Afleveringen
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Christophe Ylla-Somers s’est plongé dans l’histoire tortueuse de la communauté africaine-américaine de 1619 à nos jours. Il constate dans son livre, « Le Son de la Révolte », que le nouveau monde ne fut jamais la terre d’égalité, de justice et de démocratie, prônée par les premiers colons européens. Les États-Unis se sont construits sur un déséquilibre social patent que les arts ont souvent dénoncé. Alors que l’élection du 5 novembre 2024 attise les tensions outre-Atlantique, nous explorons en musique quatre siècles de rébellion et de contestation.
Dès l’instauration du commerce triangulaire, la vie des Africains expatriés contre leur gré vers des territoires inconnus devint un calvaire innommable. Les traditions et coutumes ancestrales résistèrent cependant à l’oppression, aux brimades et humiliations de toutes sortes. Cette empreinte identitaire s’exprima dans des chants de complainte émouvants dont la teneur de plus en plus protestataire traversa les siècles. Le poète et dramaturge Amiri Baraka répétait sans cesse ce simple constat : « À partir du moment où nous avons embarqué sur ces bateaux, nous avons commencé à chanter ! Quelle que soit la forme d’expression, le message a toujours été le même : « Laissez-moi sortir ! Laissez-moi tranquille ! Cessez de vouloir transformer ma vie ! ». Avant même que nous ne soyons en contact avec les Américains, nous chantions déjà le désespoir, dans le dialecte local, puis dans un langage afro-américain. Depuis toujours, nous chantons la contestation. Comment voulez-vous que nous ayons des paroles positives ? Quand on vous pourrit la vie depuis des lustres, comment être optimiste et voir les choses du bon côté ? On ne sait pas ce qu’est le bonheur ! Quand votre existence, c’est l’esclavage, vous ne décidez pas de protester, vous protestez instinctivement ». (Amiri Baraka au micro de Joe Farmer – RFI - Février 2004)
Dans les spirituals ou dans le blues, dans le répertoire sacré ou dans les mélodies profanes, le besoin de trouver le réconfort est omniprésent. Cette aspiration à une liberté pleine et entière se fracasse pourtant souvent sur une réalité plus âpre et violente qui conduit irrémédiablement les victimes d’injustices à se rebeller. Si l’appel à une résistance passive du pasteur Martin Luther King reste dans les mémoires, ce sont davantage les œuvres militantes qui résonnent aujourd’hui avec force dans « L’épopée des Musiques Noires ». Le manifeste du batteur Max Roach, « We Insist ! Freedom Now Suite », est devenu un marqueur de la fronde artistique des jazzmen en 1960. Le pamphlet du bluesman J.B Lenoir, « Alabama Blues », en 1963 est lui aussi redoutablement efficace. Le brûlot de Nina Simone, « Mississippi Goddam », en 1964 s’inscrit également dans le tumulte des années de lutte. Décennies après décennies, l’activisme musical s’est transformé et les prises de positions tranchées ont accompagné les évolutions stylistiques des instrumentistes africains-américains.
« Le Son de la Révolte » constate avec acuité l’impossibilité de faire valoir son statut de citoyen américain quand la couleur de peau interdit l’égalité des chances. Il subsiste alors la revendication permanente que les arts peuvent porter. Les prêches harmonieux des cantiques religieux, comme la poésie cadencée de rappeurs déterminés, traduisent la même frustration et le même désir d’être respecté. Lorsque Sam Cooke chantait « A change is gonna come », quel avenir envisageait-il ? Les tourments de son époque ont-ils changé la donne ? La politique américaine a-t-elle tiré les leçons du mouvement des droits civiques, de la poussée de fièvre « Black Lives Matter » ? L’examen de conscience est-il possible outre-Atlantique ? Les musiciens ont-ils la clé de cette énigme ? Ces interrogations légitimes rythment notre lecture avide de cet ouvrage riche et fort documenté paru aux éditions « Le Mot et Le Reste ».
► «Le Son de la Révolte», éditions Le Mot et le Reste.
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De longue date, les échanges transatlantiques entre musiciens africains et américains ont nourri l’histoire du blues. Dans le passé, Ry Cooder et Ali Farka Touré, Eric Bibb et Habib Koité, Taj Mahal et Bassekou Kouyaté, Mighty Mo Rodgers et Baba Sissoko, ont appris à dialoguer et ont suscité un esprit de partage et de tolérance. Le Trio Soba épouse, à son tour, cet élan de générosité collégiale à travers un album vibrant intitulé Fiman.
Moussa Koita (guitare), Vincent Bucher (harmonica) et Émile Biayenda (percussions) ont, tous trois, une identité culturelle spécifique mais ils partagent une vision commune du blues. Ils savent que cette forme d’expression née aux États-Unis prend sa source sur le continent africain. La traite négrière a projeté, au fil des siècles, des coutumes, des rythmes, des traditions, des danses jusqu’aux Amériques. Ce pont transatlantique invisible a permis, souvent dans la douleur, de maintenir un lien intercontinental que le blues préserve et perpétue. L’histoire de Soba s’inscrit dans cette longue évolution stylistique mais se distingue par ses protagonistes. Si ces trois brillants instrumentistes jouent le blues avec ferveur, ce n’est pas seulement la légende américaine qui les anime mais leurs échanges complices sur scène et hors de scène.
Que l’on soit Burkinabè, Français ou Congolais, le partage et l’enthousiasme permettent toutes les audaces. C’est ce qu’ont rapidement compris nos trois virtuoses qui ne relisent pas l’épopée américaine du blues mais inventent un autre récit proche de leur quotidien, de leur réalité, de leur présent. Chaque titre de l’album Fiman évoque les enjeux de notre XXIè siècle. Il peut arriver que certains sujets évoqués rejoignent les préoccupations des anciens bluesmen africains-américains mais, au-delà de l’humeur musicale, l’intention narrative est tout autre. Le trio Soba parle des défis d’aujourd’hui : la solidarité, la voix du peuple, les inégalités sociales, l’exil, l’espoir d’une maison commune.
Le parcours artistique et très éclectique de ces trois compagnons de route n’interdit pas une écoute sincère et un respect mutuel. Leurs chemins ont fini par se croiser et leur entente cordiale a suscité un projet lumineux nourri par une camaraderie indiscutable. La tradition orale des griots africains résiste ainsi à l’érosion du temps. Qu’ils se racontent à Paris, Memphis, Ouagadougou ou Brazzaville, nos trois compères portent une parole utile en ces temps de confrontation stérile, de défiance systémique et d’invectives absurdes. Ne soyons pas sourds à ce message unitaire si mélodieusement servi par les mots et les notes du blues africain ancestral.
Rendez-vous le 13 novembre au Studio de l’Ermitage à Paris et le 17 novembre 2024 au festival « Blues Maron » sur l’île de La Réunion pour acclamer le pertinent répertoire du trio Soba.
► SOBA - Tounga (official video).
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La chanteuse américaine Lizz Wright a un talent unique… Elle sait jouer avec les différentes consonances des musiques afro-planétaires. Sa tonalité vocale s’adapte à de nombreux univers sonores. La Soul-Music, le Gospel, la Folk-Music, le Jazz, le Blues, nourrissent son expressivité depuis son tout premier album paru en 2003. 20 ans plus tard, cette voix pénétrante continue d’ensorceler. Lizz Wright présente aujourd’hui Shadow, sa dernière lumineuse production inspirée par les enseignements de ses aînés.
Femme de convictions, Lizz Wright n’est cependant pas une activiste forcenée. Elle se voit d’abord comme une âme sensible qui a appris à choyer les vraies valeurs humaines et les défend autant qu’elle le peut. Son statut d’artiste lui permet de transmettre des émotions positives à tous ceux qui l’écoutent et d’apaiser aussi ses propres tourments. Toujours en quête de sérénité, elle partage avec certaines de ses consœurs cette aspiration à une citoyenneté équilibrée. Originaire de Géorgie, elle a connu l’âpreté du sud des États-Unis, mais elle préfère en donner une vision romantique que ses yeux d’enfant avaient magnifié.
