur artistique du club, est labellisĂ© « Paris 2024 ».
Le Sunset-Sunside est lâun des cĆurs battants du jazz Ă Paris depuis 40 ans. InstallĂ©s dans la mĂȘme bĂątisse sur deux niveaux, ce sont en fait deux clubs qui vibrent simultanĂ©ment tout au long de lâannĂ©e. 850 concerts sont programmĂ©s de janvier Ă dĂ©cembre. LâidĂ©e dâun marathon du jazz nâest donc pas une lubie farfelue pour les Ă©quipes organisatrices qui savent accueillir instrumentistes et spectateurs de tous horizons. La seule difficultĂ© sera certainement le rythme soutenu de trois prestations par soir et, parfois, jusquâau bout de la nuit. Lâafflux assez consĂ©quent de touristes durant les Jeux olympiques sera Ă©galement un challenge Ă relever mais chacun se prĂ©pare avec ferveur Ă cette aventure artistique unique.
Laurent Courthaliac sera le « Monsieur Loyal » de ces rendez-vous musicaux intenses. Depuis 30 ans, ce fin connaisseur du swing afro-amĂ©ricain a appris Ă sâadapter aux contextes sonores et situations diverses pour faire jaillir son expressivitĂ© personnelle. Aux cĂŽtĂ©s des grands virtuoses de notre temps â Ron Carter, Barry Harris, Alain Jean-Marie â, il a dĂ©veloppĂ© une musicalitĂ© pianistique indĂ©niable qui lĂ©gitime son statut de chef dâorchestre lors de ce marathon du jazz palpitant. Il conviera dâailleurs nombre de ses homologues Ă venir le rejoindre sur scĂšne pour honorer les figures historiques de la culture noire. Hermon MĂ©hari rendra grĂące au trompettiste Dizzy Gillespie, Irving Acao saluera son aĂźnĂ© Sonny Rollins, Julie Erikssen interprĂ©tera Ella Fitzgerald, et ce ne sont lĂ que quelques exemples des rĂ©vĂ©rences proposĂ©es au fil des semaines.
Laurent Courthaliac sait rĂ©unir les bonnes Ăąmes pour magnifier les rĂ©pertoires. Il est lâun des instigateurs dâun coffret de 9 CDs rĂ©alisĂ© chez lui pour le label « Jazz&People » de Vincent Bessieres. Cette folie discographique, nommĂ©e « At Barloydâs », rencontra un vif succĂšs en 2018 en offrant un espace dâexpression consĂ©quent Ă neuf pianistes français de toutes gĂ©nĂ©rations. Finalement, lâidĂ©e du marathon du jazz que propose le Sunset-Sunside Ă©tait dĂ©jĂ dans les esprits. Pour StĂ©phane Portet, cette bravade jazz parisienne Ă©pouse lâintention olympique. Partager, Ă©changer, se dĂ©passer, se rĂ©vĂ©ler, toutes ces valeurs dâunitĂ© et de concorde sont les matrices du sport et de la musique.
âș Site internet du Sunset-Sunside
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AprĂšs avoir accueilli Aretha Franklin autrefois, Stevie Wonder plus rĂ©cemment, Lionel Richie en 2023, le Montreux Jazz Festival continue de cĂ©lĂ©brer les grandes figures de « LâĂ©popĂ©e des Musiques Noires ». LâĂ©dition 2024 nâĂ©chappe pas Ă la rĂšgle puisque lâillustre Dionne Warwick a fait scintiller le Casino de Montreux en Suisse, le 9 juillet 2024.
