Afleveringen

  • La mort de six otages dans la bande de Gaza, enlevés le 7 octobre 2023, par le Hamas a relancé la contestation contre le Premier ministre Benyamin Netanyahu et son gouvernement. Ils sont accusés de privilégier la guerre au détriment du sort des otages, mais aussi la tension à la frontière libanaise et en Cisjordanie. Y a-t-il un risque réel de détérioration d’extension dans cette région du monde ?

    Le risque est bien réel, essentiellement à cause des stratégies poursuivies par les principaux acteurs, notamment le Hamas d'un côté et le gouvernement israélien de l'autre. Des stratégies de confrontation dont les otages israéliens détenus à Gaza font malheureusement les frais. Impossible du coup d'aboutir à un accord entre les deux parties, à la fois sur les contours d'une trêve et sur les conditions d'une libération des otages.

    Chacun accuse l'autre de tout faire pour que cet accord, négocié depuis des semaines sous l'égide de l'Égypte, du Qatar et des États-Unis, n'aboutisse pas. La diplomatie américaine met la pression maximale, mais sans résultat pour l'instant.

    Du côté du Hamas

    Les dirigeants du Hamas à Gaza restent sur leurs positions. Ils demandent toujours la fin des combats et le retrait de l'armée israélienne de Gaza. Ce qui est inacceptable pour le Premier ministre israélien dans les conditions actuelles, puisque selon lui, le travail d'éradication du Hamas n'est pas terminé. De même que l'exigence de superviser militairement le fonctionnement de l'enclave palestinienne à l'issue de la guerre ou de contrôler le corridor de Philadelphie entre Gaza et l'Égypte n'est pas recevable pour le Hamas – ni non plus pour l'Égypte. On tourne en rond, essentiellement parce que les deux protagonistes ont intérêt à ce que dure le conflit.

    Du côté du gouvernement israélien

    Le débat est vif sur les intentions belliqueuses de certains ministres et leurs éventuelles conséquences. Les divisions entre va-t-en-guerre et partisans d'une fin des combats sont de plus en plus fortes – et visibles. Il y a quelques jours, c'est le ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui a tiré la sonnette d'alarme. Dans un document, il estime qu'il y a un risque sérieux de détérioration sur tous les fronts. Il dit aussi que certains ministres du gouvernement plaident pour une confrontation totale – à Gaza, contre le Hezbollah au Sud Liban et en Cisjordanie.

    Le calcul de ses ministres d'extrême droite est cynique : la montée des tensions permettrait de justifier une annexion totale de la Cisjordanie, réalisant ainsi leur projet de grand Israël. Au risque, selon Yoav Gallant, d'une déflagration régionale entraînant une intervention de l'Iran. Et Benyamin Netanyahu laisserait faire, obnubilé par son maintien au pouvoir. D'où cette volonté d'une poursuite des hostilités à Gaza.

    On le voit : l'heure est grave. C'est au Premier ministre de déjouer les plans de ses ministres. Le fera-t-il ? La réponse, malheureusement, ne va pas de soi.

  • Dans trois grandes démocraties européennes, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne, on assiste à la montée en puissance des forces populistes et nationalistes. Comment expliquer le succès de ces partis dans ces États démocratiques ?

    En France, le phénomène n'est pas récent, mais le score du Rassemblement national aux élections européennes (32 %) a entraîné la décision du président Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée nationale. Les élections législatives du 7 juillet ont débouché sur une situation de blocage dont le pays n'est pas encore sorti, avec 10 millions d'électeurs qui ont choisi le parti de Marine Le Pen.

    En Allemagne, c'est l'AfD qui ne cesse de progresser, ce qui devrait se traduire ce dimanche 1er septembre par de très bons résultats pour cette formation lors des élections régionales en Thuringe et en Saxe. Selon les sondages, il pourrait atteindre autour de 30 %. Cela alors que le SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, se prépare à une débâcle dans les urnes, annoncée par les sondages.

    À écouterAllemagne: «La montée de l'AfD s'explique par un sentiment de déclassement chez les Allemands de l'Est»

    Enfin, au Royaume-Uni, le Labour du Premier ministre Keir Starmer vient certes d’obtenir la majorité absolue à la Chambre des communes. Mais le scrutin a aussi été marqué par un score inédit pour le parti anti-migrants Reform UK de Nigel Farage, qui a obtenu 14 % des voix.

    Dans les votes pour les partis protestataires, il y a des éléments économiques, sociétaux et identitaires - même s'il y a des spécificités dans chaque pays. Lors de ses déplacements à Berlin puis à Paris, le nouveau Premier ministre du Royaume-Uni, le travailliste Keir Starmer, a appelé ses homologues Olaf Scholz et Emmanuel Macron à se mobiliser pour endiguer « l'extrême droite, le populisme et le nationalisme ».

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    Les difficultés à faire face à la progression des droites dures

    Pour Keir Starmer, le meilleur moyen d'entraver cette progression est d'« obtenir des résultats et d'être honnêtes ». Mais concrètement, il faut que les partis du centre et de gauche trouvent les moyens de parler à nouveau aux catégories populaires, d'assurer leur niveau de vie et de les convaincre qu'une société multiculturelle ne signifie pas la fin de leur culture et de leurs traditions. Comme disait le général Charles de Gaulle, « vaste programme... »

    À écouterLa montée de l'extrême droite en France suscite «beaucoup de fantasmes chez les Africains», selon Marc Ona Essangui

  • Zijn er afleveringen die ontbreken?

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  • Alors que le conflit à Gaza dure depuis plus de dix mois, la pression internationale, menée par Washington, s’accentue tant bien que mal sur le Hamas et Israël pour arracher un cessez-le-feu. Pourquoi un nouvel accord est-il si difficile à obtenir ? Éléments de réponse.

    Le 7 octobre 2023, avec l’attaque du Hamas sur le sud d’Israël, les 70 années d’un conflit israélo-palestinien non réglé se sont d'un coup, tragiquement, dans le sang et les larmes, rappelées au bon souvenir d’une communauté internationale défaillante. Gaza, c'est le symptôme d’une procrastination diplomatique que l’histoire jugera un jour. Alors que nous approchons du onzième mois de conflit, sur fond de désastre humanitaire, de carnage et d’une impensable spirale de violences sur de multiples fronts — Cisjordanie, Sud-Liban, menace d’escalade régionale —, les incendiaires du Proche-Orient continuent leur fuite en avant sans que personne ne parvienne à les arrêter. La dernière trêve remonte à novembre 2023, un fragile cessez-le-feu, qui avait permis la libération de 80 otages israéliens en l’échange de prisonniers palestiniens, mais qui avait surtout autorisé la population gazaouie à reprendre son souffle, sans imaginer le calvaire qui l’attendait.

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    Une feuille de route états-unienne existe depuis mai, les points de divergences perdurent

    Sur le fond et la forme, le Hamas et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu ne sont en fait d’accord sur rien, ou presque. Même s’ils font, chacun de leur côté, des promesses de bonne volonté auprès de leurs interlocuteurs américains, qataris et égyptiens qui commencent, eux aussi, à trouver le temps long, sur fond de perte de crédibilité et de déficit d’influence.

    Au-delà du nombre d’otages libérables — une centaine d’Israéliens, civils et militaires, sont toujours retenus dans l’enclave palestinienne —, du profil des prisonniers palestiniens échangeables, c’est bien de la présence des forces israéliennes après le cessez-le-feu qui pose problème. Pas question pour elles de quitter — et donc de laisser au Hamas et au Jihad islamique — des zones stratégiques comme les corridors de Netzarim, qui coupent Gaza en deux du sud au nord, et celui de Philadelphie, une zone tampon de 14 kilomètres qui borde l’Égypte. L’Égypte, elle aussi partie prenante, voit cette exigence comme une violation du traité de paix de 1979 entre Le Caire et Tel-Aviv.

    Seul point d’accord, semble-t-il, la question humanitaire et l’accès à Gaza de 600 tonnes d’aide par jour. Si seulement il y a une trêve.