« Ma grand-mère, Martha, avait l'habitude d’aller prier au pied d’un arbre près de sa maison. C’est une image dont je me souviendrai longtemps. Mon père me racontait beaucoup d’histoires à ce sujet. Il y a dans le sud des États-Unis des contes et légendes qui entretiennent le mythe des ancêtres, qui décrivent le vent qui souffle, la pluie qui tombe, la nature qui s’épanouit. Voilà ce que j'ai essayé de restituer. Je veux tirer les leçons de ce que m’a enseigné ma grand-mère. Je me souviens de ses déclarations et de cette phrase qu’elle répétait souvent : "J’aime tout le monde ! Je ne fais pas de différences !". Et, chaque fois, elle versait une larme en prononçant cette phrase. Quand j’étais gamine, je trouvais cela normal qu’une femme pieuse comme elle prononce de tels mots. Aujourd’hui, à 44 ans, je réalise que plus personne ne dit de telles choses, même mes parents ! Je comprends aujourd’hui que ma grand-mère me montrait la voie à suivre et me faisait prendre conscience de la dureté de ce monde troublé. Elle m’a donné le courage de revendiquer ma place sur cette planète sans attendre que quelqu’un ne me l’octroie. Je veux être responsable de l’amour que je donne et ne pas être un étranger pour autrui. Voilà les belles valeurs que ma grand-mère m’a transmises. » (Lizz Wright au micro de Joe Farmer)
Révélée grâce à l’album Salt, Lizz Wright a gagné en confiance en participant en 2009 à la tournée Sing the truth en hommage à la regrettée Nina Simone. C’est à ce moment précis, aux côtés de Dianne Reeves, Angélique Kidjo et Lisa Simone, qu’elle a pris conscience que son avenir se jouerait sur scène. « Nous voulions honorer la mémoire de Nina Simone en mettant nos voix au service de son répertoire. Nous voulions démontrer combien son patrimoine musical était riche et imposant. Nous voulions également mettre en relief les différents thèmes qu’elle évoquait dans ses chansons. Et surtout, nous voulions revitaliser l’émotion de sa voix. Je serai toujours reconnaissante à Danny Kapilian, le producteur de ce spectacle, de m’avoir conviée à participer à ce projet. Cette sollicitation tombait à pic, car j’hésitais vraiment entre deux carrières, la musique ou la cuisine. Il se trouve que mes colistières sur scène étaient aussi des cordons bleus. Finalement, je faisais une pierre deux coups. Je n’avais plus de choix à faire ! » (Lizz Wright sur RFI)
Sur son dernier album, Shadow, Lizz Wright s’est entourée de partenaires de choix dont la bassiste Meshell Ndegeocello. Leur complicité artistique rayonne sur le titre Your Love scellant une camaraderie sincère qui dépasse la collaboration artistique. Lizz Wright ne se prive d’ailleurs pas de faire la promotion de sa nouvelle partenaire dont elle ne tarit pas d’éloges. « Meshell est certainement l’une des plus grandes artistes de notre temps qui conjugue plusieurs disciplines. Elle est une bassiste super funky ! Elle est une fabuleuse compositrice, elle a beaucoup de sensibilité, elle transmet beaucoup d’émotions, et je suis très heureuse d’être son amie. Je vous recommande d’ailleurs d’écouter son dernier projet consacré à James Baldwin. Si vous avez l’opportunité de voir ce spectacle sur scène, ne vous en privez pas. J'ai eu la chance d'assister à une représentation à Chicago et j’en suis ressortie tout émue. Il se trouve, de surcroît, que je suis une fan de James Baldwin. Je partage les valeurs humaines de Meshell. Je les exprime peut-être différemment, mais nous considérons toutes les deux que l’amour et l’honnêteté sont les piliers de la paix universelle quand tant de souffrances troublent ce monde. Parfois, il est bon de se regarder dans le miroir et de se demander où l’on va et qui l’on est. Nina Simone a dit un jour : "Le devoir de l’artiste est de montrer la voie et de refléter le temps présent." Nous devons unir toutes nos voix pour atteindre ce but. » (Lizz Wright – Octobre 2024)
Lizz Wright est une femme fort respectable dont les mots choisis appellent à notre examen de conscience. Écoutons-la se raconter et prenons exemple. Sa poésie musicale prend sa source dans une épopée lointaine façonnée par ses ancêtres.
►Site internet de Lizz Wright.
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Au tournant des années 70, le jazz afro-américain épouse les rythmes scintillants du funk, l’énergie du rock et la richesse des cultures mondiales. Cette fusion des styles et des sources sonores inspire alors le pianiste Herbie Hancock en quête perpétuelle de nouvelles expériences. Il crée en 1973 les Headhunters, formation à géométrie variable qui épousera l’esprit d’ouverture de cette époque psychédélique échevelée. Un demi-siècle plus tard, deux membres historiques de ce groupe légendaire, Bill Summers et Mike Clark, se souviennent de cette aventure épique.
« Je fais partie de ce groupe depuis 1974. J’aime être en compagnie de mes amis musiciens car c’est toujours un défi de créer de la musique avec eux. Nous prenons beaucoup de plaisir à être ensemble, nous rigolons bien. Nous avons voyagé à travers la planète avec Bill et nous avons rencontré des milliers de personnes. Nous avons vécu des moments absolument incroyables. Certains membres du groupe nous ont quittés, d’autres sont arrivés, ce fut une expérience humaine très enrichissante tant au niveau spirituel que musical ». (Mike Clark, batteur des Headhunters).
Bill Summers et Mike Clark sont deux musiciens issus de cultures différentes. Ils ont appris à se connaître, à s’apprivoiser et à se respecter à travers ce compagnonnage musical sincère. S’il y a une constante dans l’intention artistique des Headhunters, c’est la défense des patrimoines ancestraux et l’ouverture d’esprit. Les deux piliers du groupe ont fini par harmoniser leur propos alors que tout pouvait les opposer. Chacun a fait un pas vers l’autre et il est plaisant de les entendre narrer l’évolution progressive de leur prise de conscience jusqu’à la source africaine de l’expression artistique.
« Notre contribution individuelle représente les pièces d’un puzzle planétaire. Nous avons tous un rôle à jouer mais le jazz ne repose pas uniquement sur l'apport africain. Si l'on prend le corps humain comme symbole, le cœur est africain mais les bras, les jambes, les mains, les doigts, les orteils proviennent de différentes régions du monde. Ensemble, tous ces éléments composent un organisme vivant et multiculturel. Qu'importe de savoir si la tête est celle d'un Noir ou d'un Blanc. Du moment que le cerveau fonctionne, nous savons qu'il apportera la touche finale à ce puzzle. Évidemment d'apparence, nous sommes différents. Un Européen ne ressemble pas à un Africain ni à un Asiatique mais nous venons tous de la même source. Nous avons juste fait évoluer notre manière de réfléchir et d'appréhender le monde. Mike et moi sommes deux êtres humains semblables mais nous représentons différentes branches de cet arbre dont le tronc est africain. Le sang qui coule dans nos veines est de la même couleur mais nous ne percevons pas les choses forcément de la même manière. Il faut juste apprendre à s'écouter, à recevoir des leçons et à s'enthousiasmer... ». (Bill Summers, percussionniste des Headhunters).
L’élan multiculturel des Headhunters est indéniable. Les idées fusent continuellement dans ce groupe de virtuoses complices mais, derrière cette propension à marier les styles, il y a beaucoup de travail et une expérience éprouvée. Depuis 50 ans, même s’il y eut des absences prolongées, les Headhunters distillent un esprit de concorde entre les peuples à travers une musique que tout le monde peut apprécier. D’abord étiquetés « jazz-rock » ou « jazz-funk », ils ont progressivement ouvert leur identité sonore à d’autres tonalités et peuvent être perçus comme de fervents partisans de la « sono mondiale ». Ils veulent juste conserver la liberté que leur confère leur statut de jazzmen.
Le nouvel album des Headhunters, The Stunt Man, propulse encore plus loin ces incroyables instrumentistes au cœur du XXIè siècle. Leur musique, née dans les années 70, n’est pas si datée qu’on a pu le dire. Elle s’est adaptée aux époques, aux courants, aux modes, aux évolutions sociales, aux goûts du public. Les Headhunters se produiront le 18 octobre 2024 au New Morning à Paris, mais aussi à Stockholm, Berlin, Milan, Varsovie, à l’occasion du 50è anniversaire du groupe.
► Site du groupe des Headhunters.
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Les Parisiens qui ont assisté aux grandes célébrations œcuméniques de la chorale « Gospel pour 100 voix » connaissent indirectement la chanteuse américaine Linda Lee Hopkins. Née en Caroline du Nord aux États-Unis, elle s’est finalement installée en France au début des années 90 mais n’a jamais oublié la source de son inspiration. Elle nous présente aujourd’hui Spirit & Soul, un album qui la révèle enfin après des décennies aux côtés des grandes figures de « L’épopée des Musiques Noires ».
Al Jarreau, Percy Sledge, Ray Charles, entre autres, ont été séduits par la mélodieuse tessiture de Linda Lee Hopkins mais le prestige de ces collaborations artistiques d’antan ne doit pas éluder l’intention première de porter une parole positive. Cette brillante artiste a aujourd’hui le désir ardent de susciter un élan de bonté et de générosité à travers ses scintillantes interprétations. Il fait dire que Linda Lee Hopkins sait, plus que quiconque, ce que le soutien moral signifie. Embourbée autrefois dans un dédale de difficultés existentielles, elle a su remonter la pente et croire en son avenir.
Sa foi l’a sauvée du précipice et l’encourage chaque jour à aller de l’avant. Son large sourire, son énergie et sa joie de vivre, défient sans cesse ses anciens démons. La chanson « Old Trouble », qui conclut son premier album sous son nom, est très explicite. Il faut trouver la force de résister aux aspects les plus négatifs d’une vie. Les souvenirs sont là mais ils ne doivent pas entamer l’enthousiasme du présent. Croire en une bonne étoile n’est pas un vain mot pour Linda Lee Hopkins. Sa spiritualité la protège. Pour autant, le prosélytisme ne guide pas son discours. Résidente française depuis plus de 30 ans, l’esprit laïque de sa terre d’adoption lui sied parfaitement. C’est au hasard de représentations en public qu’elle a pu noter les différences culturelles transatlantiques. L’attitude rétive des spectateurs français à danser, chanter et battre la mesure, lors de messes gospel exaltantes, l’a d’abord surprise. Elle a alors redoublé d’efforts pour que les codes sociaux s’effacent au profit d’une jubilation collégiale.