Ă 83 ans, lâĂ©toile de lâart vocal a su captiver son auditoire mĂȘme si sa tessiture, devenue fragile, attestait du poids des annĂ©es. Câest pourtant Ă une vĂ©ritable soirĂ©e de gala que cette interprĂšte unique nous convia ce soir-lĂ . DĂšs son entrĂ©e sur scĂšne, les premiĂšres notes de « Walk on by » rĂ©sonnent et, durant 90 minutes, les grands classiques de la Soul-Music et de la variĂ©tĂ© amĂ©ricaine vont rĂ©galer les spectateurs. « Say a little prayer », « Thatâs what friends are for », « What the world needs now », le rĂ©pertoire de cette grande dame Ă©pouse la bande son de notre temps. Lâaccompagnement dĂ©licat de ses musiciens nous projette dans la tradition du music-hall sans que la nostalgie nâaltĂšre la jubilation du moment. Dionne Warwick est, certes, fĂ©brile Ă cause dâun mauvais rhume mais son humour et sa prĂ©sence impressionnent et fascinent. Du haut de ses 60 ans de carriĂšre, elle sait jouer avec le public, le chahuter, le charmer, et lâensorceler. Rejointe par son fils, Damon Elliott, elle sâamusera mĂȘme Ă lui lancer le dĂ©fi dâatteindre la note ultime devant une foule hilare et enthousiaste. Ă lâissue de cette belle prestation, lâĂ©motion Ă©tait vive car chaque festivalier avait conscience dâavoir assistĂ© Ă un Ă©vĂ©nement rare dont les images resteront gravĂ©es dans les mĂ©moires.
En premiĂšre partie de cette nuit Ă©tincelante, le jeune Christone Kingfish Ingram eut la lourde responsabilitĂ© dâinstaller un tapis sonore suffisamment subtil pour ne pas froisser les oreilles impatientes dâĂ©couter Madame Warwick. Pari rĂ©ussi pour ce guitariste de 25 ans, originaire de Clarksdale (Mississippi), dont les notes ciselĂ©es ont dĂ©jĂ conquis de nombreux fans Ă travers la planĂšte. HonorĂ© dâun Grammy Award en 2022, son Ă©tonnante maĂźtrise et son savoir-faire ont Ă©tĂ© copieusement acclamĂ©s par les amateurs de blues suisses qui ont vu ce trublion attachant traverser la salle de spectacle pour conquĂ©rir leur cĆur et leurs suffrages. Kingfish, qui nâĂ©tait pas au programme initial du 58Ăšme Montreux Jazz Festival, a fait sensation. Nul doute que nous le reverrons en Europe trĂšs souvent tant sa virtuositĂ© a fait mouche. Pour vous en convaincre, Ă©coutez son dernier album enregistrĂ© Ă Londres le 6 juin 2023. Vous dĂ©couvrirez la finesse de son jeu et son impĂ©tueuse texture afro-amĂ©ricaine.
Le Montreux Jazz Festival sâachĂšve ce week-end et, une fois de plus, lâĂ©clectisme a dictĂ© les choix des programmateurs conjuguant la fougue de Trombone Shorty au romantisme de Diana Krall, en osant les expĂ©rimentations rythmiques du batteur Yussef Dayes et les cavalcades de guitares du groupe Deep Purple, en accueillant des voix singuliĂšres, celle de Jalen Ngonda, par exemple. Un cocktail savoureux dont se dĂ©lectent les aficionados de notes multicolores depuis 1967.
âș Le Montreux Jazz Festival
âș Site officiel de Dionne Warwick
âș Site de Christone Kingfish Ingram.
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On ne le sait pas, mais derriĂšre les choix artistiques de certains instrumentistes ou interprĂštes du rock anglo-saxon, il y a une culture musicale beaucoup plus riche quâil nây paraĂźt. Ian Gillan, chanteur historique du groupe Deep Purple, nâest pas que le majestueux hurleur du classique « Smoke on the Water ». Il est un admirateur des icĂŽnes du blues originel, un amateur Ă©clairĂ© de soul-music et un auditeur fervent du rĂ©pertoire jazz. Alors que paraĂźt « = 1 », le nouvel album de Deep Purple, Ian Gillan nous parle de ses nombreuses incursions dans lâunivers sonore afro-amĂ©ricain.