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    La guerre à Gaza s'invite dans la présidentielle états-unienne

    À plus de 10 000 kilomètres de l’enclave palestinienne, l’élection présidentielle aux États-Unis est scrutée de près. Alors qu’une partie de l’opinion israélienne est favorable à un retour de Donald Trump au pouvoir, du côté palestinien, on vit encore le traumatisme de sa présidence pro-colonisation et qui avait enterré la possibilité de la solution à deux États. En équilibre instable entre une alliance indéfectible, morale et militaire de Washington à Israël et une opinion publique américaine bouleversée, le camp démocrate a choisi, par la voix de Kamala Harris, de défendre le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Un calcul électoral dont l’histoire dira en novembre s’il est gagnant, aux États-Unis comme au Proche-Orient.

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  • Plus de deux semaines après l'élimination de hauts dirigeants du Hamas et du Hezbollah au Liban et en Iran, Israël vit sous la menace d'une riposte annoncée par Téhéran. La course contre-la-montre diplomatique engagée par la communauté internationale peut-elle sauver la situation ?

    Pour tenter de répondre à une telle question et donc, entrevoir une issue à cette profonde crise qui agite le Proche-Orient depuis plus de dix mois, il faudrait déjà pouvoir réunir les protagonistes, ce qui a été possible lors des précédentes négociations. Or, du côté palestinien, il n’y a plus d’interlocuteur puisque le médiateur en chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, l’un des visages connus du mouvement islamiste, a été tué le 31 juillet en plein cœur de Téhéran dans une attaque non revendiquée, mais imputée à Israël.

    Le nouveau chef suprême du Hamas, Yahya Sinouar, l’homme qui a organisé les attentats du 7 octobre et qui se terre dans les tunnels de Gaza, est non seulement difficile à joindre, mais n’a pas une réputation de grande ouverture diplomatique.

    Une guerre polarisante

    De l’autre côté de la table, les Israéliens font l’objet d’une intense pression de Washington. Le président américain Joe Biden serait heureux de pouvoir être crédité d’une avancée en pleine campagne électorale aux États-Unis, alors que la guerre à Gaza polarise la société américaine.

    Mais Benyamin Netanyahu, le chef du gouvernement, a-t-il vraiment envie d’une trêve, rien n’est moins sûr... Et surtout, a-t-il les moyens politiques de la susciter, prisonnier volontaire des ministres suprémacistes et ultra-nationalistes de sa coalition gouvernementale qui rejettent systématiquement toutes négociations et appellent à coloniser la bande de Gaza ?

    Et l’Iran, de son côté, continue de faire monter la pression. La riposte iranienne, pour venger la mort du chef politique du Hamas sur son sol, est depuis deux semaines l’épée de Damoclès qui pèse sur Israël.

    L’armée israélienne est en alerte maximum, d’autant que le nouvel exécutif iranien a juré de lancer une offensive d’envergure, plus importante que les 300 missiles et drones tirés en avril dernier en représailles à la frappe israélienne sur son consulat à Damas. Déjà considéré comme une escalade significative, les deux grands ennemis du Proche-Orient ont ainsi renoncé au mode opératoire non frontal d’usage, en vigueur depuis des années, recourant à la guerre clandestine ou par procuration.

    Plus de 40 000 morts à Gaza

    Alors qu’au Yémen, en Irak et surtout, au sud-Liban, les affidés de Téhéran multiplient les menaces, l’Iran joue la montre, sans doute partagée entre la volonté de punir Israël et les conséquences hasardeuses d’un conflit régional.

    Mais, pour autant, la violence à Gaza, en Cisjordanie occupée et sur la frontière avec le Liban ne fait que s’intensifier. Dans la bande de Gaza, où le bilan a dépassé les 40 000 morts en fin de semaine, la population en agonie continue de subir les bombardements quotidiens et les ordres d’évacuation. Dans les villages palestiniens, au nord de Jérusalem, les incursions de l’armée et les attaques des colons israéliens sont de plus en plus fréquentes et ont fait au moins 630 morts en dix mois.

    À l’extrême nord du pays, les échanges de tirs entre Israéliens et miliciens du Hezbollah libanais sont devenus quotidiens avec des centaines de morts à déplorer. Dans cette spirale qui semble incontrôlable, les deux communautés sont désormais dos à dos et commencent, peu à peu, à faire le deuil de leur coexistence.

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  • Alors que la guerre d’agression russe en Ukraine approche bientôt les mille jours, entre progression russe et épuisement de l’effort de guerre ukrainien, l’incroyable percée dans la région de Koursk cette semaine déjoue toutes les statistiques. S’agit-il d’un tournant stratégique ?

    En tout cas, nous sommes déjà bien au-delà du coup de chance ou du simple revers militaire localisé infligé par les troupes du général Oleksandr Syrsky, l’austère chef d’état-major ukrainien. Un officier formé à l’époque soviétique, qui a servi en Afghanistan et était déjà auréolé du succès de la défense de Kiev puis de Kharkiv, mais dont la réputation de chercher l’affrontement avec l’ennemi « quoi qu'il en coûte », et les campagnes perdues de Bakhmout, notamment, avaient ces derniers mois quelque peu terni son image.

    Incroyable audace de l’opération ukrainienne en milieu de semaine : un millier de soldats avec chars et blindés impliqués dans la plus importante offensive organisée sur le sol russe depuis le début de la guerre – 420 km2 de territoire conquis en trois jours – rebat les cartes et va, à l’évidence, redorer le blason du général ukrainien.

    Il fallait voir la sombre mine de Vladimir Poutine, cette semaine, flanqué de son conseil de sécurité dans un entretien vidéo diffusé à la télévision pour mesurer l’effet désastreux de la percée ukrainienne, alors que d’autres images circulaient montrant l’affolement et la fuite des populations russes de cette région frontalière de l’Ukraine.

    Au-delà de l’effet de surprise et de l’indéniable gain psychologique dans un pays épuisé par la guerre, l’offensive sur la région de Koursk a pour objectif, incertain pour sa part, de faire baisser la pression sur le front est où les forces russes progressent, mais il pose, aussi, la question de la pérennité d’un tel coup de force. À Moscou, quoi qu’il en soit, de plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer la « mollesse » de la réaction, exhortant le président Poutine à « punir » les Ukrainiens.

    L’opération militaire spéciale de trois jours lancée à l’aube du 24 février 2022 – déjà considérée comme la plus importante opération militaire qu’ait connue l’Europe depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale – va-t-elle finalement se transformer en guerre totale ?

    Kiev a confirmé la livraison des premiers F-16 promis par la communauté internationale

    Autre symbole, autre source d’espoir dans cette terrible guerre d’endurance : l’arrivée cette semaine des avions de chasse de conception américaine dédiés à la défense du ciel ukrainien et à la pénétration en profondeur de l’espace russe. Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui réclamait et attendait ce soutien des nations alliées depuis plus d’un an, a confirmé leur arrivée les jugeant en « nombre insuffisant » et espérant « prochainement » des « livraisons supplémentaires ». Trop peu, trop tard, comme le dénonce bon nombre d’experts militaires, l’arrivée des avions de combat occidentaux pour la défense de l’Ukraine ne peut plus constituer la solution magique qui retournera la situation sur le terrain tant le confit est entré dans une forme d’impasse stratégique et tactique, sans oublier le rapport de force implacablement favorable à la Russie avec son impressionnant réservoir humain.

    Sur un autre front parallèle, l’Ukraine fait parler d’elle en Afrique

    À l’heure où la guerre informationnelle et la lutte d’influence font rage, alors que ce conflit d’une violence rare aux confins de l’Europe a plongé le monde dans une version moderne et multilatérale de la Guerre froide. C’est loin, très loin de Kiev, que la bataille semble s’être transportée. Coup de bluff ou pas ? Et quel que soit le rôle que l’Ukraine a joué dans la victoire des rebelles touaregs contre l’armée malienne et les supplétifs russes de Wagner dans l’extrême-nord-est du Mali, dans la bataille sanglante de Tin Zaouatine fin juillet, Kiev a habilement su exploiter ce formidable outil de propagande, d’autant qu’il marque la plus grande perte des supplétifs russes en Afrique.

    En équilibre diplomatique instable avec une partie de l’Afrique où la Russie monte en puissance, l’Ukraine fait déjà les frais de ses engagements : le Mali puis le Niger ont immédiatement rompu leurs relations diplomatiques avec Kiev, dénonçant un soutien aux « groupes terroristes sur le territoire malien ».