Comme elle aime à le rappeler, vibrer sur un répertoire sacré n’est pas dicté par une croyance mais par un sentiment naturel d’abandon à l’instant présent. Profiter du moment sans s’inquiéter du regard des autres est le préalable au plaisir. Linda Lee Hopkins en est convaincue et le prouve chaque soir sur scène. Aux côtés du guitariste Chris Lardeau, compositeur des principaux titres de son album, elle défend avec beaucoup de persuasion cette vision bienveillante qui la hisse au rang des femmes de cœur.
► Site officiel de Linda Lee Hopkins.
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Bud Powell fut un pianiste prodigieux dont le talent subjugua ses contemporains, dont l’illustre Thelonious Monk. Affaibli physiquement et psychologiquement par les revers d’une destinée chaotique, il passera beaucoup de temps dans les hôpitaux et maisons de repos, notamment en France, où il résidera à la fin de sa vie. Le cinéaste français Bertrand Tavernier s’inspira d’ailleurs indirectement de ce personnage insaisissable pour son film « Autour de minuit ». Bud Powell aurait eu 100 ans, le 27 septembre 2024.
Earl Rudolph Powell naît à New York dans une famille de musiciens. Naturellement, son goût pour le jazz et la musique classique se développe rapidement. Il évolue très jeune dans de grandes formatons dont celle du trompettiste Cootie Williams. À cette époque, deux formes d’expression se côtoient aux États-Unis, le swing des Big Bands et le Be Bop de la génération montante. Bud Powell n’est alors qu’un observateur de cette confrontation stylistique qui oppose deux approches d’une même culture jazz. De jeunes frondeurs, Miles Davis, Dizzy Gillespie, Charlie Parker ou Thelonious Monk, entre autres, s’autorisent une nouvelle lecture musicale qui bouscule le répertoire de leurs aînés, Duke Ellington, Cab Calloway ou Jimmie Lunceford. Bud Powell finira par épouser l’irrévérence de ses contemporains en devenant lui-même un acteur de cette révolution artistique notable dans les années 1940.
Son langage sonore s’affine et s’affirme au fil du temps. Son jeu délicieusement fougueux attire l’attention de ses homologues. La virtuosité de Charlie Parker au saxophone le fascine. Il parvient progressivement à transposer cette vivacité mélodique au piano. Bud Powell devient un instrumentiste de talent que l’on remarque et que l’on acclame. La société américaine reste cependant très inégalitaire et l’aura d’un artiste noir ne le préserve pas des réflexes racistes et des exactions policières. Tandis que le public salue les prouesses du nouveau prodige sur scène, sa vie bascule après avoir été violemment frappé à la tête par un représentant zélé de la force publique. Lentement, son esprit va se perdre dans un dédale de troubles mentaux qui le conduiront trop souvent dans des établissements spécialisés.
Bien que les années 1950 soient une période discographique faste pour Bud Powell, ses ennuis de santé perturbent son quotidien. La ségrégation raciale ne contribue pas non plus à son bien-être et sa vigueur décline. C’est à Paris que l’espoir renaît. Francis Paudras, jeune publicitaire français et pianiste à ses heures perdues, écoute depuis des lustres les disques de Bud Powell. Lorsqu’il croise la route de son héros, l’admiration se transforme en une complicité mutuelle. Prenant conscience des déboires de son camarade américain, Francis Paudras l’hébergera chez lui pendant de longs mois. La confiance reviendra, l’envie de jouer ressuscitera. Bud Powell retrouvera une forme de sérénité artistique et un fragile équilibre psychique. Il décidera alors de retourner vivre à New York en 1965. Il décédera un an plus tard, le 31 juillet 1966 à 41 ans.
Francis Paudras lui consacrera un ouvrage intitulé « La danse des infidèles » paru en 1986.
► Le site web consacré à Bud Powell
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En juin 2010, le virtuose de la kora, Toumani Diabaté, évoquait sur nos ondes ses collaborations avec le maître de Niafunke, le regretté Ali Farka Touré. À l’époque, l’album Ali & Toumani venait de paraître et immortalisait la dernière rencontre discographique de deux icônes de « L’épopée des Musiques Noires ». Toumani Diabaté nous a quittés le 19 juillet 2024 à 58 ans. Réécoutons-le se raconter avec sensibilité et modestie.
Très jeune, Toumani Diabaté avait épousé les délicates sonorités de la kora, instrument intimement lié aux cultures ouest-africaines. Comme ses aînés, il fut un conteur dont la mission était de transmettre un savoir légué par l’oralité ancestrale des griots mandingues. La musique était, pour lui, un langage universel qui lui permettait de porter une parole de paix et de tolérance. Cette forme d’expression spécifique accompagnait son discours d’homme sage. Toumani Diabaté a, tout au long de sa vie, multiplié les rencontres comme pour inciter ses contemporains à partager leurs connaissances pour le bien commun.
On le vit aux côtés du bluesman Taj Mahal. On le vit en compagnie du tromboniste de jazz Roswell Rudd. On le vit échanger avec le banjoïste Béla Fleck. On le vit se mesurer au London Symphony Orchestra. On le vit répondre aux sollicitations de la chanteuse islandaise Björk. On le vit s’amuser avec les rythmes latins du groupe Afrocubism. On le vit converser sur disque avec son fils Sidiki. Toumani Diabaté dessinait un univers multicolore sans frontières. Son ouverture d’esprit lui a ouvert les portes de la renommée même si les lauriers ne l’impressionnaient guère. Il préférait se livrer sur scène ou en studio et susciter l’écoute. Il y parvint sans effort.
Lorsqu’il nous rendait visite à RFI, sa voix sereine et posée narrait toujours avec grâce les histoires du quotidien. L’album Ali & Toumani, commercialisé après la disparition du grand Ali Farka Touré, devint l’écho d’une camaraderie sincère dont Toumani Diabaté se plaisait à révéler les secrets à notre micro. Entendre aujourd’hui les mots respectueux de Toumani pour Ali est, certes, émouvant mais, au-delà de notre frisson, ce document radiophonique fait entrer dans notre mémoire collective ces deux gardiens de la tradition.
► Toumani Diabaté sur le site de World Circuit.
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Il y a 40 ans, le guitariste, chanteur, chef d’orchestre et producteur américain, Prince Rogers Nelson, faisait paraître l’album qui allait le hisser au firmament de la gloire internationale. Purple Rain deviendra, en effet, le marqueur temporel d’une épopée vertigineuse que le journaliste Ersin Leibowitch narre avec allant dans son dernier ouvrage Prince Xperience – Dans la tête du génie (Hors Collection Editions).
Si le succès de Prince à cette période charnière de son existence ne souffre aucune contestation, l’envers du décor est plus sombre. C’est en substance ce que tente de révéler Ersin Leibowitch dans cet ouvrage vif qui s’intéresse aux circonvolutions artistiques et psychologiques d’un véritable génie dont les obsessions, les frasques, les tourments, l’insatisfaction permanente, la boulimie créative et l’arrogante incompréhension, le mèneront trop loin. Difficile de cerner un personnage aussi complexe et imprévisible. C’est l’exercice auquel se livre l’auteur de ce récit palpitant.
Quelle lecture doit-on avoir de son désir perpétuel d’indépendance face aux inévitables injonctions du marché discographique ? Avait-il raison de défier les lois du marketing ? S’égarait-il en voulant conserver le contrôle absolu de ses productions ? A-t-il finalement précipité son inéluctable isolement ? Le secret savamment entretenu de ses travaux lui a-t-il porté préjudice ou magnifié son image ? Prince était un homme pétri de contradictions. En quête perpétuelle de nouveautés, il lui arrivait de faire volte-face, quitte à déboussoler ses rares interlocuteurs, comptant sur la fidélité réelle de ses aficionados.
La frénésie de son quotidien lui a peut-être brûlé les ailes, mais comment ne pas saluer la qualité de ses réalisations et de ses prestations. Ses concerts, qu’ils fussent intimistes ou grandiloquents, ne suscitaient qu’admiration et acclamations. Ses apparitions surprises sur des scènes nocturnes ont fait sa légende. Le New Morning à Paris eut le privilège de l’accueillir trois fois lors de ces fameux marathons funk insensés. Prince était un indiscutable maestro dont l’indicible talent fascinait. Le choc de sa disparition, le 21 avril 2016 à 57 ans, fut d’autant plus sévère. Et pourtant, comme le raconte Ersin Leibowitch, les différentes pièces du macabre puzzle scellaient cette fin tragique aux barbituriques.
Son lègue patrimonial est gigantesque car, comme le regretté guitariste Frank Zappa, Prince conservait l’intégralité de tout ce qu’il enregistrait. Ses archives ne manqueront pas de surgir au fil des années et nourriront l’appétit glouton de l’industrie du disque pour le plus grand bonheur des fans éplorés.
Site internet de Prince.