InvitĂ© au Montreux Jazz Festival en Suisse, le 8 juillet 2024, Deep Purple a fait rugir les dĂ©cibels en assĂ©nant quelques riffs de guitare explosifs devant des milliers de spectateurs totalement Ă©lectrisĂ©s. Au-delĂ de cette prestation trĂšs attendue, les protagonistes de cette Ă©pique soirĂ©e nous ont prouvĂ© que leur musique ne se rĂ©sume pas Ă une succession de notes puissantes et de classiques inusables. DerriĂšre ce mur du son, il y a des instrumentistes aguerris et inspirĂ©s dont lâĂ©lan artistique provient de « LâĂ©popĂ©e des Musiques Noires ». Ian Gillan, le leader de cette imposante formation britannique, reconnaĂźt volontiers que la source de son inspiration est un patrimoine sonore ancestral que les Noirs dâAmĂ©rique ont forgĂ© au fil des siĂšcles. « Nâoublions pas que cette musique est nĂ©e dans le delta du Mississippi, puis est remontĂ©e vers Kansas City, Saint-Louis et enfin Chicago. En suivant ce long voyage temporel et gĂ©ographique, vous pouvez ressentir lâĂ©volution du blues. C'est ce que j'appelle le blues authentique. Dâailleurs, les ritournelles composĂ©es Ă lâĂ©poque sont des petits bijoux qui racontent lâhistoire du peuple noir. Sur notre dernier album, vous remarquerez peut-ĂȘtre la chanson « A bit on the side », câest un titre trĂšs puissant dans lequel la section basse-batterie est imposante mais, si vous tendez lâoreille, vous entendrez une allusion au titre « Parchman Farm » de Mose Allison. Curieusement, cela mâest revenu Ă lâesprit car cette mĂ©lodie fait partie de mes annĂ©es de jeunesse quand jâĂ©tais en plein apprentissage musical. Je me souviens de ces paroles trĂšs intenses que jâavais apprises par cĆur. Au moment de lâenregistrement, je me disais : « DâoĂč viennent ces mots qui me trottent dans la tĂȘte ? ». Ils Ă©taient juste dans ma mĂ©moire lointaine. Je pense donc avoir une prĂ©fĂ©rence pour le blues des origines et mĂȘme, le jazz des origines, celui des annĂ©es 20 qui est beaucoup plus attractif que le be-bop des annĂ©es 40. Il y a dans ces musiques une tonalitĂ© encore immature, presque adolescente, câest lâexpression naturelle dâun vĂ©cu souvent douloureux. Dans ce rĂ©pertoire dâun autre temps, on Ă©voque les troubles sociaux, les abus de pouvoir. Il faut dâailleurs savoir dĂ©celer le message transmis par tous ces artistes afro-amĂ©ricains dâautrefois car il y avait souvent une double signification. Si vous nây prĂȘtez pas attention, vous passerez Ă cĂŽtĂ© des messages que vĂ©hiculaient ces chansons. Les artistes noirs utilisaient des codes pour pouvoir exprimer leur mal-ĂȘtre sans que les Blancs ne sâen rendent compte. Tous ces gens Ă©taient traitĂ©s comme des animaux. Ce sentiment de dĂ©sespoir a survĂ©cu Ă travers la musique et sâest retrouvĂ© dans le blues de Chicago. Il est, certes, devenu plus commercial au fil du temps mais le message dâorigine est restĂ© vivace, grĂące notamment Ă B.B King et, bien entendu, Muddy Waters ». (Ian Gillan au micro de Joe Farmer)
Si Ian Gillan laisse entrevoir sa passion pour les musiques rurales et acoustiques du sud des Ătats-Unis, il tient aussi Ă mettre en valeur la maestria de ses comparses dont les connaissances encyclopĂ©diques leur permettent dâaborder tous les rĂ©pertoires avec un goĂ»t certain et une profonde maĂźtrise. Ils sont, Ă ses yeux, de fins solistes capables dâimprimer un swing jazz solide Ă©chappĂ© des entrailles de lâhistoire. « Notre batteur, Ian Paice, est un grand amateur de Gene Krupa, lâun des plus grands rythmiciens du dĂ©but du XXĂš siĂšcle. Il avait le don de faire danser nâimporte quelle composition. Peu de batteurs dans lâunivers du rock ont ce talent. La plupart se contentent de marteler le rythme sans grande finesse. Je vous conseille de rĂ©Ă©couter le jeu de batterie de Ian Paice sur « Smoke on the water », et vous constaterez la lĂ©gĂšretĂ© avec laquelle il dĂ©veloppe le rythme sur cette composition historique. Les membres originaux du groupe Deep Purple avaient des influences musicales trĂšs