  • Pour la sixième fois consécutive depuis le putsch du 1er février 2021, la junte militaire birmane vient de prolonger de six mois l’état d’urgence alors que le pays continue de sombrer dans une guerre civile à huis clos. Cependant, l’insurrection pro-démocratie continue de gagner du terrain sur plusieurs fronts. Décryptage des raisons d'une telle progression.

    Il y a dix jours, le général putschiste Min Aung Hlaing s'autoproclamait président. Dans une nation tenue d’une main de fer par ce général, dont la fuite en avant a plongé l’une des jeunes et prometteuses démocraties d’Asie orientale vers les heures les plus sombres de l’autarcie et de la violence politique, la population birmane a fini par comprendre et à s'y résigner, dans le sang et les larmes : elle ne pourra compter que sur elle-même pour maintenir la flamme démocratique dans son pays. En effet, selon l'ONU : « La situation des droits de l’Homme [est] devenue en Birmanie un cauchemar sans fin, loin des regards de la politique mondiale ».

    Le peuple birman, qui a enduré sept décennies d’une succession de dictatures militaires depuis son indépendance, a décidé d’entrer en résistance, coûte que coûte. Alors que les premiers manifestants étaient abattus par les forces de sécurité dans les rues des grandes villes de Birmanie, trois semaines après le coup d’État de 2021, prélude à un bain de sang et à une répression féroce contre lesquels la communauté internationale a mollement réagi, une partie des élus, députés, activistes encore libres ont choisi la clandestinité afin d’organiser la rébellion. D’abord politiquement puis militairement, en s’alliant aux dizaines de guérillas ethniques actives aux quatre coins de cet immense pays bordant entre autres l’Inde, la Chine, le Bangladesh et la Thaïlande.

    Depuis octobre dernier et le déclenchement de l’Opération 1027, d’audacieuses offensives armées menées par une coalition de volontaires et de guérilleros au nord, à l’ouest et au sud du pays ont provoqué la chute de dizaines de villes, l’arrestation, la fuite ou la reddition de centaines de soldats gouvernementaux et ont fait renaître l’espoir.

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    État des lieux des rapports de force dans les soutiens internationaux

    Sur la scène diplomatique, la contre-offensive, elle aussi, a commencé. Le gouvernement de l’ombre, formé sur les ruines de l’après-putsch, s’est organisé. Zin Mar Aung, ancienne prisonnière politique et infatigable ministre des Affaires étrangères de ce pouvoir parallèle birman, multiplie les appels à la communauté internationale : « Non seulement vous ne nous fournissez pas d’armes, martèle-t-elle, mais nous ne recevons aucune aide humanitaire... Si nous perdons la guerre, le monde démocratique sera, lui aussi, perdant. » Dont acte.

    De son côté, le régime militaire, honni par l’ensemble de la population, acculé sur plusieurs fronts, fait aussi l’objet d’une batterie de sanctions internationales. Mais là encore, tout ne semble pas joué, tant politiquement que militairement. Pourvoyeurs d’armes et de précieuses technologies militaires, la Russie, la Chine ou la Corée du Nord sont encore les garants de la survie de la Tatmadaw, l’armée birmane. Idem au Conseil de sécurité de l’ONU où les vétos alliés de la junte empêchent tout vote décisif. Mais la Chine, inquiète pour la sécurité à sa frontière et déterminée à jouer un rôle croissant sur la scène mondiale, est en train, peu à peu, de lâcher les généraux putschistes birmans, un tournant sans doute décisif.

    Le rêve d’une Fédération birmane est-il enfin à portée de main, comme le souhaitent le gouvernement de résistance et les 135 minorités ethniques ? Rien n’est moins sûr dans un pays où le facteur ethnique a toujours été le point de discorde et le préambule aux conflits armés. Les minorités ont toujours été considérées comme des citoyens de seconde zone, bien qu'elles représentent les deux tiers de la population et concentrent sur leurs territoires la plupart des immenses richesses et matières premières du pays. C’est là aussi le grand défi de la Birmanie. Que le jour vienne où elle parvienne à s’unifier dans la paix.

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  • Le Premier ministre israélien a pu s’exprimer cette semaine devant le Congrès américain, en pleine guerre à Gaza, acclamé par le camp républicain et boycotté par un grand nombre de représentants démocrates. Décryptage des raisons de la venue de Benyamin Netanyahu aux États-Unis.

    Benyamin Netanyahu est un peu chez lui aux États-Unis : ses parents ont quitté New York pour Jérusalem en 1948 et, habile orateur, il sait parfaitement comment s’adresser à une audience américaine, de droite par surcroît. Ensuite, dans l’incroyable contexte pré-électoral qui agite Washington depuis quelques jours, le dirigeant israélien se devait de resserrer les rangs alors qu’il s’était promis d’offrir à son ami Donald Trump une fin de guerre à Gaza comme cadeau diplomatique de réélection en novembre prochain.

    Le scénario n’étant plus exactement celui d’un retour garanti de l’ancien président populiste aux affaires après le coup de théâtre historique du retrait de Joe Biden et l’entrée en lice de Kamala Harris, les lignes ont considérablement bougé et Netanyahu n’est donc pas venu pour mettre un terme à la guerre, mais pour, bien au contraire, obtenir les moyens de la poursuivre.

    Après pas moins de 52 ovations qui ont interrompu son discours d’une heure devant les deux chambres d’un Congrès clairsemé, déserté par un grand nombre d’élus démocrates, il est vrai que Netanyahu s’est offert une cure de popularité dont il est loin de pouvoir jouir en Israël - où 70% de la population réclame son départ - défendant pêle-mêle « une guerre existentielle », prophétisant aussi « un choc des civilisations », élargissant au péril de l’« axe de terreur iranien qui menace les États-Unis. »

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    « Tel un clown, le Premier ministre israélien est monté à la tribune et a craché tout son poison et ses mensonges » dissimulant « la vérité du génocide, de la tuerie et de la famine » à Gaza, a aussitôt commenté le quotidien palestinien Al-Quds, alors que le sénateur américain Bernie Sanders affirmait, pour sa part, que pour la « première fois de l’histoire, un criminel de guerre s’exprimait devant le Congrès. »

    Du côté démocrate, l’exaspération est à son comble face à la durée de la guerre et l’absence de stratégie du Premier ministre israélien

    La politique de la chaise vide au Congrès a révélé l’état de profonde crispation et d’inquiétude d’une grande partie du camp démocrate face à la fuite en avant de Netanyahu depuis le déclenchement de l’offensive israélienne sur Gaza, trois semaines après l’attaque du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre dernier. Aucun cessez-le-feu depuis novembre n’a pu être négocié en dépit de l’implication croissante de l’Égypte, du Qatar et des promesses publiques du président Biden qui, outre l’humiliation, d’avertissement en ligne rouge, a semblé être incapable d’aucune prise sur le Premier ministre israélien, alors qu’il lui fournit la plus grande partie de son armement. D’ailleurs, le rituel de la rencontre Biden-Netanyahu en fin de semaine à Washington était essentiellement protocolaire - les deux hommes se détestant désormais cordialement - mais c‘est bien la rencontre avec la nouvelle candidate Kamala Harris qui a permis d’observer un timide virage de la potentielle stratégie des États-Unis à l’égard de son plus ancien allié au Proche-Orient.

    La vice-présidente s’est dite « gravement préoccupée par l’ampleur des souffrances humaines à Gaza, notamment par la mort d’un trop grand nombre de civils innocents », rappelant les images d’enfants morts et de personnes désespérées et affamées, fuyant pour se mettre à l’abri, parfois déplacées pour la deuxième, troisième ou quatrième fois. Une déclaration en prise avec le réel qui a déclenché la fureur des officiels israéliens, toutefois rassérénés par la dernière étape du déplacement du Premier ministre : la villa de Donald Trump.

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    Pendant ce temps, Gaza continue de vivre et de mourir sous les bombes

    Un collectif de 13 ONG internationales, parmi lesquelles Oxfam ou Médecins sans frontières, a récemment dénoncé la « détérioration » de l’accès de l’aide humanitaire à Gaza, mettant en cause les opérations militaires israéliennes qui se sont intensifiées mi-juillet, signalant plusieurs « massacres » dans des « zones de sécurité » abritant des réfugiés.