À écouter aussi Un tube, une histoire: «Purple Rain» de Prince
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Le 25 septembre 1974, la ville de Kinshasa au Zaïre s’apprête à accueillir un combat de boxe historique. La rencontre devait opposer Mohamed Ali et George Foreman. Victime d’une blessure à l’arcade sourcilière, Foreman renonce temporairement à affronter son meilleur adversaire. Si la confrontation sportive est décalée d’un mois, le festival de musique est, lui, maintenu aux dates initiales. James Brown, Miriam Makeba, Tabu Ley Rochereau, B.B. King, entre autres, seront de la fête et raviront les spectateurs congolais. C’était il y a 50 ans !
L’intention de rapprocher les diasporas africaines transatlantiques est manifeste et Don King, promoteur américain de ce rendez-vous unitaire, y voit l’occasion de célébrer le peuple noir sous le haut patronage de l’omnipotent président Mobutu. Si l’enjeu politique de cet événement n’échappa pas aux plus fins observateurs, l’élan universel résista à l’érosion du temps. Durant trois jours, des artistes unis par leurs origines ancestrales africaines célébreront leur force expressive commune. À cette époque, la fronde des mouvements de contestation contre la ségrégation aux États-Unis peine à ébranler les certitudes d’un pouvoir blanc toujours très répressif. Les grands orateurs ont été réduits au silence. John Fitzgerald Kennedy, Malcolm X, Martin Luther King, Bobby Kennedy ne sont plus et les seuls porte-paroles, déclarés ou non, de la lutte antiraciste sont les artistes et les sportifs dont l’aura populaire provoque un sursaut citoyen.
Mohamed Ali est alors une icône dont les discours sont écoutés et dont les mots marquent les esprits : « Je pensais que le Congo était une immense jungle avec des animaux sauvages prêts à nous attaquer parce que c'est l'image qu'en donnent les États-Unis. Les américains ont peur de venir ici. Et finalement, j'ai découvert un peuple amical, un pays structuré avec des aéroports, des hôtels, de jolies maisons, des boîtes de nuits, c'est très accueillant. Pour vous dire la vérité, je pense que la jungle se trouve à New York. Vous avez des flics partout, armés jusqu'aux dents, on entend parler de meurtres tous les jours, de trafics de drogues, de viols de jeunes femmes, de vols à la tire... Encore récemment un type a fait irruption dans une banque et a tué 12 personnes, des accidents de train ont eu lieu, voilà ce qu'est l'Amérique aujourd'hui ! Ici, c'est si calme, les sauvages sont aux États-Unis. J'ai beaucoup voyagé et je peux témoigner de la différence entre plusieurs pays. J'arrive de Paris, et croyez-le ou non, ce sont des noirs qui pilotaient l'avion... Impensable aux États-Unis ! ». (Extrait du documentaire When We Were Kings réalisé par Léon Gast)
Mohamed Ali n’est pas le seul à revendiquer ses liens avec le continent africain. Le Roi du Blues, présent à Kinshasa en ce mois de septembre 1974, paraît lui aussi atterré par l’image désastreuse que la grande Amérique renvoie de l’homme noir à travers la planète et s’indigne des méfaits de l’esclavage sur ses contemporains : « Je nous vois comme de pauvres noirs qu'on aurait abandonnés dans le désert. On nous a séparés de notre culture ancestrale et largués au milieu de nulle part. Nous savons que nous avons une terre quelque part sur cette planète qui nous appartient. Nous ressentons les liens qui nous unissent à cette terre, mais nous ne savons pas où elle se trouve. Elle est en nous, mais nous devons trouver ceux qui pensent et vivent comme nous. Et aujourd'hui, nous sommes ici au Zaïre, nous sommes très bien accueillis, et même si nous ne comprenons pas la langue de ce pays, nous savons que des racines culturelles nous rapprochent au-delà du temps qui passe, au-delà des drames et des morts... » (Extrait du documentaire When We Were Kings réalisé par Léon Gast)
Cette réunion œcuménique de talents afro-confraternels ne règlera évidemment pas le problème des discriminations. Les exactions se poursuivront et les injustices subsisteront mais, durant quelques heures, une volonté sincère de faire entendre la voix de la raison et d’afficher la puissance sociale d’une communauté africaine soudée redonnera espoir aux combattants de la liberté. Un demi-siècle plus tard, ce vœu n’est peut-être pas exaucé, mais il inspire toujours les âmes sensibles et les hommes et femmes de bonne volonté.
Le Festival Jazz de Kinshasa accompagne d’ailleurs cette année cette profession de foi en choisissant de hisser le flambeau : « Jazz for Peace ».
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Parler de « la musique africaine » est un non-sens tant ce continent recèle de rythmes, mélodies, traditions et langages divers. Est-il pertinent de réunir sous une seule bannière des formes d’expression aussi différentes que le Makossa, l’Afrobeat, le Kwaito ou le Maloya ? Le dénominateur commun à tous ces vocabulaires sonores ne peut être que la dimension internationale de leur histoire. Que l’on perçoive ou non cette évidence, les musiques populaires actuelles ont toutes un enracinement africain. Pour autant, les fondre dans une appellation générique serait fort réducteur car chacune d’elles identifie un peuple, révèle une culture, détermine sa place dans L’épopée des musiques noires.
Tutu Puoane, Ablaye Cissoko ou Mokhtar Samba ont-ils des points communs ? Outre leurs origines africaines, ils ont tous une histoire propre qui les distingue les uns des autres. La chanteuse Tutu Puoane est une artiste sud-africaine qui défend ses racines avec vigueur en mettant en musique les mots de sa consœur poétesse Lebogang Mashile. Cette implication sincère revêt certainement un caractère revendicateur même si la principale intéressée préfère parler de célébration romantique de sa culture ancestrale. Tutu Puoane ne se considère pas militante. Elle se plaît seulement à exprimer ses états d’âme qui, parfois, rejoignent les préoccupations de ses contemporains. Sa participation au collectif « Black Lives – From Generation to Generation » en est une belle illustration. L’intention est louable puisqu’elle encourage la tolérance et l’unité des peuples du monde entier, sans discrimination, sans préjugés, sans idées préconçues.
Ablaye Cissoko fait également partie de ces esprits sages qui insufflent la concorde au-delà des frontières géographiques de son Sénégal natal. Virtuose de la kora, il promeut le partage et l’écoute en multipliant les projets multicolores. Avec son ami Simon Goubert, brillant batteur français, il a imaginé il y a 15 ans un orchestre dont les effluves musicaux transcendent les nationalités. « African Jazz Roots » fit paraître un premier album en 2012 et veille depuis à entretenir la flamme du consensus rythmique et mélodique. Une fois de plus, le continent africain, pétri de nombreuses sources sonores, nourrit l’universalisme de la musique.
Le batteur Mokhtar Samba ne peut que souscrire à cette définition incontestable. Ce maestro de la cadence africaine assumée est le fruit de plusieurs cultures. Ses racines marocaines et sénégalaises ont favorisé son ouverture d’esprit et accéléré sa compréhension de la « clave », ce rythme afro-planétaire que des milliers de musiciens ont dû appréhender pour développer leur personnalité artistique. Certains l’ont acquis avec effort, d’autres l’ont simplement ressenti et façonné à leur guise. Pour Mokhtar Samba, la maîtrise de cet art est innée. Elle s’inscrit dans son ADN culturel. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que son dernier album Safar soit un voyage international dont le tempo africain ponctue les différentes étapes.
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Site internet Tutu Puoane Music
Site internet African Jazz Roots
Facebook Mokhtar Samba
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Délimiter l’espace caribéen est souvent périlleux car cette région du monde est une addition miraculeuse de cultures hybrides et de territoires ultramarins malmenés par l’histoire. Cette myriade de destinées populaires a donné naissance à une identité revendiquée. Pourtant, être Antillais, Jamaïcain, Trinidadien ou Cubain, ne peut se résumer à une simple affirmation unitaire. Les spécificités régionales, les idiomes locaux, les rythmes et harmonies, distinguent chaque créolité. Les musiciens en sont les garants.
Leyla McCalla est, certes, née aux États-Unis mais ses racines parentales la ramènent constamment à la source haïtienne de son expressivité. Chacun de ses albums distille cette émanation originelle qui inscrit son être tout entier dans une histoire patrimoniale façonnée par les soubresauts existentiels de ses ancêtres. Autrefois, à Port-au-Prince, la petite Leyla écoutait Radio Haïti chez sa grand-mère. Elle se souvient toujours aujourd’hui des voix et des musiques qui accompagnaient sa jeunesse auprès de ses aïeux. L’assassinat de Jean Dominique, directeur de cette antenne légendaire, le 3 avril 2000, suscitera tant d’émoi que Leyla McCalla imaginera un album partiellement composé d’archives sonores entendues sur cette station libre et indépendante. « Breaking the thermometer » sera l’écho de cette émotion vive qui ébranla les partisans de la liberté.
Haïti est une terre rebelle où défier le colonialisme est un combat ancestral. Le saxophoniste montréalais Jowee Omicil a fait paraître en 2023 un album destiné à panser les blessures. En remontant jusqu’au 14 août 1791, il convoque un passé redoutable quand les esclaves de Bois-Caïman, réunis lors d’une cérémonie vaudoue, envisagent déjà la fronde qui mènera à la révolution citoyenne de 1804 et à l’indépendance de ce pays meurtri. Toussaint Louverture, figure éminente de cet événement historique, n’est cependant pas le pilier de ce disque audacieux. L’intention artistique est davantage mue par un désir de guérison spirituelle que le free jazz peut nourrir. Ce jaillissement de notes multicolores est un cri libérateur que l’on doit accueillir avec candeur et compréhension.