diverses. Ils sâintĂ©ressaient aussi bien Ă la musique classique, au funk, au blues, au jazz et Ă la folk-music. Nâoublions pas que nous Ă©tions en pleine pĂ©riode hippie. Il y avait donc beaucoup de dynamique dans le rĂ©pertoire du groupe Ă lâĂ©poque. Lâimpulsion originelle venait de la culture musicale Ă©clectique de John Lord, le pianiste, de Ian Paice, le batteur, et de Richie Blackmore, le guitariste. Quand on Ă©coute les solos de John Lord au piano ou de Richie Blackmore Ă la guitare, on oublie trop souvent le swing presque jazz quâils apportaient Ă la rythmique. Leur contribution Ă©tait essentielle pour soutenir un chanteur. Avant de rejoindre le groupe, en aoĂ»t 1969, jâavais achetĂ© les trois premiers albums de Deep Purple et jâai trouvĂ©, Ă lâĂ©poque, que leur musicalitĂ© Ă©tait incroyable, unique. Aucun autre groupe ne sonnait comme eux. Il y avait un swing particulier dans leur maniĂšre de jouer du rock. On pouvait dĂ©celer cette part de patrimoine afro-amĂ©ricain dont il sâinspirait de maniĂšre totalement naturelle. Je fus trĂšs heureux de participer Ă cette aventure lorsque je les ai rejoints. Tout cela pour vous dire que ce n'est pas qu'une question de rythme, il sâagit aussi de peaufiner une texture musicale, une couleur sonore, une beautĂ© harmonique spĂ©cifique. Il y avait du panache dans leur maniĂšre dâapprĂ©hender la musique. Ils savaient Ă quel moment ils devaient jouer avec les silences, un peu comme le ferait un jazzman. Le rockânâroll nâest pas nĂ©cessairement une musique bruyante. Mes hĂ©ros nâĂ©taient pas seulement Elvis Presley, Little Richard ou Chuck Berry, câĂ©tait aussi Buddy Holly et les Everly Brothers. En dâautres mots, des artistes beaucoup plus lyriques et mĂ©lodieux. VoilĂ ce quâĂ©tait mon rockânâroll ». (Ian Gillan sur RFI)
Certes, lâalbum « = 1 » de Deep Purple appartient davantage Ă lâunivers du rock robuste quâĂ la complainte acoustique du bluesman Ă©plorĂ©. Laissez tout de mĂȘme vos oreilles apprivoiser cette emphase surpuissante pour capter les myriades de rĂ©fĂ©rences musicales hĂ©ritĂ©es de lâancestralitĂ© afro-amĂ©ricaine subtilement distillĂ©es par le nouveau guitariste du groupe, Simon McBride. Vous entendrez Deep Purple dâune autre façon et, peut-ĂȘtre, serez-vous mieux prĂ©parĂ©s Ă accueillir ces virtuoses du rock lors de leur prochain concert dans votre villeâŠ
âș Le site de Deep Purple
âș Le site du Montreux Jazz Festival.
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Le 29 juin 2024, lors du 43Ăšme festival « Jazz Ă Vienne », deux sensibilitĂ©s fĂ©minines se croisaient sur la scĂšne du ThĂ©Ăątre antique. La jeune pianiste et chanteuse rĂ©unionnaise Nirina Rakotomavo dĂ©voilait sa musicalitĂ© jazz nourrie dâune crĂ©olitĂ© malgache que ses racines australes magnifiaient subtilement. Quelques heures plus tard, lâimmense Oumou SangarĂ© affirmait ses convictions de femme libre Ă travers sa merveilleuse voix hĂ©ritĂ©e des traditions africaines ancestrales. Nous Ă©tions sur place pour saisir lâhumeur de deux interprĂštes uniques.
Nirina Rakotomavo eut lâhonneur dâĂȘtre la premiĂšre Ă insuffler ce soir-lĂ lâesprit dâune programmation multicolore. Bien quâelle se prĂ©sente dĂ©sormais sous son nom, câest la tonalitĂ© de son groupe vocal initial, les selkies, qui nourrissait cette prestation trĂšs rĂ©ussie. Les mĂ©lodieux entrecroisements de trois voix fĂ©minines portĂ©s par la virtuositĂ© de leurs accompagnateurs inspirĂ©s donnaient Ă ce sextet une vigueur fort rĂ©jouissante. Nirina Rakotomavo nâest pas encore une figure majeure du jazz en France mais lâintention mĂ©tisse de son rĂ©pertoire la distingue de ses homologues. Soutenue par la Spedidam (SociĂ©tĂ© de perception et de distribution des droits des artistes-interprĂštes), cette jeune artiste saura manifester au fil des annĂ©es lâauthenticitĂ© de son identitĂ© culturelle. Nâen doutons pas. Lâovation qui suivit sa brĂšve mais enthousiasmante apparition au festival « Jazz Ă Vienne » en fut une preuve formelle.