    L'offensive sur Gaza dure depuis dix mois sans perspective de fin. L’enclave palestinienne a été réduite à un champ de ruines. Une centaine d’otages seraient encore entre les mains du Hamas, les négociations pour leur libération sont au point mort. Le bilan fournit par le mouvement islamiste a dépassé les 40 000 morts et près de deux millions de Gazaouis ont été déplacés par la guerre. Et bon nombre d’observateurs posent cette question : que va-t-on découvrir lorsque les premiers témoins pourront un jour entrer dans Gaza ?

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  • Le Monde en Questions de cette semaine revient sur la campagne électorale pour l’élection présidentielle aux États-Unis qui doit avoir lieu le 5 novembre prochain, en particulier sur le positionnement plus que compliqué du président sortant Joe Biden. La question est la suivante : Joe Biden peut-il espérer remonter la pente ?

    La réponse à cette question est que cela sera très difficile. Et peut-être impossible, tant la position du président des États-Unis Joe Biden apparaît de plus en plus fragile. Les mauvaises nouvelles s'enchaînent depuis quelques semaines : un débat totalement raté face à Donald Trump le 27 juin, des signes de faiblesse évidents lors du sommet de l'Otan il y a dix jours, et l'annonce qu'il doit rester à l'isolement quelques jours après avoir attrapé le Covid alors qu'il est pourtant vacciné. Sans parler de la tentative d'assassinat contre Trump la semaine dernière, qui non seulement a grandement profité à ce dernier en termes d’image, creusant encore un peu plus le fossé entre le Républicain, fort, solide et dynamique, protégé de Dieu lui-même pour certains et, en comparaison, Joe Biden, usé et fatigué, qui inquiète de plus en plus le camp démocrate.

    Certains poids lourds du Parti démocrate lui conseillent de renoncer...

    Depuis fin juin, de plus en plus de personnalités du Parti tentent de faire pression sur le président sortant pour l'inciter à renoncer et à laisser la place à un autre candidat ou à la vice-présidente Kamala Harris. Jusqu'à Barack Obama, dont Joe Biden a été le vice-président... Selon le Washington Post, il aurait indiqué à son proche entourage que l’actuel hôte de la Maison-Blanche, âgé de 81 ans, devrait « évaluer sérieusement la viabilité de sa candidature »...

    Mais, jusqu'ici, Joe et sa femme Jill, qui joue un rôle essentiel auprès de lui, estiment qu'il est le seul à pouvoir battre Trump dans un peu plus de 100 jours.

    Pourtant, les sondages sont préoccupants, notamment dans les fameux « États-clés »...

    Ces États, au nombre de sept, peuvent basculer l'élection d'un côté ou de l'autre, jouant un rôle essentiel de victoire à la marge, mais décisive. Ils apportent les quelques grands électeurs qui permettent d'atteindre la barre fatidique des 270 - chiffre indispensable pour remporter la victoire. Dans quatre de ces États, la Géorgie, le Nevada, l'Arizona et la Caroline du Nord, l'avantage Trump semble d'ores et déjà trop installé pour être rattrapé.

    Et la situation est critique dans trois États anciennement industriels de ce qu'on appelle la « Rust Belt » : le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie. Trump l'a si bien compris que, pour asseoir son avantage, il a choisi comme colistier un régional de l'étape, JD Vance, originaire du Wisconsin.

    À 100 jours de l'élection, tout peut certes changer. Mais la dynamique est clairement du côté de Trump, auréolé désormais du statut de miraculé après la tentative d'assassinat du week-end dernier. Pour les démocrates, et particulièrement pour Joe Biden, l'heure du choix approche. Faire le dos rond et se maintenir en attendant que ça s’arrange, ou renoncer avant qu’il ne soit trop tard. Comme on dit en anglais : « time flies », le temps passe… très vite, dorénavant.

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  • Le Monde en Questions de cette semaine revient sur les législatives qui viennent de se dérouler en France et au Royaume-Uni, et l'élection présidentielle qui se profile aux États-Unis dans quatre mois. La question est la suivante : dans ces trois pays, la démocratie représentative est-elle en danger ?

    La réponse est oui, la démocratie représentative est en danger, même si on peut noter des éléments de solidité et de résilience de l'instance démocratique dans ces trois états.

    Au Royaume-Uni, à priori, les toutes récentes élections générales, qui ont porté le parti travailliste Labour au pouvoir, semblent démontrer que le système parlementaire et démocratique fonctionne correctement. Deux grands partis qui s'affrontent, avec chacun un dirigeant clairement désigné, et un résultat qui dégage une majorité absolue forte au Parlement.

    Mais dans ce paysage qui peut sembler idyllique, on voit aussi l'apparition d'une formation nationaliste et anti-migrants : « Reform UK ». Elle n'obtient certes que quelques sièges à la Chambre des communes, mais recueille 14 % des voix. Preuve que la tentation populiste progresse, même dans ce pays qui a été un précurseur de la démocratie parlementaire.

    La France dans une crise de régime ?

    Peut-être que la France n'est pas loin d'une crise de régime. En tout cas, le résultat de ces élections, provoquées par la décision présidentielle de dissolution, laisse apparaître un Parlement éclaté en trois blocs minoritaires qui, pour l'instant, refusent de travailler ensemble pour former une coalition. Ce qui laisse le pays sans possibilité de nouveau Premier ministre, de nouveau gouvernement et d'une majorité à l'Assemblée nationale.

    À la différence du Royaume-Uni, il y a en France le président. Mais il fait partie du problème, puisque c'est lui qui a décidé de dissoudre la précédente Assemblée. C'est donc à ce stade le blocage qui pourrait à terme déboucher sur une crise de régime sans solution rapide.

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    C'est aussi le système de scrutin majoritaire qui est en crise, parce qu'il ne peut fonctionner correctement qu'avec deux grands blocs. Et les ambitions des uns et des autres pour l’élection présidentielle, en principe en 2027.

    Aux États-Unis, Biden interroge

    C’est autour de la figure et des agissements du président des États-Unis que se noue la crise politique. Même si le Congrès joue un rôle très important de contre-pouvoir, Joe Biden reste figure centrale du système politique américain. Entre le comportement d’un Donald Trump, qui a contribué à aggraver la défiance envers le fonctionnement démocratique le 6 janvier 2021 lors de l’assaut du Capitole, et qui pourrait revenir au pouvoir en novembre prochain, et en face un Joe Biden usé, vieilli, fatigué, qui pour l’instant s’accroche à sa candidature, dans un pays plus polarisé que jamais, il y a potentiellement un danger pour la démocratie.

    France, Angleterre, États-Unis, dans ces trois pays, à de divers degrés : le système représentatif connait des difficultés. À la grande joie des régimes autoritaires, la Chine et la Russie en tête. Mais, à regarder l’Histoire, la démocratie, « le pire des systèmes à l’exception de tous les autres », comme disait l'ancien Premier ministre Winston Churchill en a vu d’autres. Il faut imaginer la démocratie victorieuse.

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  • Le 1ᵉʳ juillet, aux États-Unis, la Cour suprême a rendu un arrêt concernant l'immunité du président, suite aux poursuites à l'encontre de l'ancien président Donald Trump. La décision ne concerne pas uniquement le nouveau prétendant à la Maison-Blanche, elle s'appliquera à tous les présidents. Et dans le pays, l'arrêt suscite la controverse.

    Dans son arrêt, la Cour suprême établit un distinguo subtil entre les actes officiels et non officiels du président des États-Unis : « Le président ne jouit d'aucune immunité pour ses actes non officiels », mais : « il a le droit au moins à une présomption d'immunité pour ses actes officiels ». En clair, pour les actes officiels du président, ce dernier a droit non pas à une immunité, mais à une présomption, ce qui renvoie en fait toute décision au niveau des tribunaux de première instance. Cela signifie aussi qu’il s’agira d’une politique du cas par cas.

    Et en l’occurrence, concernant les deux procès prévus pour Donald Trump, le premier sur sa volonté d’inverser le résultat de l’élection présidentielle de 2020, le deuxième sur ses propos sur le 6 janvier 2021, lors de l’assaut du Capitole, il faudra décider s’il s’agit d’actes officiels ou non officiels, ce qui va prendre du temps et retarder donc la date des procès, espèrent ses avocats, après l’élection présidentielle du mois de novembre. Et c’est exactement ce que recherche Trump qui, s’il remportait le scrutin, pourrait, une fois investi en janvier 2025, ordonner l'arrêt des poursuites fédérales à son encontre.