Les territoires caribéens ont tous souffert du poids de l’oppression européenne. La Jamaïque, par exemple, fut très longtemps administrée par la couronne britannique. Les soulèvements populaires répétés furent souvent étouffés par la mainmise d’une violente tutelle. Lorsque le pianiste Monty Alexander voit le jour le 6 juin 1944 à Kingston, l’indépendance de la Jamaïque est encore loin d’être acquise. Les tensions politiques ne cessent de croître et poussent certaines familles à rejoindre les États-Unis. Le jeune Bernard Montgomery Alexander échappera donc à une jeunesse trop âpre en suivant ses parents à Miami et à New York. Pour autant, ses souvenirs d’enfant jamaïcain surgiront naturellement dans sa musicalité d’instrumentiste aguerri. À 80 ans, sa virtuosité de jazzman n’élude pas sa culture initiale. Comme nombre de ses contemporains caribéens, Monty Alexander a su conjuguer son goût pour le swing américain et son attachement au ska et au mento jamaïcains.
Questionner son identité n’est pas forcément un acte délibéré. Souvent, une parole ou une mélodie suffit à révéler l’essence d’une tradition. Georges Granville ne revendique pas ses liens avec la Martinique, il les laisse apparaître. Son jeu au piano dévoile sans ostentation une culture antillaise certaine mais il ne l’impose pas. Son album Perspectives nous laisse vagabonder dans son cheminement mélodieux. Les Beatles croisent Chick Corea, le Bèlè semble circonvoluer avec Keith Jarrett. Cette créolité crédule est peut-être le dénominateur commun à toutes les composantes de l’identité caribéenne.
Le site de Leyla McCalla
Le site de Jowee Omicil
Le site de Monty Alexander
Le site de Georges Granville
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La destinée du peuple afro-américain au fil des siècles a fait naître, souvent dans la douleur, des formes d’expression revendicatrices dont la vigueur a identifié ce que l’on a appelé la « Black Music ». Cette dénomination réunit des dizaines de genres musicaux qui continuent de se développer et de dessiner les contours de notre paysage sonore mondial. Le blues et le gospel sont les matrices de ces évolutions progressives vers une universalité artistique. Nos invités, auteurs, spécialistes, passionnés, relatent la genèse d’une culture séculaire.
Dater la naissance de la musique afro-américaine est assez périlleux car elle épouse la lente progression sociale de la communauté noire outre-Atlantique. Elle est le fruit amer d’une rencontre violente entre colons européens et esclaves africains. Elle est l’addition de rythmes et d’harmonies, de traditions séculaires et d’empreintes identitaires. La témérité des musiciens noirs sera déterminante pour affirmer leur place dans une société profondément inégalitaire. Le blues et le gospel symboliseront cette recherche perpétuelle d’équilibre entre le profane et le sacré, entre le corps et l’esprit, entre la réalité du quotidien et l’espoir d’un avenir meilleur. Les artistes ont souvent évoqué cette quête de sérénité et de justice.
La poésie des mots et la cinglante magie des notes ont façonné une histoire populaire qui transpire dans les œuvres de nombreux instrumentistes et interprètes. Lead Belly fut un pionnier dont le répertoire folk a résisté à l’érosion du temps. Son patrimoine musical est un lègue inestimable qui continue d’inspirer les créateurs actuels. Né à la fin du XIXè siècle, il connut les affres de l’homme noir confronté au racisme institutionnalisé. Il y puisera une force rebelle qui finira par séduire ses contemporains. Ce cheminement tortueux a guidé la plume d’Amaury Cornut, auteur d’un livre passionnant entièrement consacré à ce héros mésestimé de la composition narrative authentique.
Lorsque l’on cherche les vestiges d’une aventure humaine exceptionnelle, certaines traces indélébiles réapparaissent toujours et attestent d’un engagement sincère. Le guitariste et chanteur Son House a failli échapper au récit épique de la culture américaine. Disparu des radars pendant près de 20 ans, ce n’est qu’en 1963 que son nom rejaillit grâce à la curiosité de jeunes adeptes du blues ancestral. Son retour dans le feu des projecteurs réhabilitera son répertoire qui, aujourd’hui encore, fascine les virtuoses de notre temps. Olivier Renault a su restituer ce périple unique dans un ouvrage édifiant paru aux éditions « Le Mot et Le Reste ».
Batailler pour survivre fut tristement la norme aux États-Unis durant le XXè siècle. Certains choisiront les armes, d’autres les prières. Une fois encore, l’ambivalence entre le blues et le gospel rythmera l’activisme des citoyens noirs américains au fil des décennies. La guitariste et chanteuse Sister Rosetta Tharpe fut l’une des vaillantes voix de la contestation pieuse. Derrière ses prêches enflammés se cachait une battante qui n’hésitait pas à sortir du cadre spirituel pour asséner quelques vérités et vivre pleinement ses convictions. Sa vigueur instrumentale détona singulièrement à tel point qu’elle fut présentée comme l’instigatrice d’un genre musical révolutionnaire, le rock ‘n’roll. S’agit-il d’un raccourci de l’histoire ? Jean Buzelin, auteur et spécialiste de la culture afro-américaine, s’est posé la question dans une étude passionnante disponible aux éditions Ampelos.
Qui peut réellement décréter que le rock’n’roll vit le jour ici ou là ? Cette irruption stylistique des années 50 est le résultat d’une mutation progressive que Belkacem Meziane décrypte dans une énumération littéraire éclairée des différents courants constitutifs du rhythm’n’blues initial. Du Boogie-Woogie à la Soul-Music, le vocabulaire s’est enrichi et le tempo s’est affirmé. L’élan frondeur a subsisté et a nourri les soubresauts salvateurs de l’Amérique noire.
► Lead Belly, aux éditions Le Mot et le Reste
► Son House, aux éditions Le Mot et le Reste
► Sister Rosetta Tharpe, la femme qui inventa le rock'n'roll, par Jean Buzelin, aux éditions Ampelos
► Rhythm'n'Blues : Jump Blues, Doo-Wop & Soul Music - 100 Hits de 1942 à 1965, aux éditions Le Mot et le Reste.
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Depuis le milieu des années 80, le parc de la Villette à Paris accueille avec gourmandise les musiciens les plus audacieux, intrépides et frondeurs. « Jazz à la Villette » est l’héritier de cette périlleuse tradition qui entend bousculer les conventions et ouvrir l’esprit des spectateurs. Cette avide curiosité pour les expériences sonores continue de nourrir l’inspiration des programmateurs qui, cette année, au cœur des Jeux Paralympiques, proposeront une affiche palpitante. Discussion à bâtons rompus avec Anne Sanogo et Frank Piquard, instigateurs de cette édition 2024.
Si la diversité des cultures mondiales est le cœur battant du festival « Jazz à la Villette », le continent africain est le pilier de cet événement annuel incontournable à Paris. Qu’ils viennent des Caraïbes, des Amériques ou d’Europe, les musiciens qui se produisent lors de cette manifestation d’envergure portent tous un regard vers la source africaine de leur expressivité. Ainsi, du 29 août au 8 septembre 2024, Tinariwen, Anthony Joseph, Kenny Garrett ou Delgrès, entre autres, revitaliseront leurs racines ancestrales avec une jubilation communicative. L’effervescence populaire née des Jeux Olympiques va certainement accompagner les prestations de tous ces instrumentistes aguerris.
Pour l’occasion, « Jazz à la Villette » se démultiplie en sortant de son espace géographique habituel. Outre la Philharmonie et la Cité de la Musique, d’autres prestigieuses salles de spectacles ouvriront leurs portes aux spectateurs et virtuoses enjoués. Le New Morning, le Studio de l’Ermitage, la Dynamo de Pantin, scintilleront de mille feux. L’atelier du plateau et le périphérique-club vibreront également sur des rythmes multicolores. La tradition est respectée. La flamme de l’éclectisme ne vacillera pas. Cette promesse jazz, héritée de premiers concerts donnés il y a 40 ans à la Villette, a résisté à l’érosion du temps.
Les souvenirs ne manquent pas. Miles Davis, Dizzy Gillespie, John Mayall, Nile Rodgers, Gregory Porter, Archie Shepp, Femi Kuti, Salif Keita, Chucho Valdès, Oumou Sangaré, et tant d’autres, ont écrit l’histoire vivifiante du jazz et des musiques connexes à la Villette. Progressivement, ce lieu unique à Paris a su développer une offre culturelle imposante et toujours enthousiasmante. L’intention patrimoniale n’était pas nécessairement une exigence initiale mais elle s’est imposée d’elle-même au fil des années. Il est heureux que cet élan mémoriel parvienne malgré tout à restituer l’air du temps. Le festival « Jazz à la Villette » s’y emploie depuis des décennies et nous le prouvera, une fois de plus, à la fin de l’été.
► Le site de Jazz à la Villette.