Avant lâarrivĂ©e de lâĂ©toile du jour, les festivaliers furent particuliĂšrement charmĂ©s par les « ĂgarĂ©s ». Ce quatuor magique, composĂ© de Ballake Sissoko (Kora), Vincent Segal (Violoncelle), Vincent Peirani (AccordĂ©on) et Ămile Parisien (Saxophone), jouait avec les contrastes et les couleurs. Servis par une prise de son cristalline, ces quatre compagnons ont su mettre en valeur la spĂ©cificitĂ© de leurs instruments respectifs en liant malicieusement leurs notes crĂ©atives aux bourrasques dâun vent frais et humide annonciateur dâun orage estival approchant. Les oreilles curieuses ont clairement apprĂ©ciĂ© cette audace et les acclamations furent Ă la hauteur de cette joyeuse camaraderie musicale.
La nuit tomba, la pluie ne tomba pas, et la flamboyante Oumou SangarĂ© illuminait les yeux des spectateurs venus entendre la voix unique dâune icĂŽne africaine planĂ©taire. Davantage axĂ© sur son dernier album Timbuktu, le rĂ©cital de la « Reine du Wassulu » fut Ă©tincelant, frissonnant et rĂ©jouissant. Certains spectateurs nâont dâailleurs pu rĂ©sister Ă lâenvie de monter sur scĂšne pour esquisser quelques pas de danse auprĂšs de leur idole. Oumou SangarĂ©, amusĂ©e par cette manifestation amicale de respect et de reconnaissance sincĂšre de son talent, a mĂȘme pris la pose pour un ou deux selfies un bref instant. Toujours animĂ©e par un dĂ©sir de justice, de paix et dâĂ©galitĂ©, Oumou SangarĂ© nâa pas hĂ©sitĂ© Ă appeler Ă un « cessez le feu » alors que de nombreux conflits dĂ©sĂ©quilibrent la gĂ©opolitique internationale. Comme elle le clame souvent : « Les guerres sâachĂšvent toujours par des nĂ©gociations autour dâune table. Pourquoi ne pas parlementer avant le dĂ©clenchement des hostilitĂ©s ? ». Ce message fut entendu et saluĂ© par de vifs applaudissements. La musique porte parfois des discours quâil faut savoir Ă©couter. LâĂ©motion que nous ressentons est le signe dâune vĂ©ritĂ©, dâun engagement, dâune approbation, que cette grande dame cherche Ă Ă©veiller en nous. Ce fut le cas au ThĂ©Ăątre antique de Vienne, le 29 juin 2024.
âș Festival Jazz Ă Vienne.
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Depuis Spirit of Ntu, son premier album paru sur le label « Blue Note Africa », Nduduzo Makhathini jouit dâune notoriĂ©tĂ© rĂ©elle qui lâautorise Ă promouvoir une approche musicale enracinĂ©e dans les traditions sud-africaines. Ses aĂźnĂ©s, Abdullah Ibrahim, Bheki Mseleku, Zim Ngqawana, lui ont transmis un enseignement de lâart qui irrigue aujourdâhui son inspiration dĂ©bridĂ©e. RencontrĂ© lors de sa prestation Ă Coutances en Normandie, le 10 mai 2024, Nduduzo Makhathini a fait appel Ă notre ouverture dâesprit.