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    Une décision de la Cour suprême qui fait polémique

    La décision de la Cour suprême fait controverse, critiquée par certains, approuvée par d'autres, en fonction de la façon dont on envisage le rôle du président. Ce qui est certain, c'est que l'arrêt peut être qualifié de « mi-chèvre mi-chou ». Donald Trump et ses avocats réclamaient une immunité absolue pour les actes du président quand il est en fonction, ce qu'ils n’ont pas obtenu, mais l’avis rendu par la Cour va tout de même dans le sens de l’ancien président.

    La Cour était profondément divisée : sur les neuf juges en poste, six ont voté pour et trois contre la décision rendue publique. Le débat sur l’indépendance de l’institution risque d'être relancé : ce sont les six juges conservateurs, dont les trois nommés par Donald Trump au cours de son mandat, qui ont voté le texte, alors que les trois juges progressistes s’y sont opposés.

    Les opposants à cette décision dénoncent un texte dangereux, car, pour eux, il renforce une forme d’impunité du président. La critique est celle d’une dérive vers un pouvoir absolu, transformant le locataire de la Maison-Blanche en « roi au-dessus des lois dans chaque usage de son pouvoir officiel », comme l’a écrit la juge Sotomayor, dans son avis de désaccord.

    Et pour de nombreux Américains, leur Constitution a été établie contre la royauté britannique en 1776 pour établir une république rendant justement impossible qu’un seul homme, comme le roi d’Angleterre à l’époque, ait les pleins pouvoirs et une impunité totale. Voilà pourquoi cette décision de la Cour suprême n’a pas fini de faire couler beaucoup d’encre.

  • Cette semaine, la Cour suprême israélienne a ordonné la conscription des étudiants en école talmudique, ceux appelés les « haredim » en hébreu, et qui étaient dispensés de service militaire depuis la création de l’État hébreu en 1948.

    C’est un tabou que la Cour suprême vient de briser en Israël. Elle renvoie le pays à ses ambiguïtés, entre le sionisme laïque et socialiste qui a construit la nation israélienne et le messianisme religieux qui imprègne l’histoire du peuple juif.

    À la création de l’État hébreu, en 1948, c’est David Ben Gourion qui souhaite rassembler en Israël tous les juifs qui le souhaitent, d’où qu’ils viennent et quelles que soient leurs convictions politiques et religieuses. Ce qu’il veut alors, c’est apporter la sécurité à ses contemporains qui viennent de vivre l’épreuve terrible et inhumaine de la Shoah. Et donc, c’est lui qui décide de respecter les demandes du courant ultra-orthodoxe, qui estime que l’étude de la Torah est essentielle et doit être une activité à plein temps. C’est ainsi que les étudiants des écoles talmudiques sont exemptés de service militaire. Il faut dire qu’à l’époque, ils ne sont qu’une centaine.

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    Cette situation perdure de longues années, même si assez vite certains militants laïques ou des responsables militaires trouvent ce régime d’exemption trop discriminatoire. Mais ces « haredim », comme on les appelle en hébreu, revendiquent leur style de vie et leur mission d’étude approfondie de la Torah.

    Mais au fil du temps, les positions des deux camps se durcissent. Depuis 1998, la Cour suprême est régulièrement saisie par des mouvements laïques qui estiment que cette rupture d’égalité face au devoir militaire est tout simplement inacceptable.

    Depuis le 7-Octobre, la remise en cause croissante de l'exemption de service militaire pour les « haredim »

    La décision de la Cour suprême arrive dans un contexte dans lequel se pose le problème des effectifs et surtout des rotations de ces effectifs militaires déployés dans la bande de Gaza et aussi au nord du pays. D’autant plus que les étudiants ultra-orthodoxes ont fait beaucoup d’enfants depuis 1948. Ils représentent aujourd’hui 13% de la population, et sont plus de 160 000 à étudier la Torah.

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    Et c’est donc ce moment, alors que la Knesset, le Parlement israélien, étudie un texte de loi sur la fin de l’exemption, que choisit la Cour suprême pour rendre son avis. Un avis motivé par les circonstances actuelles : « En plein milieu d'une guerre difficile, l'inégalité du fardeau est plus marquée que jamais et requiert la mise en place d'une solution durable ».

    Seulement voilà : l’adoption de ce texte par le Parlement pourrait conduire à de vives tensions au sein de la coalition gouvernementale dirigée par Benyamin Netanyahu, où cohabitent opposants et partisans de cette mesure. À suivre donc. Mais la Cour suprême, elle, a choisi son camp.

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  • Alors que la guerre continue de faire rage à Gaza, une autre bataille se déroule parallèlement le long de la frontière nord d’Israël avec le Liban - un jeu risqué de coup pour coup qui s’est intensifié ces dernières semaines. Sommes-nous vraiment à la veille d’un nouveau conflit ?

    Jamais les deux pays et, par extension, le Moyen-Orient, n’ont été aussi proches d'un conflit depuis le 7 octobre et l’attaque du Hamas sur le sud d’Israël. Les propos de plus en plus belliqueux et les provocations des deux côtés de ces quelques dizaines de kilomètres de frontière, le dangereux « flirt » avec les fameuses lignes rouges dénoncées par bon nombre d’observateurs, le nombre effarant de tués en quelques mois - plus de 500 du côté libanais, une vingtaine côté israélien - font raisonner les sombres tambours de la guerre totale.

    L’émissaire de Washington, Amos Hochstein, l’un des plus proches collaborateurs du président Joe Biden, a lancé un avertissement cette semaine : « La situation est dangereuse » a-t-il déclaré, avant de se lancer dans une visite aux allures de dernière chance.

    Un marqueur important restera sans doute les images saisissantes du drone de reconnaissance, largement diffusées par le Hezbollah, il y a quelques jours, montrant, très clairement, les villages et les kibboutz frontaliers, mais aussi et surtout des cibles potentielles - navires de guerre, réservoirs de pétrole et même l’aéroport de la grande ville d'Haïfa, située à 30 km du Liban.

    Un pied de nez propagandiste des miliciens chiites au gouvernement et à l’État-major israéliens. D’ailleurs, ces derniers ont concomitamment annoncé avoir approuvé des « plans opérationnels en vue d’une offensive ». Cela alors que le chef de la diplomatie israélienne Israël Katz menaçait le Hezbollah de destruction en affirmant « que son pays était très proche du moment de la décision de changer les règles du jeu ».

    Rien de très rassurant en somme, d’autant que le Hezbollah, plus grande milice armée de la planète, n’est pas le Hamas : son arsenal est estimé à un peu moins de 200 000 roquettes et missiles et pourrait, en cas de guerre, saturer le Dôme de fer, le système antimissile israélien. Et, enfin, l’offensive sur le Liban, un autre front donc, ne ferait pas consensus dans un pays qui semble loin d’en avoir fini avec Gaza.

    La pression sur le gouvernement israélien ne faiblit pas

    La pression politique sur le gouvernement israélien ne faiblit pas dans les rues du pays. Parmi les manifestants, qui par centaines de milliers, se retrouvent chaque week-end à Tel-Aviv pour dénoncer la politique du Premier ministre Benyamin Netanyahou et sa stratégie à Gaza, un nombre croissant de résidents de l’extrême nord d'Israël. Ceux-ci sont 140 000 à avoir été évacués de leurs communautés de la frontière libanaise et attendent depuis d’interminables mois de rentrer chez eux, hébergés aux frais du gouvernement, dans des hôtels de Galilée, un peu plus au Sud. L’armée israélienne qui a mobilisé des dizaines de milliers d’hommes sur la frontière, ne peut prendre le risque en l’état d’autoriser le retour de ces déplacés internes.

    Le Premier ministre israélien joue de plus en plus avec le feu pour sa survie politique, est pris en étau entre ses alliés d’extrême droite va-t-en-guerre et une partie grandissante de la société civile. Il leur a promis un retour en septembre prochain, gageant que la diplomatie aura finalement eu raison des tensions ou bien que l’offensive sur le Liban soit terminée.