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Créé en 2016 dans le but de célébrer les échanges interculturels de la diaspora africaine dans le monde, le « Paris New-York Heritage Festival » a progressivement évolué en développant des concepts interactifs sur plusieurs continents. En Afrique, en Europe, aux Amériques, ce rendez-vous annuel suscite des rencontres, des colloques, des ateliers, pour que les acteurs de la diversité se parlent et se comprennent. Cette année, les festivités accompagnent les Jeux olympiques grâce à divers événements musicaux du 27 juillet au 15 septembre 2024.
Benjamin Lévy, instigateur de cet événement international, évolue dans l’univers artistique depuis des décennies. Aux côtés des plus grandes figures du jazz, du blues, de la soul-music ou du gospel, il a soutenu des projets discographiques d’envergure, accompagné des prestations uniques, initié des programmes musicaux inédits. Son cheminement dans L’épopée des musiques noires lui a permis de croiser la route et de collaborer avec des personnalités aussi prestigieuses que James Brown, Archie Shepp, Roy Ayers, Billy Cobham, Herbie Hancock, Tony Allen, Alpha Blondy, etc. Il sait donc mettre en scène la pluralité éclectique de notre XXIè siècle.
Lorsque Benjamin Lévy inventa le Paris New-York Héritage Festival, l’intention était de créer un pont transatlantique entre les diasporas afro-européennes et afro-américaines. Très vite, ce choix éditorial montra ses limites. Par définition, l’universalité de la musique imposait de se tourner, aussi et surtout, vers la source originelle des métissages mondiaux, le continent africain, lui-même. Ainsi, plusieurs villes vinrent grossir l’affiche de ce festival global : Johannesburg, Vancouver, Montréal, Los Angeles, finirent par rejoindre Paris et New York dans cette célébration des patrimoines ancestraux. Subitement, les distances géographiques n’existaient plus, seule la ferveur des spectateurs rendait ce défi œcuménique palpable. Les hommages à Fela Anikulapo Kuti, au génial Prince, à Gil Scott Heron, par leurs amis et contemporains nourrissaient l’esprit collégial et unitaire de cette grand-messe afro-palpitante.
De Brian Jackson à Vieux Farka Touré, les plus grands représentants de la culture noire ont animé ce festival au fil des années. Aujourd’hui, l’enjeu d’une entente cordiale entre les peuples du monde entier est au centre de toutes les préoccupations alors que les velléités guerrières fragilisent les équilibres géopolitiques. L’art peut être une voie d’apaisement. Au cœur des Jeux olympiques, l’élan insufflé par le Paris New-York Heritage Festival n’est pas anodin. Entendre les mots de la conférencière et animatrice de radio sud-africaine, Nicky B, est une chance. Vibrer sur les notes caribéennes de David Walters est salutaire. Taper du pied en applaudissant le rythme funk du groupe canadien, The Brooks, réconforte. Tous ces moments sont la promesse d’une édition 2024 inscrite dans l’idéal olympique. Rendez-vous dans la fan-zone de la Mairie du XVè arrondissement de Paris et au Parc André Citroën jusqu’au 15 septembre 2024 pour goûter aux valeurs fédératrices de la musique et du sport.
Programmation du festivalParis New-York Héritage Festival
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Durant toute la durée des Jeux olympiques, le Sunset-Sunside, club historique de la capitale française, se lance un défi inédit : proposer chaque soir trois concerts d’affilée consacrés aux icônes du jazz. De Charlie Parker à John Coltrane, de Miles Davis à Nina Simone, ils seront tous célébrés par les meilleurs musiciens français actuels emmenés par le maître de cérémonie, le pianiste Laurent Courthaliac. Ce marathon jazz imaginé par Stéphane Portet, directeur artistique du club, est labellisé « Paris 2024 ».
Le Sunset-Sunside est l’un des cœurs battants du jazz à Paris depuis 40 ans. Installés dans la même bâtisse sur deux niveaux, ce sont en fait deux clubs qui vibrent simultanément tout au long de l’année. 850 concerts sont programmés de janvier à décembre. L’idée d’un marathon du jazz n’est donc pas une lubie farfelue pour les équipes organisatrices qui savent accueillir instrumentistes et spectateurs de tous horizons. La seule difficulté sera certainement le rythme soutenu de trois prestations par soir et, parfois, jusqu’au bout de la nuit. L’afflux assez conséquent de touristes durant les Jeux olympiques sera également un challenge à relever mais chacun se prépare avec ferveur à cette aventure artistique unique.
Laurent Courthaliac sera le « Monsieur Loyal » de ces rendez-vous musicaux intenses. Depuis 30 ans, ce fin connaisseur du swing afro-américain a appris à s’adapter aux contextes sonores et situations diverses pour faire jaillir son expressivité personnelle. Aux côtés des grands virtuoses de notre temps – Ron Carter, Barry Harris, Alain Jean-Marie –, il a développé une musicalité pianistique indéniable qui légitime son statut de chef d’orchestre lors de ce marathon du jazz palpitant. Il conviera d’ailleurs nombre de ses homologues à venir le rejoindre sur scène pour honorer les figures historiques de la culture noire. Hermon Méhari rendra grâce au trompettiste Dizzy Gillespie, Irving Acao saluera son aîné Sonny Rollins, Julie Erikssen interprétera Ella Fitzgerald, et ce ne sont là que quelques exemples des révérences proposées au fil des semaines.
Laurent Courthaliac sait réunir les bonnes âmes pour magnifier les répertoires. Il est l’un des instigateurs d’un coffret de 9 CDs réalisé chez lui pour le label « Jazz&People » de Vincent Bessieres. Cette folie discographique, nommée « At Barloyd’s », rencontra un vif succès en 2018 en offrant un espace d’expression conséquent à neuf pianistes français de toutes générations. Finalement, l’idée du marathon du jazz que propose le Sunset-Sunside était déjà dans les esprits. Pour Stéphane Portet, cette bravade jazz parisienne épouse l’intention olympique. Partager, échanger, se dépasser, se révéler, toutes ces valeurs d’unité et de concorde sont les matrices du sport et de la musique.
► Site internet du Sunset-Sunside
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Après avoir accueilli Aretha Franklin autrefois, Stevie Wonder plus récemment, Lionel Richie en 2023, le Montreux Jazz Festival continue de célébrer les grandes figures de « L’épopée des Musiques Noires ». L’édition 2024 n’échappe pas à la règle puisque l’illustre Dionne Warwick a fait scintiller le Casino de Montreux en Suisse, le 9 juillet 2024.
À 83 ans, l’étoile de l’art vocal a su captiver son auditoire même si sa tessiture, devenue fragile, attestait du poids des années. C’est pourtant à une véritable soirée de gala que cette interprète unique nous convia ce soir-là. Dès son entrée sur scène, les premières notes de « Walk on by » résonnent et, durant 90 minutes, les grands classiques de la Soul-Music et de la variété américaine vont régaler les spectateurs. « Say a little prayer », « That’s what friends are for », « What the world needs now », le répertoire de cette grande dame épouse la bande son de notre temps. L’accompagnement délicat de ses musiciens nous projette dans la tradition du music-hall sans que la nostalgie n’altère la jubilation du moment. Dionne Warwick est, certes, fébrile à cause d’un mauvais rhume mais son humour et sa présence impressionnent et fascinent. Du haut de ses 60 ans de carrière, elle sait jouer avec le public, le chahuter, le charmer, et l’ensorceler. Rejointe par son fils, Damon Elliott, elle s’amusera même à lui lancer le défi d’atteindre la note ultime devant une foule hilare et enthousiaste. À l’issue de cette belle prestation, l’émotion était vive car chaque festivalier avait conscience d’avoir assisté à un événement rare dont les images resteront gravées dans les mémoires.
En première partie de cette nuit étincelante, le jeune Christone Kingfish Ingram eut la lourde responsabilité d’installer un tapis sonore suffisamment subtil pour ne pas froisser les oreilles impatientes d’écouter Madame Warwick. Pari réussi pour ce guitariste de 25 ans, originaire de Clarksdale (Mississippi), dont les notes ciselées ont déjà conquis de nombreux fans à travers la planète. Honoré d’un Grammy Award en 2022, son étonnante maîtrise et son savoir-faire ont été copieusement acclamés par les amateurs de blues suisses qui ont vu ce trublion attachant traverser la salle de spectacle pour conquérir leur cœur et leurs suffrages. Kingfish, qui n’était pas au programme initial du 58ème Montreux Jazz Festival, a fait sensation. Nul doute que nous le reverrons en Europe très souvent tant sa virtuosité a fait mouche. Pour vous en convaincre, écoutez son dernier album enregistré à Londres le 6 juin 2023. Vous découvrirez la finesse de son jeu et son impétueuse texture afro-américaine.
Le Montreux Jazz Festival s’achève ce week-end et, une fois de plus, l’éclectisme a dicté les choix des programmateurs conjuguant la fougue de Trombone Shorty au romantisme de Diana Krall, en osant les expérimentations rythmiques du batteur Yussef Dayes et les cavalcades de guitares du groupe Deep Purple, en accueillant des voix singulières, celle de Jalen Ngonda, par exemple. Un cocktail savoureux dont se délectent les aficionados de notes multicolores depuis 1967.
► Le Montreux Jazz Festival
► Site officiel de Dionne Warwick
► Site de Christone Kingfish Ingram.