« Unomkhubulwane » est le nom de la dĂ©esse de la pluie dans les croyances sud-africaines. Câest aussi le titre du nouvel album de Nduduzo Makhathini. Ce brillant pianiste aux incantations ensorcelantes cherche Ă trouver lâharmonie et lâĂ©quilibre spirituel Ă travers sa musique. Ce vĆu de plĂ©nitude est sincĂšre et certainement dictĂ© par une enfance malmenĂ©e durant le rĂ©gime dâapartheid. Lorsquâil voit le jour en 1982, la violence sociale et la sĂ©grĂ©gation raciale sont toujours dâactualitĂ©. CroĂźtre et sâĂ©panouir dans de telles conditions est impossible Ă moins de se rĂ©fugier dans un art qui vous offre une part dâĂ©vasion. « Notre force, câest le rythme. Le rythme dit qui nous sommes. Câest aussi ce qui dĂ©finit lâunivers autour de nous. Tout nâest que rythme. Le flux et le reflux des marĂ©es, câest le rythme. Tout ce que nous vivons repose sur un rythme bien prĂ©cis. La musique peut ĂȘtre vue comme lâaddition de tous les rythmes que nous percevons. Câest le rythme du corps et de lâĂąme. En Afrique du Sud, nous avons un terme prĂ©cis pour dĂ©finir ce rythme si particulier. Nous lâappelons « Ingoma ». Ce terme spĂ©cifique renvoie aux divinitĂ©s que nous cĂ©lĂ©brons Ă travers des chansons, des danses, des connaissances liturgiques. Tout cela pour vous dire que, sur le continent africain, la spiritualitĂ© est indissociable du son et du rythme. Nos rĂ©pertoires sont toujours interprĂ©tĂ©s durant des cĂ©rĂ©monies, des rituels sacrĂ©s. La musique, chez nous, ne peut pas sâexprimer en dehors dâun contexte spirituel. Le jazz a en lui cette part de spiritualitĂ© que les Africains lui ont transmis en traversant lâAtlantique. CâĂ©tait une maniĂšre pour eux de conserver la mĂ©moire de leurs ancĂȘtres. Les esclaves Ă©taient trĂšs Ă©loignĂ©s gĂ©ographiquement de leur terre natale mais parvenait spirituellement Ă prĂ©server leur appartenance identitaire africaine ». (Nduduzo Makhathini au micro de Joe Farmer)
Les prestations de Nduduzo Makhathini sont des instants de mĂ©ditation jazz qui vous emportent dans un tourbillon dâimprovisation Ă©chevelĂ©e. Comme pour ses aĂźnĂ©s africains ou amĂ©ricains, son inspiration du moment dĂ©cide de son interprĂ©tation. Certains dĂ©finiront ces dĂ©monstrations de virtuositĂ© comme lâexpression dâune maestria Ă©prouvĂ©e. Dâautres sâen remettront Ă leur foi en une divinitĂ© ou un esprit bienfaiteur. Quâimporte les raisons pour lesquelles les grands instrumentistes atteignent parfois le sommet de leur art. Sâabandonner Ă une crĂ©ativitĂ© spontanĂ©e demande, certes, de la pratique mais aussi une bonne dose de confiance en soi. « Jâessaye de vivre une forme dâutopie qui me dĂ©tache de la rĂ©alitĂ© quotidienne. Le pianiste Sun RĂą disait souvent que lâespace cosmique Ă©tait son espace dâexpression. CâĂ©tait sa maniĂšre de transcender son statut dâĂȘtre humain et dâen appeler Ă la spiritualitĂ© pour affronter la violence dâune Ă©poque. Il ne voulait pas se limiter Ă une vie terrestre mais aspirer Ă une vie spirituelle. Mon maĂźtre, Behki Mseleku, rĂ©flĂ©chissait ainsi Ă©galement. Câest dâailleurs lui qui mâa fait connaĂźtre les Ćuvres de John Coltrane. Jâai alors compris que, face Ă lâadversitĂ© de notre quotidien, il faut prendre de la hauteur. Nous avons tous oubliĂ© que nous sommes des ĂȘtres liĂ©s par notre humanitĂ©. Nous avons donc une mĂ©moire collective partagĂ©e. Notre humanitĂ© devrait donc apprendre Ă dĂ©passer les problĂšmes de racisme, les discussions stĂ©riles sur la couleur de peau, les longs dĂ©bats sur les diffĂ©rences culturelles, sur les diffĂ©rences de langage, etc. Attardons-nous plutĂŽt sur nos Ă©motions et notre ressenti. Quand une personne va mal, vous le ressentez immĂ©diatement quelle que soit sa langue, sa culture ou sa couleur de peau. Câest votre humanitĂ© qui sâexprime. Nous avons trop longtemps oubliĂ© de faire appel Ă nos sens et Ă notre intuition. Les sons, les notes, les rythmes, en dâautres mots, la musique revitalise nos sens de maniĂšre instinctive. La musique rĂ©veille nos sens. Câest la raison pour laquelle je considĂšre que la musique peut apporter la paix dans le monde ». (Nduduzo Makhathini sur RFI)
Nduduzo Makhathini a dĂ©livrĂ© un message limpide lors du 43Ăšme festival « Jazz sous les Pommiers ». Ses priĂšres pianistiques ont touchĂ© les spectateurs et les ont peut-ĂȘtre interrogĂ©s sur leurs propres convictions et comportements quotidiens. La musique a ce pouvoirâŠ
âș Nduduzo Makhathini chez Blue Note Records.