    Les tensions sont source d'inquiétude à Washington

    C’est dans ce contexte d’extrêmes tensions que l’allié américain perd patience : la perspective d’une offensive israélienne sur le Liban est aussi source d’inquiétude à Washington, fidèle et traditionnel allié d’Israël, mais qui a d’ores et déjà rendu public son véto formel, comme celui sur l’offensive à Rafah, dans le sud de la Bande de Gaza. Et les dernières sorties de Benyamin Netanyahou dans la presse - accusant l’administration américaine de « retenir ses livraisons d’armes, des armes dont Israël a besoin dans la guerre pour son existence » - ont été très fraîchement accueillies dans l’entourage de Joe Biden. Ce dernier supporte de moins en moins la fuite en avant solitaire et incontrôlable du chef du gouvernement israélien. Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale s’est d’ailleurs déclaré « profondément déçu et offensé étant donné l’ampleur du soutien américain à l’État hébreu ».

    Quoi qu’il en soit, Benyamin Netanyahou est attendu à Washington le 24 juillet prochain, en pleine campagne pour les élections présidentielles et législatives, pour prononcer un discours devant le Congrès.

  • Les chefs d’État et de gouvernement des pays membres du groupe des 7 sont actuellement réunis dans la région des Pouilles, au sud de L’Italie. Un sommet lors duquel la Chine devrait dominer les discussions. Mais le G7 est-il encore une organisation pertinente ?

    C’est la question que l’on se pose depuis déjà quelque temps. Lors de la création de cette instance au milieu des années 1970, les sept pays qui la composaient, États-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Japon, et Canada, étaient de très loin les états les plus industrialisés et donc les plus puissants, les plus riches de la planète. Leurs économies combinées représentaient les deux tiers du PIB mondial.

    Une instance créée pour mieux coordonner les politiques macro-économiques de ces États, durement frappées par le choc pétrolier et la fin du système de Bretton Woods. C’était donc une volonté d’échanger directement, de manière informelle, et sans le filtre des conseillers, entre chefs d’État et de gouvernement.

    Cette instance a-t-elle été efficace à l’époque ?

    C’est un système qui a permis une gouvernance plus ou moins efficace de l’économie mondiale pendant une vingtaine d’années. Avec la chute de l’URSS en 1991, la Russie a rejoint le système de l’économie de marché et a été admise au sein du G7 qui est donc devenu le G8 entre 1998 et 2014, date à laquelle, suite à l’annexion de la Crimée, Moscou a été exclue.

    Parallèlement, depuis le début des années 2000, la situation a évolué rapidement avec la montée en puissance de grands pays émergents comme la Chine, le Brésil, l’Inde ou l’Afrique du Sud. Pour sauvegarder le système bancaire international, on a décidé d’intégrer ces nouvelles économies importantes à sein d’une nouvelle organisation, le G20, incluant les sept pays occidentaux et 13 autres États.

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    Fallait-il maintenir le G7 ?

    Pour certains économistes et spécialistes de géopolitique, la pertinence du G7 s’est en tout cas posée. Et ce que l’on voit aujourd’hui, c’est que, depuis l’exclusion de la Russie en 2014, l’organisation est devenue autant une organisation qui parle coordination économique qu’un club des pays occidentaux qui défendent aussi un système de valeurs humanistes, un système politique, la démocratie libérale et l’état de droit. Précisément au moment où ce modèle est de plus en plus contesté par d’autres acteurs sur la scène internationale.

    En ce sens, le G7, pour les pays concernés, reste une organisation pertinente. À condition que les valeurs partagées le soient vraiment, ce qui n’est plus une évidence quand on voit le positionnement de l’Italie sur certaines questions de sociétés comme l’avortement. En ce sens, l’arrivée au pouvoir de dirigeants populistes dans certains pays du G7 pourrait avoir un impact sur la cohésion de ce club vieux de 50 ans.

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  • Les cérémonies qui viennent de marquer le 80e anniversaire du Débarquement allié en Normandie étaient-elles plus politiques que d’habitude ?

    La réponse est oui. Certes, la mémoire des dizaines de milliers de combattants qui ont participé au Débarquement a été largement honorée. La détermination des nations démocratiques, États-Unis et Royaume-Uni en tête, aussi.

    Mais, dans les discours des présidents français et américains, les tensions géopolitiques actuelles étaient bien présentes. C’est Joe Biden qui parle du combat de la liberté contre la tyrannie, de l’invasion de l’Ukraine par un tyran, du rôle prééminent de l’Otan, « plus unie que jamais pour défendre la paix et la liberté dans le monde », Emmanuel Macron qui évoque le combat juste contre les idéologies mortifères.

    Des symboles forts pour marquer la situation géopolitique

    L’un des symboles de cette cérémonie du souvenir rattrapée par les tourments du présent, c’était d’abord l’absence de toute délégation russe, contrairement à ce qu’il s’était passé en 2014, où Vladimir Poutine avait été invité alors même qu’il venait d’annexer la Crimée.

    Et en contrepoint, l’invitation en Normandie du président ukrainien Volodymyr Zelensky, très applaudi. Le rôle de l’Armée Rouge sur le front est pour battre le nazisme en 1944 a néanmoins été évoqué par le chef de l’État français. Comme pour rendre hommage au peuple russe, et non à ses dirigeants, Staline hier, et Poutine aujourd’hui.

    Une réunion du camp occidental ?

    En effet, avec la certitude que la paix et la liberté ne sont jamais acquises, qu’il faut parfois se battre pour les préserver. Joe Biden a été très clair. Montrant les croix blanches du cimetière de Colville, il a lancé : « La paix n’est pas gratuite ». Une façon pour lui de souligner que la mobilisation en faveur de l’Ukraine ne doit pas faiblir. Et Biden a ensuite estimé que « l’isolationnisme n’est pas la solution », façon de critiquer le camp républicain et en particulier son adversaire à l’élection présidentielle Donald Trump.

    Quatre-vingts ans après le Débarquement, l’Europe est de nouveau confrontée à la guerre. Et à un combat qui oppose une nouvelle fois un pays dictatorial à des nations certes imparfaites, mais décidées à défendre leur liberté et leur modèle démocratique. Comme si, malheureusement, les leçons de l’Histoire, peu à peu s’effacent.

  • Le président chinois Xi Jinping et son homologue russe Vladimir Poutine en visite chez son hôte chinois viennent de signer ce jeudi une déclaration scellant l'approfondissement du partenariat stratégique entre leur deux pays. Cette visite de Poutine en Chine est-elle aussi un message aux Occidentaux et à ce qu’on appelle le sud global ?

    Et bien la réponse est oui. Certes l’aspect bilatéral de cette visite est très important. Elle symbolise l’importance de ce lien ancien et parfois complexe entre Pékin et Moscou. Longtemps, c'était la Russie ou plus exactement l’URSS qui tenait le rôle-titre dans cette association duale. La situation s’est inversée.

    Aujourd’hui c’est Pékin qui domine cette relation. Sa puissance économique et diplomatique est sans commune mesure avec celle de la Russie. Mais en même temps, la Chine apprécie d’avoir pour allié un pays qui reste important et surtout qui a adopté un régime politique similaire à celui de l’Empire du milieu - un régime autoritaire, voire dictatorial, qui veut s’ériger en contre-modèle du système des démocraties libérales occidentales.

    Un message à l'Occident

    C’est un message très clair envoyé à l’Occident. Il proclame que, contrairement à ce qui a longtemps été dit, le développement économique ne débouche pas forcément sur une libéralisation politique. Qu’une économie peut prospérer sans pour autant tomber dans les travers des démocraties - selon les dirigeants russes et chinois : changements trop fréquents de gouvernements, individualisme forcené, et abandon des traditions qui selon eux tiennent une société, le respect, l’obéissance et l’observation des bonnes mœurs, loin de ce qui est décrit comme la décadence occidentale.

    Ce qui n’est pas dit bien sûr, c’est que ce discours convient parfaitement à des élites élues dans des conditions plus que douteuses et qui voient dans l’attachement à ce système le moyen de se maintenir le plus longtemps possible au pouvoir.

    S'adresser au Sud global.

    Xi Jinping et Vladimir Poutine veulent montrer à ces pays qu’il existe une autre alliance que celle des États-Unis et de l’Europe. Une alliance qui porte un rejet du modèle occidental, accusé de vouloir dominer le monde et lui imposer ses valeurs plus que discutables selon eux. Ce message est bien reçu dans de nombreux pays du Sud global - notion discutable, mais qui trouve précisément une de ses justifications dans cette rhétorique anti-occidentale.