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On ne le sait pas, mais derrière les choix artistiques de certains instrumentistes ou interprètes du rock anglo-saxon, il y a une culture musicale beaucoup plus riche qu’il n’y paraît. Ian Gillan, chanteur historique du groupe Deep Purple, n’est pas que le majestueux hurleur du classique « Smoke on the Water ». Il est un admirateur des icônes du blues originel, un amateur éclairé de soul-music et un auditeur fervent du répertoire jazz. Alors que paraît « = 1 », le nouvel album de Deep Purple, Ian Gillan nous parle de ses nombreuses incursions dans l’univers sonore afro-américain.
Invité au Montreux Jazz Festival en Suisse, le 8 juillet 2024, Deep Purple a fait rugir les décibels en assénant quelques riffs de guitare explosifs devant des milliers de spectateurs totalement électrisés. Au-delà de cette prestation très attendue, les protagonistes de cette épique soirée nous ont prouvé que leur musique ne se résume pas à une succession de notes puissantes et de classiques inusables. Derrière ce mur du son, il y a des instrumentistes aguerris et inspirés dont l’élan artistique provient de « L’épopée des Musiques Noires ». Ian Gillan, le leader de cette imposante formation britannique, reconnaît volontiers que la source de son inspiration est un patrimoine sonore ancestral que les Noirs d’Amérique ont forgé au fil des siècles. « N’oublions pas que cette musique est née dans le delta du Mississippi, puis est remontée vers Kansas City, Saint-Louis et enfin Chicago. En suivant ce long voyage temporel et géographique, vous pouvez ressentir l’évolution du blues. C'est ce que j'appelle le blues authentique. D’ailleurs, les ritournelles composées à l’époque sont des petits bijoux qui racontent l’histoire du peuple noir. Sur notre dernier album, vous remarquerez peut-être la chanson « A bit on the side », c’est un titre très puissant dans lequel la section basse-batterie est imposante mais, si vous tendez l’oreille, vous entendrez une allusion au titre « Parchman Farm » de Mose Allison. Curieusement, cela m’est revenu à l’esprit car cette mélodie fait partie de mes années de jeunesse quand j’étais en plein apprentissage musical. Je me souviens de ces paroles très intenses que j’avais apprises par cœur. Au moment de l’enregistrement, je me disais : « D’où viennent ces mots qui me trottent dans la tête ? ». Ils étaient juste dans ma mémoire lointaine. Je pense donc avoir une préférence pour le blues des origines et même, le jazz des origines, celui des années 20 qui est beaucoup plus attractif que le be-bop des années 40. Il y a dans ces musiques une tonalité encore immature, presque adolescente, c’est l’expression naturelle d’un vécu souvent douloureux. Dans ce répertoire d’un autre temps, on évoque les troubles sociaux, les abus de pouvoir. Il faut d’ailleurs savoir déceler le message transmis par tous ces artistes afro-américains d’autrefois car il y avait souvent une double signification. Si vous n’y prêtez pas attention, vous passerez à côté des messages que véhiculaient ces chansons. Les artistes noirs utilisaient des codes pour pouvoir exprimer leur mal-être sans que les Blancs ne s’en rendent compte. Tous ces gens étaient traités comme des animaux. Ce sentiment de désespoir a survécu à travers la musique et s’est retrouvé dans le blues de Chicago. Il est, certes, devenu plus commercial au fil du temps mais le message d’origine est resté vivace, grâce notamment à B.B King et, bien entendu, Muddy Waters ». (Ian Gillan au micro de Joe Farmer)
Si Ian Gillan laisse entrevoir sa passion pour les musiques rurales et acoustiques du sud des États-Unis, il tient aussi à mettre en valeur la maestria de ses comparses dont les connaissances encyclopédiques leur permettent d’aborder tous les répertoires avec un goût certain et une profonde maîtrise. Ils sont, à ses yeux, de fins solistes capables d’imprimer un swing jazz solide échappé des entrailles de l’histoire. « Notre batteur, Ian Paice, est un grand amateur de Gene Krupa, l’un des plus grands rythmiciens du début du XXè siècle. Il avait le don de faire danser n’importe quelle composition. Peu de batteurs dans l’univers du rock ont ce talent. La plupart se contentent de marteler le rythme sans grande finesse. Je vous conseille de réécouter le jeu de batterie de Ian Paice sur « Smoke on the water », et vous constaterez la légèreté avec laquelle il développe le rythme sur cette composition historique. Les membres originaux du groupe Deep Purple avaient des influences musicales très diverses. Ils s’intéressaient aussi bien à la musique classique, au funk, au blues, au jazz et à la folk-music. N’oublions pas que nous étions en pleine période hippie. Il y avait donc beaucoup de dynamique dans le répertoire du groupe à l’époque. L’impulsion originelle venait de la culture musicale éclectique de John Lord, le pianiste, de Ian Paice, le batteur, et de Richie Blackmore, le guitariste. Quand on écoute les solos de John Lord au piano ou de Richie Blackmore à la guitare, on oublie trop souvent le swing presque jazz qu’ils apportaient à la rythmique. Leur contribution était essentielle pour soutenir un chanteur. Avant de rejoindre le groupe, en août 1969, j’avais acheté les trois premiers albums de Deep Purple et j’ai trouvé, à l’époque, que leur musicalité était incroyable, unique. Aucun autre groupe ne sonnait comme eux. Il y avait un swing particulier dans leur manière de jouer du rock. On pouvait déceler cette part de patrimoine afro-américain dont il s’inspirait de manière totalement naturelle. Je fus très heureux de participer à cette aventure lorsque je les ai rejoints. Tout cela pour vous dire que ce n'est pas qu'une question de rythme, il s’agit aussi de peaufiner une texture musicale, une couleur sonore, une beauté harmonique spécifique. Il y avait du panache dans leur manière d’appréhender la musique. Ils savaient à quel moment ils devaient jouer avec les silences, un peu comme le ferait un jazzman. Le rock‘n’roll n’est pas nécessairement une musique bruyante. Mes héros n’étaient pas seulement Elvis Presley, Little Richard ou Chuck Berry, c’était aussi Buddy Holly et les Everly Brothers. En d’autres mots, des artistes beaucoup plus lyriques et mélodieux. Voilà ce qu’était mon rock‘n’roll ». (Ian Gillan sur RFI)
Certes, l’album « = 1 » de Deep Purple appartient davantage à l’univers du rock robuste qu’à la complainte acoustique du bluesman éploré. Laissez tout de même vos oreilles apprivoiser cette emphase surpuissante pour capter les myriades de références musicales héritées de l’ancestralité afro-américaine subtilement distillées par le nouveau guitariste du groupe, Simon McBride. Vous entendrez Deep Purple d’une autre façon et, peut-être, serez-vous mieux préparés à accueillir ces virtuoses du rock lors de leur prochain concert dans votre ville…
► Le site de Deep Purple
► Le site du Montreux Jazz Festival.
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Le 29 juin 2024, lors du 43ème festival « Jazz à Vienne », deux sensibilités féminines se croisaient sur la scène du Théâtre antique. La jeune pianiste et chanteuse réunionnaise Nirina Rakotomavo dévoilait sa musicalité jazz nourrie d’une créolité malgache que ses racines australes magnifiaient subtilement. Quelques heures plus tard, l’immense Oumou Sangaré affirmait ses convictions de femme libre à travers sa merveilleuse voix héritée des traditions africaines ancestrales. Nous étions sur place pour saisir l’humeur de deux interprètes uniques.
Nirina Rakotomavo eut l’honneur d’être la première à insuffler ce soir-là l’esprit d’une programmation multicolore. Bien qu’elle se présente désormais sous son nom, c’est la tonalité de son groupe vocal initial, les selkies, qui nourrissait cette prestation très réussie. Les mélodieux entrecroisements de trois voix féminines portés par la virtuosité de leurs accompagnateurs inspirés donnaient à ce sextet une vigueur fort réjouissante. Nirina Rakotomavo n’est pas encore une figure majeure du jazz en France mais l’intention métisse de son répertoire la distingue de ses homologues. Soutenue par la Spedidam (Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes), cette jeune artiste saura manifester au fil des années l’authenticité de son identité culturelle. N’en doutons pas. L’ovation qui suivit sa brève mais enthousiasmante apparition au festival « Jazz à Vienne » en fut une preuve formelle.
Avant l’arrivée de l’étoile du jour, les festivaliers furent particulièrement charmés par les « Égarés ». Ce quatuor magique, composé de Ballake Sissoko (Kora), Vincent Segal (Violoncelle), Vincent Peirani (Accordéon) et Émile Parisien (Saxophone), jouait avec les contrastes et les couleurs. Servis par une prise de son cristalline, ces quatre compagnons ont su mettre en valeur la spécificité de leurs instruments respectifs en liant malicieusement leurs notes créatives aux bourrasques d’un vent frais et humide annonciateur d’un orage estival approchant. Les oreilles curieuses ont clairement apprécié cette audace et les acclamations furent à la hauteur de cette joyeuse camaraderie musicale.