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Le 10 mai 2024, le festival « Jazz sous les pommiers » accueillait un spectacle audacieux Ă la mĂ©moire du chanteur et poĂšte français, Claude Nougaro, disparu il y a 20 ans. Cet hommage ambitieux rĂ©unissait un arĂ©opage dâartistes tĂ©mĂ©raires autour dâun rĂ©pertoire pĂ©rilleux. Le pianiste et compositeur Ray Lema, lâun des convives de cet intrĂ©pide concert mĂ©moriel nommĂ© « New Garo », fut un contemporain de Claude Nougaro, personnage haut en couleurs dont lâexigeante maĂźtrise verbale et lâimplacable rigueur rythmique ne souffrent aucune contestation. Il nous raconte sa complicitĂ© avec cette grande figure de la chanson française gorgĂ©e de notes afro-planĂ©taires.
Nul nâignore lâintĂ©rĂȘt prononcĂ© de Claude Nougaro pour les rythmes Ă©chappĂ©s des traditions ancestrales. Nombre de ses succĂšs furent inspirĂ©s par des classiques du jazz amĂ©ricain ou de la bossa nova brĂ©silienne. Pour sâen convaincre, il suffit de citer « Le jazz et la java » judicieusement empruntĂ© Ă Dave Brubeck ou « Bidonville » malicieusement puisĂ© dans le rĂ©pertoire de Baden Powell et Vinicius de Moraes. Ce ne sont lĂ que quelques exemples saillants dâune rĂ©Ă©criture rĂ©vĂ©rencieuse par un authentique amoureux des sources sonores originelles. Comme Claude Nougaro, Ray Lema fait partie de ces Ăąmes sensibles respectueux des idiomes patrimoniaux. Leur rencontre ne pouvait que sceller une camaraderie dictĂ©e par la beautĂ© de lâart et, en lâoccurrence, par la force expressive de la musique. Leur passion respective pour les terroirs internationaux facilita leur comprĂ©hension mutuelle.
Ray Lema reconnaĂźt volontiers que les premiers pas vers une collaboration fructueuse furent dâabord semĂ©s dâembĂ»ches. Claude Nougaro avait un caractĂšre entier et un tempĂ©rament de feu qui, dans la dĂ©fiance comme dans la confiance, sâaffirmaient dans un excĂšs de sentiments contraires. Ăchanger librement avec un personnage aussi flamboyant et imprĂ©visible Ă©tait un gage de connivence sincĂšre. Ray Lema parvint Ă dompter le fauve et lui composa mĂȘme une merveilleuse mĂ©lodie intitulĂ©e « Câest une Garonne ». Ce titre, paru en 1993 sur lâalbum Chansongs, devint un classique du chanteur toulousain et Ray Lema le revitalisa en 2007 sur son disque Paradox. Il ne pouvait pas, non plus, manquer lâoccasion de rĂ©interprĂ©ter cette Ćuvre sur scĂšne lors du concert Ă Coutances en Normandie. Il sâautorisa mĂȘme une relecture de « Bidonville » en compagnie de la jeune Gabi Hartmann.
La voix de Claude Nougaro rĂ©sonne toujours dans notre oreille et il est souvent dĂ©licat de restituer la musicalitĂ© dâune icĂŽne regrettĂ©e. Les mots cadencĂ©s de cet acrobate du verbe sont le premier dĂ©fi Ă relever lorsque lâintention louable de lâhommage sâimpose. Ray Lema nâa jamais minimisĂ© cet exercice de diction mĂ©tronomique. Il sait combien il est impĂ©ratif de rendre justice aux rythmes irrĂ©sistibles et aux locutions choisies de son auguste partenaire dâhier.
Les prochaines reprĂ©sentations de « New Garo », imposant spectacle dirigĂ© par le guitariste, bassiste et chef dâorchestre, Fred Pallem, auront lieu Ă Vienne le 7 juillet, Arles le 12 juillet, et Marciac le 27 juillet 2024.
âș New'Garo, hommage Ă Claude Nougaro sur Arte TV.
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