    Soit qu’il s’agisse de grands pays émergents qui veulent jouer un rôle autonome sur la scène internationale, comme le Brésil, l’Inde ou l’Afrique du Sud. Soit de pays moins importants, mais qui veulent sortir du modèle postcolonial auquel ils estiment être encore trop assujettis. C’est le cas en particulier en Afrique.

    En ce sens, cette visite de Vladimir Poutine en Chine consacre aussi une nouvelle forme de guerre froide avec le monde occidental, mais plus protéiforme et moins binaire que la précédente.

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  • Le « Jour de la victoire » a été célébrée jeudi 9 mai à Moscou. Une cérémonie qui a permis à Vladimir Poutine de réitérer sa vision de l’Histoire. En quoi cette journée de la victoire est-elle un outil de propagande pour Vladimir Poutine ?

    Cette cérémonie est une des occasions qui permettent au président russe de pousser son narratif sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et de réécrire l’Histoire pour ce qui concerne 1945 et aussi le présent. Sur la victoire de la Russie en 1945, Vladimir Poutine est en fait sur la même ligne que son prédécesseur Staline. Ce dernier estimait, à juste titre, que son pays avait payé le tribut le plus lourd à la victoire. Pour rappel, 27 millions de Soviétiques sont morts dans leur lutte contre Hitler. Aucun autre pays n’a connu autant de victimes.

    Mais surtout, et là on peut dire que Vladimir Poutine est le digne héritier de Staline, il affirme que l’Armée rouge a vaincu seule les troupes nazies. Les Russes certes ont été les premiers à atteindre Berlin, mais le rôle joué par les Alliés, en particulier les Américains, a été également déterminant dans la chute du IIIe Reich.

    L’Histoire comme outil de propagande

    Jeudi 9 mai, il a rappelé les efforts et les sacrifices consentis par la population et l’armée russes en 1945. C’est pourquoi il parle de cette cérémonie du 9-Mai comme la fête la plus importante, la plus sacrée. Nos pères et nos grands-pères ont libéré l’Europe, martèle-t-il. Mais, sans qu’on sache vraiment s’il y croit lui-même ou pas, « il y a aujourd’hui une vérité erronée sur la Seconde Guerre mondiale. On veut faire oublier notre rôle ».

    Surtout, il instrumentalise l’Histoire pour expliquer que le combat mené à l’époque par la Russie Soviétique contre le nazisme est toujours d’actualité. Car l’ennemi qualifié de nazi aujourd’hui, et bien c’est le régime ukrainien. Ce qui lui permet de justifier en partie l’intervention militaire contre son voisin, l’autre élément d’explication étant que l’Ukraine est une création artificielle datant de 1991 et qu’il n’y a pas de nation ukrainienne – l’Ukraine est historiquement selon lui une partie de la Russie, qu’il s’agit donc légitimement de récupérer. Là encore, une réécriture de l’Histoire.

    Des avancées indéniables de l’armée russe en Ukraine ces dernières semaines

    En ce 9 mai 2024, la Russie est en meilleure posture en Ukraine et Vladimir Poutine reste menaçant. Pour preuve, l’offensive terrestre lancée, vendredi, par la Russie, dans la région de Kharkiv, dans le nord-est de l’Ukraine. Une attaque que l’Ukraine redoutait depuis des semaines car en fait, les choses sont fragiles. Certes, à la différence de l’an dernier, où la Russie était sur la défensive en Ukraine, les choses se présentent mieux cette année. C’est l’armée russe qui est à la manœuvre face à une armée ukrainienne qui, faute d’armements suffisants, se retrouve en position délicate. Pas de grande percée mais des avancées indéniables russes ces dernières semaines.

    Pourtant, le président russe, qui vient de rempiler jusqu’en 2030, ne paraît pas serein. Il s’en prend à ces « élites occidentales revanchardes qui créent des clivages ». Et il prévient : personne ne nous menacera. Renversement là encore d’une situation où c’est la Russie qui menace et annonce des essais nucléaires tactiques. Poutine promet la victoire à son peuple sur un mode agressif. Preuve, en creux, que rien n’est gagné.

  • En Géorgie, des milliers de personnes manifestent depuis presque trois semaines pour empêcher l’adoption d’une loi sur le financement des organisations non gouvernementales et des médias. Pourquoi cette loi provoque-t-elle une aussi grande opposition ?

    Pour les dizaines de milliers de personnes qui manifestent chaque jour devant le Parlement, cette « loi sur l'influence étrangère » est en fait un moyen déguisé utilisé par le parti au pouvoir, Rêve géorgien, pour brider la liberté d'expression, les ONG et les partis d'opposition dans le pays, à quelques mois d'élections législatives qui s'annoncent périlleuses pour l'actuelle majorité. Plus grave, cette loi est vue comme un moyen de replacer la Géorgie dans l'orbite russe. Elle est en tous points semblable à une loi adoptée en Russie en 2012 et qui a permis de faire taire peu à peu les opposants à Vladimir Poutine.

    Ce projet de loi stipule que les ONG et les médias bénéficiant de plus de 20% de financements étrangers doivent s'enregistrer comme des « organisations agissant pour le compte d'une puissance étrangère ». Ce qui ensuite, dans un climat de manipulation nationaliste, peut conduire une justice pas vraiment indépendante à les interdire et donc à les réduire au silence. C'est exactement ce qui s'est passé en Russie. La menace est réelle pour l'État de droit et les libertés démocratiques, notamment la liberté d'expression et d'association.

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    Bras de fer sur l'avenir de la Géorgie

    On assiste donc, avec cette loi, à un véritable bras de fer sur l'avenir de la Géorgie. Au-delà de la loi elle-même, il s'agit en effet de décider si ce petit pays du Caucase, longtemps une république de l'URSS, qui a donc connu la férule soviétique, et qui a été envahi en 2007-2008 par les troupes de Moscou stationnant toujours dans deux provinces du pays passées sous contrôle russe, à savoir l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.

    Le pays doit-il retourner dans la sphère d'influence russe, ou au contraire continuer à s'intégrer dans le modèle occidental et plus précisément dans l'Union européenne ? C'est le souhait d'une très grande majorité de la population, notamment chez les jeunes. Et c’est donc le cœur du problème. D’autant que la Géorgie a obtenu le statut de candidat officiel à l’adhésion à l’Union européenne, en précisant que des réformes étaient nécessaires avant de lancer toute négociation. Mais cette initiative a fortement déplu au camp pro-russe et à Moscou.

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    Des soupçons d'ingérence russe, mais pas de preuve

    Peut-on pour autant parler d'une ingérence directe de Moscou ? Pour l’instant, il n'y a aucune preuve avérée de cela. Mais on sait que le parti au pouvoir, et surtout son président d'honneur Bidzina Ivanichvili, un milliardaire, véritable homme fort du pays, sont proches de Moscou. Surtout, les moyens employés, avec cette loi, ressemblent trop à ceux de la Russie poutinienne.

    Bref, le soupçon est là. La loi a été validée en deuxième lecture au Parlement, elle doit encore faire l’objet d’une troisième lecture dans les quinze jours. D’ici là, tout peut arriver : un retrait de la loi, ou au contraire l’adoption définitive du texte et un vrai risque d’embrasement interne – et peut-être, alors, une implication de Moscou. Plus que jamais, la Géorgie reste sur le fil du rasoir.

  • Retour sur le discours prononcé cette semaine par le président Macron à l’université de la Sorbonne à Paris, consacré à l’avenir de l’Union européenne, sept ans après un premier discours sur le même thème et dans le même lieu. Avec ce discours de la Sorbonne, acte II, Emmanuel Macron fait-il avancer la cause de l'Union européenne ?

    La réponse est affirmative, à condition que les paroles du président Français convainquent l'ensemble des 27 États membres de l'Union – ce qui est tout sauf évident – et ensuite que ces paroles se traduisent en actes. En tout cas, le chef de l'État a voulu frapper les esprits avec sa formule : « Notre Europe est mortelle ». Un cri d'alarme pour souligner que l'Union européenne est menacée par différents périls qu'il faut affronter dès maintenant si on ne veut pas en payer le prix fort, l'éclatement de l'UE.