La nuit tomba, la pluie ne tomba pas, et la flamboyante Oumou Sangaré illuminait les yeux des spectateurs venus entendre la voix unique d’une icône africaine planétaire. Davantage axé sur son dernier album Timbuktu, le récital de la « Reine du Wassulu » fut étincelant, frissonnant et réjouissant. Certains spectateurs n’ont d’ailleurs pu résister à l’envie de monter sur scène pour esquisser quelques pas de danse auprès de leur idole. Oumou Sangaré, amusée par cette manifestation amicale de respect et de reconnaissance sincère de son talent, a même pris la pose pour un ou deux selfies un bref instant. Toujours animée par un désir de justice, de paix et d’égalité, Oumou Sangaré n’a pas hésité à appeler à un « cessez le feu » alors que de nombreux conflits déséquilibrent la géopolitique internationale. Comme elle le clame souvent : « Les guerres s’achèvent toujours par des négociations autour d’une table. Pourquoi ne pas parlementer avant le déclenchement des hostilités ? ». Ce message fut entendu et salué par de vifs applaudissements. La musique porte parfois des discours qu’il faut savoir écouter. L’émotion que nous ressentons est le signe d’une vérité, d’un engagement, d’une approbation, que cette grande dame cherche à éveiller en nous. Ce fut le cas au Théâtre antique de Vienne, le 29 juin 2024.
► Festival Jazz à Vienne.
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Depuis Spirit of Ntu, son premier album paru sur le label « Blue Note Africa », Nduduzo Makhathini jouit d’une notoriété réelle qui l’autorise à promouvoir une approche musicale enracinée dans les traditions sud-africaines. Ses aînés, Abdullah Ibrahim, Bheki Mseleku, Zim Ngqawana, lui ont transmis un enseignement de l’art qui irrigue aujourd’hui son inspiration débridée. Rencontré lors de sa prestation à Coutances en Normandie, le 10 mai 2024, Nduduzo Makhathini a fait appel à notre ouverture d’esprit.
« Unomkhubulwane » est le nom de la déesse de la pluie dans les croyances sud-africaines. C’est aussi le titre du nouvel album de Nduduzo Makhathini. Ce brillant pianiste aux incantations ensorcelantes cherche à trouver l’harmonie et l’équilibre spirituel à travers sa musique. Ce vœu de plénitude est sincère et certainement dicté par une enfance malmenée durant le régime d’apartheid. Lorsqu’il voit le jour en 1982, la violence sociale et la ségrégation raciale sont toujours d’actualité. Croître et s’épanouir dans de telles conditions est impossible à moins de se réfugier dans un art qui vous offre une part d’évasion. « Notre force, c’est le rythme. Le rythme dit qui nous sommes. C’est aussi ce qui définit l’univers autour de nous. Tout n’est que rythme. Le flux et le reflux des marées, c’est le rythme. Tout ce que nous vivons repose sur un rythme bien précis. La musique peut être vue comme l’addition de tous les rythmes que nous percevons. C’est le rythme du corps et de l’âme. En Afrique du Sud, nous avons un terme précis pour définir ce rythme si particulier. Nous l’appelons « Ingoma ». Ce terme spécifique renvoie aux divinités que nous célébrons à travers des chansons, des danses, des connaissances liturgiques. Tout cela pour vous dire que, sur le continent africain, la spiritualité est indissociable du son et du rythme. Nos répertoires sont toujours interprétés durant des cérémonies, des rituels sacrés. La musique, chez nous, ne peut pas s’exprimer en dehors d’un contexte spirituel. Le jazz a en lui cette part de spiritualité que les Africains lui ont transmis en traversant l’Atlantique. C’était une manière pour eux de conserver la mémoire de leurs ancêtres. Les esclaves étaient très éloignés géographiquement de leur terre natale mais parvenait spirituellement à préserver leur appartenance identitaire africaine ». (Nduduzo Makhathini au micro de Joe Farmer)
Les prestations de Nduduzo Makhathini sont des instants de méditation jazz qui vous emportent dans un tourbillon d’improvisation échevelée. Comme pour ses aînés africains ou américains, son inspiration du moment décide de son interprétation. Certains définiront ces démonstrations de virtuosité comme l’expression d’une maestria éprouvée. D’autres s’en remettront à leur foi en une divinité ou un esprit bienfaiteur. Qu’importe les raisons pour lesquelles les grands instrumentistes atteignent parfois le sommet de leur art. S’abandonner à une créativité spontanée demande, certes, de la pratique mais aussi une bonne dose de confiance en soi. « J’essaye de vivre une forme d’utopie qui me détache de la réalité quotidienne. Le pianiste Sun Râ disait souvent que l’espace cosmique était son espace d’expression. C’était sa manière de transcender son statut d’être humain et d’en appeler à la spiritualité pour affronter la violence d’une époque. Il ne voulait pas se limiter à une vie terrestre mais aspirer à une vie spirituelle. Mon maître, Behki Mseleku, réfléchissait ainsi également. C’est d’ailleurs lui qui m’a fait connaître les œuvres de John Coltrane. J’ai alors compris que, face à l’adversité de notre quotidien, il faut prendre de la hauteur. Nous avons tous oublié que nous sommes des êtres liés par notre humanité. Nous avons donc une mémoire collective partagée. Notre humanité devrait donc apprendre à dépasser les problèmes de racisme, les discussions stériles sur la couleur de peau, les longs débats sur les différences culturelles, sur les différences de langage, etc. Attardons-nous plutôt sur nos émotions et notre ressenti. Quand une personne va mal, vous le ressentez immédiatement quelle que soit sa langue, sa culture ou sa couleur de peau. C’est votre humanité qui s’exprime. Nous avons trop longtemps oublié de faire appel à nos sens et à notre intuition. Les sons, les notes, les rythmes, en d’autres mots, la musique revitalise nos sens de manière instinctive. La musique réveille nos sens. C’est la raison pour laquelle je considère que la musique peut apporter la paix dans le monde ». (Nduduzo Makhathini sur RFI)
Nduduzo Makhathini a délivré un message limpide lors du 43ème festival « Jazz sous les Pommiers ». Ses prières pianistiques ont touché les spectateurs et les ont peut-être interrogés sur leurs propres convictions et comportements quotidiens. La musique a ce pouvoir…
► Nduduzo Makhathini chez Blue Note Records.
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Le 10 mai 2024, le festival « Jazz sous les pommiers » accueillait un spectacle audacieux à la mémoire du chanteur et poète français, Claude Nougaro, disparu il y a 20 ans. Cet hommage ambitieux réunissait un aréopage d’artistes téméraires autour d’un répertoire périlleux. Le pianiste et compositeur Ray Lema, l’un des convives de cet intrépide concert mémoriel nommé « New Garo », fut un contemporain de Claude Nougaro, personnage haut en couleurs dont l’exigeante maîtrise verbale et l’implacable rigueur rythmique ne souffrent aucune contestation. Il nous raconte sa complicité avec cette grande figure de la chanson française gorgée de notes afro-planétaires.
Nul n’ignore l’intérêt prononcé de Claude Nougaro pour les rythmes échappés des traditions ancestrales. Nombre de ses succès furent inspirés par des classiques du jazz américain ou de la bossa nova brésilienne. Pour s’en convaincre, il suffit de citer « Le jazz et la java » judicieusement emprunté à Dave Brubeck ou « Bidonville » malicieusement puisé dans le répertoire de Baden Powell et Vinicius de Moraes. Ce ne sont là que quelques exemples saillants d’une réécriture révérencieuse par un authentique amoureux des sources sonores originelles. Comme Claude Nougaro, Ray Lema fait partie de ces âmes sensibles respectueux des idiomes patrimoniaux. Leur rencontre ne pouvait que sceller une camaraderie dictée par la beauté de l’art et, en l’occurrence, par la force expressive de la musique. Leur passion respective pour les terroirs internationaux facilita leur compréhension mutuelle.
Ray Lema reconnaît volontiers que les premiers pas vers une collaboration fructueuse furent d’abord semés d’embûches. Claude Nougaro avait un caractère entier et un tempérament de feu qui, dans la défiance comme dans la confiance, s’affirmaient dans un excès de sentiments contraires. Échanger librement avec un personnage aussi flamboyant et imprévisible était un gage de connivence sincère. Ray Lema parvint à dompter le fauve et lui composa même une merveilleuse mélodie intitulée « C’est une Garonne ». Ce titre, paru en 1993 sur l’album Chansongs, devint un classique du chanteur toulousain et Ray Lema le revitalisa en 2007 sur son disque Paradox. Il ne pouvait pas, non plus, manquer l’occasion de réinterpréter cette œuvre sur scène lors du concert à Coutances en Normandie. Il s’autorisa même une relecture de « Bidonville » en compagnie de la jeune Gabi Hartmann.
La voix de Claude Nougaro résonne toujours dans notre oreille et il est souvent délicat de restituer la musicalité d’une icône regrettée. Les mots cadencés de cet acrobate du verbe sont le premier défi à relever lorsque l’intention louable de l’hommage s’impose. Ray Lema n’a jamais minimisé cet exercice de diction métronomique. Il sait combien il est impératif de rendre justice aux rythmes irrésistibles et aux locutions choisies de son auguste partenaire d’hier.
Les prochaines représentations de « New Garo », imposant spectacle dirigé par le guitariste, bassiste et chef d’orchestre, Fred Pallem, auront lieu à Vienne le 7 juillet, Arles le 12 juillet, et Marciac le 27 juillet 2024.
► New'Garo, hommage à Claude Nougaro sur Arte TV.
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