    Il est temps de faire des choix, de tracer un chemin pour les cinq à dix ans qui viennent. Il est temps de réarmer l'Europe, sur les plans politiques, diplomatiques, économiques et écologiques. Voilà la conviction du dirigeant français.

    L'objectif d'une « Europe puissance »

    L'objectif est clair : en 2017, Emmanuel Macron appelait à une Europe souveraine. Dans ce domaine, l'Europe a progressé, sans doute plus sous l'effet de crises extérieures, le Covid, la guerre en Ukraine, la flambée des prix de l'énergie, que d'impulsions volontaristes des dirigeants européens. Bref, l'Europe a réagi, s'est adaptée, pas trop mal finalement.

    Mais il faut aujourd'hui aller plus loin et bâtir, selon les termes du président, une « Europe puissance ». Non seulement autonome, mais capable par elle-même de tracer les objectifs qui servent ses intérêts. Europe puissance pour mieux affronter les autres puissances, américaine, chinoise, russe et autres, afin de se faire respecter – et de se protéger.

    Cela passe, selon le président, par la fin d'une forme de naïveté dans nos politiques commerciales avec les blocs qui nous concurrencent. Américains et chinois ne respectent plus vraiment les règles de l'OMC, notamment en subventionnant massivement leurs entreprises, y compris à l'exportation ? Bien, faisons pareil en exigeant plus de clauses de réciprocité.

    Cela passe aussi, selon Emmanuel Macron, par un doublement des investissements en Europe – autour de 1 000 milliards par an. Avec quel argent ? C'est une autre question.

    L'objectif en tout cas est de rattraper notre retard dans le numérique, l'intelligence artificielle et dans la réindustrialisation. Tout en développant un modèle décarboné, où le renouvelable, mais aussi le nucléaire, sont clairement assumés.

    Frontières et défense européenne

    Un autre objectif d'Emmanuel Macron : affirmer clairement nos frontières pour absorber la crise migratoire et résister à des tentations d'agression militaire. Il faut pour cela renforcer la défense européenne. Un vieux mantra du président français, qui a progressé avec la guerre en Ukraine, mais qui reste insuffisant. Problème : beaucoup de pays européens se satisfont de l'Otan, dominé par Washington. Mais pour Emmanuel Macron, il faut poursuivre ce but. Procéder déjà à des achats militaires auprès des européens, et bâtir un bouclier antimissile – concession faite à l'Allemagne réticente sur ce dossier de la défense.

    Belles perspectives pour les dix ans à venir, si Paris est entendu et suivi par le reste de l'Europe. Cela dépendra en partie du résultat des élections européennes en juin – or pour l’instant, il ne s’annonce pas brillant pour la majorité présidentielle.

  • Le Parlement Européen a adopté le pacte migratoire, aboutissement de longs mois de négociations entre les différents groupes représentés à Bruxelles. Cette adoption marque-t-elle une avancée historique pour l’Union européenne ?

    La réponse est oui, car jamais auparavant l'Union européenne n'avait réussi à adopter un ensemble de textes aussi complet sur la difficile question des migrations. Oui, mais à condition que le texte soit d'abord validé par chacun des États membres de l'Union européenne, et ensuite qu'il soit réellement appliqué, dans la vraie vie en quelque sorte, normalement à partir de 2026.

    Jusqu'au dernier moment, l'incertitude a régné dans les couloirs du Parlement pour savoir si le pacte serait adopté. Il l'a donc été ce mercredi 10 avril, grâce aux voix des trois grandes formations qui dominent le Parlement aujourd'hui, à savoir Parti populaire européen (PPE), de centre-droit, Renew, la formation libérale, et Socialistes et démocrates, le parti de centre-gauche. Mais même au sein de ces organisations favorables au projet européen, les divisions ont été fortes.

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    Certains trouvaient que le contrôle des flux migratoires à l'entrée du territoire européen était trop peu respectueux de la dignité humaine. D'autres que les contraintes en termes de solidarité entre États membres étaient trop fortes. Quant aux formations plus à droite ou à gauche, elles ont critiqué certaines des mesures du pacte, pour des raisons diamétralement opposées parfois.

    Des critiques à gauche, mais aussi à droite

    Les formations de gauche dénoncent une politique trop dure vis-à-vis des demandeurs d'asile. Dans le futur pacte, en effet, on décidera à l'arrivée des migrants ceux qui ont une chance ensuite de bénéficier du droit d'asile. Ceux dont les chances n'excéderont pas 20% seront reconduits hors d'Europe. À condition, bien sûr, que les pays d'origine de ces migrants acceptent leur retour, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. Autre critique formulée à gauche : les accords qui seront passés avec des « pays tiers sûrs » pour qu'ils prennent en charge la migration chez eux – une façon, pour les opposants à cette mesure, de sous-traiter le problème de manière indigne.

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    Plus à droite, on met en cause le laxisme du pacte et les contraintes imposées à tout le continent. Les formations de droite et d'extrême droite estiment que ce pacte est insuffisant. Ces partis dénoncent aussi les mesures prévues en situation de crise, comme lors de la vague migratoire de 2015. Pour soulager les pays d'entrée – Grèce, Espagne et surtout Italie, il est en effet prévu que chacun des 27 membres de l'UE leur viendra en aide, en proportion de sa richesse et de sa population. Il y a aura des installations de migrants dans toute l'Union, des relocalisations ou une aide financière conséquente aux pays d'entrée.

    Ce mécanisme de solidarité forcée est contesté par ces formations, qui y voient une attaque à la souveraineté des États. En dépit de toutes ces critiques, le pacte a quand même été adopté. C'est un succès. Reste maintenant à transformer l'essai pour doter véritablement l'Europe d'une politique migratoire digne de ce nom, entre fermeté et humanisme. Ce sera de toutes façons compliqué.

  • Retour sur la situation plus que préoccupante en Haïti. Le pays peut-il espérer retrouver un peu de stabilité ?

    La réponse est plutôt non, malheureusement. Du moins, pas à court terme. Haïti est gangréné depuis des années par la corruption, la délinquance extrême de gangs violents, l’instabilité politique, la pauvreté et les catastrophes naturelles. Une situation qui n’a cessé d’empirer ces derniers mois, avec un phénomène marquant : la montée en puissance, qui semble irrépressible, de gangs de plus en plus armés et qui ont accru leur domination territoriale. Accru et même transformé en une domination sociale, économique et même policière ou militaire.

    Ce phénomène n’est pas nouveau, mais désormais, il est omniprésent, interdisant l’essentiel des quartiers de Port-au-Prince, la capitale, aux forces de l’ordre. Depuis l'époque des Duvalier père et fils, la classe politique et les milieux d'affaires ont utilisé, instrumentalisé ces groupes délinquants pour asseoir leurs intérêts politiques et économiques.

    Pendant des années, la relation, perverse et cynique, était donc relativement claire. Une relation en quelque sorte employeur-employé. Mais le ver était dans le fruit, et peu à peu, la relation s'est inversée, pour en arriver à la situation ubuesque que nous observons aujourd'hui.

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    Des gangs professionnalisés et qui visent la conquête du pouvoir

    Ces gangs haïtiens se sont professionnalisés, d'un point de vue logistique, organisationnel et opérationnel. Et désormais, ils ont un objectif clairement politique. Après la démission contrainte du Premier Ministre Ariel Henry il y a trois semaines, ils veulent non seulement imposer leur agenda politique, mais même participer concrètement au pouvoir politique, voire à l'exercer tout simplement.

    C'est notamment l'ambition du groupe « Viv Ansanm » (« Vivre ensemble », en créole haïtien), qui a fédéré plusieurs gangs puissants et dont le leader, Jimmy Chérizier, surnommé Barbecue, explique sans rire que ce sont eux qui pourront rétablir la sécurité et la prospérité des Haïtiens.

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    Forts de ces atouts, ces gangs ont désormais un objectif qui va au-delà de la défense de leurs intérêts ; la conquête du pouvoir politique, ni plus ni moins. Et pour l’instant, les admonestations de la communauté internationale, notamment les États-Unis et la France, n’y changent rien. Ni non plus les sanctions adoptées il y a plus d’un an par l’ONU contre les leaders de ces groupes, ou en tentant d’imposer un embargo sur les ventes d’armes en Haïti.

    Le pays, dont les institutions sont à terre, risque de passer en coupe réglée sous la férule impitoyable des gangs.